Eythan

« C'était qui ?

– Le secrétaire du président, ou quelque chose comme ça. Le gouvernement va très bientôt faire une déclaration pour dire que même si on aurait dû attendre qu'il vienne prendre la situation en main, Hélène et moi avons bien fait de sauver nos camarades. Ils laissent le corps médical de choisir la date du retour en classe des ex-otages. Et ils veulent nous inviter à l'Élysée pour nous décorer de la légion d'honneur.

Ces adultes sont vraiment tous les mêmes. Joue à leur propre jeu sans eux et ils trouveront un moyen de t'engueuler. Je pisse allègrement sur les risques que j'ai pris. Presque autant que sur eux.

– Et alors ? Tu vas y aller ?

– Je leur ai dit que pour l'instant j'étais trop occupé avec ma propre adoption pour m'intéresser à autre chose. Corrompus comme ils sont, ils pourraient faire plier cette affaire en deux jours. Il suffit qu'ils mettent en charge des gens trop cupides pour voir que mon frère n'est pas du tout en état de me surveiller. Si je vais me ramener à l'Élysée quand ce sera bouclé ? Ça pourrait être drôle. Je sais pas. Il faut que j'en discute avec Hélène. Bref, on n'est pas là pour ça. T'as ce que je t'ai demandé ?

Il me tend un sac à dos. Je le glisse sur mon dos sans y jeter un œil. Il affiche une moue déçue sous sa cagoule. Heureusement que ce quartier est désert comme l'espace.

– Glock 17C, presque le même qu'utilisent les membres du GIGN. On t'a choisi une version avec le moins de recul possible. Ultra léger et compact, c'est un des meilleurs modèles au monde. Tu peux mettre une munition dans le canon et 17 autres dans un seul chargeur. Et on t'a mis six chargeurs, au cas où... Tu aurais de l'inspiration.

Ça va me changer de mon tas de boue. L4cky a fait de mon téléphone sa chose et ce type s'est incrusté chez moi comme si c'était ses chiottes. Je devrais être en colère. Je me sens étrangement détendu. Avec Châtiment dans ma poche, Excalibur au-dessus de mon cœur et un pistolet efficace pour couvrir mes arrières, je me sens inarrêtable.

– Merci, je suis sûr que ça me servira. Vous faites de sacrés alliés, L4cky et toi.

– On m'appelle Bête Noire.

Mais. Mais je m'en fous ! Quoi, connaître son pseudo est obligatoire pour qu'il m'aide, comme une sorte de mot de passe ? On est où là, aux alcooliques anonymes ? À une soirée libertine ?

– Si ça t'amuse. Tu sais pourquoi t'es là ?

– Pas vraiment. L4cky m'a juste ordonné d'être ici à 15 heures, avec deux armes, deux sacs remplis de munitions et de t'aider à « régler ton problème ».

– À cette heure-ci, Hélène doit être en train de consoler Flora à l'hôpital. Vu que son visage a fuité, elle va vite se retrouver envahie de parasites en tout genre. Bordel, quel merdier.

– Tu veux qu'on envoie quelqu'un la surveiller et faire diversion pour qu'elle puisse respirer ? Un coup de fil et en deux minutes c'est réglé.

– Non. Je ne sais pas si faire diversion signifie brûler un hôtel, mais c'est même pas ça la question. Hélène... J'tiens à elle, tu vois ? Si on est là, c'est parce qu'une prof s'est permis de mal lui parler pour aucune raison. Elle est tellement douce que je veux même pas ôter la vie de cette prof ou faire du mal à ses proches. Elle ne me le pardonnerait pas, et au fond, elle aurait sûrement raison. J'me suis pris la tête pour trouver une punition plus équilibrée. Enfin, je t'en parlerai en détail tout à l'heure, c'est pas le sujet. Juste... C'est mon humaine préférée. Et comme tout le monde, j'aimerais qu'elle soit la plus heureuse possible, qu'elle n'ait jamais à souffrir. Sauf que le monde ne tourne pas comme ça. Je n'enverrai personne la protéger, je ne ferai rien pour contrôler sa vie, je ne l'enfermerai pas dans une cage dorée. Elle a des personnes à rencontrer, des choix à faire, des montagnes à escalader. Peu importe si elle souffre, tant qu'elle vit sa propre vie.

– Eh ben, sacré discours.

Il faut croire que j'avais des choses à dire. Bête Noire saisit sa cagoule et commence à la retirer. Je détourne immédiatement le regard. Mais c'est quoi encore cette histoire ? Il va finir par demander ma main ou quoi ? Son visage m'intéresse autant que son nom. Pourquoi force-t-il ainsi ?

– J'ai une question. Jusqu'à où s'étend le réseau de L4cky ? Régional, national, mondial ?

– Européen, pourquoi ?

– Je vais en avoir besoin pour montrer à cette vieille vache qui il ne faut pas emmerder.

– Dis m'en plus.

Je plonge ma tête dans mon téléphone, l'ignorant royalement. Un message envoyé plus tard, un sourire cruel prend le contrôle de mon visage.

– Avant ça, j'ai un autre service à vous demander. Il y a un mec qui a cru bon d'exploiter mon frère. J'ai récupéré quelques infos sur lui pendant une vente, L4cky a dû les recevoir maintenant. Dans un mois pile, retrouvez-le et vendez-le au moins offrant sur le marché noir. »