après-midi printanier
" L'amour commence avec un sentiment, mais continuer est un choix. Et je me retrouve à te choisir, de plus en plus chaque jour. "
"Love starts as a feeling, but to continue is a choice. And I find myself choosing you, more and more everyday. " Justin Wetch.
*
Les plantes vertes avaient toujours eu une place relativement importante dans la chambre de Lipan, notamment sur son bureau où les pinceaux et l'aquarelle peinaient à tenir en équilibre sur le rebord, entre le vide et les nombreux cactus, plus singuliers les uns que les autres. La verdure apaisait le souffle de l'adolescent, et l'inspirait pour ses peintures. Au final, les pinceaux n'avaient pas leur mot à dire puisque c'était en partie grâce à ces petites plantes épineuses qu'ils étaient utilisés. Mais malheureusement, la compétition persistait entre les ustensiles et les épines. Ce jour là, elle fit même un blessé. Quand Lipan, dont les cheveux cachaient depuis un certain temps la moitié de ses paupières, vit le fin crayon à papier au pied de son bureau, il le ramassa et le rangea dans un pot déjà bien rempli, à l'abri d'une nouvelle attaque de fortune. Puis il reposa son regard sur la missive qu'il tenait entre ses doigts. Plus il la fixait, plus ses mains devenaient moites. L'auteur dut même reposer sa lettre pour éviter de l'abîmer. L'encre et la peinture étaient encore fraîches, ce serait bête de devoir tout recommencer pour une fichue pliure ou une tâche baveuse. Pourtant peut-être qu'il l'aurait voulu ? Non, non. Lipan secoua la tête. Son cœur devait prendre des dispositions pour les funérailles de leur amour, et lui devait trouver le courage pour lui envoyer.
A dix heures seulement, il parvint à glisser l'enveloppe dans son casier. Écourtant sa journée d'une après-midi, il rentra chez lui, les yeux gorgés de larmes et la gorge sèche. Enfin chez lui, emmitouflé dans la bulle de sa chambre, Lipan s'assit sur le bord de son lit. Les paupières lourdes et le cœur vide, il s'abandonna sur son matelas, et ses cheveux cachèrent un peu plus son visage. Aussi vite, ses pensées dérivèrent sur Nathis. Il lui avait raconté des bêtises ce matin, quand il l'avait croisé au détour d'un couloir, lui avait promis que tout allait bien alors que c'était faux, puisqu'il venait de le quitter. Ses paupières tombèrent sur ses yeux. Il ne voulait juste pas l'alerter !
Sans se douter que Nathis se ferait cent fois plus de soucis face à ses explications muettes, il inspira, sans étouffer ce premier sanglot -c'était un simple éclaireur-. Que pouvait-il faire à présent, à part attendre que la tristesse passe. Les murs de sa chambre pouvaient bien le protéger. Ils l'avaient toujours fait, et ce bien plus souvent que son ex-copain. Bientôt, les autres larmes qui perlaient aux coins de ses yeux réussirent à s'échapper, et sa lèvre se mit à trembler comme une feuille en plein hiver, jusqu'à ce qu'on toque contre la vitre.
Lipan fit comme si ce n'était pas lui. Il ignora la vérité dont il était sûr et préféra répéter ce mensonge dans sa tête : Ce devait sûrement être un oiseau coquin qui voulait entrer, rien de plus. Un vilain oiseau, sûrement même pas aussi beau que le soleil.
Seulement cet oiseau avait des mains et réussit facilement à ouvrir la fenêtre. Tant pis, il ferait comme si c'était un oiseau invisible, comme ceux que l'on confond avec les nuages.
- Lip'.
« Les oiseaux ne parlent pas. À la limite, les corbeaux croassent.》 grogna intérieurement le peintre amateur. Mais il savait que son copain s'avançait dans sa chambre. Il venait de poser son skate près d'un pot de pâquerettes. Ses oreilles peinaient à se boucher, et le bruit de ses pas tapotait contre ses tempes.
- Tu n'es pas là, soupira faiblement le garçon semi endormi.
- Heureusement pour toi, si.
Le ton de Nathis était ferme, loin d'un gazouillis chantant, et ça ne plaisait pas à Lipan. Alors il décida de l'ignorer, encore. Nathis fronça les sourcils face à son silence, puis il s'approcha. Sa main se glissa comme une caresse dans ses cheveux roux chocolat, puis il inspira, las. Même si ce beau garçon lui en faisait voir de toutes les couleurs, il en était fou amoureux.
- Arrête...bredouilla Lipan à son contact. Tu devais plus venir, tu devais arrêter de gesticuler avec ta douceur devant moi. Je te l'ai dit... L'amour c'est une bulle de savon. Un moment de perfection bref, puis ça disparaît. J'veux pas le voir disparaître..
- Bah j'irais au supermarché tous les jours pour toi. On ne manquera jamais de shampoing.
Malgré lui, un sourire se dessina sur les lèvres roses du dormeur. Pourquoi Nathis avait toujours réponse à tout ? C'était agaçant et maintenant il voulait l'embrasser. Mince.
Lipan ouvrit finalement les yeux, papillonna des cils sous la lumière et Nathis, penché sur lui, s'approcha. Un simple échange silencieux pour s'excuser, de légères rougeurs pour se pardonner. Seuls quelques centimètres les séparaient.
Les deux garçons avaient parfois un peu de mal à se comprendre, entre eux et avec eux même. Leurs paroles sortaient parfois un peu trop vite, puis ils se fixaient, le regard ahuri, et bafouillaient. Ce matin, Lipan avait été capricieux. Son exigence avait heurté Nathis en plein cœur, mais à présent, c'était ce dernier qui guettait son souffle, sa main effleurant son cou.
- Ne me quitte pas Lip'.. Je sais que tu n'en as aucune envie.
A l'entente de cette complainte, le concerné soupira faiblement avant d'avouer :
- J'ai cru que ça m'aiderait. Tout le monde t'adore, et beaucoup me regardent avec leurs jugements lourds et.. et peut-être que j'avais tort..
Ses pupilles s'éloignèrent des yeux de son copain, honteux, puis il eut un hoquet qui s'acheva dans un soupir.
- ..Parce que je t'aime.
Nathis secoua la tête en pensant : mais quel idiot. Il frotta le bout de son nez contre le sien et rassura ses peurs.
- Ta bulle là, l'amour, il commence par un sentiment. Et j'peux te jurer que les miens sont plus forts que les critiques de tout ces gens dont j'me fous. Il y a que nous qui compte.
Lipan fut étonné par ses mots. Nathis ne trouver que rarement de jolies choses à dire, mais parfois, il surprenait à sa manière. Du bout des doigts, ce dernier tapota les lèvres de son propriétaire, puis y déposa les siennes.
*
Il était 16 heures passé et ses pieds cherchaient timidement quelques caresses auprès de son oreiller tout doux. Couché sur le ventre, Lipan tournait les pages de son livre d'histoire sans même en lire une ligne. De toutes façon, le bruit du papier qui frotte se mélangeait à celui du crayon qui gratte pour jouer une jolie mélodie, et c'était ce qu'il préférait.
Les après-midis entre Nathis et Lipan étaient paisibles, calmes, et pour rien au monde ils ne les auraient échangés.
Mais Nathis savait que Lipan le dévisageait depuis quelques secondes. Il l'avait tout de suite senti quand sa tête s'était légèrement relevée de son dessin quelques secondes plus tôt. Ses yeux avaient à peine déviés, mais il sentait maintenant le regard scruteur de son amoureux planté comme des milliers de flèches sur son visage, et ses boutons.
Son cœur se serra dans sa poitrine à cette pensée. Il ne voulait pas que Lipan le dévisage. Il le laissait le toucher avec sa bouche, sur sa bouche, c'était déjà beaucoup. Lui permettre d'embrasser sa joue, de le caresser de sa main ou du regard était impensable, parce qu'après il ne l'aimerait plus.
« Arrête » finit par s'échapper de ses lèvres un peu tremblantes.
- Pourquoi ? J'ai le droit de te regarder quand même ! S'exclama l'autre adolescent.
Il y avait encore des lueurs de paillettes dans les iris dorés de Lipan, indices de son admiration passagère. Évidemment, l'autre ne comprenait pas, et refusait d'y croire.
- J'aime pas quand tu m'fixes.
Nathis referma son carnet et se redressa, la mine renfrognée. Il était tendu, l'angoisse se voyait à la courbure de ses épaules et à sa mâchoire contractée.
- Mais t'es trop beau aussi, geint Lipan en se retournant complètement vers lui.
Couché sur le ventre, les jambes relevées et les mains sous le menton comme dans une comédie romantique, son regard cherchait le sien. Lipan voulait le dévorer des yeux parce que son visage était parfait.
- C'est pas vrai... J'ai plein de boutons, partout. Puis j'suis couvert de rougeurs, je te jure, j'te comprends pas. M'en parle plus, me regarde plus.
À ces mots, le sourire du petit peintre s'estompa, mais pendant un très court instant, parce que la moue de son première amour ne devait pas rester trop longtemps. C'était mauvais pour son esprit et son petit cœur.
- L'acné sur ta peau te donne l'air d'une belle coccinelle.
Le bouclé pouffa, mais d'un petit rire nerveux pas vraiment flatté. Il était blessé par lui même, pour ne pas croire aux mots doux de son copain. Distraitement, il se mit à arracher les peaux autour de ses ongles, songeur. Peut-être que Lipan ne voyait pas ses boutons, aveuglé par l'amour ? Mais non, au final le plus petit ne voyait que ça. Il venait de l'avouer.
- C'est mon animal préféré, ajouta le poète. C'est super mignon...
- Te fatigue pas Lipan.
- Mais j'suis sincère ! S'indigna le garçon en se redressant brusquement.
Il posa ses mains sur ses joues, et sans lui laisser le temps de dire « stop ! », il embrassa ses lèvres, son nez, son front, sa mâchoire et la moindre parcelle de son visage. Jamais Nathis ne résistait à ses baisers. D'ailleurs, il sentait déjà un semblant de sourire sous sa bouche.
- Bon, ok. J'doute pas de ta sincérité. T'es juste complètement aveugle.
Offusqué, Lipan ouvrit la bouche pour répondre, mais Nathis la lui ferma avec un baiser. Au moins, ils évitaient la dispute idiote et se bécotaient en paix.
Seulement Lipan sentit rapidement les mains de Nathis sur son ventre. Un frisson désagréable lui chatouilla les cheveux. Il attrapa rapidement ses mains baladeuses et le supplia du regard. Mais le bouclé ne le laisserait pas s'en tirer comme ça. Il esquissa un sourire narquois et le poussa doucement sur le dos. Maintenant il pouvait rapprocher son visage de son petit ventre, tout adorable. Lipan tremblait, mais Nathis releva son t-shirt pour l'embrasser.
- Là où il y a de la graisse, il y a de la tendresse.
*
Le ciel était étrangement gris en cette fin d'après midi printanier. Il était pourtant dépourvu de ces nuages anthracites qui promettaient de longs et tempétueux orages. C'était plutôt comme si on avait repeint en gris le bleu d'un ciel clair. Un voile fade s'étirait au dessus de la ville sous le regard curieux de Nathis qui hésitait à se couvrir. Après une seconde de doute, il finit par abaisser sa capuche pour libérer ses boucles au vent, tout en se disant qu'il n'aurait tout simplement qu'à la remonter quand il sentirait des gouttes tomber, au moment venu.
C'était bientôt le soir, Nathis rentrait chez lui, après avoir volé toutes les couleurs de la ville pour son chéri.
Il lança d'ailleurs un dernier regard sur la fenêtre. Et malgré son air léger et confiant, un peu de doute résidait encore dans sa poitrine. Une main dans sa poche serrait la lettre de Lipan, de peur que s'il la lâche, il en reçoive une autre. Et puis, que penserait réellement Lipan de son petit mot doux laissé entre tous les pinceaux de son bureau ? Il n'était pas poète lui ! Et encore moins doué pour ouvrir son cœur. Le lycéen sentait juste que c'était le moment de rassurer son amoureux.
- L'amour commence par un sentiment Lip', mais continuer est un choix. Et je me retrouve à te choisir, de plus en plus chaque jour, répéta Nathis une dernière fois, sans même être sûr que Lipan aie son papier entre les doigts.
Fin.
Dites moi vos pensées ☁️
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