Chapitre 100 - Peuple Nimiane
LYKOS
Assis au bord de notre embarcation frêle, je scrutais l'horizon trouble, le cœur alourdi par le silence de Léandre à mes côtés. Son état s'aggravait à vue d'œil, ses blessures ne cicatrisant pas aussi rapidement qu'elles le devraient, trahissant la présence d'un poison sur la flèche qui l'avait atteint. La gravité de la situation se faisait de plus en plus oppressante à chaque respiration haletante de Léandre, qui, plongé dans l'inconscience, ne répondait plus à mes appels.
Nous étions perdus en pleine mer, le chemin de Valthura, cette île mystérieuse qui ne se révélait qu'aux élus, et dont le chemin changeait constamment, restait désespérément caché à nos yeux. Bien que j'en fusse l'un des rares à pouvoir le percevoir, la voie restait voilée, comme si le temps pour nous d'y accoster n'était pas encore venu. Chaque vague qui caressait la coque de notre bateau semblait murmurer qu'il fallait attendre, patienter pour un signe, un présage quelconque qui ne venait pas. J'ordonnai alors de changer de cape et de nous diriger vers une île qu'avait accueilli autrefois, espérant y retrouver la même aide.
La brise marine fouettait mes pensées, emportant avec elle des prières muettes pour que la mer nous soit clémente et que le destin de Léandre ne soit pas scellé par cette tragique maladresse. Il aurait pu facilement éviter cette flèche de gardes novices. Je me sentais déchiré entre l'espoir d'un miracle et la réalité crue de notre solitude au milieu de l'immensité aqueuse.
Dans ce monde où la magie et les mystères abondaient, la possibilité d'une guérison semblait encore tangible, mais chaque heure qui passait sans que Léandre ne montre signe de réveil rendait mon espoir plus fragile. À mesure que les étoiles commençaient à peindre le ciel de leur éclat nocturne, je savais que notre temps diminuait, tout comme les chances de trouver Valthura avant que le poison n'achève son œuvre funeste.
Et dans cette attente anxieuse, je restais là, veillant sur le souffle de celui qui avait été plus qu'un roi pour moi, espérant contre tout espoir que les vents nous soient favorables et que le chemin se révèle enfin, nous guidant vers un salut incertain.
***
La nuit était tombée avec une soudaineté alarmante, et avec elle, une tempête furieuse se leva. Les éclairs zébraient le ciel d'un bout à l'autre, illuminant la mer déchaînée en flashs terrifiants. À bord de notre fragile embarcation, nous étions à la merci des monstrueuses vagues qui s'abattaient sur nous. Le bois de la barque craquait sous la pression des vagues, chaque assaut de l'océan nous faisant craindre le pire. Soudain, un éclair particulièrement proche frappa l'eau juste à côté de notre embarcation, la chaleur et la force de l'impact faisant éclater le bois comme si une main invisible avait décidé de mettre fin à notre voyage de la manière la plus brutale. L'eau envahit immédiatement notre espace, submergeant tout en quelques secondes, et dans un fracas de bois brisé, notre barque se désintégra, nous éjectant dans les eaux froides.
Tout autour de moi, mes compagnons luttaient pour rester à la surface, mais la mer ne faisait preuve d'aucune clémence. Léandre quant à lui, avait disparu...
À chaque fois que je parvenais à reprendre mon souffle, une nouvelle vague me submergeait, menaçant de m'entraîner dans les profondeurs. Dans un éclair de lucidité, entre deux vagues, j'aperçus une terre au loin, espérant que ce soit celle de mon amie. Une silhouette obscure se dessinait, un espoir peut-être, mais il paraissait si lointain.
La mer rugissait comme un monstre en pleine furie, et chaque seconde devenait un combat désespéré pour la survie. Nos cris se perdaient dans le vacarme des éléments déchaînés, et je savais que si nous ne trouvions pas rapidement un moyen de nous échapper de cet enfer liquide, la mer serait notre tombe glacée.
Les éclairs continuaient de fendre le ciel, offrant par leur lumière cruelle des visions fragmentées de désespoir et de destruction. C'était une bataille contre la nature elle-même, et malgré notre détermination, je sentais que nous étions terriblement désavantagés.
**********
Aleris (Nimiane)
Perchée au sommet d'un arbre centenaire, je sculptais méticuleusement une flèche pour mon arc, tout en scrutant l'horizon étincelant de la mer. Le chant des vagues se mêlait au cri lointain des mouettes. Soudain, un éclat inhabituel attira mon regard : un corps flottait, balloté par les vagues à la lisière de la plage. Sans hésiter, je descendis de mon perchoir agilement, mes pieds à peine effleurant les branches. En quelques enjambées rapides, je me retrouvai sur la plage, les pieds dans l'eau froide, et tirai le corps hors des flots. L'homme était inconscient, son visage pâle comme la lune.
Rapidement, je basculai son corps sur le côté, pressant fermement ses côtes pour chasser l'eau de ses poumons. Avec un gargouillement, il cracha l'eau accumulée et respira avec peine, ses poumons haletant à la recherche d'air frais. Alors que je déchirais sa chemise pour mieux évaluer son état, je découvris une plaie suintante à l'épaule, dont les contours suggéraient l'œuvre d'une flèche empoisonnée. Mes doigts effleurèrent la blessure avec prudence, le sel marin mêlé à son sang. Il fallait agir vite, car le poison ne tarderait pas à se répandre dans son corps. Avec urgence, je préparai une mixture de plantes médicinales, m'efforçant de neutraliser le poison avant qu'il ne puisse causer plus de dégâts. Chaque seconde était précieuse, chaque geste comptait dans la lutte contre ce mal qui menaçait de lui voler la vie.
Une fois qu'il eut repris son souffle, je décidai de chercher de l'aide. Sans hésiter, je me rendis auprès de Mère Arwyna, la cheffe Nimiane, notre peuple, le peuple qui m'avait recueilli après m'avoir trouvé dans la forêt. C'était un peuple singulier dont les membres étaient exclusivement des femmes. Ce choix de vie n'était pas le leur à l'origine, craignant leur force et leur potentiel, les Drevaniens, dans un acte de peur masqué en domination, avaient exterminé ou castré tous les hommes de la tribu, laissant les Nimianes sans autre choix que de perpétuer leur lignée avec des voyageurs de passages. Isolées mais résilientes, les Nimianes avaient appris à accepter leur sort tragique tout en nourrissant un profond ressentiment envers les Drevaniens. Elles n'étaient pas suffisamment nombreuses ou armées pour envisager une rébellion ouverte, mais leur haine envers leurs oppresseurs était palpable et profonde. Mon cœur battait à l'unisson avec le leur car elles m'avaient recueilli, soigné et élevé. Je pressai donc le pas, portée par l'espoir qu'elles accepteraient d'aider cet étranger, comme elle l'avait fait avec moi.
Arrivée au village des Nimianes, je me dirigeai sans hésiter vers la demeure de Mère Arwyna. Elle était absorbée par l'art de la sculpture sur pierre luminescente, une pratique rare et respectée au sein de notre communauté. Sa silhouette se détachait dans la douce lueur émanant des pierres, soulignant sa peau d'une éclatante pâleur presque irréelle, marquée par des veines d'écorce d'arbre qui couraient le long de ses bras et de son cou visibles. Ses longs cheveux verts éclatants, entrelacés de fines branches et de fragments d'écorce, encadraient un visage aux traits fins. Ses yeux vairons, l'un bleu profond et l'autre vert, scintillaient d'une sagesse ancestrale, tandis que quelques ornements de bois poli et de pierres précieuses ornaient son cou et ses oreilles. Rapidement, je lui exposai la situation du naufragé. Sans perdre un instant, elle convoqua trois soigneuses Nimianes et nous nous précipitâmes vers lui.
— Allez chercher de l'eau fraîche et des langes, ordonna-t-elle.
M'approchant du blessé, je tentai de le humer afin de discerner la nature du poison qui le rongeait.
— Attention, il est grièvement blessé, me prévint Mère.
— Il n'est pas juste blessé, Mère Arwyna, il est mourant. Savez-vous qui c'est ? questionnai-je, espérant qu'elle reconnaîtrait le naufragé.
— Un Valérien, du peuple d'un vieil ami. Nous devons l'aider, affirma-t-elle sans hésiter.
L'homme, luttant pour chaque souffle, parvint à articuler quelques mots :
— Ne... perdez... pas votre temps avec moi...
— Ce n'est pas une perte de temps jeune Elfe, autrefois un jeune Valérien a aussi été notre invité. Il s'appelle Lykos, il a laissé cette broche que je garde constamment avec moi, le connais-tu ? interrogea Mère Arwyna avec douceur.
— O... Oui... Nous étions ensemble, mais... je... l'ai perdu, parvint-il à dire avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience.
Mère Arwyna nous donna alors l'ordre de le transporter avec précaution vers la maison de soin et demanda aux guérisseuses de prendre le relais.
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