Chapitre 3 : Ta vie d'aujourd'hui
— Chrome retire tout de suite tes sales pattes de là.
En entendant la voix de son ami, Chrome ne peut retenir un sursaut. Senku ne le regarde même pas et pourtant, il a deviné qu'il était en train de s'approcher de son expérience.
— Raaah t'es encore fâché pour l'autre jour ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Mais bien sûr ! Ça fait deux jours que tu me fais faire uniquement la vaisselle. Et d'ailleurs, pourquoi c'est toi qui dirige tout le temps les expériences ?
— Peut-être parce qu'au moins je ne manque pas de foutre le feu au labo à chaque fois ?
Le vert marque un point. Mais ce n'est pas pour autant que le brun a décidé de se laisser faire. Oui, il a décommandé au dernier moment pour la soirée de Tsukasa. Mais est-ce que cela vaut une telle punition ?
— Ça s'appelle abuser de son pouvoir ça je te signale.
— Et je ne m'en cache absolument pas.
Chrome ne peut retenir un râle de s'échapper. Parfois, juste de temps en temps, il aimerait que Senku se taise. Quand il est contrarié, ses paroles peuvent être tranchantes.
— Passe moi un bécher.
Chrome s'empresse de lui filer son outil sans rien dire de plus. Il l'observe verser un liquide violet dans ce bécher qu'il devine être une solution mère.
— Parfois je me demande comment on a pu devenir potes.
— Parce que personne ne t'adressait la parole à part moi.
Encore un point pour Senku. Il est vrai que la nature volontaire et passionnée de Chrome avait tendance à effrayer les autres. Alors quand il est arrivé à la fac, les gens n'ont pas cherché à sympathiser avec lui. Mais dans toute cette promo, il y avait Senku, un type encore plus timbré que lui.
— C'était si pourri que ça, cette soirée ?
Senku s'arrête dans ses mouvements pendant quelques secondes, juste le temps de réfléchir.
— Je ne suis pas resté longtemps de toute façon.
— Donc tu oses me faire la gueule alors que tu n'es sans doute même pas resté une heure là-bas ?
— Tu m'as trahi.
— Arrête tu vas me faire pleurer.
Le vert ne le montre pas mais les réactions de Chrome l'amusent grandement. Il prend toujours les choses très à cœur. Alors, dans tout son sadisme, Senku ne peut s'empêcher d'en jouer. Sur ce point-là, il lui rappelle drôlement Taiju.
— Bref ramène-toi je vais avoir besoin de toi pour la suite.
Mais Chrome ne bouge pas. Adossé contre une des paillasses, les bras croisés, il ne daigne pas s'approcher.
— C'est à ton tour de bouder maintenant ?
— Exactement. D'ailleurs tu m'excuses, mais j'ai mieux à faire actuellement.
Pour appuyer ses dires, Chrome se dirige vers la porte. Lassé, le vert lève les yeux au ciel avant de se concentrer à nouveau sur son matériel. Tant pis pour lui, il ne verra pas le fruit de sa nouvelle expérience.
Il entend la porte s'ouvrir brutalement et, avec elle, deux hoquets de surprise.
— Seigneur Chrome tu m'as fait peur.
— Oh... Ruri... désolé !
En l'entendant prononcer le prénom de la jeune fille, Senku quitte son matériel des yeux. Avec un air vicieux sur le visage, le vert se tourne vers son ami toujours devant l'entrée. Tout comme Taiju avec Yuzuriha, Chrome ne peut s'empêcher de perdre ses moyens devant la belle blonde.
— Je... désolée de te déranger Chrome, tu dois être très occupé.
— Oh... non ! À vrai dire... j'allais partir tu vois ?
— Oh alors je ne veux pas te retarder !
— Non non je t'assure que tu ne me retardes pas !
Senku mobilise tous les efforts possibles pour ne pas hurler de rire face à leur comportement. Ils se dandinent tous les deux d'un pied sur l'autre, incapables de trouver la formulation la plus naturelle.
— Je... je m'occupais juste de faire visiter le bâtiment à un nouvel arrivant dans notre promo.
C'est alors que Chrome remarque enfin le garçon posté juste à côté de la jeune femme.
— Oh, je ne t'avais pas vu ! Je suis désolé...
— Ne t'en fais pas, ça ne fait rien, répond-il avec un sourire chaleureux.
Senku reconnaît cette voix. Cette fois-ci, il a vraiment quitté son expérience pour de bon.
— Alors tu es ?... demande Chrome gêné.
— Gen Asagiri, ravie de te rencontrer Chrome.
Le vert n'avait pas fait le lien tout de suite mais, étant en troisième année de littérature, il allait forcément se retrouver dans la promo de Ruri.
— Donc voici le laboratoire du bâtiment, continue la belle blonde à l'intention du bicolore. Tous les étudiants de science y ont accès mais en réalité il n'y a que Chrome et Senku qui y trainent.
C'est alors que Ruri se met à chercher Senku du regard. Quand elle l'aperçoit, elle lui fait un grand signe de la main pour appuyer son bonjour.
— Bonjour Senku, comment ça va ?
— Très bien, répond-il d'une voix monotone. Alors, comment est rentrée Kohaku après la soirée de Tsukasa ?
— Elle est restée dormir chez lui. Apparemment elle ne marchait plus droit du tout.
— J'en étais sûr, s'amuse le vert, cette lionne ne tient pas l'alcool.
Resté sur le côté, Gen ne peut retenir un sourire amusé. Puis, il pose à son tour les yeux sur Senku. Imitant sa camarade, il salue le concerné avec un signe de la main, plus timide tout de même.
— Salut mon petit Senku.
— Salut, Gen.
Le bicolore appuie leur bonjour d'un sourire plus prononcé. Il y a une latence de quelques secondes, et, l'instant d'après, Ruri reprend.
— De l'autre côté, il y a la bibliothèque. Je vais t'y emmener.
— Avec plaisir.
Discrètement, Gen jette un dernier regard au scientifique qui n'a toujours pas bougé. Puis, sa chevelure s'évanouit et son visage quitte l'embrasure de la porte.
— À plus tard les garçons !
— À plus Ruri !
La jeune femme disparait avec Gen et, presque aussitôt, Chrome se dépêche de fermer la porte.
Un silence s'étire dans la pièce durant lequel Senku est retourné à ses occupations. Puis, Chrome finit par le briser.
— Je viens d'assister à quoi, au juste ?
Encore une fois, Senku relève les yeux.
— De quoi tu parles ?
Chrome ne peut retenir un sourire malicieux de s'étendre sur son visage. Puis, sans perdre de temps, il se rapproche de son ami.
— "Mon petit Senku" ?
Malheureusement pour lui, Senku comprend directement ce qu'il sous-entend.
— Tu délires. Arrête ça.
— Ok mais... "mon petit Senku" ? ajoute-il, taquin.
Senku ne peut retenir un puissant soupir de résonner.
— Il est plus vieux que moi, c'est pour ça qu'il m'appelle comme ça.
En réalité, le vert ne sait même pas pourquoi il l'appelle comme ça. Et avant que Chrome ne le relève, il n'y avait pas fait particulièrement attention.
— Aucun senpai n'appelle un kohai comme ça.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Avec le temps, Chrome commence à connaître Senku et sa fâcheuse manie de très bien cacher ses émotions. Même s'il ne le montre pas, Chrome sait qu'il se passe quelque chose.
— Alors comme ça, tu le connais ?
— Vite fait. Je l'ai croisé dans les couloirs à son arrivée et à la soirée.
— Et c'est tout ?
— On est parti en même temps de la soirée et on est rentrés ensembles. Il n'habite pas loin de chez moi.
Face à ces informations, les yeux de Chrome s'illuminent.
— Qu'est-ce que je viens d'entendre là ?
— Il n'y a rien d'extraordinaire.
Peut-être qu'il se fait des films, ou peut-être pas. Mais en tout cas, il a vu quelque chose dans le regard de son ami. Il ne sait pas vraiment ce que c'est, mais c'était présent.
Il faut dire que Senku n'a jamais été très explicite sur sa vie amoureuse. De ce que le vert lui a dit, il est déjà sorti avec une fille par le passé. Mais un jour, en discutant avec Taiju, il a appris que le vert ne prêtait en réalité pas grande attention au sexe ou au genre de la personne. Il avait expliqué à Taiju qu'il était sorti avec cette fille parce que sa personne l'avait intéressé. De ce qu'il a compris, ça n'a duré que quelques mois, mais c'est arrivé. En clair, il pourrait très bien y avoir quelque chose entre ce mec et lui.
— Pour toi ça n'a rien d'extraordinaire, reprend le brun. Mais pour le commun des mortels qui a un temps soit peu de codes sociaux, ça veut dire quelque chose.
— Si tu le dis.
Mais ce qui se déroulait sur la paillasse semblait bien plus intéressant que cette discussion avec Chrome. Depuis petit, le vert n'a jamais vraiment porté d'attention à toutes ces conventions sociales. Il s'est toujours contenté de dire les choses sans filtres et, la plupart du temps, tous ces codes sociaux et ces normes lui passaient au-dessus. Bien sûr, ces codes ont une logique, et il le sait très bien. Mais malgré son esprit cartésien et la conscience que tous ces codes sont nécessaires au bon déroulement d'une société, il n'a jamais réussi à se les approprier.
Ça ne veut rien dire, de toute façon, se répète le vert.
Oui, tout cela ne veut rien dire.
***
Le soleil vient caresser sa peau, délicatement. Les yeux mi-clos, il savoure le vent qui passe à travers ses cheveux. Il se sent respirer à fond, humant le parfum délicat d'une nature revenant à la vie après les douces brises printanières. Pour quiconque vivant ici depuis quelque temps, ce paysage et ces senteurs lui paraîtraient d'une banalité sans fond. Mais pour lui, c'est une véritable bouffée d'air frais, un renouveau trop attendu.
Il rouvre les yeux, laissant son regard se perdre sur la végétation autour de lui. Assis dans l'herbe, il laisse ses doigts taquiner quelques brins d'herbes passant sous ses paumes. Une nouvelle inspiration, encore plus profonde, vient délier ses poumons.
— Je te dérange ?
Grâce à son état méditatif, Gen n'a pas sursauté en entendant la voix juste derrière lui.
— Non Tsukasa, tu ne me déranges pas.
Sa réponse s'accompagne d'un sourire amical qu'il offre à son ami. Très vite, le lutteur vient s'asseoir juste à côté de lui.
— Tu avais l'air à fond dans... je ne sais même pas comment on appelle ça.
— De la méditation. Ça aide à se recentrer sur soi et à apprécier ce qui nous entoure. Tu devrais essayer, c'est très agréable.
— Ouais... un jour peut-être.
Un léger silence s'installe entre eux, silence qui semble s'éterniser tandis qu'aucun ne se jette le moindre regard. Enfin, Tsukasa finit par le briser.
— Comment tu vas, depuis le temps ?
— Je vais très bien.
Encore une fois, il lui offre un sourire parfait, comme il en a l'habitude. Tsukasa et lui ne se sont pas vus depuis quelques années. Pourtant, malgré le temps qui s'est écoulé, le lutteur sait reconnaître des sourires déformés. Mais à cet instant, il ne se voit pas le dire au bicolore. Jusqu'alors, ils avaient perdu contact. Ça serait malvenu de lui faire ce genre de remarques.
— Alors, qu'est-ce qui t'a poussé à revenir dans le Kantô ? Je pensais que tu suivais tes études dans le Chubu.
— Ma vie dans le Kantô me manquait trop, alors je suis revenu.
Tsukasa sait qu'il ne lui dit pas tout. Mais à cet instant, tout ce qu'il peut faire c'est essayer de faire parler l'insondable Gen Asagiri.
— Pourtant, il y a quelques années, tu cherchais à tout prix à fuir cet endroit.
— Je sais, et partir m'a fait le plus grand bien. Mais j'avais besoin de revenir, pour moi.
À la fin de sa phrase, Tsukasa voit les épaules de Gen s'affaisser, comme si un poids venait de le quitter. Il sait que le bicolore n'abordera pas le sujet. Tant pis, il le fera à sa place.
— Tu n'es plus avec Mozu, je me trompe ?
Instantanément, son corps entier se tend comme un arc. Ça y est, Tsukasa a touché le point sensible qu'il cherchait à cacher.
— Ça fait longtemps ?
— ...Presque six mois.
Gen et lui se connaissent depuis qu'ils sont gamins. Ils ont grandi et mûri ensemble et, indéniablement, il l'a vu tomber amoureux de ce garçon.
— Après cinq ans, ça m'a fait bizarre...
— Je comprends. Cinq ans de relation, c'est assez long.
Ses yeux se tournent à nouveau vers lui. Ses mâchoires sont serrées, son regard est grave.
— Qui est-ce qui y a mis fin ?
— Moi, répond-il aussitôt.
Tsukasa ne parvient pas à cacher sa surprise. Du plus loin qu'il se souvienne, ils étaient comme les deux doigts de la main.
— On... on avait plus les mêmes projets de vie, reprend-il. Alors j'ai préféré qu'on se sépare. Ça ne servait à rien de rester ensemble.
— Je vois.
À nouveau, un semblant de silence s'étend entre eux, parfois brisé par le bruit des arbres aux alentours.
— Alors elle est là, la raison de ton retour.
Gen soupir en souriant. Oui, c'est pour ça qu'il est revenu.
— J'avais besoin de retourner à mes racines, de me retrouver.
— Tu as raison. C'est la meilleure chose à faire dans ce genre de moment.
— Et puis... je savais que j'allais revoir du monde, alors je n'ai pas hésité.
Encore une fois, Gen lui adresse un sourire. Après ces quelques aveux, son visage semble plus détendu, moins crispé. Et pourtant, malgré ce poids qui semble s'être évadé de ses épaules, quelque chose pollue encore ce sourire qu'il adresse aux gens. Quelque chose est là, au fond de lui. Quelque chose qui lui serre le cœur, un lien dont il ne parvient pas à se défaire. Et cette gêne, Tsukasa l'a remarquée. Mais comment aurait-il pu lui faire cracher le morceau ? Gen a déménagé après le lycée. Et depuis ce jour, il ne l'a pas revu, et leurs contacts se sont coupés.
— J'espère que mes amis ne t'ont pas intimidés. Certains peuvent être... disons que ce sont des personnages.
Gen ne peut retenir un léger rire de s'échapper.
— Je suppose que quand tu dis ça tu dois parler de Kohaku ou encore de Senku ?
— Entre autres, oui.
— Ne t'en fais pas, je les trouve très sympathiques.
— Même Senku ?
Gen se sent froncer les sourcils. Pourquoi une telle question ?
— Heu... oui. Pourquoi ?
— Je ne sais pas. À la soirée, il semblait vouloir t'éviter.
Bien sûr, le bicolore sait très bien pourquoi. Mais imaginer Senku vouloir l'éviter ne fait que l'amuser. Alors, encore une fois, il ne retient pas son rire.
— Je n'imaginais pas que je l'avais froissé à ce point.
— C'est-à-dire ?
En quelques secondes, Gen lui raconte leur rencontre fortuite dans le couloir et ce qui s'en est suivi. Tout comme le bicolore, Tsukasa fut amusé de constater les raisons du comportement distant du vert.
— Il faut dire que Senku ne sait pas y faire avec les gens.
— C'est ce que j'ai cru comprendre.
— Il est... parfois tout bonnement insupportable. Mais même s'il ne le montre pas, il se soucie de ses amis.
Gen l'écoute parler sans l'interrompre. Depuis qu'il est arrivé ici, Senku lui semble être la personne la étrange de tout ce petit groupe. Les autres, ils les a très vite cernés. Mais pour le vert, c'est une toute autre histoire. Il ne parvient pas à lire en lui, ni même à comprendre ses manières. Cerner les gens, ça a toujours été un talent chez lui. Depuis tout petit, il lui suffit de quelques rencontres avec une personne pour réussir à dresser un portrait d'elle. Mais pour le vert, c'est un échec.
— Il est... spécial, je dirais, ajoute Gen.
— Je te souhaite bon courage pour réussir à le comprendre.
Sur ces mots, Tsukasa se relève.
— Bon, je te laisse à ta méditation, j'ai entraînement dans un quart d'heure.
— Passe le bonjour à Kohaku et Taiju de ma part.
Le lutteur acquiesce et, après un rapide au revoir, il s'éclipse, laissant à nouveau Gen avec ses pensées.
Sans le vouloir, son esprit se porte à nouveau vers ce garçon aux cheveux indomptables. Il est vrai que sa personnalité laisse perplexe. Un air nonchalant vissé sur le visage, il semble prendre tout le monde de haut. Et pourtant, il en est persuadé, un autre visage doit se cacher sous celui-ci.
Qui sait ? Peut-être qu'il finira par le découvrir, un jour.
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Me voilà pour le chapitre 3, avec un jour de retard... Mais j'ai une excuse toute trouvée. Il se trouve qu'hier, j'étais concentrée à écrire un chapitre bien particulier, quelque peu... chaud bouillant 👀. Enfin ne soyez pas trop pressés il ne sera pas publié toute de suite malheureusement.
J'espère que ce chapitre vous a plu, bien qu'il reste assez calme. Pour le moment, on laisse l'histoire se mettre doucement en place. Le prochain chapitre sera, je pense, bien plus intéressant.
Je vous dis donc à la semaine prochaine pour la suite !
Bye~
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