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Chapitre 25 : Des constellations de couleurs sur ta peau

— Non va-t-en et laisse-moi tranquille ! 

Senku a beau essayer, il ne parvient pas à le faire sortir de sa chambre. Cela doit faire presque une heure qu'il essaye de le convaincre de le rejoindre, en vain. La porte continue de se dresser devant lui comme un mur infranchissable et indestructible. 

— Gen, je veux juste... 

— Je ne veux pas, tu m'entends ? Je ne veux pas ! 

Ses poings se serrent alors qu'il l'entend sangloter. Subitement, il s'en veut d'avoir parlé de ça. Il voulait juste faire avancer les choses pour l'aider à aller de l'avant. Mais au lieu de ça il n'a fait que le terroriser un peu plus. 

— Je sais que ça te terrifie, mais tu ne seras pas seul. On sera là avec toi. 

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu'on me touche, je veux qu'on me laisse tranquille !

Assis sur le sol, dos à la porte, il a ramené ses genoux contre son torse. Là, il espère que la gêne passera, qu'il pourra oublier cette horrible sensation qui paralyse son corps. Mais rien n'y fait, surtout avec Senku derrière la porte. 

Il savait qu'il aurait peur. Mais avec les bons mots, il pensait pouvoir le rassurer suffisamment pour le convaincre. Mais au lieu de ça, il s'est braqué, juste avant de s'enfermer dans sa chambre à double tours. 

— Gen... je sais que c'est dur à entendre... mais c'est maintenant que tu dois aller voir la police. Tu as encore les traces de coups sur toi. 

En prononçant cette phrase, Senku sent son estomac se tordre. Malgré lui, il ne peut s'empêcher de se repasser en tête les quelques hématomes qu'il a vus sur lui. Quelques-uns sur son visage entre autres. Mais il sait qu'il y en a bien plus sur lui, des traces qu'il garde cachées pour ne pas les lui montrer. Elles sont douloureuses et, en même temps, il a honte de les porter. Il ne veut pas les montrer aux yeux du monde, il veut juste qu'elles disparaissent. 

Mais ces traces sont des preuves. Des preuves de la cruauté dont a fait preuve Mozu lorsqu'il a arraché Gen à sa vie. 

— Je ne veux pas y aller, Senku. Je t'en prie... ne me force pas à y aller. 

Il ne peut pas le voir mais il devine les larmes qui dévalent ses joues. Son poing se serre à nouveau en se posant sur la porte. Il ne peut pas le forcer, il ne veut pas le forcer. Il ne veut pas l'obliger à montrer son corps à des inconnus, tout ça pour qu'ils puissent contempler l'étendue de sa douleur. Mais en même temps, il pense à après. Il pense à Mozu qui se balade encore dans la nature, à tout ce qu'il a fait dans la plus grande impunité. Il pense à tous ces coups qu'il a donnés et qu'il donnera encore si on ne l'arrête pas. Il pense à la sécurité de Gen et à ce corps qui a bien trop souffert. Pour mettre fin à cette atroce souffrance, il faut conserver les preuves.

— Gen... ça sera dur, je le sais. Mais il faut conserver les preuves, tu comprends ? 

Plus le temps passe, plus les preuves s'effacent. Bientôt, il ne restera plus rien et les dommages demeureront à jamais une âme meurtrie dans un corps réparé. 

Il n'y a qu'un silence qui s'étire. Il n'entend plus ses larmes, ni sa respiration erratique. Puis il entend à nouveau sa voix passer la porte de la chambre.

— Va-t-en, je ne veux plus t'entendre. 

Dans sa voix, il n'y avait pas que de la tristesse ou de la peur. Il y avait une profonde rancœur, une colère qu'il ne parvient plus à cacher. Une colère dirigée vers Senku qui, agenouillé de l'autre côté de la porte, se la prend de plein fouet. 

Il l'entend se lever pour quitter le pas de la porte. Autrement dit, il s'éloigne de lui, ne voulant plus entendre sa voix qui le supplie de sortir. Et Senku reste là, toujours face à cette porte muette et close. Et ce silence s'étirera pendant une grande partie de la journée. 

Le midi, Gen n'est pas sorti manger. Il est resté dans sa chambre, la porte verrouillée. Senku a bien tenté de faire autre chose pour essayer d'oublier sa colère, mais il n'a pas réussi. Et pour la première fois depuis qu'ils sont dans cet appartement, Senku a pris son téléphone pour envoyer un message à un de ses amis. 

"Gen s'est enfermé dans sa chambre. Il refuse d'aller voir la police". 

Il envoie ce message à Tsukasa qui, il l'espère, pourra l'aider à se sortir de cette situation. Depuis qu'il a essayé de mettre fin à ses jours, Senku ressent une angoisse atroce quand il le sait seul dans une pièce. Malgré ça, il ne veut pas lui imposer ses craintes. 

Il doit déjà gérer les siennes. 

Il sent déjà la migraine pulser dans ses tempes. Cette situation est sans fin, un véritable cauchemar éveillé. Alors, pour la première fois, il s'autorise un moment de faiblesse. Assis sur le canapé, il ramène ses jambes contre lui. Puis, il pose son front dans ses genoux tout en passant ses bras autour de ses jambes. Il reste ainsi de longues minutes, savourant la sensation de sécurité que lui offre cette position. Et puis, il entend son téléphone vibrer. 

"C'est normal, je pense que c'est encore trop tôt. Est-ce que tu lui as proposé de prendre des photos à la place ?" 

Après avoir lu le message, il s'empresse de pianoter sur son écran pour lui répondre. 

"C'est mort, il refuse que je vois quoi que ce soit. Je lui ai dit qu'il pouvait les prendre lui-même s'il voulait mais il a refusé." 

Il envoie le message et, quelques secondes plus tard, il décide d'ajouter quelque chose. 

"Je ne sais plus quoi faire."

Quiconque ayant fréquenté Senku pendant ne serait-ce que quelques mois saurait que ce message veut dire bien plus de choses qu'il en a l'air. Senku, le garçon toujours sûr de lui, la tête froide, sachant pertinemment comment gérer n'importe quelle situation. Ce message est un véritable appel à l'aide. Et de l'autre côté du téléphone, Tsukasa en a bien conscience. 

Le lutteur essaye de réfléchir. D'après ce que lui a rapporté Senku, son état est plus que préoccupant. Parfois, il y a des jours où il est capable de sourire et de rire avec Senku. Puis, le lendemain, il est plongé dans une profonde détresse qui menace de l'engloutir. Il est plus qu'instable et la présence du vert continuellement à ses côtés ne doit pas vraiment arranger les choses. 

Il y a des choses qu'il ne veut pas lui dire. 

Tsukasa peut aisément le comprendre. Gen tient à lui. Et quand on tient autant à une personne, on veut parfois lui épargner les détails cruels de la vérité. 

"Et si tu demandais à Ruri de venir le voir ?"

C'est vrai, il n'y avait jamais pensé. Mais Gen est assez proche de la belle blonde. Et la connaissant, peut-être qu'elle saura trouver les bons mots pour accompagner Gen dans sa guérison. 

Ses yeux carmins se tournent vers le couloir. Là, il aperçoit la porte toujours close. Lentement, il se lève et s'en approche. Sa main vient se poser sur le bois peint en blanc. Il colle discrètement son oreille à la porte, essayant d'analyser ce que peut être en train de faire Gen dans cette chambre. Mais il n'entend rien de probant. 

Et puis, il se décide enfin à frapper. Évidemment, Gen ne répond pas, laissant un long silence les séparer. Il n'ouvrira pas mais peut-être l'écoutera-t-il. 

— Est-ce que ça te dirait que je demande à Ruri de passer te voir ? 

Assis sur son lit, Gen fait volte-face vers la porte. Jusqu'alors sa peine était si forte que son cœur n'a pas eu la force de se tourner vers ses amis. Mais maintenant qu'il a entendu son prénom, il sent une envie toute nouvelle grandir au fond de lui. 

Ruri... 

Il a l'impression que ça fait une éternité qu'il ne l'a pas vue. Depuis qu'il est ici, il n'a parlé qu'avec Senku. À part lui, il n'a vu personne. Déjà parce qu'il n'a plus de téléphone, mais aussi parce l'idée de sortir de cet appartement lui était complètement insupportable. Mais Ruri... 

— Oui, je veux bien. 

Son cœur bat plus fort dans sa poitrine. Il fixe la porte de sa chambre, comme si Ruri allait soudainement passer le pas de la porte. C'est un peu tard, mais il se rend compte que son amie lui manque beaucoup. 

— D'accord, je vais lui demander de passer dans l'après-midi. 

Puis il entend le vert s'éloigner de la porte. Du plus profond de son cœur, il espère que la blonde acceptera. Là, dans sa chambre, il se rend compte qu'il a besoin de lui parler. Parce qu'à elle, il pourra dire des choses qu'il n'a jamais osé dire à Senku. Peut-être qu'avec elle son cœur pourra se sentir plus libre d'exposer toute l'obscurité qui le fait agoniser. 

***

Il est plus de quinze heures passées lorsqu'on sonne à la porte. Après avoir jeté un rapide coup d'œil dans l'œillet, Senku s'empresse d'ouvrir la porte. Là, devant la porte, se tient une belle blonde avec un sourire chaleureux. Après de rapides salutations, il s'empresse de la laisser entrer. 

La première réaction de Ruri est d'observer les lieux. Bien sûr, elle a pris connaissance du drame qui est arrivé par le biais de ses amis. Et depuis tout ce temps, elle n'avait des nouvelles du bicolore que par le biais de Senku. Chaque jour, elle s'est inquiétée de son absence, surtout lorsque celui-ci a déclaré ne plus vouloir venir à la fac. Chaque jour, elle voulait le voir pour s'assurer de ses yeux de son état. Mais d'après ce que lui disait Senku, il était encore trop tôt pour ça. Gen n'était plus que l'ombre de lui-même, vagabondant dans un appartement beaucoup trop grand. Jusqu'à il y a peu il passait son temps à dormir, voulant éviter cette réalité qui l'effraie. Mais aujourd'hui, Senku a besoin d'elle. Parce qu'il sait qu'elle est celle qui sera capable de le faire parler en douceur pour le sortir de cette spirale infernale. 

— Où est-il ? demande-t-elle doucement.

— Il est... enfermé dans sa chambre depuis ce matin, répond-il en pointant la porte du pouce. 

C'est la première fois qu'elle voit une détresse aussi profonde dans les yeux de Senku. Elle l'a toujours connu fier et arrogant. Aujourd'hui, il semble fatigué, à bout. Malgré elle, elle ne peut s'empêcher de poser sa main sur son bras. Par ce geste, elle essaye de le réconforter. À partir d'aujourd'hui, il n'est plus seul. Elle va l'aider à l'épauler pour le sortir de ce trou sans fond. 

— Ça va aller, lui glisse-t-elle doucement. 

— Je t'avoue que je ne sais pas quoi faire pour l'aider. 

De sa position, elle essaye de s'imaginer ce que Senku a dû vivre ces derniers temps. À lui seul il a porté le poids de la douleur de Gen, cherchant par lui-même à le sortir de sa situation. Elle se demande d'ailleurs si cette volonté de tenir ses amis à l'écart de cette situation n'était pas une façon pour lui de les protéger de ce fardeau. Il a voulu éviter à ses amis de le voir perdre pied, voulant endosser à lui seul la responsabilité de l'aider à se relever. 

Ça serait bien du genre de Senku. 

— Je vais lui parler, ajoute-elle. Quant à toi, peut-être que tu pourrais... aller faire un tour ? 

Elle voit les sourcils du vert se arquer tandis qu'il croise machinalement les mains sur le torse.

— Pas que je veuille te virer de chez toi... Mais peut-être que Gen se confiera plus facilement s'il sait que tu n'es pas dans l'appartement. 

La blonde a raison, mais Senku ne peut s'empêcher de sentir son coeur se serrer. C'est évident qu'il y a des choses qu'il ne veut pas lui dire. Mais s'en rendre compte est bien plus douloureux qu'il ne le pensait. 

— D'accord, je vous laisse alors. 

Sans perdre de temps, il attrape un manteau et ses chaussures. En seulement quelques minutes, le voilà sorti de l'appartement, laissant la blonde seule avec Gen. 

La blonde inspire un grand coup. Puis, elle se tourne vers la chambre du bicolore. Là, elle frappe trois fois à la porte, juste avant de s'annoncer. 

— Gen ? C'est moi, Ruri. 

Le silence s'étire mais elle l'entend s'approcher. Puis, il ne bouge plus, restant devant la porte. Il a envie d'ouvrir, de la laisser entrer. Mais quelque chose le bloque, quelque chose qu'il ne peut expliquer. 

— Il n'y a que moi, Senku est sorti. 

Il ne peut pas l'expliquer, mais il se sent soulagé. L'idée d'être certain que Senku ne pourra pas entendre ses mots le rassure. Alors, il déverrouille la porte juste avant de l'ouvrir. Là, il croise le regard souriant de la blonde. Elle est habillée d'un pull noir à col roulé ainsi qu'un pantalon large évasé au niveau des cuisses. Ses longs cheveux or tombent en cascade sur sa poitrine, offrant un résultat harmonieux. Sa première pensée est de se dire qu'elle est belle, habillée comme ça. 

— Salut Ruri... 

Il a l'impression que sa voix déraille quand il se met à parler. Peut-être est-ce juste une impression, du moins il l'espère. 

Pour le reste, il n'y a pas besoin de mots. Il n'a fallu qu'un simple regard pour que Ruri comprenne aussitôt la détresse de Gen. Elle s'est avancée vers lui, juste un pas. Puis, la seconde d'après, Gen est tombé dans ses bras, laissant de grosses larmes rouler sur son visage et s'échouer sur la laine de son pull. 

Avec elle, il s'est senti en sécurité. Bien sûr, quand Senku est là, il ne se sent pas en danger. Il sait qu'il ne lèvera jamais la main sur lui, qu'il n'aura jamais aucun mot déplacé. Mais aux côtés de la blonde il ressent une sérénité qu'il ne ressent pas quand il est avec lui. 

Ils se sont tous les deux installés sur son lit. Assis, le dos contre le mur, Gen parle sans forcément la regarder. De son côté, Ruri l'écoute sans l'interrompre, laissant les mots fuser sans interruption. Elle l'écoute lui décrire sa douleur, ses peurs, ses angoisses. Il parle de ses cauchemars, de ses insomnies, de son manque d'appétit. Il essaye de décrire au mieux cette douleur sourde venant de l'intérieur de son corps. Malgré lui, il tire sur la manche de son pull, signe que toutes saes paroles lui coûtent beaucoup. Il a l'impression de faire revivre ce qu'il essaye de contenir et d'oublier. 

Et puis, il parle de Senku. Il lui parle de ses doutes, de l'impression de lui faire du mal. Puis, des larmes coulent à nouveau lorsqu'il évoque le jour où il l'a giflé. Son corps se met à trembler, et Ruri s'est empressée de poser une main rassurante sur son bras, l'encourageant à parler tandis que les larmes continuaient à couler. 

— J'ai peur... de me retrouver à nouveau seul, a-t-il fini par ajouter après avoir séché ses larmes. 

— Qu'est-ce que tu entends par là ? 

Il lui faut quelques secondes pour formuler ses phrases. Les lèvres tremblantes, il parvient enfin à laisser les mots s'échapper. 

— J'ai peur... de perdre Senku. J'ai peur qu'il décide de me laisser parce que c'est trop dur pour lui. Je sais qu'il souffre, et ça serait la réaction la plus logique. 

Ruri n'ajoute rien car elle sent qu'il n'a pas fini de parler. Il ramène ses jambes contre lui juste avant de continuer. 

— Il vit avec un homme qui ne le laisse même plus l'approcher. Parfois... son contact ne me dérange pas. Mais il y a des jours où je n'arrive pas à le laisser me toucher. 

— Et tu penses que cette distance pourrait l'amener à te laisser tomber ? 

Gen jette un rapide regard vers elle. Puis il hoche lentement la tête, coupable de penser une chose pareille.

— Moi je pense que Senku tient trop à toi pour voir les choses de cette façon. Et je ne dis pas ça pour te rassurer. Tout ce qu'il veut, c'est que tu ailles mieux. 

— Et si je ne vais pas mieux ? 

— Et si tu allais mieux ?

Malgré lui sa réponse le fait doucement sourire. C'est vrai qu'il est face à une éternelle optimiste. Ruri est du genre à voir le verre à moitié plein, jamais à moitié vide.

— Ce qui t'est arrivé est horrible et il faut que tu te laisses le temps de guérir, continue-t-elle. Et c'est complètement normal que la présence de Senku puisse te gêner. 

Elle voit ses épaules s'affaisser légèrement, comme si un poids venait de les quitter. Elle devine que tout ça, il n'en a jamais parlé avec Senku. 

— Pourquoi as-tu peur qu'il te touche ? finit-elle par demander après de longues secondes de silence. 

Gen se tourne vers elle. À vrai dire, il ne s'attendait pas à ce qu'elle pose ce genre de question. 

— Parfois, j'ai peur de ressentir ses mains au lieu de celles de Senku.

Son regard se perd dans le vide. Assise à côté de lui, Ruri devine que ses pensées voguent vers des souvenirs qu'il essaye de balayer. 

— Il y a des jours, je me réveille et, quand je vois Senku je me dis : "imagine que tu ressentes la même sensation que lorsqu'il posait les mains sur toi ? Tu viendrais à détester son contact, non ?". Et cette pensée suffit à me terrifier. 

— Et qu'est-ce que tu en penses ? 

Il n'en sait rien. Une part de lui se dit que c'est une pensée complètement absurde. Mais une autre part de lui a trop peur de cette éventualité pour tenter le diable. 

— Je me dis que cette pensée n'a aucun sens. Parce que les mains de Senku ne ressemblent pas aux siennes. 

— Qu'est-ce qui différencie son toucher du sien ? 

Gen se doit de réfléchir pour trouver les bons mots. Comment décrire les mains de Senku quand celles-ci viennent se poser sur lui ? 

— Elles sont douces. Douces dans le sens où elles ne sont pas brutales. Quand il pose sa main sur la mienne par exemple, j'ai toujours l'impression qu'il le fait tout doucement, comme s'il pensait que j'allais prendre peur. Mozu n'a jamais été comme ça. 

— Quoi d'autre ?

— Eh bien... ses mains sont plus petites que les siennes. Elles ont moins de force, aussi. Et puis, elles n'insistent jamais quand je n'ai pas envie d'un contact. 

Gen ne s'en est pas rendu compte, mais le simple fait de décrire son toucher a réussi à le faire sourire. En remarquant ce détail, Ruri sourit à son tour.

— D'après ce que tu me dis, les mains de Senku n'ont rien à voir avec celles de Mozu, je me trompe ? 

— Elles sont complètement différentes.

— Alors pourquoi avoir peur de ressentir celles de Mozu à la place des siennes ? Tu saurais tout de suite faire la différence, non ? 

Gen se tourne à nouveau vers elle. Il n'avait jamais vu les choses sous cet angle. 

— Peut-être que tu as peur d'autre chose, non ? 

Gen ne répond pas. Ses pensées défilent à toute vitesse et, malgré lui, il ne parvient pas à voir où veut en venir la blonde. 

— Peut-être... qu'en acceptant son contact, tu as peur qu'il se rapproche un peu trop de toi ? 

Il comprend aussitôt où elle veut en venir. Aussitôt, il se sent piquer un fard tandis qu'il essaye d'éviter son regard. Jusqu'à présent, il n'a jamais parlé de sa sexualité à personne. 

— Alors j'ai visé juste ? 

Peut-être que Ruri a effectivement compris ce qu'il n'arrivait pas lui-même à s'avouer. Pour la première fois, il a l'impression d'y voir un peu plus clair. 

— Accepter que ses mains te touchent ne veut pas forcément dire que tu dois aller plus loin.

— Je sais... mais ça me fait peur. 

— Est-ce que Senku t'a déjà obligé ou contraint à faire quelque chose que tu ne voulais pas ? 

Aussitôt, Gen fait volte-face, arborant des yeux si écarquillés qu'ils pourraient être comparés à des yeux de chouette. 

— Non ! Senku n'a jamais fait ça. Il m'a toujours demandé ce que je voulais ou ne voulais pas. Il a cherché à savoir ce que je n'aimais pas pour ne m'obliger à rien et il insiste toujours sur le fait que je peux dire non à tout moment. 

Ruri ne peut que se ravir d'entendre ça. Imaginer Gen dans une relation si saine lui fait du bien. 

— Alors pourquoi est-ce que ça changerait maintenant ? 

À nouveau, Gen pose sur elle un regard perdu. À mesure qu'il parle avec elle, il se rend compte que toutes ses peurs n'étaient en réalité que des chimères envahissantes. 

— Gen, toutes ces peurs sont totalement normales, ajoute-elle. Mais tu n'as pas à t'en faire, Senku ira à ton rythme. Et accepter qu'il te prenne la main ou qu'il te prenne dans ses bras ne veut pas dire que tu seras obligé de coucher avec lui dans la foulée. 

Il n'imaginait pas à quel point il avait besoin de cette conversation. Évoquer tout ça avec Ruri lui permet de dédramatiser et, surtout, de mettre à plat toutes les pensées qui le paralysent. 

— Ce n'est pas une honte que d'avoir peur de ça. Et je pense que tu devrais en parler avec Senku, il comprendra parfaitement ton point de vue. 

Son regard se perd à nouveau dans le vide, réfléchissant encore et encore.

— Bien sûr, je ne dis pas que tu dois lui sauter dans les bras dès aujourd'hui ! Je veux juste être certaine que tu aies pris conscience que tu n'as pas à avoir peur de lui.

— Ne t'en fais pas Ruri, j'ai compris où tu voulais en venir. 

Il lui adresse un sourire chaleureux. Le voir sourire ainsi lui fait chaud au cœur, bien plus qu'elle ne l'imaginait. 

— Pour être honnête, j'ai parfois l'impression que son contact me manque. 

Elle voit quelques rougeurs naître sur ses joues. Elles sont discrètes, mais présentes. 

— C'est étrange... Parfois, j'ai envie de le prendre dans mes bras, de l'embrasser et... peut-être même d'aller plus loin. Et le lendemain, je suis terrifié. 

Ruri peut aisément comprendre ce sentiment. À cet instant, Gen est juste perdu, incapable de retrouver ses repères dans son quotidien chamboulé. 

— Tu sais, il est normal de vouloir être touché et de ressentir des envies, répond-elle. 

Il lui faut un léger temps de pause pour formuler ce qu'elle essaye de lui dire. Car pour elle, à l'époque, c'était aussi difficile.

— Dans l'imaginaire collectif, on imagine qu'une personne ayant vécu un viol doit juste se morfondre jours et nuits et rejeter quiconque s'approche d'elle. Alors, quand on a envie d'être touché, on a l'impression que, finalement, ce qu'on a vécu n'est pas si grave que ça. Et donc, si ce n'est pas si grave que ça, il n'y a pas de raison de se sentir mal, n'est-ce pas ? 

Il lui faut quelques instants pour faire le lien avec son discours. Malgré lui, il sent ses yeux s'écarquiller. 

— Attends Ruri... toi aussi tu...

— Ce n'est pas allé jusque là. C'est arrivé au lycée, en soirée avec des gens de ma classe. Un des garçons avait trop bu et... il m'a touchée alors que je ne voulais pas. 

C'est au tour de Ruri de triturer les manches de son pull. Pendant un court instant, son visage se baisse, comme coupable. Puis, il se redresse, capturant son regard ébène. 

— Cette agression m'a fait beaucoup de mal. Mais malgré ça, j'ai continué de coucher avec mon copain de l'époque. Bien sûr, il était au courant, et il m'a dit qu'il trouvait que je n'avais pas l'air si affectée que ça par ce que j'avais vécu. 

— Quel connard.

— Je pense surtout que ses paroles étaient maladroites. Mais entendre ça m'a bloquée, et il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre qu'on gère chacun nos traumatismes d'une manière différente. Certaines personnes ne voudront plus qu'on les touche, d'autres continueront à avoir des relations sexuelles. 

Gen n'imaginait pas que Ruri était passé par une telle épreuve. Et puis, soudain, il se souvient de ce qu'elle lui avait dit. 

— Mais... je pensais que tu n'avais jamais eu de petit ami ? 

— J'ai menti, avoue-t-elle simplement. Cette relation s'est tellement mal terminée que j'ai préféré dire au monde que je n'étais jamais sortie avec qui que ce soit. La seule personne au courant... eh bien c'est Chrome. Même Kohaku n'est pas au courant. 

Pendant un instant, il essaye de s'imaginer tout ce que la blonde a dû endurer. Garder le secret jusqu'à ne pas en parler avec sa petite sœur avec laquelle elle est très proche. Ruri a tout gardé pour elle, c'était sa manière à elle d'éviter de souffrir. 

Il sent la main de la blonde se poser sur la sienne. À nouveau, elle lui adresse un large sourire. 

— Tu n'as pas à te sentir coupable de ressentir des envies, Gen. Si tu as envie que Senku te touche, dis-le lui. Et si tu changes d'avis, tu es dans ton droit. 

Enfin, Gen se sent compris. Il était incapable de parler de cet aspect avec Senku. Il avait trop honte, trop peur pour évoquer tout ça. Mais entendre Ruri en parler, le rassurer, ça lui a fait du bien.

— Mais... il y a des choses que je n'ai pas envie qu'il voit, reprend-il. 

Ses bras viennent se croiser sur son torse. À nouveau, la blonde voit chez lui un puissant sentiment d'inconfort. 

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? 

— Je parle des bleus. Ils sont toujours là, et certains me font encore mal. 

Ses bras se referment un peu plus sur lui. Encore une fois, son regard fuit le sien, car il a du mal à parler de toutes ces couleurs qui décorent son corps. Ruri le comprend et elle ne veut pas le laisser dans cet état. 

— Et moi, tu voudrais bien me les montrer ? 

***

Sorti de l'appartement, il n'a pas eu d'autres choix que d'aller se balader dehors. Là, l'air est encore froid, mais moins agressif. Les mains dans les poches, il avance dans la cour de la résidence. Tout comme tous les immeubles, cette cour est immense. Une large étendue de verdure s'étend, semblable à un parc de jeu. On y trouve d'ailleurs des jeux pour les enfants, des bancs, des arbres. Tout ce qui pourrait rendre la vie ici plus agréable pour les personnes pleines aux as qui auraient décidées de vivre au cœur de la capitale. 

Sans chercher plus loin, il s'assoit sur un banc. Dans le silence de l'après-midi, il regarde droit devant lui. Il garde ses mains dans les poches, cherchant à se protéger du froid qui pourrait l'attaquer. Il ne sait pas combien de temps Ruri restera avec Gen mais il sait que cela pourrait durer un moment. En attendant, il va rester ici, à attendre que Gen se livre enfin à quelqu'un. 

Une part de lui ne cesse de lui répéter que son mutisme est normal. Parce que Gen veut le protéger, il a très certainement gardé pour lui de nombreuses choses. Mais cette pensée ne fait que lui faire un peu plus de mal. Il pensait pourtant qu'il aurait assez confiance en lui pour se livrer. Mais visiblement, ce n'est pas le cas.

Arrête de penser à tout ça, tu te fais du mal pour rien. 

Mais comment arrêter son esprit de divaguer ? Ce quotidien, c'est sa vie depuis qu'ils ont ramené Gen avec eux. Il ne peut pas y échapper, même s'il le voudrait. 

Pris dans ses pensées, il n'a pas vu la vieille femme s'assoir à l'autre bout du banc. Il n'a pas vu non plus son regard se tourner vers lui. 

— Vous m'avez l'air bien triste, jeune homme. 

Il réussit à contenir son sursaut. Il se tourne vers la voix qu'il ne s'attendait pas à entendre. Son regard croise celui d'une sexagénaire, habillée dans un épais manteau de fourrure synthétique. Elle lui offre un sourire agréable, tout l'opposé de la tête qu'il doit être en train de faire. Pris au dépourvu, il ne sait pas vraiment quoi répondre. 

— À votre âge, n'est-on pas censé profiter de la vie ? poursuit-elle.

— Peut-être. 

Il n'a pas la force de maintenir une conversation, surtout auprès d'une vieille femme qui semble se mêler d'affaires qui ne la regardent pas. 

— Je ne vous ai jamais vu ici, vous venez d'emménager ? 

— On est arrivés il y a presque deux semaines. 

Malgré lui, il se rend compte trop tard du "on". Il espère qu'elle ne posera pas davantage de questions. Il n'a ni la force de mentir ni la force de dire la vérité. 

— Oh je vois, j'espère que vous vous êtes bien installés. 

Du plus profond de lui, il espère qu'elle se taira. À cet instant, tout ce qu'il veut, c'est profiter de la tranquillité que lui offre cet immense jardin. Et puis, il y a d'autres bancs, cette dame peut s'asseoir ailleurs. 

— J'ai un petit fils qui a à peu près votre âge, vous savez. 

Ça me fait une belle jambe. 

C'est décidé, si elle continue de parler, il partira. Il est trop épuisé pour supporter la discussion d'une vieille femme. 

Mais la vieille femme n'est pas dupe. À son visage, elle voit bien que sa conversation semble plus l'ennuyer qu'autre chose. 

— On dirait que vous êtes sur le point de pleurer. 

À nouveau, Senku fait volte-face vers elle. Il ne s'attendait pas à ça. Il était persuadé qu'elle allait continuer de lui parler de son petit-fils. 

— Pourquoi dites-vous ça ? 

— Ça se voit sur votre visage. Pourquoi se retenir de pleurer ? 

Cette question ne fait que l'agacer un peu plus. Il aura beau lui expliquer, elle ne comprendra pas. Personne ne peut comprendre ce qui se passe dans sa tête, personne.

— Vous ne comprendriez-pas. 

— Vous êtes sûr ? Vous savez, à mon grand-âge, j'en ai vu des choses. 

Ses yeux carmins s'attardent quelques secondes sur elle. Il y a encore quelques secondes, il était agacé qu'elle se mêle de ce qui ne la regarde pas. Mais désormais, il ne voit que la douceur d'une personne âgée. Au fond de ses yeux, il y voit une profonde gentillesse. 

— J'ai... un ami... qui ne va pas bien du tout. 

Alors qu'il s'entend parler, il se demande pourquoi il lui dit tout ça. Ce n'est qu'une parfaite inconnue après tout.

— Et je ne sais pas comment l'aider à aller mieux. 

Elle ne répond pas tout de suite. Au lieu de ça, son sourire s'agrandit. 

— Et vous, qui vous aide à aller mieux ? 

Il lui faut quelques secondes pour comprendre ce qu'elle vient de demander. Puis, il sent ses sourcils se arquer.

— Ce n'est pas de moi dont on parle. 

— Et pourtant, comment voulez-vous l'aider si vous ne parvenez pas à vous aider vous-même ? 

Il aimerait rétorquer mais il n'y parvient pas. Il n'est pas du genre à écouter les conseils des gens. Mais là, il y a quelque chose dans ses paroles qu'il ne parvient pas à repousser. 

La femme se lève. Elle attrape son petit sac qu'elle a laissé sur le banc pour le poser sur son épaule. Elle se tourne vers lui, lui adressant à nouveau un sourire empli de douceur. 

— Je vais devoir vous fausser compagnie, je dois aller chercher ma petite fille à l'école. 

Senku ne répond pas car, comme tout à l'heure, il ne sait pas quoi dire. La vieille femme passe devant lui et, soudain, elle s'arrête. 

— Pour vous aider vous-même, commencez par accepter de montrer vos faiblesses. Pleurer, ce n'est pas un mal. Ça ne l'a même jamais été.

Et puis elle repart, disparaissant derrière un arbre pour s'enfoncer dans la large cour. Pendant quelques instants, Senku se demande s'il n'a pas rêvé cette conversation. Peut-être que cette grand-mère n'a jamais existé et qu'elle n'est que le fruit de son imagination. Mais peu importe. Déjà, ses paroles résonnent dans sa tête. 

Pleurer, ce n'est pas un mal.

Il ne parvient pas à contrôler la première larme, ni la deuxième. Il les sent rouler sur ses joues, venant s'échouer dans son cou. Il pourrait les essuyer, mais il ne le fait pas. Il les laisse rouler à l'infini sur sa peau. Elles se multiplient au fil des secondes. Et petit à petit, il sent un trou se former dans sa poitrine. Il se penche en avant, les mâchoires serrées. Il n'imaginait pas que depuis tout ce temps, la douleur était si intense.

***

Il remonte lascivement les marches. Il ne sait pas combien de temps il a pleuré, ni combien de temps il est resté dehors. Mais lorsqu'il a reçu un message de Ruri, ses larmes avaient déjà séché. Il s'est alors levé du banc, les jambes ankylosées d'être restées si longtemps inactives. 

Quand il arrive devant l'appartement, il voit la blonde adossée au mur. Elle lui adresse un sourire quand elle le voit. Aussitôt, elle remarque sa mine déconfite. Et ses yeux encore rouges lui indiquent tout de suite qu'il a pleuré. Mais elle ne lui fait aucune remarque. 

— J'ai pu parler avec lui, et je crois que ça lui a fait du bien. 

— Tant mieux alors. 

Il a l'air épuisé, bien plus que lorsqu'il a quitté l'appartement. Elle aimerait aussi parler avec lui mais elle sait qu'elle n'est pas la mieux placée pour lui tirer les vers du nez. Même Taiju, son meilleur ami, a toujours eu un mal fou à percer sa carapace. 

— Je voulais aussi te prévenir, reprend-elle, j'ai réussi à le convaincre de prendre en photo ses bleus. Ils sont dans mon téléphone. 

Il se sent soulagé d'entendre ça. Au moins, ça lui permettra d'avoir un peu de sursis quant à cette histoire de porter plainte. 

— C'est une bonne nouvelle. 

Elle voit dans ses yeux à quel point il est épuisé. Au moins, elle a réussi à le faire parler. Et peut-être qu'après tout ce qu'elle lui a dit, les choses pourront enfin s'arranger. Elle l'espère de tout coeur. 

— Je vais vous laisser, repose-toi bien. 

— Merci d'être venue, surtout si ça l'a aidé. 

C'est assez rare que Senku remercie les gens. Autre signe qui montre à quel point il est à bout. 

— N'hésite pas à me rappeler si tu as besoin d'aide, je serai là pour vous deux. 

— Ouais... et passe le bonjour à Chrome et Kohaku de ma part. 

Elle accepte avec le sourire. Puis elle s'empresse de disparaître dans le large couloir. Quant à Senku, il entre dans l'appartement, rencontrant à nouveau un salon tout ce qu'il y a de plus vide. 

Ses yeux le brûlent et une migraine ne cesse de pulser dans ses tempes. Il n'a qu'une envie : s'écrouler dans son lit. Il se débarrasse de son manteau et de ses chaussures avant de s'avancer vers sa chambre. Mais quand il arrive dans le couloir, il entend Gen l'appeler.

— Senku ?... Est-ce que tu peux venir une seconde ?

Sa voix n'est qu'un filet mais il l'a quand même entendue. Doucement, il s'approche de sa chambre et pousse la porte déjà entrouverte. Là, il le voit debout au milieu de la pièce, les bras timidement croisés sur son torse. Ses yeux ne le regardent pas. 

— Oui ? 

Il entre dans la chambre sans toutefois oser s'approcher de lui. De longues secondes de silence s'écoulent entre eux durant lesquelles aucun des deux garçons ne parvient à parler. Puis, enfin, Gen se met à bouger. 

Lentement, Senku le voit attraper les pans de son pull et le faire passer par-dessus sa tête. Sans même le regarder, il attrape son tee-shirt, répétant le geste. Sa peau se dévoile à ses yeux pour la première fois depuis qu'ils sont ici. Senku est tellement surpris qu'il ne trouve rien à dire. Ses yeux ne savent pas où se poser, tant il est surpris. 

Et puis, ses doigts dénouent son jogging. Il s'empresse de le faire glisser sur ses jambes pour s'en débarrasser. Face à Senku, il ne garde que son caleçon. 

— Voilà, c'est ça que je voulais te cacher. 

Il se force à décroiser les bras, dévoilant toute l'étendue de ces constellations de couleurs sur sa peau. 

Senku garde les yeux écarquillés, incapable de savoir quoi faire. Ses yeux se posent sur son corps, regardant tous ces bleus qu'il n'a jamais voulu lui montrer. Et il était loin d'imaginer l'état de son corps, dissimulé sous ses vêtements. 

Sur ses côtes, des hématomes. Autour de son cou, des traces de mains. Certains hématomes sont noirs, d'autres virent déjà au jaune, indiquant leur niveau de cicatrisation. Sur ses épaules, les bleus prennent la forme de doigts. À mesure qu'il regarde ses blessures, son cerveau peut enfin reconstituer ce qu'il n'a pas été capable de lui dire. Les mains sur lui, les coups, les bousculades. Et puis, ses yeux descendent vers ses cuisses. Sur le haut des jambes, vers l'intérieur, il y voit tout un tas de traces. Rapidement, il imagine ses mains qui l'attrapent à cet endroit. Il entend les cris de Gen, les supplications que Mozu refuse de comprendre. Aussitôt, un puissant vertige le saisit. 

Et puis, sur sa peau, il y a toutes ces traces rouges, bien plus récentes. Des traces de griffures, d'irritations, de frottements. Des traces qu'il s'est infligées lui-même depuis qu'ils sont ici à force de frotter son corps sous la douche tous les soirs. 

Soudain, ses yeux se posent sur son poignet gauche. Là, il remarque une trace étrange. Autour du poignet, on dirait que quelques vaisseaux sanguins ont explosé. C'est alors qu'il comprend ce qu'il regarde. 

Gen vient cacher son poignet de son autre main. Honteux, il baisse la tête. 

— J'ai perdu ton bracelet, se contente-il d'avouer. Il me l'a arraché... et je n'ai pas réussi à le récupérer. 

— Ce n'est rien... ce n'est pas grave du tout. 

Senku n'ose pas s'avancer davantage. Les bras ballants, il ne sait pas ce qu'il doit faire. Il a conscience que Gen est en train de se livrer à lui, de lui montrer tout ce qu'il cherche désespérément à lui cacher depuis son retour. Tout cela veut dire beaucoup pour lui mais il ne sait pas comment agir. 

— Senku je... s'il te plait... J'ai juste envie que tu me prennes dans tes bras, là, maintenant.

Sa voix déraille, mais il n'y a plus de larmes. Il n'en a plus la force, pas après les litres qu'il a versé durant tout ce temps. 

Sans perdre une seconde, Senku avale les mètres qui les séparent. Aussitôt, ses bras viennent se refermer autour de lui, ramenant son corps tout contre lui. Gen s'empresse de s'accrocher à sa moitié comme si sa vie en dépendait. Là, il sent la chaleur de son corps réchauffer sa peau nue. Sans s'en rendre compte, Senku a déjà plongé son visage dans son cou, humant cette odeur qui lui a tant manqué. Et sans aucune parole, ils restent ainsi, à se serrer l'un contre l'autre, cherchant à effacer cette distance qui les a séparés depuis tout ce temps. 

Senku glisse ses mains dans son dos, laissant derrière elles d'agréables sensations de chatouillis. Mais même dans ses bras, Gen sent des frissons parcourir son corps. Senku attrape le pull resté sur le sol avant de le glisser sur ses épaules. Et il le serre à nouveau contre lui, profitant de ce contact qui lui a tant manqué. 

L'étreinte a duré longtemps, si longtemps que leurs corps sont venus d'eux-mêmes s'asseoir sur le sol. Gen a enfilé son pull, juste avant de se réfugier dans des bras amoureux. Là, comme ça, il a l'impression que le temps n'existe plus. Il n'y a plus qu'eux, et plus rien autour. 

Le dos calé contre le lit, Senku passe ses doigts sur ses bras. Blotti contre son torse, Gen écoute les battements de son cœur, tout ça dans le plus grand silence. Il cale sa respiration sur la sienne, une respiration calme et sereine. Et puis, enfin, il entend sa voix résonner dans la pièce. 

— J'aime quand tu me prends dans tes bras. 

Sa phrase fait doucement sourire le vert. Gen ne peut pas le voir, mais il le devine. Il sent ses doigts passer dans ses cheveux, doucement. 

— Pardon d'avoir eu peur que tu me touches. 

— Ne t'excuse pas, je comprends. 

Senku sent les mains de Gen s'accrocher à lui. Il le laisse faire, il le laisse s'exprimer, il l'écoute. 

— J'avais peur de ressentir les mains de Mozu. Mais cette peur était irrationnelle. 

Il sent sa main se glisser doucement dans la sienne. Se faisant, Gen ramène sa paume juste devant lui. Là, il la regarde, traçant du bout du doigt les lignes de sa main. 

— Tes mains ne sont pas les siennes. 

Et puis, il le sent se redresser. Enfin, son regard vient happer le sien, ancrant le noir de ses yeux dans les deux puits carmins qui le regardent. Son corps se met bien en face de lui, cherchant toute l'attention du vert. Mais il n'en a pas besoin, il a déjà capté toute son attention. 

— Parfois... j'ai envie que tu me touches, Senku. 

Senku le voit déglutir tandis que ses joues prennent une douce teinte rosée. 

— Et parfois, je suis terrifié. Alors... peut-être qu'il faudra du temps pour... pour qu'on puisse se retrouver comme avant. 

— Gen, je ne t'obligerai jamais à faire quoi que ce soit qui te déplaise. 

Sa main se pose sur la sienne, juste avant de l'envelopper dans ses doigts. 

— Si tu en as envie, dis le moi. Si tu veux que je t'embrasse, dis-le moi. Et si tu ne veux pas que je te touche, dis-le moi aussi. 

Il le voit rougir tandis que son regard se détourne. Il comprend sa gêne, même s'il ne devrait pas en ressentir. Pas en sa présence, pas quand ils parlent de ça. 

— Tu as le droit de me dire non, je l'accepterai. 

Senku n'est pas Mozu. Il n'est pas lui et il ne le sera jamais. Parce que Mozu ne l'a jamais traité comme tel. Chez lui, le "non" n'avait aucun sens. Avec ou sans, il faisait ce qu'il voulait.

Gen relève les yeux vers lui. Il n'avait pas remarqué que leurs visages étaient aussi proches. Malgré lui, ses prunelles glissent vers ses lèvres. Des lèvres qu'il n'a pas embrassées depuis trop longtemps. 

— Senku... est-ce que... tu veux bien m'embrasser ? 

Un rictus apparaît sur ses lèvres. Aussitôt, il sent sa main se poser sur son visage. 

— Bien sûr. 

Et pour la première fois depuis longtemps, les lèvres du vert se posent sur ses jumelles. Gen sent son cœur battre la chamade tandis qu'il lui rend ce baiser. Avec tout ça il a craint ces lèvres et ces mains qui prenaient jadis grand soin de lui. Mais aujourd'hui, il n'en a pas peur, savourant ce goût si familier qui se diffuse sur ses lèvres. Le baiser se prolonge, savourant la respiration de l'autre sur son visage, savourant ce toucher qu'ils adorent. Pendant un court instant leurs lèvres se séparent, juste avant que Gen ne les reprennent. À son tour, il pose sa main sur son visage, l'attirant un peu plus contre lui. Et encore une fois leurs visages s'écartent, juste pour plonger leurs prunelles dans celles de l'autre. 

Gen passe son pouce sur sa joue tandis que Senku le ramène un peu plus vers lui. À nouveau, Gen se sent sourire.

— Ce soir, peut-être... que tu pourrais ne pas rester seul dans ta chambre ? 

Il n'y a aucune arrière pensée dans les mots de Gen, juste le simple désir de retrouver un peu de chaleur dans ses draps. Il ne supporte plus ce froid qui, chaque jour, fait partie de son quotidien. Senku sourit juste avant de lui répondre. 

— Avec plaisir. 

La seconde d'après, Gen vient nicher sa tête dans le creux de son cou, savourant à nouveau cette étreinte oubliée. Il inspire longuement, expirant bruyamment. Et dans ce souffle, il y a toute la peur et l'angoisse qui s'échappent. Peut-être seulement pour un temps limité. Mais au moins, pendant ce temps de répit, il peut profiter de cette chaleur ainsi que ce cœur qui bat tout contre le sien. 

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Si vous saviez comme j'aime ce chapitre. Avec cette histoire j'aime briser les clichés qu'on trouve généralement dans la vie de tous les jours. Et surtout, j'aime faire en sorte que les personnages communiquent entre eux et n'aient pas peur de parler de choses taboues (qui ne devraient même pas être taboues mais ça c'est une autre histoire).

Me voilà donc avec ce nouveau chapitre qui, j'espère, a un peu réchauffé vos petits coeurs. Écrire ce rapprochement entre Senku et Gen m'a fait vraiment du bien après les avoir fait souffrir pendant plusieurs chapitres (oui sachez que moi aussi je souffre à écrire des chapitres comme ça). J'espère que ce chapitre vous aura plu !

Je vous dis donc à lundi pour un nouveau chapitre !

Ciao !

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