Voici l'histoire
Dans le train, je repensais à elle. Ma chère amie d'enfance avec qui j'ai tremblé la nuit, après avoir vu un film d'horreur qui nous était interdit. Avec qui j'ai fait bon nombre d'expériences, agréables ou non. Celle avec qui je dessinais des monstres qui venaient hanter nos pires cauchemars. Celle de qui je me suis séparée, après le lycée. Celle qui m'a recontactée, avant-hier, avec un message intrigant, comme elle sait si bien les faire.
C'est pour elle que je prenais ce train, en direction de Bordeaux. Elle vit aujourd'hui dans un petit village de vignerons, non loin de cette grande ville qui a bercé nos enfances. Je ne savais pas comment était sa maison. Je ne savais même pas si je la reconnaîtrais, à la gare. Mais j'étais heureuse de pouvoir la revoir.
Quand le train est arrivé, avec ses habituelles dix minutes de retard, je l'ai vue. Sa crinière rousse se balançait au grès du vent, comme avant, et un large sourire illuminait son visage. Elle aussi, m'avait reconnue au premier coup d'œil.
Mais là, maintenant, j'aurai tout donné pour être ailleurs. Loin de cette chambre obscure, froide, vide. Loin de cette armoire grinçant dans le noir, et aux multiples miroirs qui reflètent la lumière blanchâtre de la lune, faisant apparaître des formes sombres et inquiétantes.
Je tremble. De froid, ou de peur, je ne saurais le dire. Dans la maison, il n'y a pas un bruit, sauf le grincement du bois. Pourtant, il n'y a pas de vent, ni de mouvement dans la chambre d'amis. Quelle peut être la cause de ce bruit ? Quelqu'un, ou quelque chose dans le meuble ? Tandis que mon pouls s'accélère, je me redresse dans mes draps froids. D'une voix tremblante, je
murmure :
« Emy ? Ce-C'est toi ? »
Les grincements s'accentuent, de plus en plus forts, de plus en plus nombreux. Puis, après un ultime bruit qui résonne dans toute la maison et qui me perce les tympans, plus rien. La porte aux miroirs s'ouvre. Sur le bord, une main à trois doigts. Une longue jambe distordue sortant du meuble se dirige dangereusement vers moi. Je veux hurler, mais rien ne sort. Je veux bouger, mais rien ne m'obéit. Je suis prisonnière des visions d'horreur que nous craignions Emylie et moi. Je suis prisonnière, autant par fascination que par peur. Je suis fascinée, oui. Cette chose difforme, c'est moi qui l'ai dessinée. Cette chose difforme, je la connais par cœur. Cœur qui ne semble plus vouloir battre. Mes poumons ne se remplissent plus d'air, je n'ai même pas un tremblement.
Je suis figée devant ce qui m'effrayait il y a dix ans déjà. La créature avance, je vois maintenant ses cornes qui lui transpercent le crane, ses petits yeux emplis de haine et de souffrance. Puis je me rappelle.
Ce n'était pas Emylie qui me faisait peur c'était l'inverse. Ce n'était pas moi qui criait, mais elle. Un jour, elle m'avait dit être visitée par mes créatures, mais je ne l'ai jamais cru. Au lycée, lors de notre séparation, elle m'avait dit : « En m'éloignant, ça s'arrêtera peut-être... ». Mais je n'avais jamais fait le lien.
Puis je comprends pourquoi elle voulait me revoir. Pour m'infliger ce qu'elle subissait depuis si longtemps. Elle voulait me voir pour se venger. C'est tout.
Traîtresse. Voilà ce qu'elle est devenue, une traîtresse qui met en péril la vie d'une de ses amie. Mais tandis que je découvre le nouveau visage de mon hôte, la chose avance. Un bras excessivement long se lève. Un doigt me pointe. Une voix rauque, sortie de la bouche déformée de ce cauchemar vivant me parle, tremblante :
« Créééééaaaaaateeeeeeeeur... »
Je suis terrifiée. Je me colle au mur derrière mon lit, tandis que le doigt rejoint la paume de cette main horrible pour former un poing. Le bras retombe le long du corps distordu et la voix continu :
« Poooooourquooooooiii ? »
Je ne sais que répondre. Je ne sais pas quoi faire. Puis, des pas se font entendre dans le couloir. Une lueur d'espoir s'allume en moi. Emy viendrait-elle à mon secours ? La porte de la chambre s'ouvre à la volée. Mon amie est là, sur le pas de la porte. Une expression froide ferme son visage, et son regard passe de moi à la forme sombre. Sa voix douce me dit d'un ton sarcastique :
« Je te croyais plus courageuse. Et puis, c'est toi qui l'a créé, il ne devrait pas t'effrayer. »
Elle s'avance dans la chambre, s'approche de la chose et lui murmure quelque chose à ce qui semble être son oreille. Puis elle s'en va, me laissant seule avec ces visions horrifiques. Le monstre avance de nouveau vers moi, et je perds espoir. Mon amie m'a abandonnée, m'a laissé tomber. Je n'ai plus aucune chances de m'en sortir. Mais je me lève dans mon lit, prête à courir pour essayer de survivre. Mais la chose se jette sur moi, me transperçant la main avec ses griffes. Mon sang coule sur les draps et je hurle. Sa deuxième main m'attrape au niveau du cou, m'obligeant à me taire en m'étranglant. Des larmes coulent à présent sur mes joues. Ça me soulève. Ça m'étouffe. Ça me tue. Un gémissement plaintif sort de ma gorge. Puis il me lâche. Je peux respirer. Il sort ses griffes de ma main pour les pointer sur mon ventre. Un flot de sang coule sur mes doigts tandis qu'il fait remonter ses lames mortelles vers mon cœur. Puis il appuie doucement, faisant durer mes souffrances. Du sang commence à tâcher mon vêtement. Je ressens une douleur cuisante dans la poitrine tandis que mon cœur s'emballe de nouveau, pressentant une fin proche. Et pendant que je lâche un dernier gémissement, la créature enfonce ses griffes de plus belle. Tout devient noir autour de moi. Tout est fini. Tout est... fi...ni.
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