Chapitre 29 : Et bien sûr, bon anniversaire à toi
Dans un coin de la cuisine, Senku prend soin de disposer soigneusement les bougies sur le gâteau qu'il a acheté tout à l'heure. Les jours ont défilé, apportant avec eux l'anniversaire du bicolore. Et pour l'occasion leurs amis sont venus célébrer cette fête.
C'est la première fois qu'ils viennent tous ensemble dans cet appartement. Et malgré le contexte plus qu'étrange, ça ne les a pas empêché de passer un bon moment. Parce qu'avec l'anniversaire de Gen, l'ambiance est au beau fixe. On rigole, on se régale, on discute. Cela permet à Gen de souffler un peu et de voir autre chose que cet immense appartement.
Depuis qu'il a porté plainte, Gen a l'impression d'être libéré. Deux jours à peine après, il a enfin eu la force de sortir. Avec Senku, ils sont allés au cinéma. Au début, il était stressé, angoissé plus que de raison. Mais finalement, il s'est rendu compte qu'il n'avait pas besoin d'avoir peur. Il ne sait pas s'il serait capable de sortir seul pour le moment, mais il sait que ça viendra. Sa vie va pouvoir reprendre son cours, comme avant.
Quand Senku arrive dans le salon avec le gâteau, Gen est en train de rire aux éclats avec Ruri, Kohaku et Yuzuriha. Il ne sait pas de quoi ils parlent, mais cette vue le ravi. Voir ce sourire sincère sur son visage le soulage plus qu'il ne le pensait. Il y a encore quelques temps, il ne pensait pas qu'il serait capable de sourire comme ça à nouveau.
— Hum.
Les visages se tournent vers Senku. En le voyant arriver, chacun se met à chanter, le sourire aux lèvres. Malgré lui, Gen sent le rouge lui monter aux joues. Il n'a pas l'habitude de fêter son anniversaire ainsi. Adolescent, il ne le fêtait qu'avec ses parents, puis avec Mozu et Tsukasa. Jeune adulte, il le fêtait systématiquement avec Mozu. Et les fêtes n'avaient rien de bien amusant.
Senku dépose le gâteau devant son visage, se hâtant ensuite de s'asseoir à côté de lui. Ses amis terminent de chanter, l'invitant ensuite à souffler les bougies. Il se dépêche, éteignant d'un souffle fort toutes les bougies présentes devant lui.
Souffler ses bougies, un moment insignifiant mais qui suffit à réchauffer son coeur. Gen est heureux d'avoir autant de monde à ses côtés. Il profite de leurs rires, de leur présence, de leurs mots gentils. Et maintenant qu'ils sont ici, il se rend compte à quel point ils lui ont manqué. Toute cette bonne humeur, il en a grandement besoin.
De leur côté, chacun se ravit de voir Gen dans cet état. Le sourire aux lèvres, agile, rien ne semble indiquer qu'il vient de sortir d'une phase tout bonnement atroce. Bien sûr, ils savent tous qu'il ne faut pas se fier aux apparences, mais le voir ainsi les rassure grandement.
Toujours gaiement, Gen s'affaire à couper le gâteau pour tout le monde. Comme à leur habitude, Kohaku et Senku n'ont de cesse de se taquiner, ce qui amuse grandement le bicolore. Ruri, de son côté, admire le spectacle avec un grand sourire. Elle se souvient du Gen qu'elle a vu quand Senku l'a appelée au secours. Aujourd'hui, il semble épanoui, et la main qu'il pose parfois sur celle de Senku quand il se tourne vers lui lui indique qu'il a surmonté la peur dont ils ont parlé. Le contact, ou du moins le contact de Senku, ne semble plus l'effrayer, bien au contraire.
Le temps défile à toute vitesse, laissant bientôt les uns et les autres discuter entre eux. Dans son coin avec Chrome, Senku est pris dans une discussion que Gen ne cherche même pas à comprendre. À la place, il s'affaire à ramasser la vaisselle pour la déposer dans l'évier. Quand il s'est levé pour commencer à débarrasser, Tsukasa l'a rejoint, l'aidant avec cette vaisselle qui s'est vite empilée.
— Merci de m'aider, ajoute Gen tandis qu'il s'occupe d'ordonner la vaisselle.
— C'est normal.
Avoir Tsukasa avec lui permet au bicolore de lui dire tout ce qu'il n'a pas eu le temps.
— Je voulais vraiment te remercier pour ce que tu as fait pour nous. De nous avoir prêté l'appartement, et surtout de nous loger gratuitement. J'ai bon espoir qu'on puisse bientôt retourner chez nous, Senku et moi.
— C'est le moins que je puisse faire... après tout ça.
En l'entendant parler, Gen devine que quelque chose le contrarie. Et tandis qu'il se tourne vers lui, sa mine déconfite le lui confirme.
— Quelque chose ne va pas, Tsukasa ?
— Moi ? Non, tout va bien.
Mais il sait qu'il ne dit pas la vérité. Il a vécu suffisamment d'années à ses côtés pour savoir quand il dit la vérité et quand il s'enfonce dans le mensonge.
— Tu es au courant que lorsque tu mens tu n'arrêtes pas de plisser les lèvres ? Comme ça.
Il limite et, aussitôt, Tsukasa porte sa main à ses lèvres. Maintenant que Gen lui a fait remarquer, il semble se rendre compte de son tic.
— Et là, tu n'arrêtes pas de plisser les lèvres.
Gen lui offre un sourire malicieux tandis qu'il voit les épaules de son ami s'affaisser. Il semble enfin se résigner à lui dire ce qu'il a sur le cœur.
— Ça va te paraître débile.
— Dis toujours.
Le lutteur ne voulait pas assombrir son anniversaire avec toutes ses pensées. Mais c'est plus fort que lui. Tous les jours, il ressasse les mêmes choses, encore et encore.
— Je m'en veux de ne jamais avoir rien remarqué, c'est tout.
En entendant ses mots, Gen repose les assiettes qu'il a attrapées. Il est presque persuadé que tout le monde doit déjà lui avoir dit que ce qui est arrivé n'est pas de sa faute. Mais au fond, Gen comprend qu'il a besoin d'en parler avec lui et de lui faire part de ses pensées parasites.
— Tu sais, Mozu n'a jamais levé la main sur moi avant qu'on emménage ensemble. Quand tu nous voyais ensemble, il ne me frappait pas.
— Mais tu as coupé les ponts du jour au lendemain. J'aurais dû me douter de quelque chose.
— Tsukasa je t'arrête tout de suite.
Cette fois, il se tourne vers lui. Il croise les bras sur sa poitrine, arborant le regard le plus sérieux qu'il a en réserve.
— Tu étais loin, et tu étais jeune. Quand j'avais 18 ans, tu en avais tout juste 16. À cet âge-là on n'a pas conscience de tout ça.
— À 16 ans on n'est plus un enfant.
— À 16 ans on n'a pas les mêmes préoccupations qu'un adulte. Regarde ta petite sœur, elle a 16 ans n'est-ce pas ?
La mention de sa sœur le fait doucement sourire. C'est vrai qu'en voyant sa sœur, il ne l'imagine pas être une adulte responsable. À 16 ans, on a encore la tête dans les nuages, le cerveau bourrés de rêves et d'illusions.
— J'avoue qu'elle est encore un peu... rêveuse.
— Et c'est tout à fait normal pour son âge. Donc ne commence pas à en vouloir au toi de 16 ans. C'est normal de ne pas avoir compris.
Malgré ses paroles, il est difficile pour le lutteur d'accepter tout ça. Il y a toujours une voix persistante dans sa tête qui lui répète qu'il avait le pouvoir de changer les choses. Mais il n'a pas été là.
— Tsukasa, je ne pouvais pas rêver meilleur ami que toi. Toi tu t'en veux car tu as l'impression de m'avoir abandonné, mais moi je ne pense pas à tout ça.
Repenser à son enfance et son adolescence le fait sourire. Il revoit leurs jeux d'enfants, leurs aventures, leurs discussions nocturnes. Pour Gen, Tsukasa était comme un petit frère. Fils unique, il n'a jamais eu l'occasion de jouer avec quelqu'un d'autre que lui-même. Mais il y avait Tsukasa, et leur relation était tout ce qu'il y avait de mieux pour lui.
— Tu te souviens la fois où tu m'as fait entrer en douce dans ta chambre en pleine nuit parce que mes parents se disputaient ? Ou encore quand tu as refait le portrait de Daiki car il n'arrêtait pas de s'en prendre à moi ? Ou quand tu m'as couvert lorsque j'ai accidentellement cassé la chaise de bureau de l'institutrice ?
En évoquant tous ces souvenirs, aucun des deux garçons ne peut se retenir de rire. Ils se souviennentt des fous rires qu'ils ont eu ainsi que les peurs qu'ils ont partagées. Tous ces souvenirs ont une valeur inestimable à leurs yeux.
— Bien sûr que je m'en souviens.
— Et quand j'ai commencé à ressentir des choses pour Mozu, a qui en ai-je parlé en premier ?
Les yeux noisettes de Tsukasa se tournent vers lui. Oui, il se souvient aussi de ce moment.
— À moi.
— Et qui est-ce qui m'a dit que ça n'avait aucune importance à ses yeux si j'aimais les garçons ?
— Encore moi.
— Qui est-ce qui m'a défendu quand je me suis fait traiter de "pédé" au lycée ?
— Moi.
— Et qui est-ce qui a mené une véritable vendetta contre toutes les insultes et coups que je recevais ?
— Eh bien... Mozu et moi.
Gen lui offre un sourire doux. Et en le voyant sourire, Tsukasa semble enfin comprendre pourquoi il remet tous ces souvenirs sur le tapis.
— Pendant toute mon enfance et mon adolescence, tu as été là pour moi. Tu t'es battu pour moi, tu t'es mis des gens à dos pour moi, tu as perdu des amis pour moi. Et ça je t'en serai reconnaissant toute ma vie.
Tsukasa ne pensait pas que ses mots auraient autant d'effet sur lui. Ses yeux le picotent légèrement et il s'empresse de cligner des yeux pour se débarrasser du voile de larmes qui était sur le point de se former.
— Alors oui, j'ai vécu des choses pas faciles et tu n'étais pas avec moi à ce moment-là. Mais si les événements t'avaient permis d'être là, je suis sûr que tu aurais bravé tous les dangers pour que Mozu ne me fasse plus de mal.
Malheureusement, la vie leur a fait prendre des chemins différents pendant de longues années. Amis depuis toujours, ils se sont malheureusement perdus de vue pendant un temps. Mais voilà que la vie a décidé de les réunir, sûrement pour que Tsukasa puisse continuer de veiller sur lui.
— La preuve. Quand tu as su que Mozu m'avait ramené de force, tu n'as pas hésité à te mettre en danger pour moi. Donc rétrospectivement, tu as fait bien plus de choses pour moi que tu ne le penses.
Il n'avait jamais vu les choses de cette manière. Mais grâce à ses paroles, il parvient enfin à voir ce qu'il n'a pas vu jusqu'à présent. Il reste humain, et il ne peut pas être partout à la fois. Mais il a aussi été l'ange gardien du bicolore durant ses moments les plus compliqués. Et Gen n'aurait jamais assez d'une vie pour lui rendre la pareille.
Tsukasa sourit à nouveau. Puis il se tourne vers Gen, arborant un visage bien plus détendu.
— Bon, eh bien je suppose que je dois arrêter de me faire continuellement du mouron.
— T'as plutôt intérêt. Sinon tu vas finir tout ridé à force de tirer la tête.
Sa remarque le fait ricaner. Tsukasa avait besoin d'entendre tous ces mots de la part du bicolore. Enfin, il a l'impression qu'un poids s'évanouit de ses épaules. Un poids qu'il n'imaginait pas si lourd.
Soudain, les cheveux en bataille de Senku surgissent dans la cuisine. Il aperçoit les expressions des deux garçons et il a la cruelle impression d'arriver au milieu d'une discussion sérieuse.
— Je vous dérange ? demande le vert en les regardant.
Le sourire encore vissé au visage, Gen se tourne vers lui.
— Pas du tout ! On discutait juste du bon vieux temps.
— "Du bon vieux temps" ? T'as pris 23 ans ou 48 ? se moque Senku.
— Roh ce que tu peux être rabat-joie.
— Bref, besoin d'aide avec la vaisselle ?
— Si t'as envie de la faire, pas de soucis je te la laisse.
— Tout ça parce que c'est ton anniversaire.
— Eh oui c'est ma journée mon petit Senku.
Tsukasa ne peut s'empêcher de sourire en les voyant interagir de la sorte. À les voir comme ça, rien n'indique qu'ils viennent de passer une épreuve tout bonnement terrible. Et c'est en voyant ça qu'il se rend compte à quel point leurs liens sont forts. Lui aussi, un jour, il aimerait avoir ce genre de relation avec quelqu'un qui l'aimera de la même manière.
Le temps s'est écoulé et ils se sont tous réunis dans le salon. Mais à mesure que le temps est passé, la discussion est devenue plus sérieuse. Inévitablement, le sujet fâcheux a été mis sur le tapis.
Assis dans le canapé à côté de Senku, Gen essaye de rester le plus calme possible.
— En fait... on a fini par avoir des nouvelles de la police.
Aussitôt, Senku tourne la tête vers le vide. Il sait très bien ce que Gen va dire, car il était là quand il a reçu l'appel.
— La police nous a expliqué que ce n'était pas la seule plainte qui avait été déposée contre lui.
La surprise vient s'abattre sur l'assemblée. Mais la seconde d'après, elle s'éteint. Ils ont tous eu l'occasion d'apercevoir le personnage. Donc il n'y a rien de très surprenant à ce que Gen vient de dire.
— Il y a eu une plainte pour coups et blessures. D'après ce que nous a dit le policier, il s'agissait d'un homme sur qui il a fait passer sa colère. On n'en sait pas vraiment plus. Mais...
Ses mains se serrent sur son pantalon. Lorsque le policier lui a parlé de la deuxième victime, il n'en croyait pas ses yeux. Et même encore aujourd'hui il a du mal à réaliser.
— Et il y a aussi eu une plainte pour viol.
À nouveau, c'est la surprise générale qui s'installe. Gen a réagi pareil quand il a appris la nouvelle. Encore une fois, il a eu l'impression de s'éloigner un peu plus de cet homme qu'il avait pourtant l'impression de connaître par cœur. Mozu n'est rien qu'un étranger pour lui. Un homme dont il ne connaît rien.
— On ne sait rien de plus mais... ma plainte servira au moins à l'arrêter. La police nous a dit que l'affaire était en cours et qu'un mandat d'arrêt allait être envoyé.
— Donc ce malade ira en taule, reprend Kohaku.
— Ça, ce sera à la justice d'en décider, répond Senku. Mais il y a de fortes chances pour que ça finisse comme ça.
— Reste encore à le localiser. On a dit au policier qu'il était venu à votre rencontre dernièrement. Donc ce n'est peut-être plus qu'une question de jours avant qu'il soit derrière les barreaux.
— C'est une excellente nouvelle ça, ajoute Yuzuriha avec un sourire soulagé.
Un soulagement nouveau s'abat sur la pièce. Enfin, chacun a l'impression de voir le bout de toute cette histoire. Ils reprendront bientôt tous le fil de leur vie, tout ça en sachant que la menace est derrière eux.
— Je... je voulais aussi tous vous remercier pour votre soutien. Certains d'entre vous ont pris des risques pour moi et d'autres ont été là pour m'épauler quand j'étais au plus mal. Donc... merci.
Les doigts de Senku se glissent doucement entre les siens, enveloppant sa paume de sa chaleur. Et quand Gen relève les yeux, il ne voit que le sourire sur leurs visages. Une joie qui lui réchauffe le cœur et qui le soulage.
Il ne les connaît pas depuis bien longtemps. Quand il y pense, mis à part pour Tsukasa, il les connaît tous depuis moins d'un an. Pourtant, ils le considèrent comme l'un des leurs. Ils lui ont fait une place rien que pour lui dans leur cercle, accueillant la pauvre âme en peine qu'il était. Grâce à eux, il a repris goût à cette vie si terne pour lui, apprenant à vivre pleinement la vie qu'il avait mise de côté pendant toutes ces années. Il n'y a pas de mots assez forts pour décrire la gratitude qu'il ressent à leur égard.
Un sourire chaud se dessine sur son visage. Et quand il sent la pression de la main de Senku dans la sienne, il se dit qu'il n'a plus de raisons de faire mourir ce sourire. Il n'est plus seul, il ne le sera plus jamais.
Et puis, quand l'après-midi se termine, chacun quitte l'appartement des deux amoureux. Il est temps de rentrer chez soi et de se reposer pour la rentrée dans quelques jours. Même Gen doit se reposer. Dans une poignée de jours, il commencera un nouveau cursus. Il a décidé d'entamer un cursus en psychologie, comme il voulait le faire il y a des années. Même à 23 ans, il est bien décidé à avancer et faire ce dont il a envie.
Une fois que tout le monde est parti, Senku vient s'affaler dans le canapé. Gen s'empresse de terminer de débarrasser juste avant de le rejoindre. À son tour, il se laisse tomber sur le canapé en soupirant d'aise. En tombant, sa tête s'est affalée sur ses genoux. Aussitôt, Gen se sent parfaitement à l'aise.
— Merci pour ce petit anniversaire, lâche Gen après quelques minutes de silence. Ça m'avait manqué de les voir.
— Mais de rien. Et on les retrouve dans quelques jours.
— J'ai hâte de retourner à la fac !
Un sourire comme Senku en a rarement vu étire son visage.
— Je vais enfin pouvoir faire les études de mes rêves.
— Tu seras le doyen de la promo avec tes 23 balais.
Il pouffe de rire bruyamment. Senku n'a pas vraiment tord. Il y a des chances qu'il soit le plus vieux de sa promotion.
Après quelques secondes, il se redresse, s'empressant cette fois de s'asseoir à califourchon sur Senku. Là, il attrape son regard carmin tout en posant sa main droite sur sa joue. Depuis tout à l'heure, il meurt d'envie de lui parler de la décision qu'il a prise. Mais il ne voulait pas le faire devant tout le monde, alors il a attendu le bon moment.
— Tu sais, j'ai beaucoup réfléchi dernièrement.
— Ah oui ?
Il sent les mains du vert se poser sur sa taille. Son regard reste rivé sur lui, pendu à ses lèvres.
— Si tu es pris à Harvard, je viendrais avec toi en Amérique.
Ses yeux rouges s'écarquillent sous la surprise. Sa bouche s'ouvre, mais rien ne sort. La surprise le rend muet, et cela a le don de ravir le bicolore.
— Attends... Gen...
— Je sais très bien ce que je t'ai dit et sache que je n'ai pas pris cette décision à la légère. Je veux vraiment partir avec toi.
Senku ne s'attendait pas à ça. Pour ainsi dire, il avait choisi ces derniers jours de ne plus penser à Harvard. Il s'est contenté de profiter de ses retrouvailles avec Gen, savourant la chaleur de ses bras et de son corps. Il ne voulait pas gâcher ce moment, alors il a mis toutes ses pensées parasites de côté.
— Si tu es pris, je ferais une demande d'échange pour la rentrée prochaine. On passera quelques mois loin de l'autre mais... on pourra se retrouver là-bas.
Senku reste pantois, incapable de savoir comment réagir. Ses yeux restent exorbités tandis que l'information tourne en boucle dans sa tête.
— Et... pour ta mère et...
— J'en ai parlé avec elle. C'est même elle qui m'a encouragé à le faire.
Senku ne peut s'empêcher de sourire. Maintenant que Gen lui a dit ça, une chaleur agréable se répand dans sa poitrine. Il se sent respirer tandis qu'une joie pétillante bout dans ses veines.
Aussitôt, il referme son étreinte autour du bicolore, le ramenant contre lui. Gen sent son visage se nicher dans son cou tandis que ses lèvres y déposent un baiser amoureux.
— Merci, se contente-il d'ajouter.
Gen pose ses mains sur son visage, le ramenant vers lui. Il le regarde quelques secondes, admirant cette beauté singulière qu'il adore. Puis, il dépose ses lèvres sur les siennes dans un baiser heureux. Ce baiser dure de longues secondes durant lesquelles Senku sent le corps du bicolore se coller un peu plus à lui.
Comme un automatisme, les mains de Senku se posent sur ses cuisses, remontant jusqu'à sa taille. Et leurs lèvres continuent de fusionner, mélangeant leurs souffles, encore une fois.
Soudain, Gen vient déposer tout un tas de baisers dans son cou. Senku tourne légèrement la tête de l'autre côté, lui laissant pleinement accès. Son souffle devient plus court tandis qu'il sent déjà son bassin onduler sur lui. Lentement, leurs corps commencent à s'échauffer.
Mais leurs baisers sont interrompus par la sonnerie qui résonne dans l'entrée. Aussitôt, les deux garçons se redressent, tournant la tête vers l'entrée.
— Laisse sonner, lui intime Gen en revenant poser ses lèvres dans son cou.
Déjà, sa main droite se fait plus aventurière, caressant son torse du plat de la paume.
— Peut-être qu'un de nos amis a oublié quelque chose.
— Eh bien ça attendra.
Amusé, Senku ne peut retenir un sourire. Puis, il vient à son tour capturer ses lèvres dans un baiser langoureux. Ses mains glissent sur le corps qui ondule sur lui tandis que ses lèvres le dévorent.
— Ils pourraient nous entendre, chuchote Senku en remontant jusqu'à son oreille.
— Ça m'est égal.
Il ne parvient pas à réfréner cette envie dévorante. Il veut juste continuer de dévorer ses lèvres pour, juste après, dévorer son corps.
Mais encore une fois, la sonnerie résonne à nouveau, les coupant dans leur élan. Gen lève les yeux au ciel en lâchant un grognement d'agacement.
— Bon, je vais voir qui c'est, reprend Senku.
Il se lève, obligeant Gen à descendre de ses genoux. En voyant sa mine agacée, Senku ne peut s'empêcher de sourire.
— Je me dépêche et, promis, on reprendra où on s'est arrêté.
Cela suffit à redonner le sourire à Gen. Ses yeux brûlent d'envie, et Senku ressent lui aussi le désir de continuer leurs embrassades. Mais il se dirige tout de même vers la porte d'un pas rapide. Tout ce qu'il veut, c'est renvoyer cette personne chez lui pour retrouver les bras de Gen.
— Je parie que c'est toi Chrome qui a oublié quelque chose, dit-il en ouvrant la porte d'entrée.
Mais ce n'est pas Chrome au pied de la porte. Ce n'est pas Tsukasa, ni Taiju, ni aucun de ses amis. Ses yeux se posent sur cet inconnu et, quand il le reconnaît, il comprend qu'il est trop tard pour fermer la porte. Des iris d'un marron atrocement froid s'abattent sur lui en même temps que sa poigne se referme sur sa gorge.
Sa poigne est si forte, si soudaine, que Senku n'a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive. En à peine quelques secondes, il est arrivé, il l'a attrapé, et il est entré.
Ses doigts lui écrasent la trachée. Et à peine est-il entré qu'il sent tout son corps se fracasser contre un mur. La porte se ferme bruyamment, résonnant dans tout le calme de l'appartement.
— Salut toi, ça faisait longtemps dis-moi.
Malgré la douleur, Senku soutient ce regard empli d'une joie perverse. Cet homme devant lui ne ressemble même plus à la boule de colère qu'il a rencontrée. Il n'y a plus que la folie dans ses yeux qui lui dicte ses actes les plus sombres.
— C'est quoi tout ce boucan ? Qu'est-ce qui se passe ?
Non, Gen ne doit pas venir ici. Il doit crier, lui dire de fuir, de partir loin d'ici. Mais il n'y arrive pas, cette main qui l'étrangle l'empêche de dire quoi que ce soit.
Mais son corps réagit tout seul. Déjà, il s'empresse de frapper de toutes ses forces dans ses jambes. Il faut qu'il le fasse reculer, qu'il lui fasse lâcher prise. Il doit protéger Gen, à tout prix.
Ses jambes remuent de manière erratique mais parviennent à frapper suffisamment fort dans sa jambe pour la faire plier. Un cri de douleur résonne dans l'appartement. Mais déjà, Gen arrive jusqu'à l'entrée. Senku a le temps de voir son visage se décomposer avant même qu'il n'ait le temps d'ouvrir la bouche.
À cause de ce déséquilibre, Mozu lâche prise. Il ne sait trop comment, mais Senku parvient à se libérer de ses mains. Aussitôt, il se rue sur Gen qui vient juste d'arriver devant eux.
Non, il ne peut pas être ici.
Senku tousse à s'en arracher les poumons. L'air lui manque, mais il doit rester lucide. Déjà, il attrape la main de Gen. Il doit profiter de cette petite diversion pour passer la porte. Quand ça sera fait, ils pourront partir. Ils seront en sécurité.
Mais quand le vert se retourne, Mozu est déjà debout. Le dos courbé, la respiration erratique, il est plus en colère que jamais.
— Vous n'irez nulle part.
Sa voix tremble de rage. Et déjà, il s'avance vers eux. Quand Gen le voit s'approcher, il semble se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Aussitôt, il se met à crier.
— Mozu je t'en prie ne lui fait pas de mal !
Senku se poste devant lui. Peu importe ce qui arrivera, il ne peut pas le laisser s'en prendre à lui à nouveau. Il est hors de question que Gen sombre à nouveau, pas après tout ce qu'il a fait pour remonter.
— Gen va-t-en !
Il faut qu'il s'en aille, il faut qu'il fuit. Comme ça, il pourra prévenir les secours. Il pourra crier, alerter n'importe qui. Mais il ne faut pas qu'il reste dans cet appartement. Il doit partir.
En parlant, Senku s'est tourné vers Gen. Et quand son visage revient vers Mozu, il ne voit que son poing voler vers son visage. Il se prend le coup de plein fouet dans la joue tandis qu'il sent son corps être projeté par la violence du choc. Son corps se fracasse sur le plancher dans un bruit abominable. Il est encore conscient, mais sa vision est peuplée de tâches noires. Ses oreilles se bouchent, il entend à peine ce qui se passe.
Mais il entend Gen hurler. Derrière lui, face à son corps étendu par terre, il s'accroche à Mozu de toutes ses forces.
— Mozu je t'en prie arrête ! Ne lui fais pas de mal !
D'un geste sec et violent, il se débarrasse de la prise du bicolore. Son corps est projeté vers le comptoir de la cuisine comme un vulgaire morceau de chiffon. Il se prend le bois dans le dos si violemment que ça lui coupe la respiration. Ses jambes se dérobent sous son poids et il s'écroule à son tour.
— Vous commencez à me gonfler tous les deux.
Déjà, son attention se concentre à nouveau sur Senku. Ce dernier commence lentement à se relever, essayant de retrouver son équilibre malgré sa tête qui ne cesse de tourner. Il sent un épais liquide visqueux couler le long de sa tempe.
— Ça c'est pour t'être introduit chez moi !
Il attrape ses épaules avant d'enfoncer son genou dans son estomac. Un long râle échappe au vert tandis qu'une nausée atroce envahit tout son corps. Il ne parvient même plus à respirer, ni à bouger.
— Ça c'est pour m'avoir volé Gen !
Son poing s'abat sur sa deuxième joue. Encore une fois, son corps est envoyé dans le décor comme une vulgaire poupée. Un goût de sang se propage dans sa bouche tandis que tout son corps hurle de douleur.
— Et ça c'est juste parce que je supporte pas ta sale tronche d'intello de merde.
D'un geste rageur, il attrape ses cheveux en bataille pour les tirer vers lui. Puis, il appuie sur son crâne de toutes ses forces, lui fracassant le visage sur le sol. Aussitôt, le monde commence à se brouiller tout autour de lui.
Mais il parvient tout de même à entendre le cri de Gen juste avant que ce dernier ne se jette sur lui.
Gen ne se pensait pas capable de faire ça. Mais quand il l'a vu le frapper, une colère inconnue s'est mise à bouillir en lui. Cette colère, elle est présente au fond de ses entrailles depuis si longtemps. Elle a été créée à partir de tous les coups qu'il a encaissés sans rien dire. Mais là, face à ses poings lourds qui s'abattent sur le visage de son bien-aimé, elle a éclaté.
De toutes ses forces, il s'est jeté sur son dos. À cause de son élan, Mozu chavire en arrière. Dans son dos, il entend des années de colère hurler dans ses oreilles tandis que les bras de Gen se referment de toute leur force autour de son cou. En quelques secondes, Mozu se sent étouffer.
— Je t'interdis de le frapper tu m'entends ?! Va pourrir en enfer espèce de connard !
À cause du poids dans son dos, il perd l'équilibre. Se faisant, il est entraîné vers le mur. Gen se le prend d'une violence qu'il n'imaginait pas. Et cette surprise le fait lâcher prise. Il ne faut qu'une poignée de secondes à Mozu pour l'attraper et le faire passer par-dessus son épaule. Comme si Gen ne pesait rien de plus que le poids d'une poupée, il le fait valser à l'autre bout de la pièce. Un cri perçant lui échappe quand il entend son bras craquer en atterrissant.
De grosses larmes dévalent ses joues tandis que la douleur irradie son corps. Et ces cris suffisent à faire revenir Senku à la raison.
— Gen !
Il se rue vers lui quand il le voit se tordre de douleur. Mais Mozu est juste à une poignée de mètres. Senku n'a pas le temps de regarder son bras. Il se tourne vers l'homme, posant un regard empli de rage sur lui.
— Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ?!
— Ce que je veux ?
En parlant, il s'approche d'eux. Pourquoi est-il revenu ? Pour récupérer Gen ? Non, pas une nouvelle fois. Il est venu pour mettre un terme à tout ça. Il est venu pour faire taire cette colère qui le dévore chaque jour quand il pense que celui qu'il a chéri se trouve dans les bras d'un autre. Au début, il voulait juste lui parler. Mais on lui a refusé cette faveur. Et les jours ont passé durant lesquels il n'a pas cessé de ruminer la haine qui le possède. Chaque jour, elle a grandi, prenant un peu plus possession de son esprit déjà meurtri. Il ne pouvait pas rester comme ça, il devait y mettre un terme. Alors il a attendu, longtemps. Il a rôdé, partout, jusqu'à ce qu'il trouve une ouverture. Tout ce qu'il veut, ce soir, c'est éliminer la source de ses cauchemars et de toute cette douleur qu'il endure tous les jours.
— Je veux juste vous crever tous les deux, répond-il froidement. Je vais vous faire disparaître de cette Terre et comme ça j'arrêterai de souffrir.
Senku sent ses yeux s'écarquiller tandis que son cœur s'accélère. Alors Mozu est bien venu en finir. Et il ne partira pas avant d'avoir achevé ce pourquoi il est venu. Plus que jamais, il doit à tout prix protéger Gen de sa colère.
— Je regrette tellement de t'avoir rencontré, Gen. Si t'avais pas été là, je n'aurais jamais eu à faire ressortir ce qu'il y a de pire en moi !
Il hurle tellement que sa voix les transperce. Ils ont en face d'eux un homme qui a perdu la raison. Ses paroles n'ont plus de sens, ni même ses gestes. Il s'agite comme un fou, comme si une puissante douleur était en train de se répandre dans tout son corps.
— Gen, je vais le laisser se ruer sur moi, ok ? Et quand il sera occupé avec moi, sort de l'appartement et va chercher de l'aide.
La main posée sur la sienne, il le sent trembler. Pris par la douleur et la peur, Gen ne parvient plus à bouger.
— Non... je ne veux pas te laisser avec lui...
Il est mort de peur, une peur qu'il n'a jamais ressentie jusqu'à présent. Pire que d'être persuadé d'y passer, il sait que s'il sort de cet appartement, il ne reverra jamais Senku vivant.
Sa main se referme sur la sienne.
— Fais-le, ne pose pas de questions.
— Senku...
— Fais-le !
Et aussitôt, Mozu semble enfin décidé à se jeter sur le vert. Mais Senku n'a pas dit son dernier mot. Il attrape un vase tombé à côté de lui juste avant de lui jeter au visage. Ce dernier ricoche sur sa tempe, créant aussitôt une entaille de plusieurs centimètres.
— Maintenant !
Il n'a aucune chance contre lui. Mozu est plus grand que lui, plus fort. Il ne tiendra pas dix secondes face à sa force naturelle. Mais c'est tout ce dont il a besoin pour que Gen puisse sortir de l'appartement. Parce qu'il faut qu'il sorte. Il est hors de question qu'il reste là.
Senku profite de son déséquilibre pour se jeter sur lui. De toutes ses forces, il l'attrape par le torse et profite de son élan pour le déséquilibrer. Mozu bascule en arrière, juste le temps d'un instant. Mais ce n'est pas assez pour en finir avec lui, ça ne sera jamais assez.
Sans perdre une seconde, Mozu se redresse. D'une poigne violente, il attrape Senku par le col. À nouveau, ce dernier sent sa respiration se couper.
— Fini les conneries compris ?!
Puis, il le jette de toutes ses forces dans la baie vitrée. Cette dernière explose en morceaux tandis que son corps s'écrase sur le balcon. Sa respiration se coupe tandis qu'il sent le verre passer la barrière de ses vêtements pour trancher sa peau. Il aimerait bouger, mais il n'y arrive pas.
Gen non plus. Malgré le courage de Senku, il n'a pas réussi à bouger. Il est resté là, assis par terre, le corps tremblant et paralysé. Ses yeux exorbités regardent la violence qui se joue devant lui, une violence qui le ramène des années en arrière. Il revoit ses poings foncer sur lui, frapper son visage et son corps. Il revoit tous ces moments où il a cru mourir sous ses coups. Il revoit tous ces moments où il a cru qu'il n'aurait plus jamais l'opportunité de s'excuser auprès de sa mère. Mais là, tout de suite, c'est de Senku dont il s'agit, mais il ne parvient pas à bouger.
Il le regarde impuissant, incapable de faire quoique ce soit pour l'aider. Il y a quelques temps, il s'était promis de le protéger de Mozu. Mais il en est incapable. Parce que de toute sa vie, il n'a jamais été capable de protéger ceux qu'il aime.
Tu as fait quoi pendant tout ce temps, hein ?
Rien, il n'a rien fait. Il n'a pas été capable de se protéger lui-même. Et maintenant que la violence se joue à nouveau devant ses yeux, il est paralysé, incapable d'aller au-delà de cette peur qui lui ronge les entrailles.
Dehors, il voit Senku tenter de se redresser. Mais il n'y parvient pas car, déjà, le corps de Mozu est sur lui. Ses mains se sont refermées autour de son cou, serrant de toutes leurs forces. Et Gen reste là, impuissant, immobile.
Qu'est-ce que tu attends au juste ? Pourquoi tu ne bouges pas ?
Il est terrifié, voilà pourquoi il ne bouge pas. Il essaye d'ordonner à son corps de bouger, mais il n'y arrive pas. Quoi qu'il fasse, il reste planté là, les yeux rivés vers le corps du vert qui tente de se débattre face à ces mains qui veulent le tuer.
Tu n'es qu'un lâche, un putain de lâche !
Non, je ne suis pas lâche.
Ah oui ? Pourtant tu restes là à regarder l'amour de ta vie se faire tuer devant tes yeux !
Je... je ne peux pas bouger.
Son corps tremble mais il n'arrive pas à pleurer. Il est condamné à regarder cette violence lui prendre à nouveau ce à quoi il tient le plus.
Si, tu peux bouger. Il te suffit de te lever.
Non, je n'y arrive pas.
Alors vas-y, regarde le te prendre encore ce qui t'est cher. Et quand il aura fini, tu le regarderas te tuer de la même manière.
Il ne peut pas rester indéfiniment assis, il doit bouger. Il doit faire quelque chose, il doit les protéger, tous les deux.
Bouge-toi, sauve le ! Si tu ne fais rien maintenant, il va mourir. Tu ne le reverras plus jamais.
Il a l'impression d'étouffer. Son corps tremble, encore, toujours.
Lève-toi, lève-toi, lève-toi !
Ses yeux fixent ces mains qui serrent le cou de son bien-aimé. Ses mains essaient de le repousser, en vain. Et bientôt, il les voit faiblir. Dans quelques secondes, elles tomberont sur le côté.
Lève-toi, lève-toi, lève-toi, lève-toi !
Il doit juste poser les pieds sur le sol. Il doit juste bouger.
ALLEZ POUR UNE FOIS DANS TA VIE LÈVE-TOI !!
Il ne s'est pas senti bouger. Ses yeux sont restés rivés sur ces mains qui le dégoûtent. Il n'a pas senti son corps se lever, ni même la douleur dans son bras cassé. Il n'a même pas compris ce qu'il a attrapé dans la cuisine. Mais tout ce qu'il sait, c'est qu'il s'est rué sur lui. Et la seconde d'après, ses mains ont lâché son cou.
Senku sent l'air se frayer à nouveau un chemin à travers sa gorge. Il inspire, tousse, se tord dans tous les sens tandis que l'air lui-même semble décidé à l'étouffer. Il a mal, si mal. Il a tellement mal qu'il est persuadé que Mozu lui a brisé le cou. Mais ce n'est pas le cas. Il parvient à lever ses mains jusqu'à son cou, puis à bouger la tête. Et enfin, quand l'air circule à nouveau normalement, il parvient à trouver la force de se retourner. Et quand il voit Gen, le choc est si grand qu'il parvient à peine à dissimuler son cri de surprise.
Gen est sur le balcon, adossé à la deuxième baie vitrée. Son corps tremble et son bras gauche pend mollement contre son corps dans un angle étrange. Quant au deuxième, il ne voit qu'un sang poisseux recouvrir sa main. Ses yeux sont exorbités, complètement sous le choc.
Au bout de ce bras, il y a un couteau.
Sur ce couteau, il n'y a qu'un sang noir qui recouvre la lame.
Gen ne bouge plus, incapable de savoir quoi faire. Il ne parvient pas à réaliser ce qu'il vient de faire. Pourtant, c'est ce qu'il a fait. Par instinct, il a pris le couteau utilisé pour couper le gâteau resté dans la cuisine. Puis, il s'est jeté sur lui. L'instant d'après, il a senti la lame pénétrer dans la chair. Ça n'a pas été très dur : la peau n'a pas longtemps résisté au tranchant de la lame. Il a eu le temps de sentir la peau s'ouvrir sous le tranchant de l'acier, juste avant qu'un sang chaud ne macule sa main. Puis il a reculé, emportant avec lui cette lame logée dans son corps. Il a entendu l'acier trancher la chair pour se libérer. Il a senti la résistance de sa chair contre la lame, mais ça ne l'a pas arrêté.
Mozu se retourne lentement vers Gen. Le visage déformé par la stupeur, il ne semble pas vraiment se rendre compte de ce qu'il vient de se passer. Pour être exact, il n'a pas ressenti la douleur. Mais il a senti quelque chose d'anormal. Par instinct, ses mains ont lâché prise.
Ses yeux noisettes se posent sur la lame ensanglantée. Puis, sa main se pose dans son dos, sur son flanc, vers son rein. Là, il sent un liquide étrange réchauffer sa main. Et quand il l'a regarde, il se rend compte qu'elle est maculée de sang.
— Tu... tu m'as planté ?...
Sa voix s'éteint lorsqu'enfin il se rend compte de ce qui lui arrive. Par réflexe, il recule. Ce simple geste permet à un flot de sang de s'échapper de sa blessure. Gen ne savait pas où il visait. Mais sans le vouloir, il a visé les reins. Sa lame a endommagé l'organe qui a directement cessé de fonctionner. Il va commencer à se vider de son sang, et ce bien plus rapidement qu'il ne le pense.
Mozu est terrifié. Et se faisant, il recule encore, incapable de s'arrêter. À chaque pas, une flaque de sang noir s'écrase sur le sol. Déjà, sa tête se met à tourner.
— Tu m'as planté... t'as voulu me tuer...
Le bruit de la lame résonne sur le sol lorsque Gen lâche enfin le couteau. Mais malgré ça, il sent tout ce sang étalé sur sa main. Il est encore chaud, encore liquide. Dans quelques minutes, il va commencer à s'épaissir et coaguler sur ses doigts.
— Mozu je... je...
Il s'avance d'un pas. Sa gorge est nouée par des larmes qui ne sortiront jamais. Tout ce qu'il voit, c'est ce regard terrifié sur le visage de l'homme qui a partagé sa vie pendant tant d'années. Il ne voit rien d'autre que la peur, une peur qui a remplacé la haine.
— Je suis désolé... je...
Ses jambes se dérobent sous son poids. Heureusement pour lui, Senku parvient à le rattraper juste à temps. Là, il le tient contre lui, faisant fi de son corps qui hurle de douleur.
Ça sera la dernière image qui s'imprégnera sur ses rétines. Gen, dans les bras de Senku. Des bras qui ne ressemblent en rien aux siens. Ils sont petits, fins, dépourvus de la musculature qu'il possède. Et c'est pour un type comme lui qu'il a planté ce couteau dans sa chair. C'est pour lui qu'il a fait ça. C'est pour Senku. Par amour, il a commis l'irréparable.
— Tu vois... t'es pas bien différent de moi, Gen.
Les regards se posent sur Mozu. Il a un sourire étrange sur le visage. Un sourire... apaisé. Sa tête tourne encore un peu plus tandis que le sang continue de couler de sa plaie.
— Par amour, tu es capable de tuer quelqu'un.
Puis il se met à rire. Un rire calme, doucement amusé par la situation. Il ne s'attendait pas à être le premier à tirer sa révérence. Il avait prévu de sombrer juste après s'être débarrassé d'eux. Mais les dieux ont décidé qu'il serait le seul à rejoindre les ténèbres infinis.
— Alors dis-moi, qui est le monstre maintenant ?
La seconde d'après, son corps bascule en arrière. Gen a hurlé, et Senku a juste eu le temps de couvrir ses oreilles. Comme ça, Gen n'a pas entendu le bruit de son corps s'écrasant sur le bitume juste en bas. Il n'aura pas entendu ce concert d'os brisés et de chair explosée sur le sol.
Puis, un silence atroce a suivi cette hécatombe. Les yeux de Gen sont restés rivés sur le balcon, là où se trouvait Mozu il y a encore quelques secondes. Puis, en bas, un cri perçant. Une femme qui, voyant le corps étalé cinq étages plus bas, hurle de terreur.
Au moins, ce cri aura permis de camoufler le hurlement de douleur qui, pour la première fois depuis des années, est enfin sorti du fin fond des entrailles de Gen.
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Voilà. Est-ce que cette histoire pouvait se terminer autrement ? Je ne pense pas. Depuis le début de cette histoire, j'avais prévu que l'affaire avec Mozu se terminerait ainsi. Et je pense que je n'aurais pas pu faire meilleure fin. Après s'être juré de protéger Senku de la violence de Mozu, Gen a enfin réussi. Il les a débarrassé tous les deux de ce danger.
Chapitre riche en émotions n'est-ce pas ? On passe littéralement des rires à la tragédie. Comme j'aime écrire ce genre d'ascenseur émotionnel ! Vos réactions n'en sont que meilleures 😂.
Il reste trois chapitres avant l'épilogue. On se rapproche lentement mais sûrement de la fin de cette histoire. J'espère que ce dénouement vous plaît, car il n'est pas fini. Je vous retrouve jeudi pour la suite !
Bye~
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