
━ 2 ━
;;
"Ne bouges plus, s'il te plaît. Et descends un peu plus ta main... Oui vers ton sein."
Lorsque la jeune femme eut exécuté les ordres donnés, seul un bruit de crayon grattant avidement le papier se faisait entendre dans la pièce. Entre ses lèvres était coincé un bout de nicotine dont la fumée s'échappait dans toute la pièce. Il ne se souciait guère de possiblement faire jaunir les nombreux croquis accrochés à ses murs. Les feuilles n'étaient déjà pas bien en état à cause du long chemin qu'avait parcouru son calepin jusqu'à atterrir entre ses mains. Mais il appréciait tracer sur ces vieilles feuilles qui avaient une odeur de vécu plutôt que sur un papier blanc, neutre, sans aucune émotion.
D'ailleurs, le dessin prenait forme peu à peu, on pouvait apercevoir les détails de la jeune femme parfaitement représentés sur ce papier qui n'était qu'une sorte de brouillon avant le rendu final qu'il avait en tête. Il continuait alors de frotter sa mine quelques heures de plus, heures où la jeune femme faisait preuve d'une patience monstre. Heureusement que cette dernière n'était qu'une prostituée, il se serait senti mal de faire perdre du temps à une femme occupée. Les prostituées, elles, ne l'étaient pas vraiment, surtout en journée.
Lorsque l'oeuvre fût enfin achevée, il autorisa tout de même à son modèle d'admirer le résultat final, et elle en fût charmée. Ses consœurs n'avaient donc pas mentis sur le talent de ce Min Yoongi. Il avait vraiment un coup de crayon époustouflant, et elle jurerait apercevoir une photographie d'elle.
"Vous êtes vraiment doué..."
Finit-elle par affirmer avec une petite voix. Cela était rare de voir une femme comme elle aussi chétive et timide. Il finit par donner les billets promis à son modèle du jour, et cette dernière finit par quitter son deux-pièces. L'artiste se releva alors, et observa sa toile posée sur son chevalet. Il aimait bien le rendu, mais comme toutes ses œuvres précédentes, il était loin d'être emballé.
De toute sa vie, il n'avait jamais réussi à trouver sa muse, la personne qui lui fournirait une inspiration telle qu'il se sentirait en transe pour la vie. Ses modèles étaient tous très beaux, il ne les choisissait pas au hasard, il avait des critères bien particuliers qu'il arrivait à cerner lors de ses nombreux moments de contemplation. Ses yeux se posaient sur la foule, sur les visages, les corps en fusion, et il arrivait aisément à trouver une petite perle qui deviendrait son modèle pour quelques sous. Il ne promettait pas grand chose, car la satisfaction d'être une source d'inspiration pour un artiste faisait souvent accepter la proposition plus facilement.
Mais malgré ses allures de marginal, Yoongi était respectueux et humain, il n'allait pas utiliser des personnes sans rien en échange. Mais il savait tout de même que la vente de ses peintures apportait plus que ce qu'il donnait pour récompenser la patience des corps munis d'âme dont il se servait chaque jour.
Allongé sur son grand lit, étalé même, il observait les quelques croquis qu'il avait maladroitement scotché sur la surface du plafond, des croquis imprécis et disgracieux qui charmaient pourtant les visiteurs de son entre. Parfois, il ne comprenait pas tout ces gens qui admiraient son travail. Il vivait non loin d'autres artistes qui étaient, eux, bien plus talentueux que lui. Tant qu'il n'avait pas trouvé la personne, celle qui lui ferait oublier toutes les autres, celle qu'il voudrait peindre sous tous les angles, dans toutes les positions possibles et inimaginables, il n'arriverait pas à apprécier son travail à sa juste valeur.
Sa main veineuse s'approcha de sa bouche pour en extraire la clope coincée jusque là entre ses deux lèvres fines et abîmées par le tabac et le froid accessoirement. Lorsqu'il sortait pour vendre ses toiles, il n'était jamais très couvert, mais il ne se plaignait que très rarement. Après tout, il avait finit par s'habituer à sa vie, et au fond, elle lui convenait. Il savait depuis tout jeune qu'il voulait consacrer son existence à l'art, entièrement, et c'est ce qu'il avait fait, au grand damne de ses parents qui avaient tant d'espoirs pour leur fils. De toute façon, il n'avait jamais répondu à une seule de leurs attentes.
Il était petit et fétiche alors qu'ils espéraient un grand sportif.
Il haïssaient les sciences et l'école en générale alors qu'ils espéraient un futur avocat.
Il était débraillé et différent alors qu'ils espéraient une copie conforme de leurs idéaux.
Il était tellement profondément gay alors qu'ils l'espéraient normal.
Il les avait tant déçu que son départ n'avait pour ainsi dire, presque pas été remarqué. Mais lui-même n'en avait que faire. Lorsqu'il fût assez grand pour se rendre compte des choses et contrôler ses propres idéaux, il avait bel et bien compris que ses parents et lui venaient de deux mondes complètement différents et qu'il n'était pas l'enfant qu'ils attendaient. Ce fût pour ça que le jour pile de ses dix-huit ans, il s'était volatilisé sans un mot et avec très peu d'affaires.
Il avait toujours admiré ces artistes qui, par le passé, décidèrent de mener une vie de bohème pour vivre de leur passion. C'était de ses ancêtres si créatifs qu'il tirait son inspiration, et il adorait ce sentiment.
Son bras tomba sur la couverture noir et froissée, et il agrippa fermement le tissus entre ses doigts abîmés par le pinceau. Ses yeux fermés, il imaginait sa muse. Il la façonnait dans son esprit, il la construisait de la manière la plus parfaite qui soit. Lorsque ses yeux se poseraient sur elle, là, ils sauraient. Il comprendrait sans grande difficulté. Et cela faisait vingt et une années qu'il attendait cela.
Il finit alors par se redresser et écrasa le cadavre toxique qu'il fumait en longueur de journée dans le cendrier déjà plein et se redressa. Ses poumons étaient constamment encombrés à cause de la substances toxique qui les étouffait plusieurs fois par jour, mais il y était habitué. Il n'était pas non plus de ces artistes qui passaient leur vie à se droguer. Premièrement, il avait l'inspiration innée, et il suffisait de trouver un corps au minimum doté de ses critères pour qu'il réussisse à se laisser aller sur la toile.
Parfois, lorsqu'il avait envie d'halluciner un peu, il allait quémander quelques substances à son ami, Jung Hoseok, mais cela restait tout de même très rare.
En parlant de ce rouquin, ils s'étaient tous les deux rencontrés en montant sur la capitale, il y avait trois années de cela. Ils avaient toujours vécu dans un périmètres réduit et avec regret, leur chemin ne s'était malheureusement jamais croisé auparavant.
Ce soir, Yoongi allait sortir. Déjà pour vendre quelques-unes de ces dernières créations car ses placards se faisaient relativement vides ces derniers temps, et ensuite pour partir en repérage. Il avait besoin de nouveaux visages, de nouveaux corps. Avant, il sortait avec l'espoir que ce serait le jour où il rencontrerait son inspiration suprême, mais voyant qu'il essuyait que des déceptions, il avait juste décidé d'arrêter d'espérer, se disant que cela viendrait sans doute sans qu'il ne s'y attende. Il ne pouvait tout de même pas s'empêcher d'y penser, alors qu'il enfilait sa veste vert kakis et qu'il quittait sa demeure, comme il aimait la considérer alors qu'elle était tout le contraire.
Les toiles sous le bras, trois pour être précis, il déambula dans les rues dans le but de trouver l'emplacement propice à son marché. En tant normal, il ne se rendait pas souvent dans le quartier d'Hongdae. Bien que constamment bondé, il préférait tout de même demeurait dans sa tranquillité alors qu'il cherchait acheteur, mais il avait ouïe dire que le marché de Noël avait été installé et hier, il avait vendu sa toute récente toile à un marchand, alors peut-être que de s'y rapprocher lui porterait chance. Il marcha alors, son petit bonnet marron recouvrant ses cheveux à la couleur sombre, et il finit par s'installer non loin des petits stands en bois, qu'il trouva charmants par ailleurs. Il exposa ensuite ses créations sur des petits trépieds servant à les soutenir, et s'installa en tailleur sur le trottoir en goudron. Une fois de plus, ses lèvres fines coincèrent une cigarette et il la protégea d'une de ses mains tandis qu'il l'enflammait de l'autre.
Sa contemplation pouvoir désormais commencer.
**
un chapitre plus court que le précédent mais suffisant, je pense, en terme de présentation pour yoongi
on a d'ores et déjà un très gros aperçu du personnage dans sa forme générale, ainsi que de son univers
je ne vais cacher à personne que la fiction que je lis en ce moment m'a inspiré pour le côté artiste du personnage de yoongi mais le caractère et l'histoire en général seront totalement différents. en fait j'ai toujours peur qu'on pense que je copie lorsque j'utilise un sujet qui m'a plu dans une fiction que j'ai lu, alors je préfère préciser au cas où!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro