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Chapitre 32 : Après lui, après toi...

Même si la nuit est bien entamée, Gen n'arrive toujours pas à dormir. Installé dans son futon, il regarde le plafond au-dessus de lui. Il espère que cette lassitude parviendra à l'aider à dormir mais c'est peine perdue. Morphée ne veut pas de lui malgré tous ses efforts. 

Agacé, il finit par s'asseoir dans le lit. Il allume la lampe de chevet, brisant le noir d'encre installé dans la pièce. Une pièce toute petite : la chambre qu'il a louée dans l'auberge de jeunesse. 

Il n'arrive pas à dormir car les mots se bousculent dans sa tête. Des mots qu'il n'a jamais dit, des mots qui le hantent depuis des jours entiers, parasitant ses nuits. Ses yeux viennent se poser sur le petit bureau dans le coin de la pièce. Il fait nuit, mais cela ne le décourage pas. Il s'extirpe de ses draps pour s'asseoir face à ce petit meuble. Il faut qu'il se libère de ces mots qu'il garde en tête. Les écrire sur le papier, les sortir de son esprit. Peut-être qu'enfin, après ça, il pourra dormir en paix. 

Il y a un bloc de feuilles dans ses affaires. Il le sort de son sac, attrapant également la petite trousse de stylos qu'il a emportée avec lui. Chez lui, il n'avait pas tant d'effets personnels que ça. Toute sa vie se trouve entassée dans cette auberge, juste le temps qu'il parvienne à trouver un appartement. Ensuite, il pourra commencer une nouvelle vie. 

Il ouvre le bloc, le stylo en main. Pendant quelques instants, le stylo reste suspendu au-dessus de la feuille, incapable de s'y poser. Durant de longues secondes, Gen se demande à qui il peut adresser ces mots. Ils pullulent dans son cerveau mais il a du mal à les ordonner. Il décide vite de ne pas se poser de questions. Enfin, le stylo s'agite, étalant son encre noire sur la feuille blanche. 

Cher Mozu, je t'écris cette lettre alors que tu ne pourras plus jamais la lire. Tu es parti il y a quelques temps maintenant, depuis des semaines que je ne compte plus. Je t'ai vu me regarder une dernière fois avant que ton corps ne se laisse tomber dans le vide. Avant que tu ne tombes, j'ai vu tes yeux, j'ai capté ton regard. Et alors que tu étais sur le point de mourir, tes yeux souriaient. Malgré la situation, tu avais l'air heureux de partir. Ou alors, heureux de me voir pleurer ? J'aime imaginer que tu ne pensais pas à ça. Parce que même si tu m'as fait du mal, je te connais, et je sais que tu n'étais pas comme ça.

Mais depuis ta mort, les mots que je n'ai pas pu te dire me hantent. Tous les jours j'essaye de passer à autre chose, de me dire que dans tous les cas, te dire ces mots ne serviraient plus à rien. Mais ce n'est pas vrai. Je me suis longtemps imaginé pouvoir te dire tout ça, les yeux dans les yeux. Mais j'avais peur de tes mains, j'avais peur de ce que tu étais capable de me faire. Alors j'écris ces mots, même si tu ne pourras plus jamais les lire. 

Tu m'as fait du mal. Mais ça, tu le sais, n'est-ce pas ? Tu me voyais pleurer, tu as bien dû voir dans mon regard que j'avais peur de toi. Tu as bien dû voir dans mes yeux que tout ce que nous vivions n'était pas de l'amour. Entre nous, il n'y avait plus rien mis à part la violence. Et en réalité, c'est tout ce qu'il y a toujours eu entre nous. La violence, c'est la seule chose qui nous réunissait. Elle était chez toi, elle était chez moi. Tu la subissais, moi je la regardais. Tu as senti les coups sur toi, on a blessé ton corps sans raison et tu as blessé le mien à ton tour. Parce que c'était un moyen pour toi de m'aimer. Parce que tu n'as connu que ça, toute ta vie. 

Je ne regrette pas ce que je t'ai dit quand Senku est venu me chercher chez toi. Je pense effectivement que je ne suis jamais tombé amoureux de toi. Ça ne veut pas dire qu'il ne s'est jamais rien passé entre nous, ou que je rejette tout ce qu'on a vécu, mais c'est la vérité. Je me suis accroché à toi car tu étais ma seule porte de sortie. 

Je n'étais pas amoureux de toi, mais j'ai aimé être dans tes bras. Avant qu'ils ne me frappent, j'ai aimé leur force car j'avais l'impression d'être en sécurité. Je ne rejette pas toutes ces soirées où tu es venu me rejoindre en secret pour chercher du réconfort quand nous avions 15 ans. Je ne rejette ni nos étreintes, ni nos baisers, ni nos sourires. Avant que tout ne dérape, j'ai été heureux à tes côtés. Je ne renie rien de tout ça. 

J'ai besoin de t'adresser ces mots car je n'ai pas eu le temps de te les dire. Si l'univers avait été de notre côté, peut-être aurais-je eu l'occasion de discuter calmement avec toi de tout ça. J'aurais pu te dire qu'à tes côtés, j'ai vécu des moments merveilleux. À une époque où la vie me semblait fade et sans couleurs, tu as apporté l'étincelle dont j'avais besoin. Je suis convaincu que notre rencontre reste la meilleure chose qui me soit arrivée à mes quinze ans. Si je ne t'avais pas rencontré dans ce parc, je ne sais pas ce que j'aurais fait aujourd'hui. Peut-être serais-je resté chez mes parents ? Peut-être aurais-je arrêté les cours pour partir au plus vite de cet endroit que je tenais en horreur ? Je ne sais pas, mais tout cela m'intrigue. Je ne devrais pas y penser et pourtant, il n'y a que des "si" dans ma tête. 

Te souviens-tu du jour où tu m'as avoué tes sentiments ? Te souviens-tu du jour de notre premier baiser ? Je suis sûr que tu t'en souviens. Même de là où tu es, je suis sûr que tu t'en souviens. Car moi je m'en souviendrai toute ma vie. J'avais si peur, toi aussi d'ailleurs. À l'époque, j'étais persuadé de faire quelque chose de mal. Je pensais réellement qu'embrasser des hommes était quelque chose d'interdit. Je me pensais malade car je n'avais jamais vu personne être comme moi. Mais tu as réussi à me faire comprendre que c'était totalement normal. Si je parviens à être en accord avec moi-même aujourd'hui, c'est en partie grâce à toi. 

Est-ce que tu me regardes en train d'écrire ces mots ? Est-ce que tu as enfin pu te débarrasser de la colère qui te rongeait ? Toute cette haine que tu avais en toi, toute cette colère contre le monde... Elle a dévoré ta vie, mais elle a également dévoré la mienne. 

Peut-être que je suis trop gentil, je ne sais pas. Mais je n'arrive pas à te détester. Car si je souffrais, je suis persuadé que c'était la même chose pour toi. Tu n'étais pas heureux et tu as vécu toute ta vie pris au piège dans une colère qui te dépassait. Au début, je t'ai haï. Mais maintenant que le temps est passé, maintenant que tu es parti pour de bon, je n'arrive plus à te détester. Et puis de toute façon, te détester ne ferait qu'empoisonner ma vie. Car comme je te l'ai dit, je ne veux pas renier ce qu'on a vécu toi et moi. Si je suis comme ça aujourd'hui, c'est parce qu'il y a eu un "nous" fut un temps. 

Mais vois-tu, malgré cela, je ne peux m'empêcher de t'en vouloir. Je ne te déteste pas, mais je t'en veux. As-tu vu tout ce qu'il s'est passé depuis ta mort ? Je me suis retiré du monde pour un temps, essayant d'oublier l'atroce image de ton corps sombrant dans le vide. Je me suis éloigné de mes proches, je me suis éloigné de Senku parce que je voulais aller mieux. Et loin de tout le monde, j'ai compris que je ne pouvais pas rester avec eux. Je ne connais que l'homme que tu as façonné. Malgré tous mes efforts, je n'ai pas reconnu Gen Asagiri dans le miroir. Quand je regardais mon reflet, je ne voyais que ton ombre. 

Ça va te paraître fou avec tout ce que je suis en train de te dire, mais je veux essayer de t'oublier. Je ne veux pas oublier ce qu'on a vécu, mais je ne veux plus te voir en moi. Je ne veux plus être un reflet déformé de toi-même, je veux être moi. Et j'ai besoin que tu le saches pour pouvoir faire mon deuil. 

J'ai aussi besoin que tu saches le mal que tu m'as fait. J'ai besoin d'écrire tous ces sentiments que je ressens pour m'en libérer. Là, je t'écris à cœur ouvert car j'en ai besoin. Et même si tu ne veux pas entendre ces mots, j'ai besoin de les écrire. Après tout ce qui s'est passé, tu me dois bien ça, non ?

Après toi, il n'y a eu que de la souffrance. J'ai vécu si longtemps à être terrifié à l'idée de te revoir près de moi. J'avais peur que tu me retrouves car je savais que tu me cherchais. Tu ne pouvais pas juste accepter mon départ sans rien faire, je le savais. Si tu savais comme j'ai eu peur de tomber sur toi en faisant mes courses ou en me baladant. J'avais si peur que je ne sortais plus. Je n'ai fait que déménager sans arrêt, j'ai perdu beaucoup d'argent et d'énergie dans cette fuite interminable. Et même lorsque j'ai décidé de revenir dans le Kanto, j'ai eu peur. Car je me suis dit que tu m'y attendrais. De toute façon, c'était aussi chez moi, non ? Il paraissait donc logique que je revienne, je le conçois. J'ai vécu des jours entiers la peur au ventre, incapable de parler de ce que tu m'avais fait à qui que ce soit. 

Ce qui m'est arrivé, je ne voulais en parler à personne. J'ai tout fait pour cacher ce passé car j'en avais honte. J'avais honte d'avoir cru que j'aurais pu quitter ma famille sans la moindre répercussion. J'avais honte d'avoir été la victime de tes poings, honte car je me sentais faible. Incapable de me défendre par moi-même, j'ai préféré fuir. Encore une fois, je suis parti, car je ne pouvais plus affronter tout ce que tu me faisais endurer. 

J'ai eu mal, tu sais ? Une douleur que tu ne pourras jamais imaginer. Peu importe ce qui te viendra à l'esprit, ça ne sera pas assez puissant pour décrire ce que je ressentais. Il y avait la douleur physique de tes coups, mais il y avait aussi la douleur psychologique. Le après, ce moment où tu ne laissais qu'une coquille vide derrière toi. 

Tu m'as frappé, tu m'as humilié, tu as fait de moi un objet dont tu prenais plaisir à te servir. Je ne compte plus les fois où tu m'as fait passer pour un moins que rien devant nos amis. C'était ta manière à toi de me garder près de toi, mais aussi pour soigner cette douleur que tu ressentais toi aussi. Et moi, je n'ai fait qu'endurer tout ça, incapable de répliquer. 

Et puis, tu m'as violé. Ce mot fait peur, hein ? Moi aussi il me terrifie. Quand je l'entends, j'ai l'impression qu'il me regarde, qu'il ne cherche qu'à m'attraper pour me détruire. Il me fait peur et j'ai mis un moment à accepter que ce mot décrivait parfaitement ce que tu m'as fait endurer. Toutes ces fois où tu m'as forcé, toutes ces fois où tu as continué malgré mes supplications. Tu ne t'en rendais peut-être pas compte à l'époque, mais maintenant je te le dis : tu m'as violé, et tu m'as violé beaucoup trop de fois. 

Et puis il y a la vidéo. Ça, je ne pourrai jamais te le pardonner. Je ne te déteste pas, mais je n'arriverai jamais à pardonner cette ultime humiliation. Tu m'entends, de là où tu es ? Vois-tu ma colère dans mes mots ? Vois-tu ma peine sur mon visage ? Cette vidéo, elle me hantera jusqu'à la fin de mes jours. Peut-être qu'un jour j'arriverai enfin à me faire prendre en photo sans avoir peur. Mais en attendant, je n'y arrive pas, et c'est entièrement de ta faute. 

Sais-tu comment on se sent après avoir été sali comme tu l'as fait ? On a envie de mourir. On a l'impression de se sentir sale, de puer, et que la Terre entière peut le voir. Quand Senku m'a récupéré, j'avais l'impression que c'était écrit sur mon front : "Mozu m'a violé". Il m'a fallu du temps pour accepter que personne ne pouvait voir cette blessure que tu m'as infligée. Il n'y avait que moi, dans mon intimité, qui pouvait la voir et la sentir. 

Est-ce que tu regrettes ce que tu as fait ? Te rends-tu compte de la souffrance que tu as imposée aux autres maintenant que tu es parti ? Comprends-tu pourquoi ta mort a été pour moi une libération ? 

Je n'ai pas honte de te le dire. Ta mort a été ce qui m'a permis de me libérer de tout ça. Quand tu es tombé dans le vide, j'ai eu peur. Senku m'a bouché les oreilles pour que n'entende pas ton corps heurter le sol, mais j'ai compris. Et quand le silence a retenti juste après, ma première pensée a été : "c'est fini"

Voilà, c'est une cruelle vérité, mais c'est la réalité. Ta mort a été pour moi l'occasion de revivre. J'ai pu appuyer sur "play" après avoir mis ma vie sur pause pendant des années. 

On aura vécu des moments formidables tous les deux. Tu m'as appris à m'aimer, mais tu m'as aussi volé ma confiance et ma vie. Cette lettre, je l'écris avec un mélange de nostalgie et de colère. J'aurais aimé pouvoir parler avec toi de tout ça. J'aurais aimé que mes mots te touchent quand tu étais encore vivant pour que tu comprennes. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de te les dire, alors je les écris. Et maintenant que mon cœur est libéré de ce poids, j'ai l'impression que je vais enfin pouvoir avancer un peu plus. 

Je ne sais pas comment terminer cette lettre alors je vais me contenter de te dire adieu. Quand cette lettre sera terminée, tu n'auras plus jamais un seul mot de ma part. 

Bien à toi.

Gen. 

Il lève son stylo, regardant ces pages noircies par l'encre qui s'est déversée. Ces mots, ils les avaient en tête depuis si longtemps. Sur cette feuille, il y a la douleur qu'il n'a pas pu lui partager. Il y a la colère des mots qu'il n'a pas pu prononcer et le soulagement d'avoir pu s'en délivrer. 

Lentement, il met cette liasse de feuilles sur le côté du bureau. La lettre terminée, une autre lui vient. Son stylo n'a pas fini de déverser sa couleur sur la blancheur de la feuille. Il y a encore tant de choses qu'il aimerait dire, à une autre personne cette fois.

Il reprend son bloc de feuilles, l'installant à nouveau juste devant lui. Encore une fois, son stylo reste quelques instants au-dessus de la feuille, cherchant comment commencer cette lettre que son destinataire ne lira jamais. Enfin, les mots viennent en cascade. Le stylo glisse sur la feuille, dévoilant ses pensées les plus profondes. 

Mon amour, je t'écris cette lettre alors que tu ne pourras pas la lire non plus. Tous les mots qui seront étalés sur cette feuille, je ne te les enverrai pas. Car je ne peux pas t'imposer ma douleur alors que je sais que tu as déjà la tienne à gérer. 

Où es-tu en ce moment ? Que fais-tu ? J'espère que tu continues les cours, que tu as le courage de te rendre à la fac. Je sais que tu dois souffrir, c'est la même chose pour moi. L'auberge est si petite, je tourne en rond dans cette chambre minuscule. Parfois, je vais dans les bains, essayant de me détendre et de penser à autre chose. Mais à chaque fois j'ai l'impression de te sentir tout contre moi. Je sens tes mains autour de ma taille et ton souffle dans mon cou. À chaque fois, je souris face à cette sensation agréable. Mais quand je me retourne pour capturer ton magnifique regard, il n'y a personne. Je suis seul. 

Le temps passe, m'éloignant toujours un peu plus de toi. Chaque jour, mon cœur souffre de cette solitude que je nous impose. Il meurt d'envie d'être à tes côtés, de pouvoir battre avec le tien. Mais ce n'est pas possible, tout ça n'est plus possible, même si nous le voulons tous les deux. 

Tu sais, il m'arrive de regretter ma décision. Parfois, je me réveille et je pleure, incapable de m'arrêter. Je me dis que j'ai fait une erreur, que je ne peux pas t'abandonner comme ça. Parfois, j'ai envie de remballer toutes mes affaires pour revenir à Tokyo et te prendre dans mes bras. Je veux embrasser ta peau, tes lèvres, ton cou. Je veux passer mes mains dans ta chevelure folle et me plonger dans ton regard. Mais ce serait une erreur de revenir, nous le savons tous les deux. 

Mon voyage n'a pas encore commencé. Pour l'instant, je n'ai pas de repères, pas de nouvelle vie. Je suis dans l'attente de pouvoir la commencer, cette nouvelle vie. Il est donc normal que je pense sans cesse à toi, car tu me manques terriblement. 

Tu as vu ? Je commence à faire comme toi. Quand une situation me dépasse, je rationalise, j'invoque la science comme une carte Joker pour me sortir de cette impasse douloureuse. 

J'aurais tant aimé pouvoir faire ce voyage à tes côtés. Mais je ne voulais pas voir notre relation périr chaque jour tandis que je mourrais d'envie de m'envoler. Si j'étais resté, j'en serais venu à détester notre relation, ne la voyant que comme un énième carcan m'enfermant dans une vie que je n'ai pas choisie. J'ai préféré y mettre un terme avant que mon amour pour toi ne se transforme en quelque chose que je regretterais. Là au moins, je peux penser à nous avec un sourire aux lèvres. 

Pour te dire la vérité, quand nous nous sommes rencontrés, je ne me pensais pas capable d'aimer quelqu'un. Je venais de sortir d'une fuite interminable contre un fantôme qui me suivait tous les jours. J'avais peur, j'étais même terrifié. Je ne connaissais personne mise à part Tsukasa, je me sentais atrocement seul. Mais grâce à toi, j'ai réussi à passer outre. Car tu m'as vite considéré comme ton égal. C'est ça que j'ai toujours aimé chez toi : ta capacité à me faire comprendre que je suis un humain qui mérite tout ton respect. 

Parfois j'essaye de comprendre ce qui m'a fait tomber sous ton charme. Et après réflexion je pense que c'est la fois où tu m'as sauvé de ce quatrième année. J'avais peur et tu as été là pour me rassurer. À ta manière, tu m'as permis d'évacuer le stress pour que cet incident soit relégué au second plan. Et je vais te faire une confidence : lorsque, ce jour-là, tu m'as pris le poignet pour prendre mon pouls, mon cœur s'est emballé. J'ai eu si peur ! J'étais persuadé que tu allais voir mon trouble. D'ailleurs, t'en es-tu rendu compte ? J'aime à croire qu'au début, tu n'as rien vu de tout ça. 

Je pourrais faire une liste de tout ce que tu m'as apporté mais cela me prendrait tout le reste de la nuit. Tu ne t'en rends pas compte mais te rencontrer m'a sauvé la vie. Si je n'étais pas tombé amoureux de toi, je ne sais pas où je serais aujourd'hui. Peut-être même que je ne serais plus là pour t'offrir ces quelques mots. 

Tu sais, quand je suis retourné dans le Kanto, je n'allais vraiment pas bien. Il m'est arrivé certains soirs d'avoir envie d'en finir. Je vivais constamment dans la peur de voir Mozu revenir, je ne connaissais quasiment personne, j'étais terrifié par cette vie nouvelle qui m'attendait. Mais ta singularité m'a très vite attiré, et grâce à toi, j'ai réussi à aller de l'avant. 

Je te le répète, et je le répèterai au monde entier : tu es la meilleure chose qui me soit arrivé. Tu as été là au bon moment et tu as toujours su trouver les bons mots pour moi. Des mots doux, des mots que tu n'as dit à personne à part moi. J'aime me dire que tu m'as montré une part de toi que tu n'as montré à personne d'autre. Cette timidité dans nos moments intimes, cette inquiétude dans le regard quand tes mains se posaient sur moi. Tu as pris soin de moi comme si j'étais le plus précieux des joyaux. Dans tes bras, au creux de tes mains, je me suis senti aimé pour la première fois. Au creux de tes bras j'ai connu un plaisir que je ne connaissais pas. Tu étais si doux avec moi, si doux dans tes gestes et tes baisers. Une douceur que je n'ai que rarement touchée et qui m'a montré le plaisir de ne faire qu'un avec l'autre. J'aimais la manière dont nous faisions l'amour, toujours dans la douceur et le respect mutuel. J'aimais la manière dont tu caressais mon corps et ta manière de m'embrasser. Moi aussi j'aimais t'embrasser. J'aimais te sentir fondre dans mes bras tandis que tu te laissais aller. Je me délectais de tes réactions quand je te touchais, des réactions que je n'oublierai jamais. Ton corps me manquera, tes bras, ta peau et tes lèvres me manqueront. Mais je garde les meilleurs souvenirs de nos moments intimes. Grâce à toi, dans tes bras, j'ai compris quelle était ma juste valeur. Merci, je te remercierai toute ma vie pour m'avoir ouvert les yeux. 

Tu dois sans doute dormir à cette heure-ci. En tout cas, je l'espère. J'espère aussi que nos amis prennent bien soin de toi. Je me doute que tu dois être dans le même état que moi, toi aussi. Il te faut digérer la séparation, envisager l'avenir seul sans plus personne à tes côtés. J'espère aussi que tu as arrêté d'être la tête de mule que tu as toujours été et que tu as pu te confier à quelqu'un. Je ne veux pas que tu gardes tout pour toi. Parle aux autres, parle au monde, raconte leur ta peine. Crie sur tous les toits ta douleur, fais la sortir, ne la garde pas pour toi. Je n'ai pas envie que tu deviennes comme moi.

Tu sais, moi aussi j'ai peur de l'avenir. J'ai peur de ce qui se passera après. Après toi. Je suis incapable de dire ce qu'il y aura après toi. Il est trop tôt pour l'instant pour que je puisse trouver une réponse. Tout ce que je peux écrire, c'est "après toi...". Parce que je ne connais pas la suite, et toi non plus. 

Parfois, j'ai imaginé la vie que l'on aurait pu avoir, toi et moi. Une nuit, je me suis vu avec toi en Amérique. Tu étais à Harvard et tes cours te prenaient beaucoup de temps. Moi, j'étais dans une fac quelconque, menant des études de psychologie. Comme toi, j'évoluais sur les terres dorées de l'Amérique, baignant dans une culture qui n'est pas la mienne. Partout où j'allais, je voyais ce drapeau rayé orné des cinquante étoiles représentant les États de cette contrée infinie. Le Star and Stripes, si éloigné de notre contrée d'origine. 

Puis je nous ai vu grandir. Ou plutôt, je nous ai vu mûrir. Tous les deux, nous sommes entrés sur le marché du travail. Toi, tu as rejoint la NASA dans un des dix centres spatiaux les plus grands du monde. Et moi, je me suis tourné vers la recherche, cherchant à décrocher un doctorat en psychologie. Toi, tu as le regard tourné vers les étoiles. Moi, j'ai les yeux tournés vers cet infini qui se trouve dans notre tête. Et puis, le temps est passé. 

Je nous ai vu évoluer dans les rues de ce pays qui nous a accueilli. Je nous ai vu nous tenir la main à la vue de tous. J'ai vu des regards, mais j'ai aussi vu la liberté. Une liberté qu'il n'y a pas chez nous. 

Et puis, nous avons accueilli une nouvelle personne avec nous. Je sais, ça te semble grotesque, n'est-ce pas ? Mais c'était plus fort que moi ! Ce genre de chose n'est pas possible au Japon. Mais en Amérique, tout est possible. Et je l'ai vu, cet enfant qui a rejoint notre foyer tandis que toi et moi, nous débordions d'amour. Et enfin, j'ai vu des alliances autour de nos annulaires. Deux bagues brillant pour la vie de leur lueur argentée, montrant au monde entier que je t'appartenais, et que tu étais mien. 

Je divague, je le sais. Cet avenir n'arrivera pas car je suis celui qui lui a interdit de se développer. Et je ne devrais pas imaginer tout ça, pas alors que je dois t'oublier. Mais c'est plus fort que moi. Mon cœur t'appartient et il t'appartiendra encore longtemps.

Gen s'arrête quelques instants d'écrire. Les mots sont encore là, au bout de son stylo, mais il lui faut essuyer ses larmes. Malgré lui, quelques unes tombent sur la feuille, créant une auréole humide autour des mots qui s'enchaînent. L'encre se mélange déjà à ces perles salées qui s'échappent de ses yeux. Il inspire profondément, juste avant de reprendre. 

Tu vois ? Je savais que c'était mauvais pour moi de penser à tout ça. Voilà que je me mets à pleurer, encore une fois. Quelques larmes ont coulé sur le papier, je vois déjà l'encre s'étaler autour des marques qu'elles ont laissées. Si je cherche à enlever ces larmes, l'encre bavera. Je dois juste les laisser sécher. 

Je me perds, je ne sais même pas où je vais avec cette lettre. Je pourrais écrire encore longtemps mais je sais que je ne ferai que me répéter. Que pourrais-je te dire d'autre ? Je suis à bout de mots alors que j'ai encore tant de choses à te dire. 

Je pourrais passer une nuit entière à te décrire mon amour pour toi. Mais si je le faisais, je sais que je pleurerais à n'en plus finir. Et ce n'est pas pour ça que j'ai décidé de prendre ce stylo pour t'écrire ces mots. Si j'ai choisi d'écrire, c'est pour me libérer de toutes ces pensées qui pullulent dans mon cerveau. J'ai besoin de te dire tous ces mots pour avancer. Sans ça je sais que je n'arriverai pas à mettre un pied devant l'autre. 

J'espère que toi aussi tu trouveras le moyen d'aller mieux, de ton côté. Hier, je me suis rendu dans un temple. J'ai prié pour toi en espérant que tu sauras te relever malgré la douleur. 

Mais tu es fort, n'est-ce pas ? Tu supporteras tout ça, j'en suis persuadé. Tu tourneras la page et tu avanceras. Peut-être que tu referas ta vie avec quelqu'un d'autre, peut-être que tu oublieras notre histoire, peut-être que tu me détesteras. Et tu sais quoi ? Je ne pourrai jamais t'en vouloir. Si c'est ce qui te permet d'aller mieux, alors je suis prêt à devenir la source de ta colère, et je serai prêt à la recevoir. Moi, de mon côté, je sais que je t'aimerai toujours. 

J'ai passé la nuit à écrire, je crois. Je viens de tourner la tête et je vois que nous sommes déjà à l'aube. Mon bras est tout engourdi et je commence à avoir mal au poignet. Je crois qu'il est temps pour moi de mettre un point final à cette lettre. 

Mais avant que je ne mette fin à mon monologue, je te souhaite le meilleur. Tu mérites de réussir, et tu mérites d'être heureux. Et si être heureux voudrait dire l'être sans moi, alors ça me convient. 

Je t'aime, du plus profond de mon cœur, et je t'aimerai toujours. 

Au revoir mon amour. 

Gen. 

Gen lève son stylo, juste après avoir mis un point final à cette lettre interminable. Pendant de longues minutes, il regarde toutes les pages qu'il a noircies de ces mots qui polluaient son esprit. Maintenant, ils sont ici, sur ces feuilles. Pour la première fois depuis des jours, il est libéré de tout ce qu'il voulait leur dire, à tous les deux. 

Mais que faire de ces mots ? Doit-il les garder ? Non, ça serait bien trop douloureux. Ces mots doivent s'en aller, disparaître pour qu'ils ne puissent jamais revenir. 

Il se relève, attrapant une veste plutôt épaisse. Discrètement, il lace ses baskets puis attrape les deux lettres. Le plus discrètement possible, il s'échappe de l'auberge. 

Non loin d'ici, il y a la mer. Cette étendue infinie qui s'offre tous les jours à lui quand il se réveille. S'il y a bien un endroit où elles doivent disparaître, c'est ici. La mer emportera ses mots, engloutissant ses démons dans les profondeurs abyssales de son ventre. 

Dehors, le vent souffle fort. Ses cheveux virevoltent à n'en plus finir et il lui faut maintenir les pages contre lui pour qu'elles ne s'envolent pas. Il marche, laissant le froid de l'aube lui mordre les joues. Il n'en a pas pour longtemps. Très bientôt, ces lettres disparaîtront et il pourra avancer vers l'avenir qui l'attend. 

Il s'approche de cette eau qui roule vers lui. Là, pendant de longues minutes, il observe cette eau qui se rapproche de ses pieds, juste avant de s'enfuir en arrière. Il savoure le calme et la beauté de l'horizon. Devant lui, l'eau commence à se teinter de bleu, faisant disparaître le noir d'encre qui recouvrait la mer jusqu'à présent. L'océan est agité, le vent souffle encore. 

Puis il décide de s'avancer. Ses pieds viennent toucher l'eau salée tandis que cette dernière commence à s'échouer sur ses chaussures. Il sent l'eau froide pénétrer dans ses baskets, mais il s'en moque. Il avance encore, jusqu'à ce que l'eau soit à sa portée. Dans cette liasse de feuilles qu'il serre contre lui, il attrape la lettre adressée à Mozu. Il la regarde encore quelques instants, laissant tous les sigles de son écriture danser devant ses yeux. Des heures de monologues, regroupées sur ces feuilles blanches. La confession d'une vie, les aveux d'un passé qu'il veut laisser derrière lui. Il s'accroupit, tendant les feuilles vers la mer. Là, il les regarde se recouvrir d'eau, juste avant d'être emportées par le courant. Elles s'éloignent de sa main, tout ça sous son regard concentré. Encore quelques minutes, puis les feuilles disparaissent. Ça y est, les mots l'ont quittés. Et avec eux, toutes ses craintes et ses peurs. 

Il inspire, savourant cette liberté nouvelle qui enhardit son esprit. Mais il y a encore une lettre dont il doit se séparer. Ses yeux ébènes se tournent vers les feuilles dans sa main. Le vent fait danser le papier mais il peut quand même y lire quelques passages. Il les relit à peine mais, déjà, les larmes lui montent aux yeux. Voilà pourquoi il ne doit pas conserver ces lettres. Elles doivent partir, tout ça pour le libérer. 

Il s'apprête à recommencer mais une bourrasque plus violente vient s'engouffrer dans ses vêtements. Avec elle, elle emporte du sable qui vient fouetter son visage. Pris par surprise, sa prise se relâche, et toutes les feuilles s'envolent dans le ciel. 

Gen les regarde s'envoler, un brin de panique dans les yeux. Il tend la main vers elles, comme s'il allait réussir à les récupérer. Mais c'est trop tard, les voilà déjà trop loin pour qu'il ne puisse essayer de les atteindre. 

Après tout, c'est peut-être mieux comme ça. Le vent a emporté ses mots, balayant ses angoisses en emportant ses peurs. Le ciel ne veut pas que ces mots disparaissent au fin fond de la mer. Ryujin s'est repu de ces mots qui portent en eux le deuil d'un jeune homme. Il a chargé ses dragons marins de récupérer cette lettre pour la garder près de lui. Au fin fond de l'eau, dans son palais infini, il pourra relire encore et encore ces paroles gorgées de douleur et de peine. Étant lui-même porteur de la mort, ces mots lui conviennent. Des mots adressés à un défunt, imprégnés de la douleur qu'il a fait subir de son vivant. Mais l'autre lettre est bien trop belle pour rejoindre sa jumelle. 

Ces mots emplis d'un amour infini sont dignes de la belle et grande Amaterasu. Fujin s'est occupé de faire danser ces mots imprégnés de cette douce mélodie. Mais Susanoo les a vu et a voulu s'en emparer. Grâce à ce vent puissant dont lui seul a le secret, il a amené les mots jusqu'à lui. Ainsi, il portera cette lettre pleine d'amour sincère jusqu'à sa sœur. Il espère que la beauté de cette lettre écrite par une âme amoureuse pourra apaiser son âme colérique. Et ainsi, plus que jamais, Amaterasu brillera de sa lueur dorée, montrant au monde entier sa beauté rayonnante tandis qu'elle lèvera sa lumière sur le pays. Oui, c'est mieux ainsi. 

Tandis que les dieux savourent la beauté de ses lettres, Gen sent un puissant sentiment de bien-être l'envahir. Il va pouvoir avancer, enfin. Tout ça est derrière lui maintenant. 

D'un pas sûr de lui, il retourne vers l'auberge. Derrière lui, les dragons de Ryujin le regardent tandis que là-haut, Amaterasu se promet d'éclairer son chemin. Ainsi, son âme n'aura plus à vagabonder entre son passé et son présent. 

Oui, elle veillera sur lui. Elle veillera sur ses mots et fera tout son possible pour que l'amertume et la tristesse disparaissent de ses paroles. Pour l'aider, elle demandera de l'aide à Tsukuyomi, dieu de la lune et du temps qui passe. Grâce à eux, Gen pourra réapprendre à vivre à mesure que le temps s'écoulera. 

Mais pour le reste, tout dépendra de lui. Ce sera à lui de saisir l'opportunité offerte par les dieux. Et après tout ça, après Mozu, après Senku, il y aura... 

Personne ne le sait, mais il y aura un après. Il y a toujours un après.

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Voilà, on arrive à la fin de ce voyage. On arrive à la fin de cette histoire que j'ai écrit en cinq mois après l'avoir débutée sur un coup de tête. Enfin... il nous reste tout de même l'épilogue !

Ce chapitre a une place toute particulière dans mon coeur. Je crois que c'est la première fois que j'écris un chapitre aussi complet et travaillé. J'y ai mis toute mon âme et je l'ai écrit en une soirée seulement. J'ai tellement pleuré en l'écrivant. Je crois que c'est la première fois également que j'envisage une fin aussi déchirante. Mais peut-on dire qu'il s'agisse d'une mauvaise fin ? Même si Gen et Senku se sont dit au revoir, ils vont pouvoir se construire, tous les deux. J'ai d'ailleurs écrit ce chapitre avec la musique en média dans les oreilles en boucle (d'où le fait que j'ai pleuré en l'écrivant je crois 😭). J'espère en tout cas que ce chapitre vous aura plu autant qu'à moi (et je m'excuse d'avance pour vos torrents de larmes).

Je vous dis donc à lundi pour l'ultime chapitre de cette histoire : l'épilogue. En attendant je vous souhaite une bien bonne soirée en espérant que vous réussirez à vous remettre de vos émotions !

À plus~

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