Chapitre 36
L'homme n'attendit aucune réponse et partit sans un mot. Thomas s'appuya à côté de la porte et croisa ses bras sur la poitrine, tout en tapotant son avant-bras avec son index.
Ric et James parlaient ensemble d'un sujet que, visiblement je ne devais pas entendre. Leur ton était grave et ils étaient les deux extrêmement nerveux. Était-ce si grave d'être convoqué à la Citadelle par le conseil des 7 ?
Soudainement un homme arriva à l'autre bout du couloir. Enfin ! Ça voulait dire que nous allions peut-être en terminer avec cette histoire ?
— Hey, salut mini-Mike ! s'écria l'Ange.
Ric se mit à rire et le salua à son tour. Mini-Mike ? Il était vrai que le père de Ric s'appelait Mike, mais à l'instant, la seule chose que je me demandais, c'était si le Mike dont voulait se venger la Citadellis et le père de Ric formaient la même personne. Et je croyais que, d'après ce que Thomas m'avait dit, ce serait fort probable, c'était même sûr.
Bon ce n'était pas pour autant que j'aimerais que l'on m'appelle Mini-Mike, mais visiblement ça ne dérangerait pas Ric. L'Altéra blanc et l'Ange parlèrent quelques minutes jusqu'au moment où le nouvel arrivant remarqua James.
— Ah James, ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu à la Citadelle !
Ric et Thomas, à cette remarque, se tournèrent vers leur ami. Je compris immédiatement de quoi parlait l'Ange, James avait dû prétexter une excuse à chaque fois qu'il devait venir ici, résultats, on ne le voyait plus à la Citadelle. Sa réticence à venir ici était désormais compréhensible.
— Toujours aussi aimable Drew, répliqua James de mauvaise humeur.
Le désigné Drew ne fit aucun commentaire et salua Ric avant de partir. Je fixai James qui paraissait passablement énervé. Je fus à moitié rassurée lorsqu'un Ange, armé de couteaux, probablement empoisonnés, vint nous chercher.
La porte s'ouvrit sans grincement, rajoutant un effet surréaliste au lieu. Mes jambes ne voulaient pas avancer, j'étais comme pétrifiée. Thomas posa sa main sur mon bras et me chuchota discrètement à l'oreille:
— Je suis là, ne t'inquiète pas.
Durant le temps où nous avions été seuls dans notre chambre, Thomas et moi avions conclu que nous ne dirions rien à propos des motivations de la Citadellis et de la prophetia. C'était mieux pour nous, je n'en doutais pas.
Mais il fallait quand même à un moment donné que l'on en parle avec les Anges. Nous avions décidé d'en parler avec Ric et ainsi il en parlerait avec son père, le principal intéressé dans cette histoire.
Je forçai mes jambes à bouger, un pas après l'autre. Devant moi, le conseil des 7 était reparti en demi-cercle sur des tribunes surélevées. Le plafond qui me semblait être infini, était recouvert d'un plan du pays de la lumière où je voyais des personnes en miniature se mouvoir. Je compris après réflexion que s'étaient les Altéras en service.
Près d'une ville à l'opposé de Lux, je reconnus Silver Astart, avec son partenaire Jeff. Rien qu'en voyant le plafond, j'avais la certitude que les Anges contrôlaient absolument tout de ce monde et qu'il était impossible pour un Altéra d'échapper à leur contrôle. Dray Roddart savait constamment où se trouvait son fils...
Les Anges me demandèrent de m'asseoir sur le fauteuil en face de leur tribune, tandis que les trois Altéras s'assirent sur le gradin à ma droite, un étage en dessous des Anges. Mon cœur battait fort, je le sentais, et à ce moment-là, j'aurais absolument voulu que Derek soit là.
— Mlle Amandine Julie Orfévri, vous êtes ici pour nous aider à retrouver M. Derek Nils Lavaine.
Mon cerveau resta bloqué sur le second prénom de Derek. Nils. C'était un beau prénom, j'aimais bien. Je secouai la tête, ce n'était pas le moment de penser à ça. Je regardai l'Ange qui venait de parler, il avait les cheveux blonds et les yeux bleus, et comme avec M. Astart et M. Roddart, il était impossible de lui donner un âge.
— Mlle Amandine, nous avons une ou deux questions à vous poser. Êtes-vous consente à coopérer avec nous ?
— Oui, dis-je d'un ton que j'espérais ferme.
— M. Lavaine avait-il des ennemis au Domus Lucis ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas si on peut dire un ennemi, mais...
J'inspirai fortement, si je parlais de Louna et de son agression, les Anges allaient forcément vouloir en savoir plus et ils creuseraient cette piste, et donc ils finiront par savoir. Je m'apprêtais à en parler mais finalement je me ravisai et dit le plus naturellement possible.
— Mon ex petit-ami ne s'entendait pas du tout avec Derek.
L'Ange haussa un sourcil, comme pour dire : cela n'a pas d'importance. Soudainement, un Ange aux cheveux violets se leva, et je le reconnus immédiatement comme étant Dray Roddart.
— Est-ce que M. Lavaine avait-il une relation plus qu'amical avec une Traqueuse, ou un Traqueur, demanda-t-il d'un ton dédaigneux en regardant Ric.
Je me tendis instinctivement, l'Ange violet venait de sous-entendre clairement que Derek pouvait être gay, et il l'avait dit plus à l'intention de Ric que pour moi. Je me souviens alors des paroles de Gregory : « l'hyperactif et la folle ». Je compris alors : Ric était gay. Le jeune homme blanc avait rougi et détourna le regard, ce qui me conforta dans mon idée.
M. Roddart se racla la gorge, et je revins à la réalité. Je devais répondre sinon ils allaient trouver bizarre.
— Derek ne m'en a jamais parlé.
— Bien, merci Mlle Orfévri.
M. Roddart se rassit et fit signe à l'Ange blond de reprendre la parole. Celui-ci me demanda ce qui s'était passé lors de cette nuit du 25 avril. Je lui expliquai l'impression bizarre que j'avais eue avant que tout n'explose, je leur dis aussi que j'avais eu l'impression de voir un démon.
Ce détail attira l'attention des Anges. Les 7 s'entre-regardèrent d'une manière qui voulait tout dire. Lors de la première guerre des sangs-mêlés, les démons étaient alliés des Citadellis, si j'en avais vu un, c'était que les Citadellis étaient impliquées. Je n'aurais pas dû dire ça !
— Qui vous a aidé à partir du Domus Lucis ? demanda l'Ange blond.
— James...Roddart, dis-je en rajoutant le nom de famille pour qu'il n'y ait aucun doute.
Je jetai un coup d'oeil à James et j'eus l'impression qu'il voulait disparaître sur place. Son père lui lança un regard qui semblait vouloir dire : « tu as pu sauver les autres pourquoi pas Derek ? Tu es vraiment un incapable !
Je vis que Ric tenta un geste de réconfort vers son partenaire, mais visiblement la présence de Dray Roddart l'en empêchait. Maintenant que je savais que Ric était gay, je n'arrivais plus à voir leur relation de la même manière, c'était idiot bien sûr, mais je ne pouvais rien y faire.
— James, as-tu vu quelque chose qui sorte de la normale ?
Le jeune homme se leva et releva le menton d'une manière provocatrice. Son père haussa un sourcil devant l'attitude de son fils unique, qui semblait le déranger au plus haut point.
— J'ai senti que l'atmosphère était étrange, c'était comme si tout était figé dans le temps. Quand j'ai réalisé que quelque chose clochait, tout a explosé. J'étais proche de la table d'Amandine et j'ai pu les prendre avec moi, mais Derek était tombé avant que je ne puisse faire quelque chose.
L'Ange blond hocha de la tête et indiqua à James de s'asseoir. Il demanda ensuite à Ric ce que lui avait ressenti, et la réponse du blanc fut identique à celle de James. Je fus surprise qu'il ne pose aucune question à Thomas, enfin d'un côté c'était normal, mon nouveau partenaire n'avait pas été présent lors de l'explosion.
L'audience, si on pouvait dire ça, avait duré plus d'une heure. Les Anges m'avaient posé des questions sur le Domus Lucis, comment ça se passait avec les Altéras, si Derek avait une bonne relation dans cet environnement.
J'avais répondu le plus clairement possible, et j'espérais qu'ils ne feraient pas trop le rapprochement avec les Citadellis, sinon je ne pourrais pas retrouver Derek seule. C'était ridicule j'en avais conscience, mais j'avais besoin de le retrouver par mes propres moyens, c'était une manière de lui prouver mon amour.
Thomas me prit la main pour me faire reprendre mes esprits. Je relevai la tête et essayai d'en sortir Derek, qui obnubilait constamment mes pensées. Les yeux du tricolore reflétaient une espèce d'inquiétude fraternelle qui me fit réfléchir. Le jeune homme ne me connaissait pas depuis longtemps et il se préoccupait de moi comme si j'étais sa petite sœur.
— T'as pas l'air bien Amandine...
— Je t'ai déjà dit que tu pouvais m'appeler Amy.
— Ah oui, excuse. Enfin je voulais dire que tu étais un peu pâle, ça te dit d'aller manger quelque chose ?
— En ville ? demandai-je surprise.
— Je pensais plutôt au réfectoire d'ici. Enfin sauf si vraiment ça te dérange.
— Non, non, c'est bon.
Thomas hocha de la tête et desserra sa main. Il partit devant et je n'eus pas d'autre choix que de le suivre. Lorsque nous arrivâmes devant les portes du réfectoire, je me sentis un peu tendue.
Je n'avais pas ma place ici, c'étaient tous des Altéras et moi j'étais une Traqueuse. J'avais envie de repartir en courant. Mais Thomas coupa court à mes espoirs quand il ouvrit la porte.
Ici ou au Domus Lucis, les Altéras étaient toujours aussi bruyants. Leur réfectoire était cependant plus grand, les tables n'était pas rondes mais rectangulaires.
Sur les murs, des chandeliers étaient accrochés. Des fenêtres disposées le long de mur renforçaient la luminosité du lieu. J'étais mal à l'aise, j'avais envie de partir en courant, je commençais à avoir chaud et en même temps j'avais une sensation de froid. C'était bizarre, pourquoi étais-je dans cet état ? Mes jambes flageolaient. Je me forçai pour la trentième fois de la journée à avancer.
Les Altéras ne me prêtèrent aucune attention, ce qui me rassura quelque peu. Je me sentis encore mieux lorsque je vis qu'ils ne mangeaient pas une spécialité bizarre de leur pays, mais juste des légumes.
Finalement, les Altéras n'étaient pas très différents des humains. Ils mangeaient, buvaient les mêmes choses, mais chaque « race », mot que je n'aime pas employer, a ses spécialités.
Enfin nous étions de retour au Domus Lucis ! Je n'en pouvais plus, le bruit de la cafète, la foule qui m'oppressait, j'étais bien contente de retrouver le nouveau calme du Domus.
— Thomas, je rejoins Alexis au labo, lança tout à coup Ric.
Thomas approuva et regarda le partenaire de son cousin partir. James n'était pas rentré avec nous, il avait prétexté une excuse lors du repas et s'était éclipsé.
Quelques minutes plus tard, les Anges étaient arrivés dans la pièce et M. Roddart avait l'air contrarié de ne pas y trouver son fils mais son neveu. Je me demandais quand même ce qui se passait entre ces deux-là.
Au sujet de Derek, le conseil n'avait rien appris de nouveau, si ce n'était que les démons pouvaient être impliqués. Et honnêtement le fait qu'il puisse savoir ce détail m'inquiétait. S'il était un peu malin, le conseil remonterait sûrement la piste des Citadellis sans savoir les motivations de leur chef.
Et il se pourrait que la taupe, ayant récupéré des informations des autres Altéras, informe sa maîtresse et celle-ci changerait Derek d'endroit ou pire, déciderait de l'éliminer. Je penchais plutôt pour la solution une, elle avait encore besoin de Derek, elle ne pouvait pas le tuer maintenant, mais j'avais tout de même peur.
— Amy ? Tu penses à quoi ?
La douce voix de Thomas me ramena à la réalité. Devais-je lui dire ce qui me préoccupait tant, ou alors gardais-je le silence ? J'ouvris la porte de notre chambre et entrai silencieusement. J'avais très envie de prendre une douche mais Thomas ne l'entendait pas de cette oreille, il m'agrippa le poignet et dit :
— Amy, je vois que ça ne va pas depuis tout à l'heure, qu'est-ce qui se passe ?
— Rien te dis-je, répliquai-je en dégageant ma main.
Le visage du jeune homme eut une expression blessée, comme s'il était déçu que je ne me confie pas. Mais je ne voulais pas l'inquiéter alors je me retirai dans ma chambre et j'y restai jusqu'à ce que Thomas vienne me chercher pour le repas.
Maintenant que j'étais la partenaire d'un Altéra, j'avais le droit de manger avec eux. De plus, depuis l'attaque du 25 avril, les Traqueurs ne mangeaient plus au réfectoire mais dans leur chambre aménagée en appartement.
Dans la salle, le silence était au beau fixe. Aucun des Altéras ne parlait, James n'était pas réapparu et Alexis manquait à l'appel.
À peine cette constatation m'avait-elle effleurée que le chercheur entra. Ses longs cheveux, tressés comme toujours, dégringolaient dans son dos et étaient coiffés comme si cela faisait plusieurs jours qu'il ne les avait pas brossés. Qu'est-ce qui valait cette présentation ?
— Enfin ! gronda le boss.
— Désolé...
Alexis prit place à côté de Gregory dont le visage s'éclaira d'un sourire cruel mais éclatant. Plus la signature des accords se rapprochait, plus le second du boss avait l'air ravi, mais méchant. Pour les autres, ce n'était peut-être rien, mais honnêtement, je ne le sentais pas bien.
— Ad, je dois te parler, commença Alexis de manière hésitante.
— À quel propos ?
— La journée du 25 avril.
Mon souffle se bloqua, je ne pouvais plus respirer. Alexis était-il au courant de quelque chose ? Ça ne m'étonnerait pas, il avait été l'esclave de la Citadellis qui avait enlevé Derek, il savait peut-être tout depuis le début !
Adolphe Plaine l'encouragea à continuer, mais je voyais que le chercheur hésitait. Était-ce parce qu'il s'était renseigné sur le sujet qu'il ne sortait du labo que quelques fois par jour ? Avant de continuer, Alexis avala juste une olive. Aussitôt, il se mit à tousser. Gregory réagit immédiatement et alla lui chercher un verre d'eau.
Le boss observa l'Altéra brun d'un air inquiet. Après avoir fini le verre, Alexis porta la main à sa tempe et dit d'une voix que je trouvai pâteuse :
— Désolé, je ne me sens pas très bien.
Il se leva calmement tout en vacillant. Il allait s'éloigner quand le boss lui lança :
— Tu avais quelque chose à me dire Alexis.
— Ce n'était pas important, juste pour te dire que j'ai renforcé la barrière magique autour du Domus depuis l'attaque.
Le jeune homme sortit de la pièce en titubant, comme s'il avait trop bu. C'était bizarre quand même, son attitude n'était pas normale. Mais aucun des autres Altéras n'y prêta attention. Je regardai la porte d'un regard inquiet, je sentais que quelque chose se préparait.
Je traversai le couloir qui menait à notre chambre. Je pressentais que quelque chose n'allait pas. Alexis qui en savait sûrement plus que ce qu'il ne voulait en dire, James qui ne paraissait même pas au repas. C'était louche, et ça m'énervait de ne pas savoir ce qui clochait.
Je me jetai sur le lit et soupirai en regardant le plafond. Thomas avait dû rester avec les autres Altéras pour régler certaines choses à propos de demain. Mes paupières étaient lourdes, je voulais attendre Thomas pour en parler avec lui, mais je tombai dans les bras de Morphée après quelques minutes.
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