J
Invité à une soirée où je n'ai pas envie d'être, je prends sur moi. Occupant mes précieuses minutes à essayer d'identifier les différentes personnes qui m'entourent, seul dans mon coin, je reste sage devant mon cocktail alcoolisé.
Si je suis ici, c'est pour mon travail. Je dois être récompensé pour ma dernière œuvre. Je me nomme Kim Seokjin, 27 ans, actuellement écrivain en total manque d'inspiration et habitant Pohang, dans une petite maison en bord de mer.
En déplacement à Busan pour cette remise de prix littéraire, j'ai, à mon actif, cinq œuvres. L'une d'elles m'a fait gagner une invitation à cette remise de prix en tant que récompensé, prouvant le succès de vente de mon livre.
J'ai découvert cette passion pour l'écriture grâce à mon père malade qui, un jour où je m'ennuyais et qu'il essayait tant bien que mal de trouver quelque chose pour m'occuper, m'avait dit, à bout de souffle: " Ecris une histoire, mon fils. Lorsque ton livre sera terminé, viens me le conter. ".
Alors j'ai pris mon stylo et de ma plus belle écriture, j'ai écrit des lignes. Au départ, ce n'était rien, que des mots sans queue ni tête, quelques paroles, des mots qui me sortaient de la tête sans but précis. Pas un travail mais plus des humeurs qui sortaient de mon esprit, peu à peu de plus en plus détaillés.
M'enfermant dans mon imagination, créant des vies, faisant de moi le père et l'âme de ses héroïnes peureuses comme courageuses mais toujours amoureuses, j'y ai trouvé un réconfort, mon cocon, mon monde à moi, ma folie, mes envies, mes rêves et mes espoirs.
J'ai transformé ma souffrance quotidienne en un art propre qui me ressemble, m'inspirant de la vie autour de moi, des sensations et des émotions. Dans chaque livre que j'écris, je laisse une trace de moi, aussi infime qu'elle soit. Toutes les histoires que je réalise sont moi, d'une certaine manière.
J'ai tout marqué dans de brèves lignes au départ, m'améliorant avec le temps. Je réussissais à détailler chaque mouvement, chaque endroit, chaque émotion naissante dans des lignes de plus en plus complexes et recherchées, des histoires nourries de mes sentiments, de mes souffrances, mes joies et mes pensées que je ne pouvais pas transmettre dans la vie réelle à défaut d'être une personne généralement solitaire. Je fais vivre à mes personnages ce que j'aimerai trouver dans la vrai vie.
Ce sont mes pantins. Je suis leur cerveau, je contrôle leurs vies, je suis celui qui les fait souffrir ou celui qui les rend heureux. J'ai le droit de vie ou de mort sur eux.
Seulement... Lorsque mon premier livre fut terminé, avec une autorisation de publication par une maison d'édition, je n'ai pas pu le conter à mon père.
Orphelin à l'âge de 19 ans, il m'a fallut deux ans pour achever mon premier ouvrage, aussi petit soit-il, travaillant jour comme nuit, toujours plus passionné par ce que je créais de mes propres mains avec le sourire, tout seul dans ma chambre, prenant goût à tout cet imaginaire. C'est par mon cruel manque d'expérience qu'il m'a fallut autant de temps avant de faire de mes écrits quelque chose de digne, destiné à un public non indulgent.
Un temps qui n'a été que trop long pour mon vieux père souffrant. C'est assis seul dans la nuit, les larmes aux yeux et la voix déformée par la tristesse, que j'ai lu cette histoire, ma première réussite, à voix haute sur la tombe de mon père le jour de ses funérailles, espérant qu'il soit fier de moi.
Ecrire me permet d'oublier cette dure réalité qui nous entoure, me consoler moi-même, me plonger dans un autre univers réel au fond de moi.
Mon deuxième ouvrage m'a permis d'évacuer toute cette tristesse dans un livre des plus sombres.
Aujourd'hui âgé de 27 ans, je suis toujours le même gamin qu'il y a dix ans, rêvant encore de choses impossibles que je conte dans mes histoires.
Aujourd'hui, l'envie d'écrire est toujours présente, je n'ai pas terminé de transmettre mes mots et mes pensées. J'ai encore des choses à dire. J'ai toujours eu dans le cœur, une source d'inspiration qui m'aidait, une souffrance que je veux transmettre.
Cela fait six mois que j'ai terminé mon dernier livre et ma maison d'édition se fait impatiente, n'ayant pas de nouvelles d'un livre en cours d'écriture. Un ami m'a fortement conseillé de ne pas y penser, que cela viendrait tout seul, qu'il suffisait de pas grand chose, parfois même de rien, pour que l'inspiration vienne, alors je me promène. Je fais de longues balades, seul dans mes pensées, dans divers endroits mais, j'ai beau regarder le monde qui m'entoure d'un œil curieux et attentif, rien ne m'inspire pour écrire un nouveau monde comme si tout l'univers n'était qu'un "déjà écrit" . Ce que j'ai besoin est un "jamais vu".
" Nous avons l'honneur de décerner le dernier prix au jeune écrivain Kim Seokjin ! Toutes nos félicitations ! "
Je monte sur l'estrade sous les yeux de toutes les personnes présentes dans cette grande salle et on me tend un micro.
... : Quel est votre ressenti ? Vous attendiez-vous à recevoir ce prix ?
Seokjin : En toute honnêteté, je ne travaille pas pour être récompensé alors, non, je ne m'attendais pas à recevoir ce soir, un prix pour mon œuvre. Je suis réellement heureux et je remercie toutes les personnes qui l'ont acheté et qui ont pris le temps de le lire, je vous suis sincèrement reconnaissant. Sans mes lecteurs, je n'aurai pas, ce soir, ce prix entre les mains.
... : Votre travail plait au public, quelle est votre motivation ? Comment avez-vous fait pour, en l'espace de seulement quelques années, gagner un prix pour lequel certains mettent bien plus de temps ?
Seokjin : Cette passion m'est venue grâce à mon père. Si il n'avait pas été là, je ne serai peut-être pas écrivain aujourd'hui. Je lui dois tout. J'écris des histoires parce que j'aime ça, simplement, et ce depuis très jeune. Pour moi, ce n'est pas un travail à proprement parler mais un réel passe-temps que je fais avec joie. Lorsque l'on réalise quelque chose le sourire aux lèvres, il ne peut-être que bon je pense. Cela prouve qu'il a été fait avec amour. Si ce qu'on réalise nous plait, si on a envie de le regarder, encore et encore et y prendre toujours plus de plaisir, je pense que c'est un très bon début, cela ne peut que donner envie au lecteur de jeter un coup d'œil.
... : Pensez-vous que votre père puisse être fier de vous ?
Seokjin : Mon père aimait lire. Si il était encore là aujourd'hui, je pense qu'il serait très fier de son fils.
... : Parlez-nous de l'œuvre qui vous a fait gagner ce prix.
Seokjin : Elle parle premièrement de harcèlement scolaire. Une jeune fille simple âgée de 14-15 ans, ni laide, ni jolie mais qui se fait harceler par ses camarades de classe parce qu'elle est seule et plus vulnérable. Le soir, elle écrit sur un cahier. Ses écrits sont principalement basés sur des personnes merveilleuses et admirables, ceux-ci l'aident à avancer dans la vie. Je ne dirai rien de plus.
... : Je vois. Alors, Monsieur Kim, êtes-vous en train de travailler sur une prochaine œuvre en ce moment ?
Cette soirée n'en finit pas... Quand vais-je rentrer chez moi, retrouver mon havre de paix ?
Je ne sais pas...
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Il est plus de minuit, peut-être même une heure du matin passée, et je suis dans un taxi pour rentrer chez moi depuis environ une heure. J'ai refusé de prendre un hôtel pour la nuit, voulant rentrer pour voir mon océan.
La tête appuyée contre la portière de la voiture, je regarde le monde défiler devant moi, rempli de lassitude. Ni le chauffeur, ni moi ne parlons, tout est calme. Dans les mains, je serre mon prix. Relevant la tête, je le regarde sans grand intérêt, l'observant légèrement mieux que ce que j'avais fait jusqu'à maintenant, le tournant légèrement, regardant les petites gravures de mon nom, je ne le trouve pas réellement beau. Cette petite sculpture va seulement prendre la poussière sur un meuble, rien de plus.
Je me fiche pas mal de ce prix.
Je relève les yeux vers l'extérieur pour commencer à apercevoir l'océan qui constitue mon chez moi, qui me donne satisfaction: le port de ma ville. Je suis enfin à la maison.
Seokjin : S'il vous plait, laissez-moi à l'entrée du port. A partir de là, je continuerai à pieds.
Chauffeur : Comme vous voulez, Monsieur.
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Marchant les mains dans les poches de mon manteau, le visage en direction du ciel et d'un pas lent, je rentre chez moi en passant par le port. Une légère brise caresse mon visage, faisant à peine bouger quelques mèches de cheveux. Je me sens bien seulement dans ma ville, proche de l'océan. Les grandes villes comme Busan ou Séoul ne sont pas faites pour moi.
Les étoiles sont belles et bien visibles ce soir. La lumière de la ville ne les chasse pas, c'est beau. Le port est désert, on peut seulement entendre le bruit des vagues et le grincement des bateaux rouillés par le sel et l'air marin.
Etant donné l'heure, je suis plutôt surpris de voir un pécheur toujours sur son bateau seulement éclairé par une petite lampe et qui semble encore travailler. Je connais ce visage et lui semble avoir reconnu le mien. Ce pécheur de 65 ans est aussi, la journée, marchand de poissons et de fruits de mer avec sa compagne.
Lorsqu'il me voit, il s'adresse directement à moi.
...: Seokjin ! Que fais-tu ici à une heure si tardive ?
Seokjin : Bonsoir, je rentre d'un événement à Busan.
... : Busan ? Tu reviens de loin !
Seokjin : Si on veut.
... : Tes livres marchent toujours aussi bien ?
Seokjin : Hm, j'ai gagné un prix littéraire.
... : Toutes mes félicitations, mon garçon. Ton père serait fier de toi, ça ne fait pas l'ombre d'un doute.
Ce compliment me fait sourire malgré ma fatigue et mon air las, savoir que mon père serait fier me rend simplement heureux.
Seokjin : Et vous, la pêche ?
... : Arf, aujourd'hui ça n'a pas été très glorieux, quelque chose faisait fuir les poissons. On a bien essayé de chasser ce quelque chose mais c'était trop rapide. Je ferai mieux demain, il est l'heure de rentrer et tu ferais mieux de faire pareil et de te reposer.
Seokjin : Oui. Bonne nuit, Monsieur.
... : Bonne nuit, Seokjin !
Alors que je commence à tourner les talons, le vieil homme m'interpelle à nouveau.
... : Ma femme a lu ton dernier livre. Elle était réellement sous le charme de cette histoire touchante et attend avec impatience ta nouvelle. Tu es un peu la star de notre ville, aha !
Seokjin : Remerciez-la de ma part, s'il vous plait.
... : Ce sera fait.
Cette fois-ci, je pars réellement alors que l'homme rentre chez lui. Éclairé par la lumière de la lune, je peux enfin apercevoir ma maison une fois passé le port.
Seule et isolée, un peu comme moi, c'est la maison où j'ai grandi, collée à la mer. Je descends un escalier de pierre sur lequel la mer s'abat pour rejoindre le dernier chemin. Ne sachant pas réellement pourquoi, certainement par intuition, je tourne la tête à droite, en direction du sable et de la mer pour y voir une ombre allongée.
M'arrêtant dans ma marche et me demandant ce qu'est cette ombre étrange proche de l'écume des vagues, voilà qu'elle bouge légèrement. Je ne peux m'empêcher de fixer cette chose, l'envie d'aller voir de quoi il s'agit me traversant l'esprit comme si cette chose au loin m'appelait et m'indiquait de venir à elle. Cette impression ne me quitte pas et, si je rentre chez moi, je sais que cela allait me déranger affreusement.
Je suis, finalement, mon instinct qui me hurle d'y aller. Peut-être est-ce un animal ayant besoin d'aide pour regagner la mer. Mon prix à la main, je cours pour l'aider et, plus je m'approche, plus cette forme prend une teinte rosée avec la lune, me faisant douter sur l'origine de cette chose. Essoufflé, je reprend lourdement ma respiration une fois arrêté, la bouche ouverte et les yeux écarquillés devant ce spectacle.
Un sentiment étrange me prend en regardant ces yeux brillants qui me dévisagent avec peine et peur. Je pense rêver les yeux ouverts... Je ne réalise pas immédiatement le cas qui se présente à moi... Je pensais que ces créatures n'étaient que légende de vieux marin, connu pour envoûter les hommes grâce à leur chant... Suis-je en plein rêve ? Vais-je me réveiller et me retrouver dans le taxi, revenant à la réalité, ou suis-je réellement conscient ? C'est impossible... Tu n'existes pas... Une femme comme toi, aussi belle, ne peut pas exister dans un monde si laid.
C'est du jamais vu... Suis-je le seul à connaitre ton existence ?
Elle ne dit rien et me regarde sans bouger, toujours de la même façon. Alors, je réalise que ceci n'est pas un rêve comme je le pensais. Je suis bel et bien dans la réalité. Tu existes donc bel et bien ? Me voilà en face d'une femme mi-humaine, mi-poisson, une sirène comme dans les contes pour enfants que me lisait ma mère. Une femme bien plus belle qu'Ariel.
Un filet de pêche semble terriblement l'embarrasser et lui faire mal, et je me décide à intervenir. Posant le prix dans le sable, je m'approche doucement sous ses airs craintifs. En signe de bienveillance, je lui offre un sourire qui semble légèrement la rassurer. Certainement effrayée par l'espèce humaine, elle ferme les yeux alors que j'approche mes mains d'elle.
Je prends le filet qui semble faire souffrir ses écailles et lui retire le plus délicatement possible, essayant de ne pas lui faire davantage mal. Lorsque je relève mes yeux vers les siens, je suis surpris de voir qu'elle me regarde d'un air curieux.
Aucune conversation ne se fait entendre, seulement des regards. Je ne veux pas l'effrayer en parlant. Mais, l'un de ses gestes me surprend. Doucement, elle amène sa main à mon visage et, du bout de son doigt, effleure la longueur de mon nez avec le plus lumineux et hypnotisant des sourires qui m'ait été donné de voir par cette magnifique nuit de pleine lune.
Surpris mais toujours silencieux, je me régale de sa réaction enchantée par ma gentillesse, semblant rigoler silencieusement. Je sais qu'elle rit car, tout dans son expression le montre mais aucun son ne se fait entendre.
Seokjin : ?!
Ce visage rempli de joie me transperce jusqu'au plus profond de moi. Tout se bouscule dans mon esprit comme si tout ce que je cherchais se trouvait devant mes yeux. Je prend une bouffée d'air dans une inspiration bruyante, ayant trouvé ce que je cherchais tant. Les yeux brillants de joie, j'ai trouvé mon "jamais vu" et mon inspiration semble refaire surface, m'inondant de bonheur.
Je veux écrire...
Faire de cette rencontre, le plus magnifique de mes écrits.
2713 mots les gens ! Piouf !
➡ On a malheureusement perdu quelques soldats pendant la correction, nous ne sommes plus qu'à 2585 mots.
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