25. 12. 2015

Cette nuit-là, je ne dormis pas bien. J'avais fait un cauchemar qui m'avait beaucoup perturbée.

Je voyais un corps couvert de sang, je reconnus une femme, mais ne vis pas son visage. Puis Derek était apparu, lui aussi taché d'hémoglobine, avec un couteau dans la main. Ses yeux étaient vides, mais il pleurait et répétait qu'il n'avait rien fait, qu'il n'était pas coupable. Finalement une silhouette encapuchonnée, dont juste le sourire de dents blanches se reflétait dans la nuit, blessait Derek et murmurait : « Je suis le coupable, ainsi que le traitre. »

J'ouvris brusquement les yeux, lorsque je sentis un poids sur mon lit et je découvris Soa, assise à côté de moi. Je criai et me redressai violemment, mettant un monstrueux coup de boule à mon amie.

— Mais ça va pas non ? criai-je en frottant mon front.

Soa, loin d'être fâchée par ma réaction, m'agita une lettre sous le nez, sur laquelle était écrit : Amy.

— Alors ! On a un admirateur, rigola-t-elle.

— Mais non, dis-je en essayant d'attraper la lettre.

Soa, qui était plus grande que moi, leva le bras au dessus de sa tête de façon à ce que je ne puisse pas attraper la missive. J'essayai de récupérer mon bien pendant plusieurs minutes.

Lorsque je vis la complicité qui s'était créée entre nous deux, une vague de sympathie m'envahit. Vu la façon dont Soa m'avait accueillie, je n'aurais jamais cru que nous puissions être amies un jour.

D'une manière générale, c'était grâce à James, s'il n'était pas apparu, Soa n'aurait jamais lâché Jay et la complicité de cet instant n'existerait pas.

Je réussis finalement à attraper ce fichu bout de papier. Soa riait mais ne fit aucune tentative pour me le reprendre.

Finalement, elle partit en prétextant qu'elle allait se préparer pour le déjeuner, mais je compris qu'elle voulait me laisser seule pour que je lise la lettre. J'ouvris délicatement la missive. L'écriture était fine et penchée, visiblement celle d'un garçon. Je commençai ma lecture et dès le début, rougis.

« Chère Amy,
Tu vas sûrement trouver bizarre que je t'écrive au lieu de te le demander directement, mais je trouvais cette méthode plus romantique.
Alors voilà,  je te le dis : je t'aime.
                                                        Jay

PS : je suis trop jaloux que Derek soit ton partenaire ! »  

J'étais bouche bée. Derek avait raison ! Hier soir, il avait clairement sous-entendu que Jay était amoureux de moi et je ne l'avais pas cru !

Je ne comptais pas dire non à Jay, parce que je pensais... être amoureuse de lui. Je déglutis et glissai la lettre dans ma table de chevet, puis me levai du lit.

Devant l'armoire, je soupirai en me disant qu'elle serait vide, mais lorsque je l'ouvris, elle était remplie d'habits. Je pris un jeans noir et un pull en laine, puis je sortis de la chambre.

Une fois dehors, je rencontrai Jay et sans attendre, je m'approchai de lui et saisis sa main avant de l'embrasser. Le sourire aux lèvres, nous rejoignîmes les quartiers des Altéras, par lequel nous étions obligés de passer pour aller au réfectoire. Mais il y eu un problème et jamais je n'aurais pensé que ça arriverait.

Ric sortit de sa chambre l'air plus fatigué que jamais. Il vint vers Jay et lui demanda s'il avait vu Derek, parce qu'il devait lui remettre...quelque chose. Jay secoua la tête et assura que Derek était déjà parti quand il s'était levé. Soa engagea la discussion avec Ric, mais l'Altéra blanc fut interrompu.

— M. Astart !

— Je viens de prendre dix ans, marmonna Ric. Quoi ?

— Deux élèves ont été retrouvés à moitié morts dans le jardin !

— Prévenez Adolphe, j'y vais.

L'élève partit dans le couloir. Soa, Jay et moi suivîmes Ric. Il s'arrêta devant une porte et sans prendre la peine de toquer, entra.

À l'intérieur, James, portant uniquement un pantalon noir fluide, était debout devant son miroir.

La première chose que je remarquai et Soa aussi, fut la cicatrice qui ornait son buste, partant du pec gauche jusqu'au V droit des abdos. L'Altéra violet, très gêné, attrapa sa robe de chambre, en harmonie avec ses cheveux violets, et la ferma pour cacher ses abdos.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

— Deux élèves ont été retrouvés à moitié morts !

— Où ?

— Dans le jardin, répondit Ric.

James, ne prenant pas la peine de s'habiller, fila dans le couloir, Ric, Jay, Soa et moi sur les talons. Lorsque nous arrivâmes sur le lieu, Alexis était déjà là, la première personne dans les bras.

Lorsque je vis le corps, je me sentis vidée de mon sang, j'espérai me tromper sur l'identité de la victime, mais le cri déchirant de Jay me confirma mes soupçons, c'était Louna.

Alexis ne tarda pas et emmena de toute urgence sa partenaire à l'infirmerie. Je pris la main de Jay pour lui apporter un peu de réconfort. Plus loin, Derek était étendu par terre, maculé de sang, qui ne semblait pas être le sien, un couteau trainait près de lui.

Tout l'accusait, mais ma vision m'avait prévenue et il fallait que j'avertisse James et Ric. Cependant, l'arrivée du boss m'en empêcha. Il ordonna à Gregory d'amener Derek à l'infirmerie pour vérifier qu'il n'avait pas de blessures.

L'Altéra vert eut un sourire qui me rappela celui de mon rêve. Adolphe renvoya les élèves, qui pour la plupart, allèrent au réfectoire. Seuls Jay, Soa et moi restâmes avec Ric et James.

— Qu'est-ce que tu en penses ? demanda Ric à l'intention de James.

— Il est coupable ! C'est évident, il a voulu tuer ma soeur ! s'énerva violemment Jay.

James et Ric le dévisagèrent un bon moment, puis l'Altéra violet répondit enfin :

— Malgré tout ce qui l'accable, je pense qu'il est innocent...

— Vous êtes des grands malades !

Jay s'énervait facilement, surtout lorsqu'il s'agissait de sa soeur, je l'avais appris récemment par Soa. J'essayai de le calmer en lui lançant un regard qui se voulait apaisant, mais il dut plutôt penser que j'étais de l'avis de James, ce qui était le cas en fait, et partit.

— Quel rageux ! commenta James. On va déjeuner, j'ai faim !

— Euh...tu vas pas y aller comme ça, plus aucun élève ne va te prendre au sérieux, s'étonna Ric.

James baissa les yeux et remarqua alors qu'il était pieds nus et en robe de chambre, il sourit et déclara :

— De toutes manières, après mon coup de gueule d'hier soir, ils ne me prennent déjà pas au sérieux. Alors un peu plus ou un peu moins...

Ne laissant pas le temps à Ric d'argumenter, il partit en direction de la cafète. Durant le trajet, les deux Altéras se chamaillèrent gentiment, pendant que Soa et moi parlâmes de l'incident de tout à l'heure.

Et comme moi, elle croyait Derek innocent. J'avais suffisamment confiance en elle pour lui raconter mon rêve, ce qui la conforta encore plus dans son idée.

Une fois dans le réfectoire, je découvris avec surprise que Jay était allé s'asseoir avec sa partenaire, Inès. Mais ça ne me faisait ni chaud ni froid et je commençai vraiment à me demander si je l'aimais... Oui, j'avais dit un peu plus tôt que j'étais amoureuse de lui, mais à présent, je n'en étais plus aussi sûre, douter après seulement quelques minutes de relation, je battais des records. Peut-être n'était-ce qu'une attirance physique ?

Le déjeuner dura plus d'une heure. J'entendis, d'une oreille distraite, Ric et James débattre du fait qu'il faille, ou non, boire du café.

Alexis vint finalement déjeuner. Ses yeux étaient rouges, comme s'il avait pleuré. Il s'approcha de James et Ric, et murmura :

— Elle va s'en tirer, ses jours ne sont pas en danger...

Je vis Jay soupirer de soulagement. Brusquement Adolphe entra dans la salle, Derek près de lui. Tous les regards se tournèrent vers eux.

— Tant que l'enquête ne sera pas résolue, ce garçon prendra part aux cours.

Je ne sais pas ce qui avait fait prendre cette décision au boss, mais elle me soulagea et je le remerciai intérieurement. Mais elle en indigna certains, comme Jay qui se leva et s'écria :

— Mais c'est un assassin !

Un seul regard du boss suffit à le faire taire. Celui-ci partit ensuite sans prendre part au déjeuner. J'avais vraiment l'impression qu'il évitait de passer trop de temps auprès des Traqueurs.

Derek, toujours debout vers la porte, ne savait visiblement pas où aller s'asseoir et ma conscience me cria de l'inviter à notre table. Je me levai et l'appelai sous le regard indigné de mon copain. Voyant que Derek ne bougeait pas, Soa se leva à son tour et il se décida enfin à venir.

Les discussions reprirent et je remarquai que mon partenaire avait l'air déprimé. Ric quitta alors la salle et revint quelques minutes plus tard, quelque chose dans les bras. Un miaulement me tira de mes pensées. Ric tenait Amor, le siamois de Derek.

Il le posa sur le sol et le chaton courut sauter sur les genoux de son maitre adoré, se frottant à lui en ronronnant. Derek le caressa avec une affection débordante. Il avait l'air beaucoup plus serein.

Certaines filles, malgré les faits qui accusaient Derek, voulurent caresser le chat blotti dans les bras de son maitre, la petite bête feulait dès que quelqu'un d'autre que Derek approchait la main.

Mon partenaire avait les yeux vides, mais une vraie aura d'amour l'entourait, il semblait être totalement indifférent aux regards noirs des autres.

À côté de nous, Gregory avait rejoint les trois autres Altéras. Je remarquai alors qu'Alexis n'avait pas l'air dans son assiette. Il devait être totalement bouleversé par l'agression de Louna, mais ses amis ne remarquèrent rien.

C'est le moment que choisit le boss pour revenir, il portait une cinquantaine d'enveloppes dans les mains. Il monta sur l'estrade et annonça :

— Je tiens dans les mains vos missions de cet après-midi. Il est écrit dans l'enveloppe en quoi elle consiste. Sur le papier, il y a également un chiffre de un à dix. Pour le moment votre chiffre est relativement bas, ce qui signifie que le niveau de dangerosité n'est pas très élevé. En dessus de cinq, ce sont les Altéras qui s'en chargent. Je vous les distribuerai à midi. Bonne matinée.

Après ce bref discours, il sortit avec nos missions et accompagné de Gregory. J'étais vraiment impatiente de savoir qu'elle était notre mission, mais je trouvais bizarre qu'on nous donne des responsabilités alors que l'on ne savait rien de ce monde. Je jetai un coup d'oeil à Derek qui n'avait mangé qu'une mandarine ! Mais il faisait un régime ou quoi ?

— Atchoum !

Je sursautai brusquement et me retournai vers la source du bruit : James. L'Altéra violet rougit et pour dissiper son malaise, demanda à Ric comment répartir les groupes.

— Cette moitié de salle devrait aller avec Alexis pour qu'il vous explique le principe des missions.

Ric s'arrêta, attendant que les quinze binômes bougent. Mais visiblement, ceux-ci attendaient un mouvement d'Alexis qui semblait perdu dans ses pensées. James regarda Ric qui posa sa main sur l'épaule du brun. Revenant à la réalité, l'infirmier sursauta avant de se lever.

— Désolé, je n'écoutais pas, dit-il.

— Ce n'est rien, le réconforta Ric. Est-ce que tout va bien ?

— Oui.

L'Altéra brun, qui jouait avec ses cheveux il y a moins d'une minute, les releva en un chignon serré qu'il fit tenir avec de fines aiguilles.

— Toujours avoir des armes bien cachées sur-soi, retenez au moins ça.

James et Ric sourirent en entendant ses paroles et approuvèrent. Alexis fit sortir son groupe dans lequel se trouvait Jay et sa partenaire très collante.

Ric serait notre instructeur pour ce premier cours. Et il fallait, forcément, qu'un emmerdeur de service soit dans cette classe. Ric s'assit au bureau en murmurant :

— Bizarre de donner des cours à dix-neuf ans...

Avant de commencer à parler, il vérifia que chaque binôme était réuni.

— Alors pour commencer, vous allez écrire sur la feuille qui se trouve devant vous, quelles sont vos capacités de Traqueur.

— Parlez-nous des Traqueurs avant, déclara l'un des élèves, un garçon à l'air arrogant.

Ric le regarda et ouvrit le tableau noir. Il prit une craie, puis griffonna quelque chose.

Démons + Humains
           =
Traqueurs + Anges
                        =
Citadellis ?              Altéras

— Vous pouvez expliquer votre charabia ?

— Les démons, au début de notre monde, ont charmé des humains, ces unions ont engendré les Traqueurs. Ceux-ci, voulant effacer leur sang impur, ont eu des enfants avec des Anges. C'est comme ça que sont apparus les Altéras. Et puis, il y a les Citadellis dont on a aucune idée des origines.

— Monsieur ?

Ric se tourna vers l'élève qui l'avait interpellé et lui donna la parole.

— Pour vous, quelle catégorie est la plus puissante ?

Ric se tourna vers le tableau et continua à écrire.

=  Anges = sang pur
    Démons = sang « pur »

= Altéras = sang mêlé
   Citadellis = sang mêlé

   Traqueurs = sang noir

   Humains = sang rouge

— Que l'on soit d'accord, les catégories sont classées par le sang. Les sangs purs en premier, les sangs mêlés juste après. On dit que les Traqueurs ont un sang noir, ce n'est pas la couleur qui coule dans les veines, mais étant donné qu'ils ont des origines démoniaques, on attribue cette couleur à leur sang. Et pour les humains, sang rouge, parce qu'ils ne possèdent pas de pouvoirs, expliqua Ric.

— Pourquoi il y a des égales à côté de certaines catégorie ?

— Ce sont des catégories de même puissance. Les pouvoirs des Anges et des démons sont du même stade, comme ceux des Altéras et des Citadellis. D'autres questions ?

Il y eu un grand silence dans la classe. Ric avait très bien résumé la situation.

— Bon. Maintenant vous pouvez écrire vos capacités.

Ric prit une pile de feuilles et se mit à écrire. Supposant que j'étais obligée de faire ce qu'il avait demandé, je me mis à l'oeuvre et sur le recto de la feuille, je relatai mon rêve.

J'arrivai presque à la fin de la page, lorsque la porte de la salle s'ouvrit brusquement. James, livide, s'approcha de Ric et lui dit, sans se soucier de personnes qui l'écoutaient :

— Je vais mourir...

— Pardon ? Qu'est-ce que tu racontes ? s'étrangla Ric.

Certains élèves, dont Soa, écarquillèrent les yeux, pendant que James agita une lettre sous le nez de Ric qui semblait se détendre.

— Je suis convoqué par quelqu'un du Grand Conseil à la Citadelle ! reprit James.

— Quelqu'un...

— Mon père !

La respiration de James se fit de plus en plus rapide. Je me posai des questions sur ce que cette lettre représentait vraiment pour qu'il ait l'air aussi paniqué.

— James, va faire du sport, lui conseilla Ric.

Le jeune Altéra violet approuva et sortit.

— Monsieur ?

— Quoi ?

— De quoi parlait M. Roddart ?

Ric soupira, mais il n'avait pas le choix ! Il fallait qu'il nous réponde.

— Dans ce monde, il y a ce que l'on appelle le Grand Conseil ou Conseil des 7. Il est composé des 7 Anges les plus puissants qui régissent Lux. Ce sont aussi eux qui nous informent des disparitions des pommes de vie. Ils logent dans une ville appelée Citadelle.

— Les pommes de vie, à quoi ça sert ? demanda Soa.

— Elles poussent sur l'arbre de vie, qui lui est recouvert d'une sphère appelée protego. Ses pommes sont remplies d'un liquide rouge-rose que les Anges boivent pour garder leur puissance. C'est pourquoi les démons les volent, si les Anges ne peuvent plus boire le liquide, ils meurent et les démons prendraient le pouvoir. Vous êtes là pour récupérer les pommes aux démons les plus faibles, les Altéras se chargent des démons en dessus du niveau cinq. Ah oui, les pommes poussent par centaine tous les cinquante ans. Encore une chose, quand le liquide de la pomme vire sur le bleu, il est inutilisable. Normalement vous avez toutes les infos nécessaires.

Avec ce résumé, plus aucune question n'était attendue et les élèves se remirent au travail, mais tous n'attendaient qu'une chose, la distribution des missions.