Chapitre 33
Je poussai un petit cri de surprise, lorsque j'entendis :
— Merde !
Aussitôt la pression sur mon bras disparut et l'inconnu m'aida à me relever. En me tournant face à lui, je reconnu immédiatement l'Altéra du dossier. Celui-ci me fixait d'un air embêté et se décida finalement à me tendre la main avec un sourire aguicheur.
— Salut !
Je lui rendis sa poignée de main, mais n'ouvris pas la bouche. Thomas me regarda un peu étonné, je sentais qu'il était de bonne foi, mais je n'étais pas vraiment à l'aise avec lui. Il passa une main dans ses cheveux et me dit :
— Je suppose que tu sais qui je suis ?
Je hochai de la tête pour seule réponse. Thomas prit un air contrit, il secoua la tête et tendit sa main vers le bras qu'il m'avait tenue quelque seconde auparavant. J'eus un frisson lorsque celle-ci m'effleura, le jeune homme le remarqua et reprit la parole :
— Il faut que tu me parles, je ne te connais pas et si on doit travailler ensemble, ce serait mieux qu'on se fasse confiance.
Il avait totalement raison, toutefois, j'avais de la peine à aligner plus de deux mots. Je me sentais coupable vis à vis de Derek, je savais que je n'y pouvais rien, mais le boss l'avait remplacé en deux temps trois mouvements et ne m'avait même pas demandé mon avis.
Et ça, ça me faisait penser que j'étais complètement impuissante et que je ne pouvais rien faire par mes propres moyens.
Mais dans un sens, Thomas non plus n'avait pas décidé d'être mon partenaire, on le lui avait imposé et il se retrouvait avec une fille qui essayait de le frapper et qui ne parlait pas. J'inspirai et dis d'une voix enrouée :
— Je m'appelle Amandine, mais tu peux dire Amy.
— Enchanté Amy, je m'appelle Thomas.
Il devait savoir que je connaissais son prénom, et toutes sortes d'informations qui allait avec, mais il prit la peine de parler de manière rassurante, presque fraternel. Je me rendis compte que faire équipe avec lui risquait de ne pas être aussi terrible que je le pensais. Ça, c'était jusqu'au moment où il demanda :
— J'ai appris ce qui s'était passé avec ton partenaire, ça doit être dur pour toi de travailler avec un autre que lui.
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Honnêtement à cet instant, je ne savais pas ce que je devais faire. Devais-je pleurer, le gifler, ou rire nerveusement ? Mon esprit prit la peine de réfléchir avant de prendre la première option, autrement dit, pleurer. Les larmes coulèrent sur mes joues et venaient s'écraser sur mes genoux.
— Non non, ne pleure pas ! Je ne voulais pas te blesser !
Thomas était complètement paniqué. Je sais qu'il ne voulait pas me faire de la peine, mais parler de Derek comme s'il était un disparu de guerre, ne faisait que retourner le couteau dans la plaie et me faisait prendre conscience de la dure réalité : pour l'instant il n'était plus mon partenaire, c'était Thomas.
L'Altéra tricolore était plus assuré que Derek et ses mains ne tardèrent pas à saisirent ma nuque et à m'étreindre contre son torse. J'entendis distinctement son cœur qui battait très fort, sans doute devait-il se sentir coupable ?
Je finis par me calmer et une chose me frappa. Le fait que Thomas me serre dans ses bras ne m'avait pas gênée, mais lorsqu'il s'agissait de Derek, mon cœur battait plus vite et je me sentais incroyablement... perturbée.
— Est-ce que ça va mieux ? demanda Thomas en me regardant droit dans les yeux.
Je voyais clairement l'inquiétude dans son regard. Il me connaissait à peine et pourtant il devait déjà se préoccuper de moi !
— Oui, merci.
— Je sais ce que c'est de perdre son partenaire...
Thomas regarda par le fenêtre, un voile de mélancolie recouvrit ses yeux. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Je le fixai et il finit par dire :
— Tu es ma partenaire, alors au tant ne pas avoir de secrets l'un pour l'autre. Si je t'ai été assigné, ce n'est pas pour rien. Ça va faire maintenant un an que je n'ai plus de partenaire.
Il s'interrompit. Je ne comprenais pas. Comment ça se faisait qu'il n'ait plus de binôme ? Thomas déglutit et reprit :
— Après avoir passé nos examens, Raphael et moi avons dû prendre une décision, rester au Domus Lucis ou aller à la Citadelle. Nous avons pris la seconde option. Mais notre première mission était un fiasco totale et... Rafael a été tué.
Thomas regardait à présent dans le vide, tous ses souvenirs semblaient être véritablement douloureux pour lui et je pouvais comprendre. Il releva soudainement la tête et conclut :
— Je n'ai rien pu faire, et à mon tour, j'ai failli mourir, je me suis retrouvé quelque semaines dans le coma. Je n'ai pas pu le protéger et c'est pour ça que toi, je te protégerai, même si pour ça, je dois y laisser la vie.
Un frisson parcourut tout mon corps lorsqu'il asséna ces mots. Pourquoi un type comme lui, qui venait à peine de me rencontrer, voulait-il me protéger à ce point ?
Soudainement, une hypothèse germa dans mon esprit : et si le boss me l'avait assigné, parce qu'il savait que j'étais la tourmaline rose et qu'une guerre approchait ? Ou bien je me faisais des films pour rien ? C'était plus probable.
Thomas se mit soudainement à tousser. Je relevai la tête et le regardai, incrédule, se taper la poitrine. Au bout de quelques minutes, il s'arrêta, mais j'entendis sa respiration sifflante, comme s'il venait de faire une crise d'asthme. Était-ce ça sa santé défaillante ? Thomas sembla remarquer mon regard perdu et dit :
— Ah oui, ça ne devait pas être précisé dans le dossier. Je souffre de fibrose pulmonaire.
Qu'est-ce que c'était ? Je commençais vraiment à me demander si tous les Altéras avaient un soucis de santé, parce qu'entre James qui souffrait d'épilepsie, Alexis en proie aux crises d'angoisse, et Ric, je l'avais appris il y a quelques jours par Soa, affaibli par des céphalées de tension, et maintenant Thomas qui m'annonçait qu'il avait une fibrose pulmonaire, ça commençait à faire beaucoup...
Je me demandais si le boss et Gregory souffraient eux aussi d'un mal dans ce genre. Je ne me posai pas plus de question et demandai :
— Tu prends des médicaments pour ça ?
J'étais curieuse, j'en avais conscience. Mais nous allions devoir travailler ensemble, alors comme il avait dit, autant n'avoir aucun secret. Mon nouveau partenaire approuva et me donna des noms de médicaments que je n'avais jamais entendu. Il regarda sa montre et soupira :
— Bon on va aller au réfectoire, on apprendra à mieux se connaître ensuite.
— Euh Thomas...
— Oui ?
— Je me suis pas changée.
— Ah oui pardon !
Thomas rougit lorsqu'il se rendit compte de la situation. Il se leva du canapé où nous étions assis et alla se placer vers la porte en disant qu'il allait m'attendre ici.
Je n'eus pas d'autre choix que d'approuver cette solution. Je me levai à mon tour et partis me changer en vitesse. Lorsque je revins, j'eus la surprise de trouver Thomas, appuyé vers la fenêtre grande ouverte, en train de fumer.
Une seconde, je n'étais pas médecin, mais lorsqu'on souffrait de fibrose pulmonaire, il n'était pas recommandé de fumer, non ?
J'allais faire la remarque au jeune homme, mais celui fit un dernier rond de fumée avant de la balancer par la fenêtre. Honnêtement, je ne savais plus quoi penser de Thomas. Il y avait l'air d'un mec bien et attentionné, mais il fumait alors que sa santé était déjà en chute libre.
02.05.2016.
Je suivais Thomas en essayant de deviner les bruits de ses pas atténués par la moquette du couloir. Mon nouveau partenaire marchait de façon assurée, après tout, il connaissait bien le Domus Lucis, il avait quand même fait sa formation ici.
Au moment de pousser la porte du réfectoire, l'appréhension me tirailla entre deux possibilité, partir ou entrer. Thomas, inconsciemment, choisit la première option en ouvrant la porte.
La salle était vide, sans compter les Altéras, tous présents. Le boss eut un regard amusé en me voyant suivre Thomas comme un petit chien, je n'y prêtai pas attention et rejoignis leur table.
James et Ric eurent l'air très surpris de voir le tricolore, mais la réaction de Gregory me laissa perplexe. Il releva la tête et lorsqu'il aperçut mon partenaire, il lança un regard perdu au boss avant de dire:
— Qu'est-ce qu'il fout là ?
— Thomas va remplacer Derek Lavaine durant une période indéterminée, répondit calmement le chef.
— Mais vous savez ce qu'il a fait ! À cause de lui mon frère est mort !
Adolphe lança un regard d'avertissement à son second. Les bras m'en tombaient, l'ancien partenaire de Thomas, Rafael si je me souvenais bien, était le frère de Gregory ? Les deux hommes se fixèrent froidement avant que le vert ne quitte la salle d'un pas furieux.
Nous étions mal, très mal. Gregory était probablement la taupe de la Citadellis, c'était lui qui avait commis les incidents au sein de ce bâtiment, il l'avait fait par amour, et contre son supérieur en quelque sorte.
Mais maintenant que celui-ci avait assigné l'assassin de son frère à une Traqueuse, la tourmaline rose de surcroît, Gregory allait sûrement à nouveau commettre des agressions, et cette fois-ci pas pour l'amour, mais à cause de la colère et de la rancune. À moins qu'il ne se tienne tranquille de peur que le boss n'ait des soupçons ?
Honnêtement dans les deux cas je ne savais pas quoi en penser. Trahir les siens par amour ou venger la mémoire de son frère ? Laquelle était la plus vénérable, aucune des deux pour les Altéras, ça revenait dans les deux cas à de la trahison.
Le boss posa sa main sur le bras de Thomas et dit :
— Thomas, tu sais que ce n'est pas de ta faute si Rafael est mort. Gregory ne le supporte toujours pas, alors laisse-le. Et puis maintenant tu as une nouvelle partenaire.
Calvaro approuva lentement, visiblement troublé par les paroles de Gregory et du boss. Alexis n'avait rien dit durant ce laps de temps, il n'avait même pas remarqué notre arrivée.
Concentré sur sa feuille et sa calculette, son environnement ne semblait pas le perturber. Je voyais sur sa page des calcules incompréhensibles s'étaler. Après avoir marqué les derniers lettres, il dit au boss :
— Ça devrait passer comme ça, enfin j'espère.
Alexis replia toutes ses affaires et annonça :
— Je suis au labo, je ne pense pas en sortir avant quelques heures.
Je n'étais pas sûre d'avoir bien compris, il venait de finir son travail, mais retournait travailler au labo. Le boss ne sembla pas apprécier ce fait, mais laissa le jeune homme partir, il lança ensuite un regard à Ric et James, et j'y vis très clairement l'ordre de : laissez-nous !
Le boss se rassit et se mit à siroter son café comme si Thomas et moi n'existions pas. Ça nous faisait une belle jambe, que devions-nous faire ? Le boss sembla lire dans mes pensées, car il nous fit signe de nous asseoir en face de lui. Honnêtement, je ne savais pas si c'était positif ou pas. En tout cas, j'allais vite le savoir.
— Il vous faut retrouver Derek.
La phrase tomba, telle une sentence du tribunal. Ce qui me choqua, ce fut que cette fois-ci, le boss n'avait pas appelé Derek M. Lavaine. Mais j'étais d'accord avec le supérieur, retrouver Derek était une chose essentielle. Notre chef regarda alternativement Thomas puis moi et finalement poursuivit :
— Amandine, il va falloir vous rendre à la Citadelle pour que les anges aient des informations supplémentaires sur votre ancien partenaire.
Oh non, ce n'était pas possible ! Je ne savais pas où était la Citadelle moi, et j'allais vite me perdre dans le bâtiment ! Plaine vit mon regard perdu et sourit. Ce n'était pas uniquement parce que Thomas n'avait plus de partenaire qu'il me l'avait assigné, c'était aussi pour qu'il m'aide avec les Anges. Décidément, ici tout était programmé. Le boss nous laissa ensuite partir, mais lorsque j'allais franchir la porte, il intervint :
— Thomas, va à la salle de sport, nous allons faire un entraînement intensif. Toi et les autres avez perdu la main on dirait.
Son ton était sévère et sur l'instant, je me réjouis de ne pas être à leur place. Thomas déglutit mais approuva d'un signe de tête avant de sortir. J'allais le suivre, mais le boss m'en empêcha.
— Soyez franche Amandine. Vous savez où se trouve Derek n'est-ce pas ?
Le boss posa cette question d'une voix douce qui ne collait pas vraiment avec son caractère. Et ce fut ceci qui me fit douter, et si finalement la taupe était le boss et pas Gregory ? Sauf que j'avais tout de même eu une vision de l'homme encapuchonné lorsque j'avais touché Gregory.
Ça voulait dire qu'ils étaient les deux dans la combine ? Franchement je ne savais plus que penser, si Derek avait été là, il aurait probablement pu résoudre cette énigme, mais là sur le moment toute seule j'en étais incapable. Je restai silencieuse durant une dizaine de minutes, j'étais muette.
Finalement, l'unique réponse qui me vint après une interminable réflexion, fut :
— Non, je n'en ai pas la moindre idée, sinon je vous l'aurais dit.
Le boss hocha de la tête et me laissa partir. J'étais une si bonne menteuse que ça pour qu'il m'ait crue ? Ou alors il m'avait percé à jour mais pour une raison x, y ou z il n'avait rien dit. J'avais pris trop de temps pour réfléchir, il devait se douter que je savais tout, alors pourquoi me laisser partir.
Je rejoignis la chambre. En chemin, je croisai Thomas, il avait l'air plus que motivé. Il portait un pantalon noir et un haut moulant noir sans manche semblable à celui de James, et comme le violet, il portait des gants qui montaient en dessus du coude.
— Ah Amy.
— Salut.
La situation était ridicule. Nous nous étions quittés il n'y avait même pas quinze minutes et nous nous saluions comme si ça faisait trois jours qu'on ne s'était pas vu. Thomas m'embrassa alors sur la joue, un geste qui me rappelait particulièrement Derek et dit:
— L'entraînement va durer un moment, nous avons plein de choses à revoir. Je vais revenir tard à la chambre.
— Et pour le repas ?
— Je t'ai préparé quelque chose, c'est sur la table de la chambre.
Il avait même eu le temps de préparer quelque chose ? Je me souvins alors qu'aujourd'hui, en rentrant dans la chambre, j'avais entre-aperçus une cuisine. C'était tout de même bizarre, les chambres étaient maintenant prévues comme des appartements. Thomas effleura la joue de ses longs doigts gantés et partit dans le couloir.
J'arrivai devant la porte de mon appartement, quand soudainement une main m'agrippa le bras. Je me retournai violemment, prête à mettre mon poing dans la figure de l'ennemi.
Je me retrouvai nez à nez avec les yeux bleus lavande de Jay. Mon cœur battait à tout rompre et je me dégageai avant de croiser mes bras sur la poitrine.
— Salut, dis-je d'un ton aussi froid que possible.
— Salut, tu vas bien ?
J'hochai de la tête en fixant froidement le jeune homme. Nos relations s'étaient encore plus dégradées depuis que Derek avait disparu. Je ne pensais pas pouvoir être aussi...indifférente à son regard d'ange blond.
Le jeune homme allait dire quelque chose, mais honnêtement, je n'avais pas envie de parler, tout ce que je voulais, c'était me remettre de mes émotions en dormant, même si ce n'était pas l'heure. Je l'interrompis en lui disant que j'étais fatiguée et je le plantai avant d'ouvrir la porte de ma chambre.
Une fois celle-ci refermée, je m'y appuyai et me laissai glisser jusqu'au sol. Pourquoi est-ce que ça m'arrivait à moi ? J'avais envie de pleurer, mais pour aucune raison précise.
J'avisai le repas sur la table. Peut-être que manger me ferait du bien. En tout cas, si une cuisine avait été installée dans les chambres, c'était sûrement pour éviter d'avoir tous les Traqueurs réunis dans le réfectoire. Thomas avait préparé du riz et de la salade, il était adorable. Je remarquai alors qu'un papier était glissé sous mon assiette.
« Je vais rentrer tard, ne m'attends pas. Est-ce que tu pourrais sortir le désinfectant ? Merci.
T. Calvaro »
Pourquoi devais-je sortir le désinfectant ? Il comptait faire comme James et se blesser rageusement ? Malgré mes doutes, je fis ce qui était inscrit sur le papier et commençai à manger.
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