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Chapitre 14 : Ton enfance dont tu n'as jamais parlé

   Gen était un petit garçon tout ce qu'il y a de plus normal. Il vivait dans une famille normale, formée d'un père et d'une mère qui l'aimaient plus que tout. Ses jours étaient rythmés par l'insouciance de son âge, et rien ne semblait pouvoir venir troubler ce bonheur dont il profitait. Enfin, c'est ce que le petit garçon qu'il était pensait. Un jour, les masques sont tombés, et cette petite bulle de bonheur a disparu. 

Quand il a eu six ans, les choses ont commencé à changer. Ses parents ne l'avaient jamais clairement dit, mais il a fini par le comprendre à ses dépends. En réalité, il n'était qu'un enfant ciment. Avant sa naissance, l'amour entre ses parents s'était étiolé, fragilisé. Mais parce qu'on leur a inculqué des valeurs d'un autre temps, ils se refusaient à divorcer. Parce qu'ils s'étaient dit oui pour la vie, ils devaient honorer ce contrat, et ce même si l'étincelle s'était déjà éteinte depuis bien trop longtemps. 

Gen était l'enfant de la dernière chance, un miracle que ses parents voyaient comme le moyen ultime pour réanimer les liens qui les unissaient. Avec lui à leurs côtés, ils pourraient enfin fonder le foyer dont ils ont toujours rêvé. Parce que c'était pour ça qu'ils s'étaient dit oui. Fonder une famille, vivre heureux, là était leur seul objectif de vie. Et pendant de longues années, ce mensonge a fonctionné. 

Mais rien ne peut tenir sur des fondations endommagées. Leur famille avait été construite sur un mensonge, sur une tentative vaine de feindre l'indifférence et la normalité. Et un jour, aucun des deux parents ne put aller plus loin dans ce mensonge. Gen avait six ans quand ce mensonge s'est définitivement effondré. Et du haut de son jeune âge, il a encaissé la rancœur de ses parents qui, petit à petit, s'est changée en une haine de l'être aimé. 

Tout a commencé durant un mois de novembre. Parce que Gen connaissait le chemin de l'école par cœur, il était rentré chez lui, tout sourire, encore heureux du temps qu'il avait passé avec ses copains d'école. Il se souvient parfaitement de cette journée. Dehors, dans le jardin, les feuilles du cerisier avaient commencé à tomber. Alors, au lieu de rentrer dans la maison, il s'était amusé à sauter dans le tas de feuilles mortes que son père avait durement ramassées. En face, leur voisine s'était arrêtée, jetant un regard attendri à ce petit garçon plein de vie. C'était une dame âgée, et Gen adorait passer du temps chez elle. Il se souvient qu'elle l'a appelé pour le saluer et, parce qu'il n'avait aucune idée de ce qui l'attendait, il a répondu avec un large sourire et un signe de main énergique. Puis, il s'était relevé, attrapant son cartable qu'il avait jeté sur le côté. 

Là, en se rapprochant de la porte d'entrée, il avait croisé le regard de Tsukasa, son voisin. Plus jeune de deux ans, il était d'un naturel timide et effacé, tout l'inverse de Gen. À lui aussi, il lui avait adressé un geste de la main. 

— Tsukasa ça te dirait de venir chez moi le week-end prochain ? On pourra continuer de jouer à la magie ! 

Déjà à cet âge, Gen vouait une profonde passion aux tours de magie. Et parce que Tsukasa était plus jeune, son visage impressionné à chaque tour qu'il faisait suffisait à le combler de bonheur. 

— Oh oui j'adorerais ! 

— Je vais demander à ma maman. Toi demande à la tienne ! On se retrouve derrière la maison dans une heure. 

— D'accord je vais faire ça ! 

Le petit garçon s'était rué dans sa maison à la recherche de sa mère. Aussitôt, Gen l'a imité. Lui aussi voulait demander l'accord de sa mère qui, il le savait, serait certainement positive.

— Maman ! 

Il était entré sans se poser la moindre question. Il n'avait pas remarqué la voiture de son père dans l'allée, une voiture qui ne devait pas être là. Quand son père rentrait du travail, Gen avait déjà eu le temps de finir tous ses devoirs. Mais aujourd'hui, elle était là. 

Le bruit avait résonné si fort que Gen s'était arrêté net. Ce jour-là, il avait ressenti un puissant malaise. Son sourire s'était effacé, ne laissant place qu'à une profonde crainte. 

Ses deux parents se tenaient debout dans le salon. Un silence de plomb venait de s'abattre sur la pièce, juste après que la main de son père se soit écrasée sur la joue de sa mère. Elle se tenait debout devant son père, la main sur sa joue, sans bouger. Et dans les yeux de son père, il avait vu une lueur qui l'avait terrifié. Jamais, avant aujourd'hui, il n'avait vu pareille haine dans les yeux de l'homme qui venait toujours le border avec un large sourire tous les soirs. 

Ce jour-là signa le début du nouveau quotidien de Gen. Alors qu'il n'avait que six ans, son foyer venait de changer. La joie qui y régnait s'était évaporée, laissant place à la crainte et la peur. Et tous les jours, il avait droit au même spectacle. Ses parents, et leurs cris incessants qui résonnaient dans toute la maison. Et à chaque fois qu'il voyait leurs visages se fermer, Gen savait ce qui allait se passer. Alors, il se hâtait de se réfugier dans sa chambre, le seul endroit où il pouvait se cacher pour ne pas entendre tous ces cris qui lui faisaient mal aux oreilles. Une fois dans sa chambre, il pouvait couvrir ses oreilles de ses mains tout en se jetant dans son lit. Là, il y trouvait Agent Lewis, une peluche à l'effigie d'un lapin habillé en policier. En le serrant contre lui, il se sentait en sécurité. Parce que la police est là pour faire régner l'ordre, et pour protéger les petits enfants. 

En réalité, il a très peu de souvenirs de son enfance. Il se souvient de sa vie avant ses six ans, cette courte période de bonheur qui a suffi à le rassurer dans ses cauchemars les plus terrifiants. Et parfois, l'image de ses parents lui revient. Car quand ils n'étaient pas dans la même pièce, ses parents étaient les meilleurs du monde. 

Ce sont les souvenirs de son père qui sont les plus étranges. Durant son enfance, Gen a connu deux hommes radicalement différents. Il a connu le mari de sa mère, mais également son père. Un jour de ses huit ans l'a particulièrement marqué. 

Quand il avait huit ans, Gen a compris qu'il n'était pas comme les autres. À cette époque, il était bien trop jeune pour comprendre cet écart qu'il avait avec les autres enfants de son âge. À huit ans, pour les garçons de son école, il n'y avait que les jeux vidéos qui comptaient, plus particulièrement les jeux de guerre. Et puis, il y avait le sport, les bousculades, la bagarre, les rires, les voitures. Et malgré tous ses efforts, Gen n'arrivait pas à trouver le moindre intérêt à tout ça. Lui, tout ce qu'il aimait, c'était faire des tours de magie, lire jusqu'à s'endormir, jouer avec la petite sœur de Tsukasa. Il n'aimait pas le sport, il détestait ça. Parce qu'il avait l'impression d'être si petit à côté de tous ces garçons, et aussi parce qu'on se moquait de lui. 

Quand Gen avait huit ans, un jour, un garçon de sa classe est venu le voir. Et pour une raison qu'il ne comprenait pas, il l'avait poussé. Il voulait volontairement le faire tomber par terre, et il avait réussi. Gen avait senti son corps basculer en arrière et ses genoux s'étaient éraflés sur le sol. Il avait levé la tête vers ce garçon et, aussitôt, il cria une insulte qu'il ne comprenait pas : 

— Espèce de tafiole ! 

Il ne savait pas ce que ça voulait dire. Alors, l'après-midi, il alla à la bibliothèque pour chercher dans le dictionnaire. Là, au milieu de tous ces sigles qui semblaient danser ensemble sur la page, il trouva ce qu'il était venu chercher.

"Homme homosexuel". 

Ça veut dire quoi homosexuel ? 

À nouveau, il tourna les pages pour comprendre ce mot. Là, il trouva cette définition qui, malgré toute sa bonne volonté, ne faisait aucun sens pour lui. 

"Personne éprouvant de l'attirance sexuelle pour une personne du même sexe." 

Ses sourcils se froncèrent face à tous ces mots qu'il ne comprenait pas. En réalité, il les comprenait, parce qu'il en avait déjà vu certains dans les livres qu'il avait l'habitude de lire. Mais ce qu'il ne comprenait pas, c'était pourquoi ce garçon de sa classe avait l'air énervé contre lui. 

Mais ça veut dire quoi attirance sexuelle ? 

Il était dans une impasse. Il se souvient s'être tourné vers la dame gérant la bibliothèque. Il pourrait lui demander, elle pourrait très bien lui expliquer, elle. Mais malgré lui, un drôle de pressentiment lui enserrait le cœur. Parce qu'il avait vu le regard de son camarade, il se doutait que c'était quelque chose de vilain. Aussitôt, il se demanda s'il avait fait quelque chose de mal. 

Il referma le dictionnaire, comme si ce dernier l'avait brûlé. Puis, il retourna en classe, avec toutes ces pensées parasites en tête. Des pensées qu'il garda avec lui toute la journée, jusqu'à ce que son père vienne le récupérer à l'école. 

Dernièrement, son père rentrait de plus en plus tôt. Il se souvient que cela avait été le sujet d'une dispute plutôt violente entre lui et sa mère. Elle avait parlé d'argent, et lui avait dit qu'elle n'avait qu'à se débrouiller. Depuis ce jour, sa mère rentrait tard dans la soirée, toujours avec des yeux fatigués. 

Parce qu'il avait grandi, Gen avait pris l'habitude de ne plus tenir la main de son père pour rentrer à la maison. Aujourd'hui ne dérogeait pas à la règle mais, contrairement à d'habitude, le petit garçon semblait marcher plus lentement. Et ce détail n'échappa pas aux yeux de son père.

— Un problème mon garçon ? T'as l'air tout triste. 

Gen releva les yeux vers lui. Aussitôt, les questions qu'il s'était efforcées de taire revinrent au galop. Il voulait comprendre ce qu'il avait fait de mal, il voulait comprendre pourquoi son camarade s'en était pris à lui. 

— Papa, ça veut dire quoi être homosexauel ?

Son père s'arrêta net. Pendant de longues secondes, il regarda son fils, tentant d'y déceler le moindre trouble. 

— Où est-ce que tu as entendu ce mot ? demanda-t-il calmement.

— Dans le dictionnaire. Mais je n'ai pas compris la définition. Il disait que c'était avoir... une relation... sexauel avec quelqu'un du même sexe.

Son père ne peut s'empêcher de sourire en l'entendant mal prononcer le mot. Mais malgré ça, il devina que cette question suscitait un réel intérêt pour son fils. Alors, tout naturellement, il chercha à en apprendre plus. 

— Et pourquoi tu as cherché ce mot dans le dictionnaire ? demande-t-il tandis qu'ils se remirent à marcher.

— Parce que je ne comprenais pas la définition de tafiole. 

À nouveau, il s'arrêta. Encore une fois, il se tourna vers son fils. 

— Gen, quelqu'un t'a traité de tafiole ? 

— Oui, répond-il tout naturellement, mais je ne sais pas ce que ça veut dire. 

Il vit les sourcils de son père se froncer. Et puis, il passa sa main dans le dos de son fils, posant sa paume sur sa nuque. Une douce chaleur se répandit dans son cou, une chaleur rassurante. 

— Je vais tout t'expliquer à la maison, mon grand. 

Gen ne comprenait pas ce qui se passait. Son père avait un air grave et, de là où il était, il n'arrivait pas à savoir s'il était en colère ou préoccupé. 

Arrivés à la maison, son père sortit ses gâteaux préférés. Puis, comme à son habitude, il lui prépara un verre de lait. Impatient, Gen attrapa son verre, tout ça sous le regard puissant de son père. Puis, il s'assit en face de lui, croisa les mains et commença à parler. 

— Un homosexuel, commença t-il, c'est un homme qui tombe amoureux de d'autres hommes. 

Sa voix était calme, et Gen n'y décela aucune colère. Alors, il le laissa continuer, tout ça sous son regard attentif. 

— Mais il y a des gens qui n'aiment pas les homosexuels, alors ils les insultent. 

— Pourquoi ils ne les aiment pas ?

— Parce qu'ils ne les trouvent pas normaux. 

— Alors tafiole, c'est une insulte qui veut dire homosexuel ? Mais pourquoi c'est une insulte de dire homosexuel ? 

Il sentit que la conversation était en train de prendre une tournure délicate. Comment expliquer à un enfant de huit ans l'injustice du monde ? 

— Être homosexuel n'est pas une insulte, ou du moins elle ne devrait pas l'être. 

— Mais pourquoi c'est une insulte alors ? 

— Parce que dans la tête de certaines personnes, les homosexuels n'étant pas normaux, c'est une insulte. 

Les yeux ébènes de son fils s'abaissèrent et ses sourcils se froncèrent. Pendant quelques secondes, un terrible silence s'abattit sur la pièce. 

— Alors... pour ce garçon qui m'a insulté, je ne suis pas normal, c'est ça ? 

Face à lui, il ne sut quoi répondre. Il se devait d'avoir les mots justes, pour que son fils puisse comprendre ce que toute cette situation impliquait. 

— Gen, tu ne dois pas penser à ce que disent les autres. 

Les sourcils de son fils se froncèrent à nouveau, dévoilant son incompréhension. 

— Tu ne dois pas t'obliger à être ce que tu n'es pas pour leur plaire. Ça n'aurait aucun sens. 

— Pourquoi tu me dis ça, papa ? 

Gen n'avait que huit ans. Il était si jeune, à l'époque. Mais déjà, son père avait vu cette différence en lui. Tout ça n'étaient que de simples signes, peut-être des choses qui ne voulaient rien dire. À son âge, il ne pouvait pas avoir pleinement conscience de ce qu'il était, ni de ce qu'il deviendra. Mais il ne voulait lui fermer aucune porte. Il voulait que Gen sache qu'il pouvait être celui qu'il voulait, peu importe ce que les autres en diraient. Alors, il se leva de sa chaise, tout ça pour s'asseoir à côté de lui. Là, il passa son bras autour de son épaule pour le rapprocher de lui. 

— On est qui on est, mon grand. Alors si tu te sens différent, sois-en fier, et ne le cache pas. 

Gen n'avait pas encore conscience du sous-entendu de ses paroles. Mais déjà à cette époque, ses yeux écarquillés voulaient tout dire. Son père ne le savait pas encore, mais ces paroles allaient rester dans la tête de son fils, et ce malgré les années écoulées. Et quand son cœur comprit enfin de quel côté il penchait, ces paroles lui étaient revenues en mémoire. 

Voilà quel genre de souvenir il avait de son père. Un homme grand, aimant, qui donnerait sa vie pour son fils. Mais il se souvenait également d'un homme dur, intraitable, à la voix forte qui s'élevait souvent dans la maison. Mais ce dont il se souvenait le plus, c'était ses mains sur sa mère, des mains fortes, qui ne cherchaient qu'à faire mal. Des mains puissantes, mais aussi violentes. 

Et dans tout ça, il y avait sa mère. Cette femme aux longs cheveux ébènes, les mêmes que les siens. Une chevelure douce et lisse qu'elle prenait toujours plaisir à enrouler dans une large pince pour dévoiler sa nuque. Sa mère était synonyme de douceur et de beauté à ses yeux, une douceur maternelle que rien ne pouvait égaler. Mais tout comme avec son père, il se souvenait des différents visages que pouvaient arborer sa mère. Une femme aimante avec lui, qui prenait soin de lui préparer ses repas préférés quand il n'avait pas le moral, ou qui venait toujours le voir dans sa chambre après les disputes entre son père et elle. 

Il se souvenait de ce jour, celui où il n'avait encore que neuf ans. Ce jour-là, la dispute fut violente. Elle fut si violente que, même en se bouchant les oreilles, Gen arrivait à entendre les cris, les coups et, ce soir-là, la vaisselle se briser sur le sol. Quand il entendit la porcelaine se briser sur le sol, il se mit à pleurer. Et même Agent Lewis ne parvenait pas à sécher ses larmes. Recroquevillé sur son lit, il laissait de grosses perles salées dévaler ses joues. Les yeux rivés sur la porte de sa chambre, il priait pour que sa mère vienne le chercher pour qu'ils puissent partir tous les deux. Parce que ce soir, la colère de son père était intarissable. Il criait si fort que, dans la maison voisine, il réveilla la petite Mirai Shishio. Du haut de ses quatre ans, elle se leva de son lit pour aller voir son frère. Quand elle entra dans sa chambre, elle le vit assis sur son lit. Lui aussi avait été réveillé par les cris. 

Et puis, le calme arriva si soudainement que Gen se mit à trembler. Son cœur battait fort dans sa poitrine tandis que la peur le paralysait. Plus un seul bruit ne résonnait dans la maison, pas même les pleurs de sa mère. 

Gen attendit longtemps dans cette position. Assis sur son lit, les mains autour de ses genoux, ne lâchant pas la porte du regard. Et puis, enfin, elle s'ouvrit. Doucement, il vit sa mère entrer dans la chambre, s'approchant de son fils. Et puis, sans dire un mot, elle le prit dans ses bras, enfouissant son petit visage dans le creux de son épaule. Doucement, elle passa ses doigts sur ses joues, séchant ses larmes silencieuses. Puis, elle déposa ses lèvres sur son crâne, multipliant les baisers. Gen se souvenait s'être accroché à elle, de toutes ses forces. Et tandis qu'il se laissait aller à son étreinte, son corps entier tremblait. Tout ça, c'était bien trop pour un enfant d'à peine neuf ans. Il ne devait pas vivre tout ça, il ne devait pas assister à ça. 

— Ce sera bientôt fini, je te le promets. 

Ce fut la première fois qu'elle lui fit cette promesse, si bien qu'elle fut là la seule bouée de sauvetage de Gen. À chaque dispute, il s'accrochait à cette promesse tandis qu'il s'agrippait de toutes ses forces aux bras de sa mère. Parce qu'un jour, ils partiraient ensemble, parce qu'elle le lui avait promis. 

Mais ce jour ne vint jamais. À chaque dispute, elle lui faisait la même promesse. Mais à chaque fois, elle le laissait dans cette maison, incapable de se résoudre à partir d'ici. Petit à petit, Gen s'était mis à ressentir une puissante rancœur envers elle. Parce qu'elle lui avait dit qu'ils partiraient et qu'ils ne sont jamais partis. Pour mettre un terme à tout ça, c'est lui-même qui a dû partir, quand il a eu dix-huit ans, alors que la fin du lycée l'emmenait ailleurs pour faire ses études. Sans même un regard en arrière, il s'en alla, laissant derrière lui son meilleur ami et voisin ainsi que ses deux parents. Il laissa son père qui, avec les années, ne le regardait presque plus dans les yeux. Puis, il laissa sa mère, cette femme à l'étreinte rassurante mais qui n'a jamais réussi à trouver le courage de les arracher des griffes de cette vie qui ne lui laissa que de profonds traumatismes. Dans ce foyer, il n'a connu que les cris et les coups. Et même s'ils ne lui étaient pas adressés, même si son père n'a jamais levé la main sur lui ou que ses mots tranchants ne lui ont jamais été destinés, il a vu la violence. Il a grandi avec elle pour seule compagnie tandis qu'elle imprégnait tous les murs de la maison de sa crasse reluisante et indélébile. Cette crasse qui s'était incrustée dans son corps, passant par tous les pores de sa peau pour venir le dévorer de l'intérieur. Et malgré lui, malgré ses efforts et le temps, elle est toujours là, continuant de ronger ses os et sa chair, jusqu'au jour où il poussera son tout dernier souffle. D'ici là, il devra vivre avec elle. D'ici là, il devra l'apprivoiser, ou la laisser le consumer tout entier pour ne laisser derrière elle qu'une coquille vide et brisée, sans plus aucune forme, ni aucune personnalité.

***

Malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à retenir les quelques larmes qui cherchent à s'échapper. Mais ces perles salées ne sont pas accompagnées des soubresauts qu'il attendait. Elles coulent, mais il se sent calme. Pendant des années, il a gardé cette partie de lui secrète. Il n'a rien dit, parce qu'il avait honte de sa vie. Il avait honte d'être le fils de deux adultes inconscients et violents. Il avait honte d'avoir choisi de subir tout cela sans rien dire. Et surtout, il a eu honte d'avoir fui plutôt que d'affronter cette réalité. 

Un silence s'abat sur la pièce, laissant seulement le bruit de leurs respirations résonner autour d'eux. Senku, allongé à ses côtés, ne dit rien. Gen ne le regarde pas, il ne veut pas soutenir son regard. Car malgré la confiance qu'il a en lui, il a peur de ce qu'il pourrait voir dans ses iris. Dans ses yeux carmins, il a peur d'y lire de la pitié. Et c'est aussi en partie pour cela qu'il n'a jamais voulu parler de lui. Parce qu'il a toujours eu peur d'être vu comme une petite chose fragile. La pitié déshumanise, projetant la misère sur des corps qui voudraient par-dessus tout s'en débarrasser. Alors, ses prunelles ne se relèvent pas, se contentant de fixer le vide. 

Et puis, soudain, il sent une lente caresse glisser sur sa pommette. Du bout du pouce, Senku vient effacer ces larmes brillantes. Puis, son pouce continue son chemin, venant caresser cette peau humide de larmes d'un geste tendre. Juste après, il sent ses lèvres se poser entre ses sourcils. Un baiser doux, dont la pression s'éternise. Et quand ses lèvres quittent sa peau, il sent une agréable chaleur qui le réchauffe. 

Malgré ses craintes, Gen relève les yeux vers lui. Il croise ses prunelles rouges, des prunelles qui ne le prennent pas en pitié. À travers ses yeux, il n'y voit qu'un sourire. Un sourire chaleureux, semblable à celui que lui offrait sa mère quand elle le prenait dans ses bras. Un sourire capable d'éteindre ses peurs tout en le réconfortant. Un sourire magnifique, diffusant une chaleur agréable. Et à chaque fois que sa mère lui offrait ce sourire, Gen se laissait aller dans ses bras. La tête sur sa poitrine, il écoutait les battements de son cœur, calant sa respiration sur la sienne. 

Ce regard que lui offre Senku lui rappelle tant de souvenirs. Des souvenirs si chauds, si apaisants. Alors, sans perdre une seconde, il se rue dans ses bras. Sa tête vient se poser sur sa poitrine tandis que ses bras se referment sur lui. Là, il entend les battements de son cœur, si calmes, si paisibles. Son torse se lève et descend au rythme d'une respiration tranquille. Il n'imaginait pas se sentir si paisible après avoir raconté tout ça, surtout après une vie de silence. 

— Merci, murmure le vert à son oreille. 

La main de Senku passe dans ses cheveux, épousant la forme de son crâne. Il laisse ses doigts passer entre ses mèches, jouant avec ses cheveux. 

— Je n'en avais jamais parlé, reprend le bicolore après un silence. 

— Et comment te sens-tu ? 

Il lui faut quelques secondes pour trouver quoi répondre. Il se sent si faible, si vulnérable. Et pourtant, il se sent si léger qu'il a l'impression qu'il pourrait s'envoler. Mais cette vulnérabilité, elle le terrifie.

— J'ai l'impression... d'être devenu tout faible. 

Il a passé tellement de temps derrière sa carapace. Pendant toutes ces années de silence, il a appris à vivre en cachant cette vie qu'il a abandonnée. Pendant toutes ces années, il a vécu en se mentant à lui-même, et en mentant aux autres. 

— Mais en même temps... je me sens léger. 

Parce que cette carapace est lourde, bien trop lourde pour ses frêles épaules. 

La main de Senku continue ses caresses. Dans cette position, Gen a l'impression qu'il pourrait s'endormir. 

— Depuis que tu es revenu, tu as revu tes parents ? 

C'est vrai que maintenant qu'il est de retour dans la région, ses parents ne sont pas loin. Mais pourtant, malgré sa volonté de renouer avec ses origines, il n'a pas réussi à franchir le pas.

— Non, je ne les ai pas revus. Pour te dire, je ne leur ai pas parlé depuis mon départ. Ma mère ne sait même pas que je suis de retour.

Senku sent qu'il n'a pas terminé de tout lui confier. Quelque part à l'intérieur de lui, il a des paroles qui ne sont pas encore sorties, et qui pourtant ne demandent qu'à être libérées. 

— Quand je suis parti, ils ont divorcé. 

La main du vert glisse doucement de ses cheveux. Bientôt, la voilà qui se pose dans son cou. 

— Mon père est parti, et il ne m'a jamais contacté. 

— Et ta mère ? 

— Elle ne me parle pas souvent. De temps en temps, elle m'envoie un message pour me parler. Elle m'en envoie pour mon anniversaire, pour Noël, parfois pour prendre de mes nouvelles. Mais à chaque fois, je n'ai pas la force de lui répondre. 

Il se souvient de toutes ces soirées qu'il a passé à regarder son écran de téléphone sans savoir quoi lui répondre. Aucune réponse ne lui semblait naturelle, bien trop artificielle. Alors à chaque fois, il ne répondait pas, laissant simplement sa mère dans son éternelle solitude. 

— J'aimerais la revoir, un jour. 

Senku laisse un léger silence planer, juste ce qu'il faut pour laisser le temps à Gen de se remettre de chacune de ses paroles.

— Elle n'est pas loin, tu sais, répond simplement le vert. 

Il sent son visage bouger contre son épaule. Il devine qu'il cherche à se rapprocher encore un peu, comme le ferait un enfant apeuré. Pour répondre à son geste, il le serre un peu plus fort contre lui. 

— J'irai la voir, quand je me sentirai prêt. 

Sa voix est étouffée par le vêtement de Senku. Mais pourtant, il l'entend, et il mesure tout ce qu'elle implique. En le tenant ainsi contre lui, il se remémore le jour de la soirée de Tsukasa. Ce jour où, assis au fond de la cuisine, il s'amusait à passer le bout de ses doigts sur la mousse de sa bière, sans faire attention aux rires qui l'entouraient. La pièce était bondée de monde, ce soir-là. Et pourtant, malgré tout ce monde, Gen donnait l'impression d'attirer à lui toute la solitude. Il était là, entouré de personnes, mais il était seul, isolé dans des pensées qui ne voulaient pas le laisser prendre son indépendance. 

— Prends le temps qu'il te faudra.

Un long soupir d'aise s'échappe des lèvres du bicolore. Enfin, il laisse ses paupières se fermer. Dans cette position, il sent son corps se détendre. Parce que les bras qui l'entourent ne cherchent pas à l'étouffer, juste à veiller sur lui. 

Un jour, je lui parlerai de lui. 

Mais pas aujourd'hui, il n'est pas prêt. Aujourd'hui, il a enfin réussi à faire sauter le verrou d'une porte qu'il a toujours gardée fermée. Mais au fond de son esprit, à côté de cette porte, il y en a une deuxième. Et contrairement à l'autre, celle-ci est protégée par de multiples verrous dont il a jeté toutes les clés. Parce qu'il ne veut pas l'ouvrir, pas après tous les efforts qu'il a fournis pour réussir à la fermer. Pour l'instant, cette porte restera close. 

Parce que pour lui, c'est bien mieux comme ça.

***

— J'en reviens pas, tu ne vas jamais changer de disque ma parole ! 

Comme à son habitude, Kohaku n'a pas la langue dans sa poche. Alors, tandis qu'elle entend Tsukasa se plaindre de sa soirée d'anniversaire, elle n'a pas pu s'empêcher de laisser son exaspération s'échapper. 

— T'aurais réagi pareil si tes potes étaient sur le point de s'envoyer en l'air dans ton armoire. 

— Peut-être, mais ce n'est pas arrivé ! 

La blonde se hâte de récupérer ses affaires qu'elle a laissées dans son casier. Parce qu'ils sont étudiants en sport, ils sont les seuls étudiants du campus à bénéficier d'un casier pour y ranger toutes leurs affaires de sport. Dans ce grand couloir, ses amis discutent de tout et de rien, savourant la pause avant de reprendre les cours. 

— Et puis tu devrais être content, ajoute-elle, ta chambre a permis à deux couples de se former quand même ! 

— Donc je devrais me réjouir que ma chambre ait failli se changer en baisodrome ? 

— Tout de suite les grands mots. 

Elle claque la porte de son casier et remonte son sac qui pend sur son épaule. À cause de leurs derniers devoirs, elle n'a pas pu s'entraîner comme elle le voulait. Elle compte bien profiter de ces quelques heures de répit pour aller s'entraîner dans la salle de sport. 

— Kohaku a raison, ajoute Nikki, restée un peu à l'écart, change de disque Tsukasa. Ça fait presque quatre mois maintenant. 

Le concerné ne peut s'empêcher de lever les yeux au ciel. Comme il s'y attendait, il ne va pas avoir une once de soutien de leur part. 

— Depuis cette soirée, ma grande sœur est parfaitement heureuse avec Chrome et Senku me fiche la paix. Donc clairement, je ne vais pas venir te plaindre mon pauvre. 

Elle lui adresse un sourire moqueur avant de disparaître. Aujourd'hui non plus, Tsukasa ne parviendra pas à obtenir la compassion de ses amis. Il faut dire que depuis cette soirée, il ne l'a jamais eu. Chacun était trop excité à l'idée d'une telle nouvelle et attendrie de voir des couples se former dans leur entourage. 

Dès qu'elle s'est détachée du groupe, Kohaku a attrapé son téléphone portable. Resté en silencieux pendant tout le cours, elle n'a pas vu les messages de Chrome qui, une fois son téléphone allumé, défilent en rafale. Ce dernier se plaint de l'absence de son acolyte qui, semble-t-il, a préféré sécher les cours pour rester un peu plus longtemps avec Gen. Un sourire malicieux apparaît sur son visage tandis qu'elle imagine déjà ce qu'elle pourrait dire à son ami pour le charrier. Elle a rarement vu Senku dans l'embarras mais son petit doigt lui dit qu'elle a trouvé là une manière de lui faire perdre ses moyens. Et tandis qu'elle jubile sur ses futurs méfaits, elle n'a pas vu l'ombre sortir tout droit du coin du couloir. 

Avant qu'elle n'ait pu réagir, elle sent une masse puissante la projeter sur le sol. Sur le coup, elle ne peut s'empêcher de lâcher un cri de surprise. Mais parce que son corps est doté de bons réflexes, elle a su amortir la chute pour ne pas se faire mal.

— Bordel mais regarde où tu vas ! 

— Je suis désolé ! Rien de cassé ? 

Ses yeux bleus se relèvent vers l'ombre qui lui a foncé dessus. C'est alors qu'elle croise un regard noisette dont les iris semblent implorer son pardon. À le voir ainsi, elle comprend qu'il se sent profondément désolé de lui avoir foncé dessus. 

— Non, ça va, répond-elle tout de même avec une moue en colère. 

Le garçon en face d'elle lui tend la main mais elle refuse de l'attraper. À la place, elle se relève seule, prenant soin de réajuster la bretelle de son sac sur son épaule. 

— Désolé, j'étais pressé et je ne t'ai pas vu arriver. 

— Ça va. Des accidents, ça arrive. 

Elle essaye d'être conciliante mais le ton de sa voix trahit son exaspération. Le jeune homme remarque directement son expression et recule d'un pas. 

— Tu es sûre que tu n'as rien ?

— Je ne suis pas en sucre, répond-elle sèchement. 

Bien qu'elle sache qu'il cherche juste à se montrer courtois, elle ne peut s'empêcher d'être agacée. Les hommes ont toujours tendance à la prendre pour une petite chose fragile. Mais derrière son corps féminin se cache une forme athlétique. Et ce n'est pas une petite chute qui va la faire trembler. 

Soudain, les yeux de Kohaku viennent s'attarder sur lui. Parce que Kohaku a une excellente mémoire visuelle, elle parvient à se souvenir de la plupart des visages qu'elle croise. Mais du plus loin qu'elle se souvienne, elle ne l'a jamais vu dans les parages. 

— T'es qui au juste ? Je t'ai jamais vu dans le coin. 

Les yeux du garçon s'écarquillent face à son regard lourd de sens. Il devine aisément qu'il ne s'en sortira pas si facilement. 

— Je passais juste apporter la tenue de sport à mon petit frère. Il l'a oubliée chez nous ce matin.

Aussitôt, son visage s'adoucit. Parfait, elle n'a donc pas à faire à un rôdeur étrange qui viendrait passer son temps sur le campus. Et à vrai dire, il n'en a pas l'apparence. À vue d'œil, il doit être un an ou deux plus âgé qu'elle. Plus grand, avec une large carrure, sa simple présence en impose. Des yeux noisettes étirés et des cheveux foncés ramenés en une queue de cheval. Et surtout, elle sent une aura étrangement charismatique s'émaner de lui. 

Il est pas mal, en fait. 

Kohaku ne peut s'empêcher de sourire face à sa propre remarque. Mais sitôt faite, elle se rappelle son objectif de base. 

— Bref, essaye de relever la tête quand tu marches, ça t'éviteras de foncer dans des gens à l'avenir.

— Entendu, et encore désolé... 

Sans y prêter davantage attention, elle le contourne pour continuer son chemin. Hors de question pour elle de perdre une seconde de plus dans ces couloirs. 

Prise par son objectif, la blonde n'a pas fait attention à son téléphone qui, pendant la chute, a été projeté quelques mètres plus loin. Et parce qu'elle était pressée, elle n'a pas vu le garçon le ramasser et, après un dernier regard vers elle, le fourrer dans la poche de son sweat. 

Sans perdre une seconde, il se rue dehors. Actuellement, il n'a plus rien à faire ici. Il prend tout de même le temps de rabattre sa capuche sur sa tête, le protégeant ainsi de la pluie qui commence à tomber. 

Il s'éloigne, sans le moindre regard en arrière, ni le moindre remords. 

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Olala se pourrait-il que l'action se mette peu à peu en place ? En tout cas, on en apprend un peu plus sur notre chère tête bicolore. Sachez que pour élaborer son enfance, je suis partie d'un fait canon qui a été confirmé par les auteurs du manga. Sans entrer dans les détails, Inagaki avait expliqué que Gen vivait dans une famille où les parents se disputaient tout le temps. Pour le reste, j'ai extrapolé pour que ça colle à mon histoire !

J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Pour ma part j'ai vraiment pris plaisir à l'écrire. Les thèmes abordés me tiennent beaucoup à coeur et j'espère avoir bien mis en avant la dualité de la relation entre Gen et ses parents.

Je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre !

Ciao~ 

PS : petite mention spéciale pour la musique en média qui, selon moi, colle parfaitement avec l'histoire de Gen.

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