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Chapitre 25.5 : Fragment de vie : Ta vie en enfer

TW : Ce chapitre contient des scènes de violences physiques, psychologiques et sexuelles. Si vous êtes sensibles à ce genre de contenu, je vous invite à ne pas lire ce chapitre. Étant un chapitre "bonus" vous pourrez tout de même comprendre l'histoire si vous n'avez pas lu ce chapitre. Bonne lecture à vous.

Lorsque tu entends les clés tourner dans la serrure, tu ouvres les yeux. Aussitôt tu sens ton cœur s'accélérer tandis que tes yeux se posent un peu partout. Il est arrivé, et tu vérifies que rien n'est en désordre. Malheureusement pour toi, tu t'es assoupi sur le canapé. Il faut dire que la nuit tu ne dors pas beaucoup.

Trop tard, tu n'as plus le temps d'arranger la table du salon. Déjà, tu l'entends entrer. Il faut que tu sois là pour l'accueillir. Ton corps, bien que encore endormi, se lève et se dirige vers la porte d'entrée. Tu inspires, tu expires, tu pries.

Tu cherches à capter son regard, histoire de savoir à quoi t'attendre. Tes yeux ébènes croisent les siens et son regard s'adoucit.

- Bonsoir Gen.

Il s'approche de toi, passe un bras autour de toi pour poser ses lèvres sur la commissure de ta mâchoire. Tu évites de serrer les dents, parce qu'il le capterait tout de suite. Alors tu prends sur toi, stoppant ta respiration lorsque tu as senti ses lèvres contre ta peau.

- Tu as passé une bonne journée ?

- Fatigante. Un client nous a tapé un scandale aujourd'hui, j'ai cru qu'il ne partirait jamais.

Depuis plusieurs années, il travaille dans le bâtiment. Il est recouvreur, un travail manuel, pénible, énervant. Mais grâce à ces quelques mots tu sais comment tu devras agir pour que la soirée se passe bien. Ce soir, tu vas devoir prendre sur toi et accepter tout ce qu'il veut. Car il n'y a que de cette manière que tu parviendras à calmer la bête qui sommeille en lui.

Il te lâche, s'enfonçant dans la maison pour poser ses affaires. Tu l'entends soupirer bruyamment tandis qu'il s'étire.

- Qu'est-ce que tu veux manger ce soir ? demandes-tu avec une voix que tu espères enjouée. Je peux faire le plat que tu veux, ça t'aidera à te détendre un peu.

- Dans ce cas, je partirais bien sur un bon donburi bien chargé.

- De quelle sorte ?

- Un kaïsendon.

Ton corps se tend. Dans le frigo, il n'y a plus de saumon. Tu as utilisé la dernière barquette la veille.

- Il... il n'y a plus de poisson... dans le frigo.

Il te faut tout le self contrôle dont tu es capable pour ne pas vaciller. La règle d'or est de ne pas montrer que tu as peur. S'il le voit, il se dira que tu as quelque chose à te reprocher. Plus tu paraîtras normal, plus il y a de chance pour qu'il te laisse tranquille.

- Comment ça il n'y a plus de poisson ?

- On a fini la barquette hier et... je n'ai pas pu sortir en acheter.

Tu n'as pas pu sortir car tu n'as pas le droit de sortir. Chaque matin, il part en fermant à clé derrière lui, du moins depuis que tu t'es octroyé une balade dans le marché du centre-ville.

Ses yeux noisettes se posent sur toi. Son regard te transperce, aussi acéré qu'une lame. Ses sourcils se froncent et un rictus déformé apparaît sur son visage. Là, tu essayes de garder ton calme. Si tu baisses la tête, il pourrait prendre ça comme un signe de culpabilité. Et si tu te sens coupable, il fera de toi un coupable.

Et puis, aussi vite qu'il est arrivé, ce rictus disparaît. À la place, un simple sourire.

- Bon et bien optons pour un gyudon. Il reste du bœuf, non ?

- Oui, on peut partir sur ça.

Tu serres les poings derrière ton dos. Au moins, comme ça, il ne peut pas voir les tremblements que tu cherches à dissimuler. Il t'adresse un dernier sourire avant de s'approcher de toi. Puis, il dépose ses lèvres sur le coin de ta bouche, juste avant de se retourner pour accrocher son manteau au mur.

- Bon je vais me doucher, appelle moi quand c'est prêt.

- Pas de problème.

Il disparaît derrière le mur et tu l'entends monter les marches. Après d'interminables secondes, tu entends la porte de la salle de bain se fermer. Et là, enfin, tu t'autorises à respirer. Tu expires et ton corps se penche en avant. Et comme un réflexe tu essuies ta bouche de toutes tes forces. Tu essayes de faire disparaître cette horrible sensation que tu as au coin des lèvres. Même s'il est à l'étage, tu as l'impression de sentir ses lèvres sur ta peau. Et ça te dégoûte.

Tu poses les mains sur la table à manger, la tête penchée en avant. Là, tu inspires profondément, puis tu expires. Cette soirée s'annonce compliquée mais tu sauras gérer. Parce que c'est dans ta nature de faire attention aux réactions des gens. Si une crise est sur le point de démarrer, tu sauras la désamorcer.

Enfin non, ce n'est pas dans ta nature. Disons que c'est une capacité que tu as acquise avec les années. À force de vivre aux côtés d'une bombe à retardement tu as su t'entraîner à entendre les tics tacs qui la feraient exploser. Là, aujourd'hui, tu as évité la crise.

***

Mais malheureusement pour toi, tu n'as pas toujours réussi à éviter les crises.

Il y a eu cette fois où tu as mal essuyé la table à manger.

Tu es dans la cuisine, en train de laver la vaisselle. Tu essayes de faire vite pour limiter le bruit et ne pas le déranger. Le soir, il aime regarder la télévision. Et en général il aime quand tu es avec lui. Donc tu te dépêches, sans rien dire, sans te plaindre. Et puis, tu as entendu sa voix.

- Gen, viens ici.

Ton corps s'est tendu comme un arc. L'eau continue de couler sur tes mains savonneuses. Ton coeur s'emballe, tu essayes de comprendre ce qu'il peut te reprocher. Tu te repasses tout ce que tu as fait à une vitesse folle, mais rien n'y fait. Tu ne sais pas ce qui va te tomber dessus.

Tu t'essuies les mains au plus vite et te hâtes de le rejoindre. Tu dois respirer, ne pas lui montrer que tu as peur.

Son regard est dur, terrifiant. D'un mouvement de tête, il te montre la table. Tes yeux se posent sur le meuble, cherchant ce qu'il peut te reprocher. Mais de là où tu es, tu ne vois rien du tout.

- Bordel mais t'es aveugle ou quoi ?!

Sa main t'a attrapé le bras avant de te tirer aussi fort qu'il le pouvait vers la table. Une vive douleur s'est répandue dans tout ton bras tandis que ta respiration se coupe. Et malgré toi, tu n'as pu t'empêcher d'exprimer ta douleur.

- Aïe !

Il se tourne vers toi, te dévisage de toute sa hauteur. Tu n'oses même pas le regarder car tu sais que ça empirera les choses. Il est déjà en colère, autant ne pas en rajouter.

- Je t'ai fait mal peut-être ?

Dans sa voix tu devines qu'il n'est pas inquiet. Au contraire, il est agacé. Tu dois faire attention à ce que tu diras pour ne pas le froisser davantage.

- Non, ça va...

- Alors pourquoi tu as crié ?

Tu sens ton bras trembler sous sa poigne. Cette fois tes yeux ébènes se plongent dans les siens. Tu ne parviens pas à parler, tant la peur te domine. Là, tu t'attends à recevoir ce que tu mérites. Mais il te tient, alors tu ne peux pas te protéger.

Soudain, tu sens sa poigne te tirer à nouveau en avant. Ton corps est projeté vers la table et ne s'arrête qu'une fois que le bois te frappe l'estomac. À nouveau, tu ne peux retenir un cri de douleur. Sous ton poids, tu sens tes jambes se dérober. Tu t'appuies de toutes tes forces sur la table pour ne pas tomber. Lorsque tu tombes à ses pieds à cause de ses coups, il s'énerve encore plus.

- La table est dégueulasse, grouille toi de la nettoyer.

Tu l'entends s'éloigner. La seconde d'après, il se laisse tomber sur le canapé. Puis, un calme olympien s'abat sur la pièce, comme si rien de tout cela ne venait de se passer. Il n'y a pas eu un seul cri, pas un seul coup. Tout ça n'est qu'une simple chimère.

Tu te redresses tant bien que mal, le bras posé sur ton ventre. Tu as tellement mal que tu n'arrives pas à te redresser correctement. Mais tu ne peux pas pleurer, pas devant lui. Il a horreur des larmes, il déteste les sanglots. Alors tu encaisses, tu serres les dents. Courbé en avant, tu prends une éponge dans la cuisine que tu humidifies. Tu ne dois rien dire, absolument rien. Donc tu serres les dents, et tu les serres si fort que tes mâchoires te font un mal de chien. Mais ce n'est rien comparé à la douleur dans ton ventre.

Quand tu auras tout fini, tu devras t'asseoir à côté de lui. Tu devras supporter ce bras passé autour de tes épaules qui te maintient contre lui. Tu devras supporter son odeur et cette étreinte que tu détestes. Mais ce n'est rien, tu arriveras à surmonter ce soir.

Tu termines ce que tu as à faire, tout ça dans le silence. Ce soir, malgré tes efforts, tu n'as pas réussi à éviter la crise.

***

Parfois, il y a les coups. Et d'autres fois, c'est tout l'inverse. Parfois, il revient du travail, le sourire aux lèvres, voulant à tout prix te câliner. Et quand ces jours arrivent, tu regrettes les coups. Quand il te frappe, la douleur est intense, mais elle ne dure pas longtemps. Mais lorsque ces jours arrivent, tu te dois de résister, de ne pas le repousser. Tu endures, mettant de côté tes peurs et ton dégoût. Quand sa main se pose sur le creux de tes hanches, tu te fais violence pour ne pas la retirer. Et tu te fais encore plus violence pour ne pas t'éloigner de ses lèvres, ni de ce corps toujours trop insistant.

Ce soir, tu es assis sur le canapé, juste à côté de lui. Comme d'habitude, des images défilent sans que tu ne les regardes. En sa présence, tu préfères rester sur tes gardes, même si, parfois, tes pensées s'évadent le temps d'un instant.

Certains soirs, même lorsque tu es à ses côtés, tes pensées voguent jusqu'à l'homme que tu as laissé derrière toi. À chaque fois que son visage se dessine sur tes rétines, tu fermes les yeux quelques instants, juste pour faire disparaître cette image. Tu ne veux pas qu'il se rende compte de quoi que ce soit, tu veux que cela reste un secret. Tu n'oses même pas imaginer ce qu'il pourrait faire s'il venait à comprendre à quoi tu penses. Donc tu serres les poings, essayant de ne pas penser à lui, ni à sa voix qui te manque tant.

Son bras passe derrière toi, rapprochant ton corps contre le sien. Sa tête vient se poser sur la tienne, et tu ne bouge pas. Tu laisses faire, comptant les secondes, persuadé que cela te permettra de garder pied. Mais dans ces moments, tes yeux se glissent jusqu'au couloir menant à la porte d'entrée. Parfois, quand tu es seul dans la maison, il t'arrive de rester des heures devant cette porte. Elle est fermée à clé, mais tu sais très bien que ce n'est pas elle qui te retient dans cette maison. Il y a des fenêtres que tu peux ouvrir, laissant largement un corps comme le tien passer. Il te suffirait de te glisser à l'extérieur pour t'en aller d'ici, partir très loin. Tu pourrais prendre le bus, aller au poste de police le plus proche. Tu pourrais mettre fin à tout ça, tu en as le pouvoir.

Mais il te retrouvera.

Tes yeux quittent le couloir, se plongeant à nouveau sur l'écran. Peu importe ce que tu feras, il te retrouvera. Tu ne pourras jamais échapper à ses mains que tu essayes de fuir. Et ça, il le sait parfaitement. Du moins, il ne te l'a jamais dit clairement. Mais tu l'as compris, car tu vois tout à travers ses yeux noisettes.

Ses lèvres se posent sur ta tempe. Tu sens son regard te détailler, un regard qui te met à nu. Puis ses lèvres glissent vers ta mâchoire et vers ton cou. Tu voudrais le repousser mais tu ne fais rien. Tu es trop faible pour réussir à le repousser. Tout ce que tu peux faire, c'est le laisser faire. Comme ça, il sera moins brutal, et les choses passeront plus vite.

Son autre main tourne ton visage vers le sien. Aussitôt, ses lèvres se posent sur les tiennes. Machinalement, tu y réponds, même si ça te dégoûte. Tu les sens bouger contre les tiennes, imposant leur saveur tabac dans ta bouche. Tu sens déjà le poids de son corps sur le tien, t'obligeant à tomber en arrière. Sa bouche quitte enfin la tienne, te permettant de reprendre ton souffle. Tu inspires goulûment cet air que l'on t'offre, essayant de chasser cette horrible odeur que tu supportes. Et puis, tu sens son visage descendre dans ton cou, jusque vers ta clavicule. Là, tu sens ses dents se planter dans ta chair. Pour ne pas faire de bruit, tu te mords les lèvres. Tu détestes quand il fait ça parce que ça laisse toujours des marques. Tu détestes quand il fait ça car tu as juste l'impression d'être une chose manipulable entre ses bras. Tu détestes sentir sa salive dans ton cou ainsi que le tranchant de ses dents, mais tu ne dis rien. Tu ne peux rien dire qui permettra de calmer cette ardeur qui s'exprime à travers ses pulsions. Tu endures chaque seconde, espérant que le supplice prendra fin bientôt.

Et puis tu sens ses dents lâcher ta peau. Là, tu le vois se redresser. Il admire d'un regard fier la marque qu'il vient de laisser sur toi. Parce que c'est ça : tu es sa chose, tu lui appartiens. Cette marque est le symbole de l'ascendance qu'il a sur toi.

Ses yeux noisettes te dévorent, s'occupant de détailler ce corps qu'il a tant cherché. Tu sens son regard te déshabiller et, malgré toi, tu as du mal à cacher ta gêne. Ton regard fuit le sien, ne voulant pas rencontrer cette faim que tu verras dans ses iris. Tu te concentres à nouveau sur la télé, priant pour qu'il ne t'oblige pas à le regarder dans les yeux. Tu ne veux pas le regarder, tu détestes ça.

- Gen.

Ce son n'a rien de beau. Ce prénom, tu aimes l'entendre dans une bouche différente. Dans la sienne il sonne comme une craie qu'on écraserait contre un tableau noir. Il n'est qu'un grincement, un son qui te vrille les tympans.

Mais malgré ton dégoût, tu te tournes vers lui.

- Oui ?

- Je t'aime.

Ses mots te donnent la nausée. Tu vois son sourire tendre étirer ses lèvres tandis qu'il continue de te détailler. Tu sais qu'il attend une réponse, mais tu es incapable de lui donner la réponse qu'il attend.

Avant, quand vous viviez ensemble, vous ne vous êtes jamais dit ce genre de mots. Mais depuis qu'il t'a ramené avec lui, il ne cesse de te les répéter. Il les dit à la volée, comme s'il te les avait toujours dit. Mais ce soir tu comprends qu'il attend une réponse. Et toi, tu es tétanisé sur ce canapé, incapable de parler.

- Tu penses encore à lui ?

Son regard s'est assombri. Tu sens qu'à tout moment l'orage qui gronde en lui pourrait exploser. Tu dois le calmer, trouver un moyen de désamorcer la situation. Mais cela veut dire que tu vas devoir mentir, un mensonge qui devra paraître vrai. À cet instant, tu joues son comportement pour les jours à venir. S'il venait à douter de tes sentiments, il se laissera dominer par le monstre qui vit en lui.

- Non ! Non pas du tout.

Ta gorge se serre, une boule y grossit à mesure que tu parles. Tu aimerais pouvoir te taire, mais tu n'y arrives pas. On ne t'autorise pas à garder ce mensonge éhonté au fond de toi.

- Je ne ressens plus rien pour lui.

Tu as envie de pleurer, de hurler. Allongé sur ce canapé, tu essayes d'imaginer Senku dans son appartement. Comment va-t-il ? Est-ce qu'il dort ? Est-ce qu'il pense à toi ? Est-ce qu'il t'en veut ? Est-ce qu'il t'a déjà oublié ?

Tu dois réprimer tes larmes car il ne doit pas les voir. Surtout pas.

- Tu avais raison.

Un nouveau sourire naît sur ses lèvres. À nouveau, son corps entier se rapproche de toi. Ses lèvres capturent les tiennes sans même te le demander. Tu sens ses mains remonter le long de ton corps, sans même réussir à les stopper. Tu fermes les yeux du plus fort que tu peux. Peut-être que tout ça n'est qu'un simple cauchemar et que tu te réveilleras. Peut-être... Tu aimerais que ça soit le cas.

- Je savais que j'arriverais à te ramener à la raison.

Que s'est-il passé le reste de la soirée ? Tu ne sais plus. Ton corps essaye d'oublier ce qu'il a fait, tout comme ton cerveau. Comme à chaque fois tu t'es déconnecté de la réalité pour ne pas sentir son corps onduler sur le tien. Tu as continué de regarder la télé, comme si les images allaient réussir à t'aspirer pour te tirer de ce cauchemar.

***

- Mozu, ou est-ce que je peux trouver du gros scotch ?

Affairé à réparer une plainte dans la cuisine, son visage se relève vers toi, cherchant à comprendre ta demande.

- Du gros scotch ? Pourquoi faire ?

- C'est juste... pour fixer le luminaire de la chambre au plafond le temps... que tu le répares.

Son visage est impassible. Tu ne sais pas si tu l'as vexé ou non. Alors tu enchaînes pour ne pas laisser le temps à la colère de monter.

- C'est que... je me suis encore cogné dessus tout à l'heure en me levant.

- Oh, je vois. Va dans le garage, tu en trouveras sur l'établi.

Puis il retourne à son bricolage, te laissant te débrouiller seul. Malgré toi, tu ne peux t'empêcher de te dire que cette maison tombe en ruines. Dans la chambre, le lampadaire menace de se casser à tout moment. Dans la cuisine, une plainte s'est décrochée du mur. Dans le couloir, le papier peint se décolle. Dans la salle de bain, il y a des fuites d'eau à répétition. Mais malgré tout ça Mozu n'a jamais entrepris de gros travaux dans cette bâtisse qui en aurait bien besoin.

Tu descends les marches qui te mènent jusqu'au sous-sol. Là, tu vois le petit établi qui a été installé par le père de Mozu pour son propre père il y a un moment. Cette maison, son père l'a lui-même hérité de son père lorsqu'il est décédé. Puis, quand ce fut son tour de rendre l'âme, Mozu a hérité de cette maison, ou plutôt de cette poubelle.

Tu commences à fouiller dans l'établi à la recherche du scotch. Très vite, tu tombes dessus et tu l'attrapes. A priori tu n'avais pas besoin de rester dans ce sous-sol. Mais tes yeux se sont posés sur un petit pot qui a attiré ton attention. Au début, tu ne voyais pas vraiment de quoi il s'agissait. Puis, tu as tourné le pot, et les inscriptions se sont révélées à toi. Aussitôt, tu as senti tout un tas de frissons t'envahir.

De la mort aux rats.

Dans un premier temps tu as ressenti une profonde gêne. Savoir qu'un produit aussi toxique se trouve dans cette maison ne t'a pas vraiment mis à l'aise. Mais juste après, tu as réfléchi, longtemps. Les minutes se sont écoulées durant lesquelles tu es resté figé devant ce pot. Malgré toi, ton regard ne s'est pas détourné. Tu n'as pas réussi à lâcher ce pot des yeux.

De la mort aux rats...

Pendant une minute, tu t'imagines glisser une portion de ce pot dans ta cuisine. Dans quoi pourrais-tu le mettre ? Il ne faudrait pas qu'il le découvre avec le goût. Il faudrait que ce soit un plat fort en goût, sûrement épicé pour masquer le goût que pourrait avoir la nourriture. Peut-être dans du curry ? Si tu l'épices bien, peut-être qu'il ne captera pas le goût.

La minute d'après tu sens ton cœur rater un battement. Il te faut quelques secondes pour comprendre à quoi tu étais en train de penser. Tes yeux se sont posés sur ce pot et toi, tu as directement pensé que cela pourrait servir à le tuer. Car c'est ça : tu as réfléchi à la manière de te débarrasser de lui.

Aussitôt, tu tournes le dos à l'établi pour monter les marches à toute vitesse. Tu marches vite, cherchant à fuir ces pensées qui ne te quittent pas. Tu ne veux pas en arriver là, tu ne veux pas faire ça. Il doit forcément y avoir un autre moyen. Et puis même, tu ne te vois pas tuer un homme.

Mais malheureusement ces pensées ne te quitteront pas tout de suite. Tu y repenseras le soir en préparant le repas. Un couteau dans la main, en train de couper le bœuf en lamelles. Un couteau suffisamment affûté pour trancher la viande sans forcer. Là, quand Mozu ne te regarde pas, tu pourrais t'en servir... Tu es persuadé que tu rencontrerais à peine de résistance si tu le plantais dans la chair de son dos.

À nouveau, tu as secoué la tête pour effacer ces idées. Non, tu n'es pas un meurtrier. Tu ne peux pas faire ça, tu ne dois pas faire ça. Alors tu as continué à couper la viande malgré tes mains tremblantes. Tu ne le tueras pas, car tu n'es pas un monstre comme lui.

***

La nuit est tombée, vous êtes tous les deux dans le lit. Tu ne dors pas, tu fais tout pour ne pas dormir. Quand le soir arrive tu restes éveillé pour penser à lui. Parce que la nuit, tes pensées vagabondent vers des images bien trop sombres. Quand tu es réveillé, tu peux te repasser en boucle les images de vos moments à vous, ses paroles, ses caresses. Au moins comme ça tu as l'impression d'être un petit peu à ses côtés.

Mais Mozu ne semble pas l'entendre de cette oreille. Derrière toi, tu sens son corps bouger. Il se tourne vers toi et ses mains passent autour de ta taille. Son souffle s'échoue dans ton cou, provoquant des frissons désagréables dans ton dos. Puis ses lèvres se posent sur ta peau. Elles sont insistantes et tu devines de suite ses intentions.

Tu n'en as pas envie, mais tu sens déjà ses mains passer sous ton tee-shirt. Quand Mozu en a envie, il ne te demande pas ton avis. Il impose ses larges mains sur ton corps, ses lèvres dans ton cou, son bassin contre tes fesses. Et toi tu ne peux rien faire d'autre qu'accepter.

Mais tu ne veux pas, tu n'as pas envie qu'il te touche. Lentement, tu essayes de repousser sa main. Tu ne veux pas être brusque car tu as peur de cette paume sur toi. Mais au moins, tu essayes.

- Mozu... attends.

Mais il ne t'écoute pas. Ses lèvres continuent de dévorer ta peau sous des baisers brusques dépourvus de la moindre douceur. Tu appuies sur son bras pour le repousser, mais rien n'y fait, tu ne parviens pas à le faire céder.

Déjà, tu sens ses bras qui te glissent sur le dos. Aussitôt, il impose son corps entre tes jambes, laissant ses mains glisser sur toi à son aise. Tu serres les dents pour ne pas crier, tu serres les poings pour t'aider à endurer.

- Mozu s'il te plait.

Mais il n'écoute rien, il n'écoute jamais rien. Tout ce qui compte pour lui c'est de posséder ton corps. Il veut poser ses marques sur ta peau blanche, imposer ses mains sur ton corps, prendre possession de ton intimité pour la faire sienne.

Il commence à se débarrasser de tes vêtements et s'empresse de te retirer les tiens. Ses lèvres s'imposent aux tiennes juste avant de les laisser glisser sur ta peau. Sa salive te brûle tel un acide corrosif. Et le pire, c'est qu'il se sent obligé de recouvrir ton torse de cet acide. Les choses sont en route, tu ne pourras pas faire autrement. Tu vas devoir endurer, encore.

Ses larges mains attrapent tes cuisses tandis que sa tête se glisse entre tes jambes. Tu serres les dents, tu fixes le plafond. Tu essayes de ne pas penser à ce qu'il est en train de faire, histoire d'éviter d'être pris de hauts-le-cœur. Et pour t'aider, tu couvres ta bouche de ton avant-bras. Au moins, tu lui donneras l'impression d'apprécier.

Tu sens sa bouche se refermer autour de ton sexe. Mais tu ne parviens pas à faire réagir ton corps parce que tu n'en as pas envie. Il ne t'attire pas, il ne te donne pas envie de faire la moindre chose avec lui. Pourtant sa bouche s'affaire et, malgré toi, tu sens ton corps céder petit à petit, parce que tu ne peux pas faire autrement. Tu pourras le détester du plus fort de ton âme, ton corps réagira toujours. Tu le sais car c'est une réaction normale du corps. Les stimulations feront que tu réagiras. Mais pourtant la culpabilité te saisit par la gorge.

Tu sens ses doigts s'enfoncer dans la peau de l'intérieur de tes cuisses. Ça te fait mal, tu as l'impression qu'il est en train de te broyer. Et malgré toi tu lâches un petit cri. Si ça avait été Senku, il aurait tout de suite remarqué que ce cri n'était pas un cri de plaisir. Mais Mozu le prend autrement. Mozu n'entend que ce qui l'arrange.

Il se redresse et tu sais ce que cela veut dire. Il attend que tu t'occupes de lui, que tu ne restes pas indifférent. Malgré toi, tu l'as compris et tu te redresses toi aussi. Tu essayes de contrôler les tremblements dans tes mains et de ne pas le regarder dans les yeux. Tu ne veux pas voir cet éclat lubrique qui luit dans ses yeux noisettes. Tu es suffisamment écoeuré comme ça.

Plus vite tu t'y mettras, plus vite il sera satisfait. À ton tour, tu te penches sur son entrejambe. Tu fermes les yeux, et tu t'attelles à faire au mieux. Au moins, tu sais comment il réagit et ce qu'il aime. Alors tu sais comment en finir au plus vite.

Ça ne t'a pris que cinq minutes. Mais ces quelques minutes ont duré bien trop longtemps. Et sans perdre un instant, il te force à te rallonger sur le dos. Tu n'as pas le temps de souffler, il ne te le permet pas. Il ne te regarde même pas car tout ce qu'il voit, c'est un corps qu'il peut posséder.

Et toi, tu essayes d'oublier ce qui se passe. Allongé sur le dos, tu essayes d'imaginer autre chose. Ces mains qui s'affairent sur toi, tu imagines qu'elles appartiennent à celui qui partage ta vie. Peut-être que comme ça ses caresses te seront moins désagréables. Peut-être que le temps passera plus vite de cette manière.

Et puis tu te forces à chasser ces idées. Ses mains ne sont pas les siennes. Elles ne seront jamais celles qui t'ont permis de découvrir un plaisir nouveau. Entre les mains du vert, tu as découvert que le sexe pouvait être doux. Tu as compris ce que voulait dire être "aimé". Mais entre ses mains il n'y a rien de tout ça. Il n'y a que des gestes brusques qui ne cherchent même pas à trouver ton plaisir. Il ne voit que le sien, et ça a toujours été comme ça.

Il te fait mal, ses doigts ne sont pas doux. Allongé comme ça, tu redoutes le moment où son bassin se glissera entre tes jambes. Parce qu'à chaque fois il n'est jamais doux. Et puis, tu viens d'avoir une idée.

Tu t'assois, ce qui le force à se redresser. Tes yeux ébènes viennent se plonger dans son regard noisette, cherchant à transmettre une force que tu n'as pas. Après tout, mentir est ton point fort. Alors tu pourras réussir.

Ton regard est fort, puissant. Si puissant que tu sens son corps se laisser faire. Vous échangez vos places tandis que tu t'assois lentement sur son bassin. Ce soir, tu ne le laisseras pas contrôler. Tu imposeras ton rythme, parce que tu ne supporteras pas davantage sa violence.

Quand il entre en toi, tu ne ressens qu'une vive douleur. Mais tu parviens à la dissimuler, la transformant en une grimace qui lui plaira. Puis tu ondules à ton rythme, un rythme que tu sais trop lent pour lui. Mais tu sais que cette initiative lui plaît, tu le vois dans ses yeux. Il te laisse faire, semblant trouver un plaisir suffisant dans cette lenteur qu'il ne cherche jamais.

Quant à toi, tu ne ressens rien. Ça te fait mal, et tu as juste envie que ça s'arrête. Alors tu inventes un plaisir que tu ne ressens pas, juste pour qu'il puisse enfin terminer. Tu accélères légèrement tandis que tu sens son corps se tendre contre le tien. Ses mains sont toujours sur toi, elles tiennent ton bassin d'une poigne dure. Tu as envie que ses mains partent mais tu ne fais rien. Tu te concentres sur ta tâche pour que toute cette mascarade cesse enfin.

Enfin, tu sens son corps se tendre d'un coup. Là, à l'intérieur de toi, tu le sens venir, et un puissant dégoût envahit ton corps. Parce que tu n'aimes pas cette sensation et c'est pour ça que tu veux toujours utiliser des préservatifs. Mais Mozu n'en a rien à faire. Il n'en a jamais rien eu à faire.

Essoufflé, il ne bouge plus. Et toi tu glisses de son bassin pour te rallonger sur le matelas. Tu regardes le plafond, essayant d'oublier les sensations dans ton corps et l'humidité entre tes cuisses. Les minutes passent, mais tu n'y parviens pas. Tu n'arriveras pas à rester comme ça.

- Je vais me nettoyer dans la salle de bain.

Tu sors du lit non sans sentir une vive douleur paralyser ton bassin. Mais tu n'en as rien à faire, tu ne veux juste plus de cette sensation poisseuse entre tes fesses.

Tu as mal mais tu parviens à te glisser dans la baignoire. Même te nettoyer te dégoûte, mais tu le fais quand même. C'est un mauvais moment à passer pour te débarrasser de cette saleté qui te recouvre. Au moins, après, tu pourras dormir sans cette atroce sensation que tu détestes.

Il te faut de longues minutes pour parvenir à te nettoyer correctement. Et quand tu as fini, tu attrapes ta serviette pour essuyer l'eau qui coule sur toi. Tu te dépêches, tu ne veux pas le faire attendre. Même satisfait, son humeur pourrait changer. Tu te lèves, prêt à repartir. Mais alors que tu te diriges vers la porte, la nausée te paralyse.

Tu te rues sur les toilettes tandis qu'une bile brûlante remonte dans ta gorge. Ton corps entier se contracte, expulsant tout le dégoût que tu ressens depuis tout à l'heure. Et tu vomis, sans t'arrêter, incapable de te contrôler.

Enfin, la douleur dans ton ventre passe. Tu te redresses, te hâtes de tirer la chasse d'eau. Mais quand tu te tournes vers la porte, tu le vois.

Il est debout, en train de te regarder de toute sa hauteur. Il sait pourquoi tu es dans cet état. Et toi, tu ne peux pas lui cacher, ni même essayer de lui mentir. Il te regarde, et tu vois toute la colère dans son regard. Tu sais que tu vas passer un sale quart d'heure.

- Alors tu penses à lui même quand on baise, hein ?

Tu ne parviens pas à répondre car tu ne saurais pas quoi lui dire. Rien de ce que tu diras ne pourra effacer cette colère qu'il ressent.

- Gen, je pensais que toi et moi on avait réussi à surmonter cette épreuve.

- De quelle épreuve tu parles ?

Toi aussi tu as de la colère dans ta voix. Ce soir, alors que tu as dû endurer la pire des humiliations, tu ne parviens pas à garder ton venin. Après tout, tu n'as plus rien à perdre.

- Je parle de lui !

- Parce qu'il est une épreuve pour toi ?

Tes yeux remontent jusqu'à lui. Curieusement, il te laisse parler.

- Tu m'as arraché à lui, Mozu. Et tu me demandes de ne plus penser à lui ?

Tu sais que tu dois te taire, mais c'est plus fort que toi. À un moment où à un autre, ta colère doit sortir. Tu ne peux pas continuer ce cinéma.

- À quel moment tu t'es dit que j'allais pouvoir t'aimer alors que tu m'as arraché de force au nouveau foyer que je me suis trouvé ?!

Tu sens sa main s'écraser violemment sur ta joue. Le coup est si soudain que tu ne parviens pas à amortir le choc. Ton visage part sur le côté, et tu sens une vive douleur se répandre dans ton cou. Mais il pourra frapper autant qu'il veut ça n'effacera pas les sentiments que tu as pour le vert. Rien ne pourra jamais effacer ce que tu ressens. Alors, malgré la douleur, tu tournes tes yeux vers lui, le laissant mesurer le niveau de ta colère.

- Je te déteste et je te détesterai toute ma putain de vie.

Tes mains tremblent de colère. Ton corps entier est tendu comme un arc. Tu es prêt à recevoir le prochain coup, mais il ne vient pas. À la place, tu le sens attraper ton bras gauche.

Mozu ne sait pas lui-même ce qu'il veut faire pour te faire taire. Et pour la première fois, tu vois la limite de sa violence. Il pourra te frapper, encore et encore, rien ne te fera jamais changer d'avis.

Et puis ses yeux se posent sur ton poignet. Là, il y a voit un bijou qu'il n'a jamais vu avant. Une chainette argentée agrémentée d'une perle violette. Puis ses yeux se tournent à nouveau vers toi. Tu comprends trop tard que ton visage vient de te trahir.

Il attrape le bijou avant de l'arracher de ton poignet. La chaînette te coupe légèrement la peau tandis que tu la vois dans ses mains.

- Non... Mozu je t'en prie !

Tu te jettes à ses pieds, le suppliant de te regarder. Mais tu ne peux pas arrêter son corps qui se tourne vers les toilettes. Tu cries, tu le supplies mais il ne te regarde pas. Il lâche le bijou dans la cuvette, juste avant de tirer la chasse d'eau. Et pour la première fois, tu pleures. Tu sens tes larmes déborder tandis que, en vain, tu te rues vers les toilettes. Tu ne pourras jamais récupérer le bracelet, c'est trop tard.

Ce n'est qu'un bijou et pourtant, ton corps est secoué de sanglots. Cette action te fait bien plus mal que tous les coups qu'il a pu te porter. Ce bijou, tu y tenais comme à la prunelle de tes yeux.

Mozu quitte la salle de bain sans même un regard en arrière. Et toi, tu resteras de longues heures à pleurer dans cette pièce minuscule. Quand tu en sortiras enfin, tu le verras dans le lit, pris dans un sommeil imperturbable.

***

Ton cœur bat la chamade, tu as du mal à le calmer. Tes yeux fixent ton poignet gauche, là où se trouvait le bracelet que Senku t'a offert pour Noël. Il a disparu, ne laissant qu'une petite trace violette derrière lui. En l'arrachant, quelques vaisseaux sanguins ont éclaté. Désormais, il n'y a plus que cette trace minuscule pour indiquer que quelque chose se trouvait sur ton poignet il y a peu.

Hier soir, tu étais anéanti. Ce n'était qu'un bracelet, mais tu avais pris l'habitude de passer la pierre entre tes doigts lorsque tes pensées se tournaient vers lui. Désormais, il n'y a plus qu'un étrange vide sur ton poignet, un vide que tu ne pourras pas combler. Et petit à petit, la tristesse s'est transformée en rancœur.

Tu t'es réveillé ce matin, Mozu étendu à côté de toi. Et ce matin, tu n'as ressenti qu'une haine profonde. Une haine que tu n'avais pas ressenti jusqu'à présent malgré tout ce qu'il t'a fait. Si tu avais eu une force physique suffisante, peut-être que tu aurais pu profiter de son sommeil pour passer tes mains autour de son cou et les serrer jusqu'à ce qu'il pousse son dernier soupir.

Tu es assis sur le canapé, les yeux rivés vers le vide. Depuis ce matin, Mozu agit comme si rien ne s'était passé, mais toi tu bouillonnes. Tu ne pourras pas oublier ce qu'il a fait hier, jamais. Par habitude tu passes ton pouce sur ton poignet. L'absence du bracelet ne fait que nourrir ta haine.

- Gen, tu peux aller me chercher de l'eau s'il te plait ?

Tu entends sa voix résonner dans l'escalier. Ce matin, Mozu s'est mis en tête d'enfin réparer le luminaire dans votre chambre. Et comme d'habitude, il te prend pour son larbin.

Tu te lèves, te dirigeant vers la cuisine. Là, tu attrapes un verre que tu remplis d'eau. Tes mouvements sont automatiques, mais ton corps tremble de rage. Chaque geste te coûte, chaque pensée attise le feu de ta colère. Tu montes les escaliers d'un pas saccadé, tant tu essayes de contenir cette rage qui bout en toi. Ta vue se trouble, ta respiration s'accélère.

Tu arrives dans la chambre et poses le verre sur la table de nuit. Aussitôt, tu t'empresses de faire demi-tour. Tu ne veux pas le regarder.

- Gen, reste là.

En entendant sa voix, tu te figes sans te retourner. Dans l'embrasure de la porte, tu restes debout, imperturbable.

- Retourne-toi.

Bien sûr qu'il sait que tu es en colère et il compte bien en jouer. Tout ce qu'il veut, c'est trouver une raison valable pour te rabaisser plus bas que terre. Alors tu te retournes, laissant ton regard noir se poser sur lui.

Ton visage le fait ricaner. Visiblement, te voir dans cet l'amuse. Mais toi, ça t'énerve encore plus.

- Laisse-moi te dire que tu es hideux à faire cette tête, Gen.

Un frisson parcourt ton corps si vite que tu sens ton bras droit se secouer. Mais tu ne bouges pas, restant imperturbable devant lui.

- Et tu t'imagines que me dire ça me fera quoi que ce soit ?

Ce qu'il veut, c'est te briser, te faire croire que tu n'es rien. À travers ses mots tranchants comme des lames, il espère te blesser si profondément que tu n'auras pas la force de te relever. Mais c'est fini tout ça. Ses mots ne te font plus rien.

Ta phrase aurait pu le mettre en colère, mais ce n'est pas le cas. À la place, il continue de rire.

- Bah alors, on joue les rebelles maintenant ?

Il se paye ta tête, il t'infantilise. En toi, il ne voit qu'un pantin qu'il peut manipuler à sa guise. Tu n'es pas un humain à ses yeux, tu ne l'as jamais été. Tu serres les poings, essayant - en vain - de calmer cette colère qui te dévore.

- Ça te plaît, n'est-ce pas ? Me voir pleurer, avoir peur de toi tous les jours, c'est ça qui te fait vivre, je me trompe ?

Tu ne surveilles plus tes paroles, tu en as marre. Ta colère brûle tes entrailles, te consume à mesure que tu essayes de la calmer. Mais il a lui-même allumé la flamme, et plus rien ne pourra venir l'éteindre.

- Je te demande pardon ?

Tu es sur le point de franchir la ligne de non retour, mais tu ne recules pas. À quoi bon continuer de te cacher derrière ton jeu d'acteur ? À quoi bon continuer à vivre dans le mensonge ? Tu es Gen Asagiri, un homme amoureux d'un autre, pris au piège par celui à qui tu as tout offert. Tu ne peux plus vivre ainsi, tu le refuses.

- Tu as très bien entendu, et je ne retirerai pas mes paroles.

Il descend de son escabeau, le visage déformé par une expression que tu connais par cœur. Ce n'est qu'une question de temps avant que sa rage ne s'abatte sur toi. Mais ça ne te fait ni chaud ni froid, car tu as l'habitude de l'encaisser.

- Ose me dire le contraire, Mozu. Tu passes ton temps à me blesser parce que ça te plaît. Quand tu me frappes, tu te sens exister. C'est la pure vérité.

Il est si proche de toi que tu peux sentir son haleine qui empeste le tabac. Mais tu ne recules pas, tu te le refuses. Bizarrement, maintenant que ces paroles sont sorties, tu te sens plus calme. Tu gardes la tête froide.

Tu fixes ses yeux noisettes et, à travers, tu vois une profonde panique. Il aimerait te frapper, mais il sait que ça ne servira à rien. Quand la douleur sera passée, tu te planteras à nouveau devant lui en scandant encore cette vérité qu'il ne veut pas admettre.

- Tu ne m'aimes pas, tu aimes juste l'idée de me contrôler.

Tu n'as pas vu ses mains bouger. Mais en une fraction de seconde, tu sens sa poigne se refermer autour de ton cou. Ton corps est entraîné en arrière par la violence de son geste, percutant l'armoire en un fracas à réveiller les morts. Ses mains serrent ton cou et toi, tu essayes de les retirer. Mais tu n'y arrives pas, elles sont trop grandes, trop puissantes.

- Ferme-là pauvre merde.

Les secondes défilent et tu sens sa poigne se resserrer. Tu étouffes, tu manques d'air. L'air passe à peine à travers ta gorge, un air si précieux dont il veut te priver. Tu plantes tes yeux ébènes dans les siens, cherchant la moindre ouverture. À travers ton regard, tu le supplies de te lâcher.

- Mo...zu... arrête....

Il serre si fort que tu arrives à peine à parler. Tu sens l'air te manquer et, déjà, ta tête se met à tourner.

Alors ça y est, il va me tuer ?

Tu étouffes, tu veux crier mais tu n'y parviens pas. Après tout, à quoi pouvais-tu t'attendre en le provoquant de la sorte ? Tu n'as que ce que tu mérites. Et peut-être qu'en réalité, c'est là la meilleure forme de salut que tu pouvais avoir. Rendre l'âme juste après lui avoir dit la vérité. Ton seul regret est de ne pas avoir dit cette même vérité à Senku lorsqu'il te l'a demandée. Peut-être que les choses auraient pu être différentes si tu lui avais tout dit quand il est venu te voir.

Tu te revois dans ton appartement, Senku insistant pour comprendre ce qui t'arrive. Mais cette fois, tu t'imagines en train de lui dire la vérité. Dans un flot de larmes que tu ne contrôles pas, tu lui avoues tout. Ton récit est désordonné, mais tu lui dit tout. Et au milieu de toutes ces larmes, tu le supplies de t'emmener loin d'ici, de te protéger. Mozu te fera du mal, et tu ne veux plus souffrir. Tu imagines le choc sur son visage mais tu le vois agir. Parce que Senku sait garder la tête froide, il sait tout de suite quoi faire. Il te presse de prendre les affaires dont tu as besoin, tout ça le plus vite possible. Il t'aide à empaqueter ta vie au fond d'un petit sac tandis qu'il te rassure avec des mots doux. Parce que vous devez vous dépêcher. Mozu arrive, il ne tardera pas à t'arracher à ta vie. Il met une casquette sur ta tête, cachant tes cheveux bicolores. Pour lui, il attache sa tignasse indomptable pour la dissimuler sous la capuche de son sweat. Vous passerez inaperçus, vous vous enfuirez tous les deux, et Mozu ne pourra plus jamais te faire le moindre mal.

Mais voilà, ce jour-là, tu as fait le choix de l'éloigner de toi. Et aujourd'hui tu es là, en train de mourir à petits feu entre les mains d'un homme avec qui tu as partagé une bonne partie de ta vie.

Mais soudain sa poigne se desserre. Aussitôt, l'air franchit ta gorge, te laissant enfin accéder à l'oxygène que tu cherches depuis tout à l'heure. Tu tousses, tu baves, l'air te brûle les poumons. Tu n'as pas compris pourquoi il a relâché sa poigne mais tu peux enfin respirer.

Et puis, tu comprends enfin. Là, en bas, tu entends qu'on sonne à la porte. Jamais personne ne sonne à la porte. Il y a quelqu'un, en bas, dehors.

Soudain, sa poigne se referme autour de ton visage. Brutalement, il attrape ta mâchoire, glissant ton visage vers le sien.

- Essaye de crier ou de faire quoi que ce soit et je te jure que je te tords le cou.

Il est très sérieux. Et malgré toute ta colère, la peur prend le dessus. Terrifié, tu hoches la tête. Tu ne feras pas le moindre bruit.

Il t'attrape le bras et te jette sur le lit. Tu as à peine le temps de te redresser qu'il attrape ton bras avant de le tirer vers la tête de lit. Là, tu le vois attacher ta main avec un collier de serrage. Il attrape la deuxième main et l'attache à son tour. Il ne veut prendre aucun risque.

- N'oublie pas, un seul bruit suspect et t'es un homme mort.

Il attrape le verre d'eau et sort de la pièce. Là, tu l'entends fermer à clé. Il ne veut pas te laisser la moindre chance de partir.

Tu commences à tirer sur tes liens mais rien n'y fait. Tu tournes la tête dans tous les sens à la recherche de quelque chose pour les couper, mais il n'y a rien. Tout ce que tu peux faire, c'est rester ici, et attendre que cet inconnu parte.

En bas, la porte s'ouvre. Et quand tu entends la voix de l'inconnu, ton corps se fige. Là, en bas des escaliers, dehors, tu entends la voix de ton ami d'enfance.

Tsukasa... Tsukasa est là.

Tu es tellement abasourdi que tu ne parviens pas à réagir. Tant de questions te viennes que tu ne sais plus où donner de la tête. Pourquoi est-il là ? Est-ce qu'il vient pour toi ? Comment pourrait-il être au courant ? Et puis, la réponse te vient tout naturellement.

Senku.

Il ne t'a pas abandonné. Malgré ce que tu lui a dit, il n'a pas jeté l'éponge. Il est revenu chez toi et parce qu'il est un véritable génie, il a vu les détails. Il a compris ce qui se passait et il est venu te sortir de là.

Ton corps tremble, tu dois faire quelque chose. Tu dois manifester ta présence, et tant pis pour les menaces de Mozu. S'il y a ne serait-ce qu'une chance pour que tu puisses sortir d'ici, alors tu dois la saisir.

Mais tu ne peux pas crier. Si tu venais à crier, tu prendrais Tsukasa par surprise, tout comme Mozu. Et qui sait ce qui pourrait se passer ? Tu dois la jouer plus fin, essayer d'attirer l'attention.

Tes yeux se posent sur la table de nuit. Là, une lampe. L'ampoule est entourée d'un dôme de verre. Si tu la fais tomber, elle se brisera, et ça fera suffisamment de bruit pour indiquer sa présence. Alors, du mieux que tu peux, tu pousses la table de nuit avec tes pieds. Tu es trop loin pour atteindre la lampe. Tu essayes, plusieurs fois, pendant de longues minutes. Et enfin, la lampe finit par tomber par terre. Comme prévu, elle se fracasse sur le sol. Ton coeur bat la chamade, tu es mort de peur.

Et puis les minutes se sont écoulées. Des minutes si longues qu'elles ont pris la forme d'heures. Tu es resté là, assis sur ce lit, incapable de savoir quoi faire. Et puis, tu as entendu des cris en bas, et tout est allé très vite.

Tsukasa est en train de se battre avec Mozu, tu entends ses coups. Mais tu entends aussi des bruits de pas. Et enfin, tu entends qu'on t'appelle.

- Gen !

Une énergie nouvelle secoue ton corps. Tu essayes de répondre, mais ta voix est trop enrouée pour crier. À cause des mains de Mozu, ta gorge te fait mal, et chaque parole est un supplice. Pourtant, tu essayes.

- Je suis là !

Tu n'es pas sûr qu'ils t'entendent. Mais au moins, tu essayes. Et puis tu vois la poignée de la porte s'agiter.

- Gen ! Gen tu es là ?!

C'est la voix de Senku. Il est là, juste derrière cette porte. Il tambourine à la porte, une porte qui ne s'ouvre pas car elle est verrouillée.

- Taiju ! Ramène-toi vite !

Alors tes amis sont venus. Ils risquent la colère de Mozu pour te délivrer. Tu n'es plus seul maintenant, tu es sauvé.

- Il faut la défoncer, vite !

- Je m'en charge !

- Gen, si tu es derrière la porte pousse toi ! Taiju va la défoncer.

Cette voix, c'est celle de Kohaku. Alors elle aussi s'est jointe à cette expédition ? Ton corps tremble, tu commences à voir trouble. Tout ça est bien trop beau pour être vrai.

Après deux coups, la porte cède. Elle s'ouvre dans un fracas assourdissant et, enfin, tes amis entrent dans la pièce. Leurs yeux se posent sur toi, enfin.

Tes yeux attrapent le regard carmin qui t'a tant manqué. Tu ne rêves pas, il est bien là, juste devant toi. Il est essoufflé, le corps tendu comme tu ne l'as jamais vu auparavant. Il transpire et ses cheveux collent à son front. Jamais tu n'as été si heureux de croiser son regard.

Tous les soirs, quand tu fermais les yeux, tu laissais ton esprit t'offrir la vue de son visage. Tous les soirs il était là, avec toi. Tu as rêvé de pouvoir à nouveau te nicher dans ses bras, de sentir son odeur, de pouvoir le tenir contre toi. Et aujourd'hui le ciel semble enfin t'offrir ce que tu as tant demandé. Le voilà devant toi, prêt à te sortir de cet enfer.

Tu le vois attraper quelque chose par terre et, sans perdre un instant, il se rue sur le lit pour te débarrasser de tes liens. Grâce au verre de la lampe, tes liens ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Et la seconde d'après, tu sens ses bras te prendre contre lui.

Tu sens son coeur battre la chamade. Son souffle est court, à la fois terrifié et soulagé. Et toi tu es tellement abasourdi que tu ne parviens pas à lui rendre son étreinte. Tu sens sa main se poser sur ton crâne, une main aimante, venue t'arracher à des mains terrifiantes. Tu as envie de pleurer, mais tu n'y arrives pas. À cet instant, tu ne sens que son corps contre le tien, tu ne sens que son odeur qui emplit tes narines, tu ne sens que sa présence dans cette chambre glaciale.

- Tu peux marcher ?

Vos yeux se plongent dans le regard de l'autre. Tu aimerais parler mais tu n'y arrives pas. Tu hoches simplement la tête, sans pour autant quitter ses yeux. Son regard, tu ne l'as jamais trouvé aussi beau que maintenant.

- Bien, on y va !

Et sa main attrape la tienne, te tirant à l'extérieur. Ce moment, tu l'as tellement rêvé que tu ne parviens pas à y croire. Et pourtant, c'est la pure vérité. Senku est venu pour toi. Et avec l'aide de tes amis, ils te tirent tous ensemble en dehors de cet enfer à l'odeur de tabac froid.

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Ça faisait longtemps que je n'avais pas écrit d'inter-chapitre ! On se retrouve aujourd'hui avec un chapitre pas vraiment drôle... Mais il me semblait nécessaire de l'écrire. Vous l'aurez sans doute compris mais à travers cette fic je veux montrer à quoi ressemble une relation saine et une relation toxique. On a suivi Gen et Senku dans leur quotidien, on les a vu s'aimer sainement. Mais la vie de Gen c'est aussi ça. C'est vivre aux côtés d'un homme qui le rabaisse et qui pourtant lui dit qu'il l'aime. Et ce genre de relation est tout sauf saine. J'espère pouvoir, à mon échelle, montrer que ce genre de comportement n'est pas à idolatrer. J'ai trop lu de fanfictions ou de livres qui romantisaient ce genre de comportement et je trouve ça dangereux. Cette histoire vise aussi à casser ce cliché qui est vraiment dangereux selon moi.

Bref, j'espère que ce chapitre vous aura plu malgré tout. On se retrouve jeudi pour la suite de la vie de Gen et Senku !

Ciao~

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