Chapitre 22: Complices
Il fallut encore deux longues semaines à Charlotte pour se réveiller du coma dans lequel elle était plongée. Deux longues semaines durant lesquelles j'avais suivi toutes les recherches effectuée sur ce mystérieux laboratoire. Tout d'abord – et ça, c'était plutôt une bonne nouvelle – l'établissement n'était pas classé top secret. De nouveaux scientifiques étaient régulièrement embauchés, plusieurs chaque années. Le centre de recherche gagnait autant en superficie qu'en nouveaux employés.
Pour le moment, Kaede n'avait envoyé personne. Elle semblait hésitante quant à la stratégie à adopter
— Comment tu te sens ? demandai-je à Charlotte en rentrant dans l'infirmerie.
Elle était allongée sur un lit, sa peau était pale, mais pas autant qu'il y a quelques jours. Elle reprenait des couleurs.
— Je n'irai pas jusqu'à dire que je vais bien, étant donné que je n'ai aucune force, mais je suis tout de même contente d'être en vie.
— L'infirmière a dit que dans un jour ou deux tu pourras sortir.
— Je sais.
Elle resta silencieuse un instant. Je ne savais pas quoi dire pour combler le vide. J'étais heureux – et surtout rassuré – qu'elle ait repris ses esprits, je m'en serai sans doute voulu jusqu'à la fin de mes jours si elle ne s'était pas réveillée. En réalité, je pense que si je m'étais autant investi dans les recherches sur le laboratoire, c'était en partie pour penser à autre chose.
— Qu'est-ce que j'ai manqué alors ? s'enquit-elle.
J'haussai nonchalamment les épaules.
— Pas grand-chose. On mène une enquête sur le centre de recherche dans lequel j'ai trouvé le portable.
— Pourquoi ? s'étonna-t-elle en arquant un sourcil.
Je lui expliquai rapidement la liste que j'avais trouvée ainsi que les éléments qu'on avait découverts depuis. Son visage ne trahit aucune surprise, je crois qu'elle était encore un peu dans les vapes après ces quinze jours de sommeil profond.
— Est-ce que Kaede a déjà...
Elle fut interrompue par une soudaine agitation à l'extérieur de la pièce. J'entendis des exclamations, des bruits de pas précipités ainsi que des cliquetis, comme lorsqu'on charge une arme à feu.
— C'est quoi ça ? m'inquiétai-je.
Charlotte ne me répondit pas. Je tournai la tête dans sa direction, elle s'empressa d'arracher les derniers fils plantés dans ses bras et rabattit la couverture.
— Tu fais quoi ? L'infirmière a dit de...
— Je vais voir ce qui se passe, me coupa-t-elle.
Le combat intérieur entre ma conscience et ma curiosité se termina rapidement.
La curiosité gagna.
Je suivis Charlotte à l'extérieur de l'infirmerie, jusqu'au grand hall de la base. Une foule d'élémentaire était regroupée devant l'entrée principale, je ne parvenais pas à voir ce qui se passait derrière cette barrière élémentaire.
Je vis Charlotte s'approcher d'une jeune femme, dans l'espoir d'obtenir quelques informations.
— Eh, Alice ! Il se passe quoi, là ?
— Je crois qu'il y a un intrus, répondit cette dernière en haussant la voix pour couvrir le boucan.
— Un humain ?
Alice haussa les épaules.
— Je ne sais pas.
Charlotte soupira et détourna les yeux.
Je me concentrai pour tenter d'entendre quelque chose derrière le regroupement. J'essayai de faire attraction de toutes les exclamations pour écouter uniquement les voix à l'extérieur de la base.
— Lâchez-moi, protesta une voix qui m'était terriblement familière. Je n'ai rien fait, je veux juste... Aïe !
— Emmenez-le, ordonna Kaede.
Charlotte tentait de se frayer un chemin à travers la foule, quand la voix de la chef de la base s'éleva par-dessus toutes les autres.
— Ecartez-vous !
Elle n'eut pas à attendre longtemps. Les élémentaires se turent tous en même temps et reculèrent pour la laisser passer. Quelques secondes plus tard, elle passa devant moi, les talons de ses bottes résonnèrent sur le carrelage. Je levai la tête dans sa direction mais elle ne me prêta pas attention. Derrière elle, un homme et une femme armés la suivait, encadrant un jeune garçon qui semblait terrifié.
Je dus me mordre la langue jusqu'au sang pour retenir une exclamation.
Eliott !
Que faisait-il là, bon sang ? C'était une conspiration, j'en étais sûr désormais. Mon ange gardien avait dû s'allier contre moi, c'était la seule explication plausible à ma malchance.
L'image de son frère me revint en mémoire. La dernière fois que j'avais vu Eliott, il était à sa recherche. Je lui avais assuré qu'il était en vie, mais deux semaines s'étaient écoulées depuis. Il avait dû partir une nouvelle fois dans l'espoir de le sauver.
Avait-il parlé à quelqu'un ?
Non, sans doute pas. Du moins, il n'y avait personne qui l'attendait dehors, l'Association l'aurait déjà remarqué si c'était le cas. Pensait-il vraiment qu'il pourrait sortir son frère d'ici tout seul ? Ou alors, peut-être voulait-il simplement s'assurer qu'il était toujours en vie.
J'entendis son cœur affolé quand il passa près de moi. Il ne sembla pas me remarquer, à mon grand soulagement. Les deux soldats marchaient vite, il peinait à suivre l'allure. En quelques secondes, il disparut derrière une grande porte en métal qui claqua violement en se refermant.
J'hésitais quant à la décision à prendre. Je n'allais pas le laisser tomber, tout de même ? C'était un humain mais aussi mon ami... ou peut-être pas... je ne savais plus... ma tête semblait embrouillée et mes souvenirs étaient flous, j'avais du mal à comprendre ce que je ressentais réellement. Finalement, je n'aurais peut-être pas dû demander à Charlotte d'effacer certains éléments de ma mémoire, je peinais désormais à distinguer le vrai du faux, c'était affreux comme sensation.
Je poussai un soupir empli de désespoir avant de me diriger vers ma chambre. Kaede allait sûrement garder Eliott pendant quelques heures, J'irais le voir ce soir, quand il serait en cellule.
« Et tu feras quoi, ensuite ? me nargua une voix dans ma tête. »
Je me laissai tomber sur mon lit, déjà découragé. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire. Ni même de ce que j'étais en train de faire.
***
Les élémentaires gardant la salle des cellules me laissèrent passer sans problèmes. Ils avaient l'habitude de me voir, j'étais venu plusieurs fois ces dernières semaines pour veiller à ce que le frère d'Eliott soit toujours bien vivant. Mais même la première fois, il ne m'avait pas posé de questions.
J'avais attendu la fin de la soirée pour venir, histoire d'être sûr que Kaede ait fini son interrogatoire. Je parcourus rapidement le couloir, sans prêter attention aux autres prisonniers, et me dirigeai vers la dernière cellule occupée.
Derrière les barreaux, j'aperçu une silhouette, assis contre un mur. Eliott se tordait les doigts avec nervosité et bougeait frénétiquement sa jambe, comme pour évacuer son stress.
Quand il m'entendit arriver, il tourna vivement la tête dans ma direction. Je crus voir une lueur d'espoir dans son regard, me croyait-il vraiment capable de le sortir du pétrin dans lequel il s'était fourré ?
— Samuel ! s'exclama-t-il en se redressant.
— T'es vraiment stupide, tu le sais ça ? grognai-je. Bon sang, mais à quoi tu pensais en te pointant ici ?
Il se releva et s'approcha de moi, il saisit les barreaux des mains.
— Dis-moi : si ta sœur était à la place de mon frère, t'aurais fait quoi ?
Aouch ! Ma sœur. Son image s'imposa dans mon esprit et mon cœur se gonfla de tristesse. Je ne l'avais pas revue depuis que j'habitais ici. Ni elle, ni ma mère.
— Alors, c'est quoi ton plan ? Essayer de t'enfuir avec ton frère ? Tu n'arriveras même pas à franchir ces barreaux, Eliott.
— Mon plan était de suivre ton plan ! s'exclama-t-il.
Je soupirai d'agacement et baissai la tête. Je détestais qu'on mette ses espoirs sur moi, j'avais déjà assez de problèmes sur les épaules pour ne pas avoir à rajouter ceux des autres.
— Tu m'énerves, pestai-je. Je suis déjà en train de me casser la tête pour trouver une stratégie pour infiltrer un laboratoire et maintenant j'ai besoin d'un deuxième plan pour te sortir d'ici. Je ne suis pas un élémentaire de l'Esprit, moi ! J'ai pas des idées de génie tous les quatre matins !
Il esquissa un sourire.
— Ça veut dire que tu vas m'aider ?
— Evidemment, imbécile. Si je te laisse te débrouiller seul, tu vas rendre les choses pires qu'elles ne le sont déjà.
Soudain, une ampoule s'alluma dans mon esprit. Un double ampoule, en réalité.
— Je viens d'avoir une idée complétement insensée.
Eliott arqua un sourcil.
— Quand tu dis « insensée »...
— Ça veut dire que c'est risqué, dangereux et que ça ne marchera probablement jamais.
— Génial ! s'exclama-t-il en écartant les bras. Faisons ça et voyons ce qui se passe.
Je souris. Eliott était le complice idéal pour ce que je m'apprêtais à faire. Il était humain, agissait naturellement en toute circonstance et se débrouillait très bien en biologie, c'était exactement ce qu'il me fallait.
Dans treize jours, le centre de recherche ouvrait ses portes. L'an dernier, il avait accepté des lycéens pour des stages pendant quinze jours. Cette année, Eliott et moi allions faire parties des stagiaires.
Merci d'avoir lu !
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