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Bien sûr que c'est difficile à imaginer.
Immobile, dans l'intimité indésirée d'une pièce close, trop sombre pour l'amour qu'elle emporte au creux de son silence.
La voix éteinte, entouré par la présence discrète de quelques âmes déboussolées, muettes et pleines de larmes.
Debout, le dos courbé par le poids de l'impensable, abattu par la douleur et les nuits blanches, il inspire sans respirer.
Ses paupières ne supportent plus la brûlure salée et permanente qui court sur ses cils depuis des jours, mais ses yeux refusent inlassablement de s'assécher, et l'eau de la souffrance creuse lentement les sillons du désespoir le long de ses joues.
Au dessus de lui, quelques chuchotements s'évaporent timidement, s'accrochent au plafond et s'infiltrent dans les murs pour ne jamais parvenir réellement à ses oreilles sourdes.
Derrière lui, un sanglot s'étouffe sur les lèvres de son propriétaire, meurt avant de se faire entendre, et vibre sans bruit comme battent faiblement les cœurs brisés.
En dessous de lui, le sol l'absorbe et l'avale, il s'enfonce dans les ténèbres souterrains, grignoté par l'impuissance et l'infini désespoir, dans ce corps qui ne répond plus qu'à la détresse et aux pleurs.
Devant lui, à moins d'un mètre de sa poitrine mutilée, effondrée, disloquée, les contours taillés du cercueil brillant consument toute la lumière environnante, engloutissent les résidus de vie qui se démènent en vain à ses pieds.
Son cœur qui ne murmure plus se disperse dans la neurasthénie, à l'arrêt entre ses côtes écartelées, son torse rongé par les plaies ouvertes et invisibles.
On est des héros, ça pourrait arriver.
D'autres sont morts avant nous.
Sur son épaule, près de sa peau qui ne ressent plus le monde, une main qu'il ne perçoit qu'à peine tente de le réconforter.
Pour la dernière fois, la toute dernière avant le sombre néant, il observe ce visage aux yeux fermés, et ce corps tant aimé, qu'il doit pourtant laisser s'en aller.
Les pompes funèbres ont fait un joli travail, ses paupières doucement scellées donnent l'air de simplement dormir, comme s'il pouvait encore battre des cils d'un instant à l'autre.
Les bleus et les blessures de ses joues disparaissent sous le maquillage bien appliqué, comme la plaie de sa lèvre qu'on ne distingue plus.
Aussi paisiblement que cruellement, il s'immobilise à tout jamais dans ce sommeil éternel, et tous les espoirs que l'avenir pouvait porter s'éteignent sur sa bouche désormais pâle.
Ta vie ne s'arrête pas à la mienne,
tu trouveras toujours du bonheur ailleurs.
Dans les iris de l'homme de sa vie, aux creux des reflets de lumière de ses prunelles, il ne perdra plus jamais son regard.
L'existence entière et le souffle du monde s'arrête en même temps que son histoire, son cœur ne vibrera plus jamais de l'intensité de son amour, il se perd déjà dans les méandres terrifiants de vide.
Avancer sans lui, subsister sans lui, il s'en sait parfaitement incapable, tout comme son chemin ne le mènera plus nul part désormais, la main déliée de la sienne pour le guider.
Il ne peut même pas croire qu'il existe un moyen de survivre loin de lui, séparé de sa peau et de son rire, privé de ses caresses et du son de sa voix.
Si ça arrive, je veux que tu refasses ta vie.
Tombe amoureux à nouveau, s'il te plait.
Lui demander de cueillir la lune aurait été plus facile.
Faire battre son cœur dans d'autres bras, s'enrouler d'un parfum inédit et effleurer des lèvres nouvelles lui demeure inimaginable.
Aucun autre sourire que le sien ne pourrait faire briller les rayons du jour.
La vie se termine ici, à un mètre de son linceul, à des années lumières du chant de son rire, de l'autre côté de la frontière intangible qui l'arrache à son étreinte.
Entre les planches de bois vernis, son corps se dessine une ultime fois, inerte et inaccessible, figé dans le temps et l'éternité.
La dernière image de son visage, celle qui restera gravée dans sa mémoire.
Sur son front, ses cheveux ne chahutent plus vraiment, ternes et trop bien coiffés pour lui ressembler, coupés du vent qui s'amusait à les secouer contre ses tempes au soleil.
Les lignes de sa mâchoire, apaisées jusqu'à la fin des temps, ne trahissent plus la joie qui peignait ses lèvres à chaque regard qu'il portait sur le monde.
Bien sûr que c'est difficile à imaginer.
Je n'ai pas envie de penser que tu feras l'amour à une autre personne.
Mais j'espère que tu le feras quand même.
Toucher une autre peau n'aurait pas sens, pas d'intérêt, il n'y ressentirait rien.
Parce que l'amour n'avait de raison que dans ses yeux, à travers la mélodie de sa voix, dans le bruissement des caresses de ses mains contre ses reins.
L'odeur qui courait le long de sa nuque, le souffle doux de sa respiration près de ses lèvres, comme les spectres séducteurs qui épousaient ses épaules.
Rien d'autre ne saurait transmettre le moindre chuchotement à son cœur, l'impulsion amoureuse qui faisait trembler sa poitrine.
Ce désir d'exister pour vivre encore à ses côtés.
Respectant le silence endeuillé, presque sur la pointe des pieds, ces inconnus qui flottent dans son champs de vision s'approchent en murmurant, les épaules droites pour soutenir la détresse qui plane au chevet de son corps.
Une dernière minute, un dernier instant avant qu'ils ne déposent le couvercle sur son ultime souvenirs.
Le dernier contact froid qu'il pourra emprunter à sa peau.
Deux pas en avant, instables et douloureux sur ses jambes qui ne le portent plus, et sa main cherche sa joue.
Dénué de sa douceur, son visage gelé par la mort ne réagit pas à la caresse de ses doigts, qu'il fait lentement glisser le long de ses tâches de rousseur.
Leur éclat ne brillera plus sous l'éclairage du salon, ses étincelles de lumière peints tout autour de son sourire n'accompagneront plus jamais ses matins, il ne pourra plus les embrasser une par une dans l'intimité de leur appartement.
Et tu ne pourras rien y changer.
Ca ne te servira à rien de parler à un fantôme,
je ne serai pas là tu sais.
Puis il disparait, sous une plaque de bois qui emporte avec elle les derniers traits de son corps.
L'écho discret, plus violent que n'importe quel coup de feu, résonne à travers la salle capitonnée de sanglots, l'ultime adieu sans mot qui s'échoue contre sa poitrine vide.
Remplie de vide.
Le néant s'infiltre sous sa peau, dans ses os, la détresse ouvre son propre passage le long de ses veines, dévore le sang qui nourrit son cœur, pour finalement prendre sa place.
Elle ne laisse, au milieu de lui, que l'empreinte insoutenable et douloureuse d'une plaie que rien ne refermera, la blessure suintante qui continuera toujours de noyer son visage dans les larmes.
Il voudrait hurler, crier et se débattre, quand les hommes en noir soulève le cercueil scellé sur leurs épaules, solennels et professionnels.
Sa voix pourtant, se meurt dans sa gorge écorchée par les pleurs agressifs qui ont brûlé sa trachée, et rien de plus qu'un interminable sanglot ne peut franchir ses lèvres tremblantes.
Un gémissement de désespoir court sur sa langue, vibre entre ses dents, son regard suit la course de la boite en bois sans pouvoir la rattraper.
Emmuré dans le deuil, enfermé dans le chagrin et la douleur.
Il ne touchera plus sa peau, n'embrassera plus sa bouche, et ne sentira plus sa présence contre son torse avant de s'endormir.
Quelle vie pourrait-il mener sans sa voix et ses étreintes, sans le parfum de ses cheveux, privé de son guide et de son unique direction, abandonné sur une route qui ne va nul part.
Il ne sait pas marcher sans suivre ses pas.
Quelqu'un d'autre saura t'aimer.
Peut-être même mieux que moi, qui sait.
Jamais de sa vie il n'a entendu quelque chose d'aussi impensable.
Il sait que personne ne pourrait l'aimer comme il le faisait, comme il murmurait à son oreille, comme le réconfort de ses bras apaisait son esprit dans les moments de doute.
Quand il enlaçait ses muscles fatigués après une longue journée, aucune étreinte ne saurait l'imiter, encore moins l'égaler, comme la douceur inaltérable dans sa manière d'embrasser sa tempe après l'amour.
Dans l'espace intime de leur chambre, parfois dans le secret clandestin des vestiaires de l'agence, il se souvient du frémissement de sa peau contre la sienne, ses cuisses frôlant son bassin, et la pression de ses chevilles en bas de son dos.
Il goutait chaque instant, sans imaginer qu'il puisse s'agir du dernier.
Il embrassait l'espace chaleureux entre son cou et sa clavicule, et si deux corps pouvaient fusionner l'un dans l'autre, alors ils ne seraient déjà plus qu'un depuis bien longtemps.
Aucun souffle n'échauffera ses épaules comme le sien, et ses omoplates ne supporteront jamais d'autres mains brûlantes entre deux soupirs amoureux.
Il ne sait pas aimer sans lui.
Je serai peut-être mort, mais toi tu seras vivant.
Tu continueras de vivre sans moi, c'est tout.
Je suis sûr que tu peux ouvrir ton cœur ailleurs.
Pourtant, le monde ne tournera plus jamais dans le même sens.
Le soleil s'éclipsera toujours, ses yeux remplis d'eau ne verront désormais que la nuit, le froid, le vide et la peur.
Un couloir sans ouverture, l'interminable case départ dont il ne bougera plus, là où seul le silence viendra lui tenir compagnie.
S'il existe toujours, il ne vit plus pour autant.
Il meurt en même temps que lui, la lumière et le lendemain disparaissent avec son sourire, et son dernier souvenirs s'échappe avec les hommes en noir.
Dans le secret de la pièce voisine, à l'abris des regards et des cœurs tremblants, ils font descendre son corps dans l'incinérateur.
Je sais que tu n'es pas d'accord avec ça,
mais j'espère que tu respecteras mon choix.
Ne m'enferme pas sous terre s'il te plait, j'aime autant me laisser porter par le vent.
Sur ses genoux qui s'affaiblissent, ses forces cèdent au souffle qui meurt dans sa trachée, comme son corps qui abandonne la bataille en cherchant un refuge.
Dans son dos, le soutien de plusieurs bras retient son âme à la dérive, même s'il n'identifie ni les voix ni les mots qui s'agitent à son oreille.
Quelqu'un lui parle, sûrement, mais aucun écho ne traverse la bulle assourdissante de détresse qui aspire son esprit loin de son environnement.
Piégé dans un grésillement permanent et stérile, seul un filet de lumière persiste dans le fond de son cœur, semblable à une vieille chimère, l'empreinte des souvenirs sur l'obscurité de l'avenir.
Oasis asséchée, l'inatteignable réconfort de ce qui n'existera plus, il ne peut qu'observer les résidus de leur histoire sans les toucher du bout du doigts, ni même les ressentir sur sa peau.
La force protectrice de l'amour se disperse sous le sol, comme la chute de son corps, et si la foule le rattrape avant qu'il n'heurte le carrelage, son existence disparait avec le reste dans la cave aux méandres.
Tu sais, je t'aime.
Dans la camisole de ses larmes, le temps s'arrête de tourner, il ne perçoit que le silence éteint de sa poitrine qui ne pulse plus.
Et de l'autre côté du voile d'eau qui recouvre ses yeux, nul doute que les heures défilent malgré lui, peut-être même que le soleil se montre à travers les fenêtres.
Ses pupilles ne distinguent rien, si ce n'est le noir de ses propres ténèbres, à l'entrée d'un chemin sans issue et sans destination.
Quand cette mission se terminera, si tu es d'accord, je t'épouserai.
Il voulait déjà dire oui, avant même qu'il ne lui pose la question.
Pour vivre encore avec lui, pour lui surtout, pour continuer d'embrasser ses joues au levé du jour.
En gardant sa main solidement nouée à la sienne, il espérait que la vie ne se résume plus qu'à eux, à son regard perché dans ses iris illuminés de vert et de lumière.
A la fin de cette mission, il aurait volé son nom pour lui offrir un monde.
Les chemins réunis ouvraient une voie plus large à ses pas dans les siens, à cet amour inconditionné qu'il portait à sa peau et à son rire, à l'ombre d'une étreinte aussi réelle qu'intangible qui n'en finit pas.
Dis, est-ce que tu veux m'épouser ?
Incapable d'obéir à ses propres muscles, il se laisse porter par les paroles inaudibles près de lui, pousser par les mains solidaires qui accompagnent la fin de son existence.
Ses jambes trainées sans force avancent à travers un espace qu'il ne devine pas, et le sol change de texture en dessous de lui, ses épaules tressautent sans vraiment bouger au contact du vent sur son front.
L'herbe se dessine à son paysage, aussi verte que les yeux de l'amour de sa vie dont il n'entendra plus la voix.
Quelques bouquets de fleurs s'éparpillent autour d'un petit autel vide, et sa poitrine déjà ouverte termine de s'effondrer à l'arrivée de l'urne.
Parce que je sais que je t'aimerai toujours.
Même dans cent ans.
Le silence escorte les gestes d'un homme muet, et le vent qui chuchote ses au revoir se glisse entre les pétales colorés pour balayer les cendres de son amant.
Ce qu'il reste de lui, un peu de poussière soufflée dans l'insondable, vole sans cri au dessus de son ultime public, fusionnant dans l'air et l'éternel pour s'éteindre discrètement.
Sans bruit, sans rire et sans pleurs.
L'interminable rien après l'amour et le bonheur, après les adieux sans ultime baiser.
Il ne l'embrassera plus jamais, comme il ne passera plus sa main dans les boucles délicates de ses cheveux.
Le ciel avale les grains de mémoire, les résidus de vie qui se fondent à l'invisible.
Tout s'arrête ici.
Sa lumière s'éteint avec les courbes de son corps, et les ténèbres emportent avec eux toute son existence.
Plus rien n'éclaire son chemin, il ne peut plus avancer.
Sans lanterne pour illuminer la voie, il ne sait pas où il va.
Le sol s'écroule, à l'instar de sa vie, la route disparait comme la flamme morte d'une bougie oubliée.
Il ne sait pas aimer sans lui.
Il ne sait pas marcher sans lui.
Il ne sait pas, sans lui.
S'il bouge, il tombera.
Et toi, est- ce que tu m'aimeras toujours dans cent ans, Katchan ?
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Bonjour bonsoir
Après cette production un tantinet triste (juste un peu), je vous propose un bisou de réconfort pour adoucir tout ça : 😘
Cette version rallongée me tenait à cœur, elle a des similitudes avec la première évidemment, mais j'avais envie de la travailler différemment.
Sur ce, j'espère qu'elle vous a plu, et on se retrouve très bientôt sur SH 😘😘
Prenez soin de vous ❤
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