J'abandonne un instant mon tableau. Ne t'inquiète pas, j'y reviendrai très bientôt. Je tourne en rond dans cette pièce aussi étroite que mon coeur. 

Le mistral crépusculaire vient chatouiller mon corps, seule bouée qui me montre les étincelles de vie qui m'animent, qui me sortent de cette obsession, et qui me rattache au monde dilué dans ce marécage temporel.

J'admire le crépuscule ; c'est là que je travaille le mieux. C'est à l'aube de la fin qu'on vit le mieux. Il me rappelle l'éclat de tes pupilles.

Une question tambourine dans mon esprit : qu'aurais-tu pensé de ma chambre, si tu y étais entré ? Tu m'aurais dit qu'elle est trop sobre, impersonnelle. Qu'elle ne me méritait pas.

Sobre. J'aime bien ce mot. Comme si le monde avait besoin d'être ivre pour vivre. Comme s'il suffisait de boire pour ne plus avoir à subir la monotonie de l'existence et des griffes du désespoir.

Moi j'aime bien cette chambre. Au moins on s'y retrouve. Si elle était à l'image de mon cerveau, je pense qu'il faudrait plus d'un siècle pour s'y retrouver, ce soir. Dans la faible clarté de la lune qui émerge, il ne me faut pas longtemps pour saisir ce livre parmi tant d'autres.

Gribouiller, hein ? C'est ce que les types comme nous font de mieux. Les perdus. Les écorchés.

Les artistes qui aiment le monde.