Après avoir emballé mon cadeau, je descendis manger avec les autres. Ma mère et John m'avaient appelée pour me donner des nouvelles de ma tante à l'hôpital et nous avions parlé un bon moment. J'étais extrêmement déçue de ne pas pouvoir passer Noël avec eux, ce serait la première fois. Ce point me dérangeait encore plus que les discussions des éducatrices, pourquoi reprendre les cours quelques jours avant Noël ? Les doutes avaient élu domicile dans mon esprit.

Louna avait lancé un trivial poursuite tous les cinq, filles contre garçons, pour donner l'ambiance. Après quelques questions, j'échangeais un regard avec mes deux coéquipières : Jay et Derek formaient une équipe redoutable. Quand il s'agissait de gagner, les rancoeurs étaient oubliées et remplacées par un esprit de compétition hors norme. Les garçons gagnèrent, évidemment, et nous décidâmes qu'il était temps d'offrir nos cadeaux.

Soa offrit les deux vernis à Louna qui, très contente, sourit et serra la rousse dans ses bras. La soeur de Jay offrit le CD de musique à Derek qui sourit et l'embrassa sur la joue alors qu'elle rougissait. Je me lançai et tendis mon paquet à Jay qui le déballa avec un chaleureux sourire.

— Un bonnet trop top, s'écria-t-il en me faisant la bise.

Je sentis mes pommettes s'embraser. Soa reçut une palette de fards pour les yeux de Jay, ce qui veut dire qu'il ne restait qu'une personne...

— Joyeux Noël, me dit Derek en me tendant un paquet, les yeux vides d'émotions malgré son sourire.

Je le déballai avec douceur et découvris un écrin à bijoux. Je l'ouvris avec précaution et aperçus un collier portant la première lettre de mon prénom, incrustée de pierres rouges. N'était-ce pas irréaliste pour notre âge ? Et beaucoup trop romantique ? Complètement fascinée par les reflets rouge sang des pierres, je l'accrochai à mon cou et interrogeai Derek :

— Ce sont des rubis ?

— Oui, enfin d'après ce que m'a affirmé le bijoutier.

— Ça a dû te coûter un bras...

— T'inquiète pas, mon beau-père est ministre, il a de l'argent. Ça te plait ?

— Oui, il est magnifique, merci beaucoup, dis-je en lui faisant la bise tandis que le rouge colorait à nouveau mes pommettes.

Louna se tourna vers lui et demanda :

— Tu veux bien chanter quelque chose, s'il te plait ?

Il chantait ? Derek n'eut pas le temps de répondre que les deux éducatrices entrèrent.

— Vous passez une bonne soirée ? demanda Stinel. 

— Excellent, répondit Jay, son nouveau bonnet sur la tête. 

— Parfait, parce qu'il n'y en aura plus de sitôt.

— Que...

Derek se leva brusquement et la pâleur sur son visage lui donnait un air de malade et m'inquiéta aussitôt.

— Votre aura... elle a disparu, murmura-t-il.

Les yeux des éducatrices passèrent au rouge, leurs canines se révélèrent, des cornes et des ailes apparurent. Qu'est-ce qui se passait bon sang ? Et de quoi parlait Derek ? Je me levai d'un mouvement précipité et reculai.

Je fus interrompue dans mes pensées par les deux démons qui se jetèrent sur nous. Des bruits de meubles cassés résonnèrent tout autour de moi, des cris s'élevèrent. Le poids du démon me percuta de plein fouet et je tombai. Ma tête heurta le sol et je vis le décor tanguer alors qu'une odeur métallique agressait mes narines.

J'entendis quelqu'un chuter près de moi. Je luttai de toutes mes forces pour retenir le démon, j'avais une désagréable impression de déjà-vu. Mes bras allaient me lâcher et la mâchoire squelettique du démon se rapprochait de mon visage. Un filet de bave coula sur ma peau et j'eus toutes les peines du monde à ne pas hurler. Je faiblissais, ses crocs n'étaient plus qu'à quelques centimètres de mon nez. Un cri déchira l'atmosphère, provenant de l'autre démon. Il s'était figé face à Jay, comme paralysé. Il baissa les yeux sur sa poitrine, un projectile l'avait traversé. Sous nos yeux exorbités, les deux créatures se désagrègent en poussière grise collante.

— T'as perdu en précision vieux, se moqua une voix que je ne connaissais pas.

— Tais-toi et vérifie que tout le monde va bien, ordonna une autre voix également inconnue.

Je me relevai péniblement et, dans l'embrasure de la porte, j'aperçus deux jeunes hommes visiblement plus âgés que nous. Celui de droite était habillé tout en noir. Des gants de la même couleur montaient jusqu'au milieu du bras et étaient attachés par des sangles blanches, des bottes noires de motard finissaient son habillement. Ses cheveux violets, une couleur étonnante, en pétard voilaient ses yeux malicieux également violets.

L'autre garçon portait un jean et des bottes blanches. Sa veste aussi blanche que la neige était ornée de curieux motifs. Ses cheveux blancs, coupés plus court que son ami, illuminaient son visage et faisaient ressortir ses yeux couleur du sang. Il chuchota quelque chose à l'oreille du violet qui s'approcha de moi et me tendit la main.

— Besoin d'aide ?

Complètement vidée d'énergie, j'acceptai l'aide de cet inconnu, mais au moment où je saisis sa main, une vague de chaleur passa dans mon corps et mes forces me revinrent.

Le gars aux cheveux blancs s'approcha pour soutenir le violet et me regarda bizarrement pendant que Jay passa un bras autour de mes épaules. Le violet se redressa avant même que son ami ait pu l'aider et dit :

— On rentre, Ad va se plaindre si on est en retard.

Soa regarda avec un regard ardent ce jeune homme vêtu de noir aux cheveux violets et ne remarqua même pas le bras de Jay autour de mes épaules alors que d'habitude elle m'aurait fusillée du regard.

Le violet sortit une clé d'or de sa poche et une porte lumineuse apparut. Il essaya de l'ouvrir, mais rien ne se passa et un message s'y inscrit : mission inachevée.

— Hein ? s'exclama-t-il en ressayant.

— Arrête de t'acharner, conseilla l'autre.

Soudainement, la porte émit une lumière plus soutenue et le jeune homme violet se protégea les yeux avant d'être éjecté contre un mur. Un craquement sonore se fit entendre lorsqu'il heurta la paroi.

Son coéquipier soupira et reporta son attention sur nous, il me toucha l'épaule du bout des doigts et une image de lui portant des ailes blanches s'insinua dans mon esprit.

— Vous êtes un ange, murmurai-je sous le choc.

— C'est bien ce que je pensais, vous êtes des Traqueurs, dit-il.

— T'es sûr de ton coup ? questionna le violet.

— Oh mon dieu ton épaule !

— Ce n'est rien, elle est juste luxée, je passerai à l'infirmerie.

— Eh oh, on existe nous, les interrompit Soa.

— Qu'est-ce qu'on fait ? interrogea le violet.

— On les ramène à Ad, conclut l'autre.

Le blanc ouvrit la porte avec sa propre clé en or, pendant que le violet frottait ses mains l'une contre l'autre, de parfaites copies de nous cinq, douées de conscience, apparurent. Louna cria et le violet porta la main à son épaule.

— Après vous, nous incita le blanc.

Comme personne ne semblait vouloir bouger, il se tourna vers Derek et dit :

— Tu peux voir nos auras, nous ne sommes pas méchants, venez avec nous, vous serez en sécurité.

— On peut leur faire confiance, affirma Derek.

— Pas temps qu'on saura pas qui ils sont, rétorqua Jay.

— Quelle prudence le blondinet ! rigola le violet. Je m'appelle James Roddart et lui, c'est Ric Astart. Les présentations sont faites, on peut y aller ?

James, celui en noir, s'engouffra par la porte. J'avais un drôle de sentiment en présence de ces deux gars, mais il était plutôt positif, contrairement à celui que j'avais eu avec les éducatrices, et j'eus envie de les suivre. Jay me suivit, immédiatement, rejoint par les trois autres. Nous marchâmes environ deux minutes dans un couloir de lumière blanche très éblouissant derrière James et Ric.