Chapitre Bonus : Vaincre sa peur

Eythan

7 années plus tôt

« Le seul moyen de vaincre sa peur, c'est de l'affronter. »

Je me retourne. Maxime avance dans mon dos. Nos parents sont en pleine réunion avec leur patron, alors on nous a envoyé sur le toit de son immeuble pour qu'on s'amuse sans les gêner. J'ai sommeil, mais je dois tenir bon. Le silence du ciel noir au-dessus de ma tête m'apaise.

Je réprime un baillement. Ma mère punira mon frère si je m'endors. Ce n'est pas juste, alors je dois lutter. Mes parents m'ont emmené dans cette grande tour pour que je joue avec le fils de leur employeur. Mais il est paralysé par sa peur. Les papillons sur l'écran plat l'ont terrifié. Il n'a aucune envie de jouer dans cet état.

Les peurs sont étranges. Leur caractère irrationnel et irrépressible me laissent penser qu'elles sont inutiles. Voire nuisibles, à voir cet enfant paniquer pour des animaux inoffensifs et virtuels.

« Essaie de les regarder. Ils n'existent que dans la télévision, tu n'as rien à craindre. »

Je me tourne face à eux. Axel est complètement renfermé sur lui-même. Toute l'attention de mon frère se porte sur ce lâche. Puisque nous avons le même âge, maman m'avait demandé de jouer avec lui. Mais sa terreur l'empêche de s'amuser. Maxime, qui a une profonde empathie pour les enfants, essaie du mieux qu'il peut de l'aider. Il paraît qu'il l'a hérité de papa. Je me demande si cette sympathie irrationnelle me contaminera aussi.

Je détourne mon regard de cet incapable pour aller m'accouder sur la barrière. Le ciel est toujours autant gavé d'étoiles. Ça me déçoit. La lune est pleine ce soir. Maxime m'a raconté que, quand c'est comme ça, des loups-garous se promènent à la recherche d'enfants à dévorer. Qu'ils viennent me trouver. Je ne suis pas le plus fort ni le mieux armé, mais je saurais mater ces toutous.

Si l'homme est bien au sommet de la chaîne alimentaire comme on m'a dit, il doit y avoir une raison. Désintéressé de la lune et des étoiles, je baisse mon regard. Mon cœur s'arrête. Une sorte de processus d'urgence m'oblige à tourner ma tête. Sans que je ne le demande, je me mets à courir vers le milieu du toit.

J'ai... Peur. Peur de tomber dans le vide. Alors ça que ressent l'autre imbécile ? La mort, les monstres, la solitude, les vampires, la haine, les sorcières, ne me font rien ressentir. Et je devrais me soumettre face à l'absence de choses ? Certes le danger est plus réel que les papillons que craint ce stupide Axel.

« Tout être humain connaît la peur, et c'est ce qui le rend si humain » m'a dit un jour mon professeur particulier. Voici ma première rencontre avec elle. Et j'ai cédé. Une bataille de perdue pour moi. Un sourire vient prendre possession de mon visage. Je ne crois pas qu'elle comprenne qui je suis.

Je bascule une jambe par-delà la barrière. Puis la deuxième. Le sixième sens de mon frère se réveille. Il se tourne vers moi. Il n'y a plus que mes mains pour me retenir désormais.

« Le seul moyen de vaincre sa peur, c'est de l'affronter. » a dit mon frère. C'est ce que je vais faire. Il accourt dans ma direction en criant mon prénom. Je me tourne vers lui, le visage neutre. Même si, au plus profond de moi, je suis radieux. Mes pieds basculent vers l'arrière, suivi de tout mon corps.

Allongé sur le dos dans le vide, je contemple les étoiles.

Si je perds une bataille, j'irai gagner la guerre, traumatiser mon ennemi vaincu et faire de lui mon esclave.