Prologue. Partie 2
Sept ans plus tard.
Eythan
« Bonjour. Je me nomme Ethan, Ethan avec un Y. Eythan exactement. Selon mon père, cette lettre a une grande symbolique. Je doute qu'elle soit due au hasard mais je privilégie l'hypothèse selon laquelle mes parents voulaient se démarquer de la masse.
Les consignes de cette rédaction exigent que je me présente, physiquement et mentalement. Ma nouvelle professeure de français – autrement dit, vous – remplace le deuxième meilleur éducateur que j'ai rencontré et commence par nous coller un devoir. Absolument rien ne me donne envie de me dévoiler. Une description complète de ma psychologie, c'est retranscrire mon intimité à une adulte qui ne m'est connue que depuis un petit mois.
J'étudie dans ce collège depuis bientôt quatre ans et vous n'enseignez ici que depuis la rentrée. Pourtant vous êtes censée m'apporter des connaissances et non pas l'inverse. Quelle étrange décision.
Confier mes pires secrets à quelqu'un se disant ouvertement supérieure à moi n'est pas le seul problème. Se décrire signifie vanter ses qualités mais surtout ses défauts. Ce n'est pas la meilleure des options que de se rendre vulnérable. La bonne note promise ne me tente pas assez pour que je l'envisage. Pour éviter de récolter un zéro, ce qui ne poserait un problème qu'à vous, j'imagine que je peux au moins décrire mon corps.
Il paraît que je suis mince. À l'avis général en vérité. Tout ce que je sais c'est que je suis loin d'être obèse et loin d'être anorexique. Donc je n'ai pas de raison de me plaindre. Mon corps est fonctionnel. Il n'est pas musclé. Mes abdominaux sont aussi peu développés que ma vie sexuelle. Dans un même temps, je ne consomme que ce qui me fait envie. Alors il est logique que je sois vierge et aie un ventre plus doux qu'un doudou.
À la réflexion, me mettre en danger me sortira peut-être enfin de cet ennui mortel. Si seulement vous représentiez un danger. Je ne m'intéresse pas à ma réputation. Du moins, pas à l'échelle du collège Voltaire. Ma vie scolaire paraît bien fade en comparaison du reste.
Quoique ferait un autre à ma place, je continue de respecter le couvre-feu, d'apprendre les savoirs inutiles s'accumulant dans mes cahiers et de m'ennuyer en cours, comme mes habitudes me le dictent.
Aucune punition ne m'attend si je choisis de résumer mon alimentation à des barres chocolatées accompagnées de boissons aussi gazeuses que sucrées. Aucune punition ne m'attend si je choisis de dépenser tout mon temps libre à appeler les pompiers avec le téléphone de mes voisins. Aucune punition ne m'attend si je choisis de ne plus pointer mon nez en classe jusqu'à l'âge légal pour abandonner les cours.
Avec une mère absente et un père déséquilibré depuis la mort de cette dernière, aucune figure d'autorité ne peut peser sur moi. Pour mon plus grand contentement. À priori, quelques professeurs bien intentionnés pourraient sévir si je laissais tomber ma scolarité. Seulement, dans les faits, ceux-là sont condamnés à ne plus fréquenter Voltaire pour quelques mois, le temps que le climat se réchauffe. Même si j'imitais la lâcheté de ces adultes, quel intérêt à demeurer chez moi ? Rien ne m'intéresse nulle part.
Post scriptum : je profite de ce devoir pour vous faire passer un message. Ne croyez pas que, parce que je ne vous cause pas de problèmes, je suis votre allié. Vous n'êtes et ne serez jamais supérieur à moi, bien au contraire. De plus les cours de Guido, votre prédécesseur, étaient bien plus divertissants. »
Hier après-midi, la professeure a dit qu'on pouvait réfléchir au sujet de rédaction d'aujourd'hui. Le message sous-entendu chuchote que, si on le souhaite, on peut tout écrire chez nous et simplement recopier notre travail le lendemain, à condition d'user de discrétion. L'explosion d'une bombe d'adrénaline m'a réveillé très tôt ce matin. Je me sais incapable de me rendormir, alors j'en profite.
La sincérité placée dans mon brouillon risque de m'attirer des ennuis si je ne le modifie pas. Mais ce n'est pas ce qui m'inquiète. Je me lève déjà tous les jours avec une boule gênante dans l'abdomen. En avoir une deuxième ne me dérange pas. Pas assez pour que je passe la journée chez moi.
J'ai saisi que cette tension intense n'est pas apparue par hasard. Mon subconscient visionnaire me l'a envoyé pour m'avertir d'un danger. Seulement, s'il était un peu plus clair, je tendrais peut-être l'oreille.
Peut-être.
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