Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Jour IV

Quatrième jour !

Hercule Poirot se leva avant sa compagne de voyage. Il avait une enquête à mener.

Il alla donc prendre son petit-déjeuner, croisant le regard fatigué des membres du personnel de l'Orient-Express. Aucun n'avait dormi. Le jeune George était malade de peur et tremblait si fort que M. Raymond lui avait interdit de toucher aux tasses et aux plateaux.

Personne d'autre n'était debout.

Bien sûr l'affaire était connue de tout le monde. Forcément que les passages et les discussions dans le couloir avaient été entendus de tous. Maintenant, on allait voir Poirot comme un policier et les comportements allaient changer.

Forcément !

Le petit Belge ne pouvait être sûr que d'une chose ! Ce n'était pas Mlle Grey...car elle était dans son lit et dans ses bras et ils s'apprêtaient à...

Dieu !

Poirot mordit dans son toast couvert de confiture avec rage.

M. Raymond vint s'asseoir en face de lui, le visage sombre, silencieux.

« Et maintenant M. Poirot ?

- Je réquisitionne ce wagon dés que le petit-déjeuner est terminé. Je vais y interroger tout le monde. A commencer par Mme de La Tour-Mirepoix, Mme Peguet et M. Walle.

- Très bien. Vous avez des soupçons ? »

Cela fit rire le détective. Des soupçons ? Alors que la mort remontait à quelques heures seulement et que Poirot était vraiment attentif à tout sauf à un meurtre. D'ailleurs, il n'était pas si certain qu'il s'agissait d'un meurtre... Mais la journée et les interrogatoires allaient pouvoir lui permettre de trancher.

Peu à peu, le wagon-restaurant se remplissait. Mais l'atmosphère si douce des jours précédents avait définitivement volé en éclats. On s'asseyait sans rien dire, on ne se regardait pas en face, on mangeait et on buvait sans entrain.

Puis on obéit à l'ordre que donna M. Raymond et on regagna son compartiment en attendant d'être appelé par M. Poirot.

« Combien de passagers dans les Premières Classes ?, demanda le détective, prenant quelques notes sur un petit calepin qu'il sortit de la poche intérieure de sa veste.

- Quatorze, M. Poirot. L'Orient-Express est surpeuplé pour ce voyage.

- Cela fait du monde, en effet. Allez-y ! Donnez-moi les noms et quelques informations précises sur chacun des voyageurs. Les plus personnelles possibles !

- M. Poirot..., » fit Raymond, un peu désappointé.

La seule réponse de Poirot fut un regard ferme, suivi d'un sourcil monté en flèche.

M. Raymond soupira et commença la liste :

Compartiment 1 : Messieurs Cyril Bakounine et Wassili Tchekhov, lui était imprésario et l'autre musicien professionnel, ils voyageaient souvent sur l'Orient Express pour des raisons professionnelles ou...personnelles...

Compartiment 2 : M. Hercule Poirot, détective et sa nièce Mlle Katherine Grey... »

Poirot ignora le sourire dans la voix de M. Raymond. Oui, sa propre situation était aussi scandaleuse que les autres. Surtout après la scène de la veille.

« Compartiment 3 : Mme Héloïse de la Tour-Mirepoix et son fils Louis, aristocrates français encore assez aisés. Premier voyage et manifestement le dernier.

Compartiment 4 : un couple d'Anglais, les Spencer, Lydia et Henri, deux retraités du commerce s'offrant un dernier voyage d'agrément avant la fin de leur vie. Rien à dire sur eux, des gens calmes et sympathiques...

Compartiment 5 : le vétéran de la Guerre M. Robert Walle, un Français, assez farouche, amant de Mme Héloïse

Compartiment 6 : l'archéologue M. Pierre Ravenel, rien à dire sur lui non plus, il était connu sur la ligne, il voyageait plusieurs fois par an avec l'Orient-Express

Compartiment 7 : Mme Ernestine Renaud, épouse du médecin Antoine Renaud de l'hôpital français d'Istanbul, l'homme était assez connu à Istanbul, sa femme semblait être une incorrigible bavarde assez capricieuse mais très gentille malgré tout

Compartiment 8 : Mme Émilie Peguet, premier voyage pour cette femme mal mariée, un peu désespérée vue la rapidité avec laquelle elle s'était retrouvée dans le lit de M. de La Tour-Mirepoix. »

Un nouveau regard, appuyé. Que sous-entendait le chef du train ? Que la fille était facile ? Ou que les deux-là devaient se connaître depuis longtemps ?

Poirot ne dit rien, illisible mais M. Raymond souriait avec une lueur moqueuse dans les yeux.

« Compartiment 9 : Mlle Jackson et son fiancé M. Philippe Westerman, un jeune couple adorable, ils étaient versés dans les affaires. Un voyage pour célébrer des fiançailles. »

Et ce fut tout.

C'était déjà beaucoup. Trop. Cela allait signifier une matinée au moins d'interrogatoire. Poirot en fut fatigué d'avance...lui qui aurait bien aimé réveiller Mlle Grey..., lui apporter le petit-déjeuner au lit et...

Dieu ! Il allait devoir se concentrer sur cette affaire ! L'arrivée à Istanbul était prévue pour le surlendemain dans la matinée.

Ce fut en effet une longue et dure journée.

Tout le monde disparut du wagon-restaurant une fois le petit-déjeuner englouti. Mlle Grey n'osa pas venir s'asseoir en face de Poirot. Elle n'osa pas le faire, sentant qu'elle n'était plus à sa place. Poirot en fut désolé, infiniment, lorsqu'il vit disparaître sa jolie robe de velours beige, magnifiquement adaptée à ses superbes yeux noisettes. Cela donna un coup de fouet au policier qui espéra en avoir fini avec les questions pour le déjeuner. Pouvoir retrouver Mlle Grey et ses tendres bavardages...et sa bouche si mignonne...

« M. Poirot, je n'avais jamais rencontré le baron de La Tour-Mirepoix avant ce voyage. »

Cette phrase fut un leitmotiv qui se répéta dans tous les interrogatoires, sans exception, même parmi le personnel de l'Orient-Express. Cette affirmation péremptoire était souvent suivie par une autre, invariablement :

« Et puis, si j'avais du tuer quelqu'un, je n'aurai pas choisi ce pauvre homme. »

Mais plutôt sa mère, pouvait poursuivre in petto le célèbre détective.

Cyril et Wassili, les Spencer, Mlle Jackson et M. Westerman, Mme Renaud, M. Ravenel...Mlle Grey... tous chantèrent la même chanson. D'ailleurs, lui-même pouvait la prononcer et la prononcera certainement face à la police turque.

Cela changea lorsque Mme Peguet, M. Walle et Mme Héloïse témoignèrent, bien entendu.

La jolie femme était pâle, les yeux rouges. Elle avait pleuré. Mais elle sut rester stoïque lorsqu'elle se retrouva face à Hercule Poirot :

« Oui, M. Poirot, avoua-t-elle dés les premières questions. Je connaissais Louis depuis des années. Depuis trois ans déjà.

- Vous avez décidé ensemble de ce voyage ?

- Non. C'est sa mère qui voulait partir visiter la Turquie et prendre l'Orient-Express. Louis a juste insisté pour l'accompagner. Je n'ai pas compris pourquoi !

- Comment cela ?

- Vous avez vu sa mère ? Alors imaginez plusieurs semaines sans elle et vous comprendrez !

- Alors pourquoi l'accompagner ?

- Je vous l'ai dit, je n'ai pas compris pourquoi ! Il devait vouloir la surveiller, il n'arrêtait pas de me répéter que sa mère perdait la tête.

- Perdre la tête ?

- Louis voulait faire enfermer sa mère dans une maison de repos. Pour qu'elle retrouve ses esprits. Cela ne m'étonnerait pas que ce soit elle qui l'a tué.

- Son propre fils ?, fit Poirot, conciliant.

- C'est une harpie ! Elle a du vouloir se débarrasser de son fils ! Demandez-lui de vous parler d'argent et vous verrez !

- Mais comment aurait-elle fait ?

- Elle a du l'empoisonner elle-même cette folle ! Tout ça pour que Louis ne vive pas avec moi ! Il allait m'épouser ! La garce ! Elle ne vit que pour l'argent ! »

L'argent ! Le nerf de la guerre et le motif de la plupart des meurtres. Oui, pourquoi pas ? Mais il y avait aussi la haine et le visage, si doux, de Mme Peguet ne reflétait qu'une haine atroce envers la mère de son amant.

« Héloïse aime...aimait son fils avec passion, » raconta M. Walle.

Un vétéran de la Guerre. Il avait besoin d'une canne pour se déplacer, une jambe mutilée, amputée, une prothèse. Un homme farouche mais avec un beau visage, ferme et dur. Il a eu de la chance, malgré tout. Beaucoup de blessés de la Guerre étaient des gueules cassées.

« Vous connaissez Mme la baronne depuis longtemps ?

- Depuis mes vingts ans, M. Poirot. Alors qu'elle n'était que Mlle Héloïse de Moissac. Avant que cette damnée guerre ne brise tous nos espoirs.

- Comment cela ?

- J'ai été déclaré disparu sur le front d'Orient en 1917. On a même envoyé une lettre de condoléances à mes parents. Héloïse et moi étions fiancés. Cette lettre a tout remis en cause. Héloïse s'est mariée au baron de La Tour-Mirepoix et je fus oublié.

- Je suis navré, compatit sincèrement Poirot.

- Je suis resté à l'hôpital militaire de Riyad pendant plus d'un an. On a essayé de sauver ma jambe, on s'est résigné à la couper. J'avais perdu le compte des jours. Et j'étais devenu plus ou moins amnésique.

- Une blessure à la tête ?

- Non. Un stress post-traumatique a dit le médecin. Lorsque j'ai enfin accepté mon état déficient, je suis entré en contact avec ma famille et j'ai appris le mariage d'Héloïse. Voilà les faits. »

Voilà les faits, voilà les faits ! C'était vite dit, sourit intérieurement Poirot et le détective essaya de poursuivre l'interrogatoire avec tact.

« Et aujourd'hui vous êtes amants ? »

M. Walle n'apprécia pas la question mais il accepta d'y répondre.

« Le mari d'Héloïse est mort il y a des années. Il était bien plus vieux qu'elle. Elle s'est retrouvée, seule avec un fils déjà âgé. J'ai hésité à retourner la voir, je ne l'avais pas vue depuis la Guerre. Finalement, c'est elle qui m'a rappelé. Et je lui ai obéi.

- Pourquoi ne pas vous marier ? »

Le vieux soldat eut un reniflement de mépris.

« Et faire jaser ? Cela suffit comme cela ! Nous nous marierons peut-être... A vrai dire, son fils était le seul obstacle. »

Le faisait-il sciemment ? Ou était-il vraiment trop candide ? Il venait d'offrir à Poirot un magnifique mobile.

« Pourquoi ?

- Il refusait que sa mère se remarie. Il disait que c'était une honte, ces remariages. Moi-même, je suis veuf et n'ai pas d'enfants, M. Poirot. Une vieillesse solitaire m'attend, sauf si Héloïse accepte de devenir ma femme.

- Ce n'est qu'une question de réputation ?

- De quoi d'autre ?

- D'argent ! Un remariage et l'héritage s'amenuise ! »

M. Walle baissa la tête. Mouché ! M. Hercule Poirot était à la hauteur de sa réputation.

« D'accord. Je suis fauché comme les blés. Héloïse est riche comme Crésus. Je peux m'attendre à une vieillesse dorée à ses côtés.

- Et son fils n'était pas d'accord avec ce projet ?

- Je suis un aventurier à ses yeux. Un type venu pressurer sa mère. J'admets que la richesse d'Héloïse est tentante, mais ce n'est pas tout.

- Vous l'aimez ?

- Si je vous réponds, depuis mes vingt ans, cela fera cliché, non ? »

Poirot se mit à rire doucement, la lumière faisait briller ses yeux émeraudes.

« En effet.

- Alors, je vous passe le cliché.

- Donc vous allez l'épouser ?

- Je vous enverrais un faire-part de mariage, M. Poirot. »

Un nouveau rire. Et M. Walle regagna son compartiment.

Des larmes, des yeux brillant de douleur. Une bonne actrice ? Ou une malheureuse mère en proie au chagrin ? Même Poirot avait du mal à trancher. En tout cas, la baronne de La Tour-Mirepoix avait perdu de sa superbe. Elle parlait d'une voix brisée, soumise à toutes les questions, elle répondait à tout. Elle avoua sa liaison avec M. Walle, elle raconta les années à se cacher de son fils pour se retrouver avec son ancien fiancé quelques heures. Elle se leva pour marcher et prouver qu'elle n'était pas handicapée.

« Pourquoi cette comédie, madame ?, fit Poirot, d'une voix pleine de reproche mais toujours douce.

- Mon fils veut...voulait me faire enfermer dans un sanatorium, M. Poirot. Il a eu vent de ma liaison avec Robert...M. Walle. Il voulait y mettre fin !

- En vous faisant enfermer ?

- Il pensait que j'étais devenue folle. J'ai décidé de lui pourrir la vie. Afin qu'il me laisse enfin vivre la mienne. J'ai soixante-dix ans, M. Poirot ! Je mérite quelques années de liberté. Non ?

- Et votre fils refusait cela ?

- Il avait peur que je ne le déshérite, admit la baronne. J'ai même rendu plusieurs visites à mon notaire. Pour prouver que j'étais saine d'esprit et que j'avais une arme contre lui.

- Vous vouliez le faire ?

- Je l'ai menacé de le faire ! Je voulais qu'il me laisse en paix ! Il n'était pas question de le faire ! Dieu ! C'était mon fils ! »

Et il y eut une nouvelle séance de larmes et Poirot attendit patiemment qu'elles se tarissent.

« Et Mme Peguet ? »

Là, le visage de la baronne refléta de la rancœur. Mauvaise idée face à Poirot !

« Une punaise, M. Poirot ! Une femme mariée qui pousse mon fils à la faute. Qu'elle divorce et nous en reparlerons ! »

Elle était en colère mais ses yeux brillaient de larmes. Poirot eut un sourire apaisant.

« Vous buvez de la tisane, madame ?

- En effet. Pour mes nerfs.

- Mettez-vous un calmant dedans ? Ou un somnifère ?

- Oui, en effet. Mais comment savez-vous que...

- Pourriez-vous m'apporter vos médicaments, madame ? Je vous prie !

- Bien sûr. »

Elle fut surprise de la requête. Elle devait ignorer comment son fils était mort en réalité. M. Raymond, sur un geste discret de Poirot, la suivit jusque dans son compartiment. Il était certain que la vue de son fils, mort, toujours étendu sur le lit, un drap sur le corps, allait renouveler les larmes. Mais Poirot tentait une petite expérience.

Avant de quitter le wagon-restaurant, la baronne se tourna vers le Belge, gênée et murmura :

« Je ne pensais pas un seul mot de ce que j'ai dit, M. Poirot, que ce soit à propos des Belges, des Russes ou des Français. Je voulais juste être la pire mère possible pour mon fils. Lui gâcher le moindre instant de ce voyage. Son père a combattu sur le front, lui aussi.

- Je comprends, madame. »

Un dernier sourire mais qui ne se reflétait pas dans les yeux verts, glacés, du détective.

Le temps du déjeuner fut une pause appréciée par tous. La baronne, à la vue de son fils, était tombée en pâmoison. Elle se reposait dans le compartiment de Mme Peguet. Cette idée faisait sourire Poirot, sachant le passif de ces deux femmes maintenant.

Donc, hormis la baronne, tout le monde était assis à table, devant un copieux déjeuner, de soles à l'oseille et de pommes vapeur. Le tout accompagné d'un Chardonnay de qualité.

Mlle Grey hésita quelques minutes avant de s'asseoir devant Poirot, un peu incertaine.

« Vous allez bien ?, demanda-t-elle en souriant gentiment.

- Et vous ? »

Le sourire répondit au sourire. Le dialogue se faisait surtout par les yeux. Comment vas-tu ? Tu m'as manqué ! Reviens vite !

« Je vais bien, mais il me manque des histoires de pont pour bien dormir. »

Poirot rit doucement, il rêvait de poser sa main sur celle de la jeune fille. Il en avait furieusement envie. Finalement, il n'en fit rien et elle non plus. Ils se contentèrent d'une conversation neutre sur les paysages traversés. Les plaines d'Europe de l'Est. On descendait vers Istanbul. On revenait au Train Bleu, perdant toute la familiarité accumulée jusqu'ici. Poirot en était atterré, mais il comprenait. Enfin, toute cette comédie finie, Mlle Grey se leva et salua à nouveau le détective.

Peut-être ce soir...

Le wagon-restaurant vide, Poirot se pencha sur le contenu de la mallette à médicaments de la baronne de La Tour-Mirepoix que M. Raymond lui avait apportée. Il fouilla avec soin et examina les multiples cachets. Enfin, il découvrit ce qu'il voulait.

Il avait compris. Il ne restait qu'une journée de voyage pour finaliser la chose.

Poirot se décida à se lever et retourna fouiller avec soin le compartiment de M. et Mme de La Tour-Mirepoix.

Ceci fait, il prévint M. Raymond qu'il libérait le wagon-restaurant et que tout le monde pouvait venir en profiter. Lui-même préférait rester dans son compartiment et s'étendre quelques heures pour réfléchir...et faire marcher ses petites cellules grises...

Il devait réfléchir pour faire le lien et rassembler toutes les petites perles qu'il avait découvertes afin d'achever son collier.

M. El Kalaï était un homme méthodique, il ressemblait en cela beaucoup à l'inspecteur-principal Japp. Il lui fallait du concret. A Poirot de le lui proposer.

Mlle Grey ne resta pas avec lui. Elle savait par son expérience du Train Bleu que le détective voulait du calme et du silence. Elle quitta leur compartiment dés l'arrivée du petit Belge.

Combien elle se trompait ! Poirot ne rêvait que de ses lèvres !

Un après-midi de réflexion pour le détective tandis que les autres passagers discutaient entre eux de la mort du jeune baron. On ne savait pas pour Mme Peguet ou M. Walle donc les langues ne se déchaînaient pas. Par contre, on commentait l'attitude du célèbre détective, on le jugeait un peu trop désinvolte... Il allait falloir certainement attendre l'arrivée à Istanbul pour que de vrais policiers gèrent cette affaire. Seule Mlle Grey le défendit avec ardeur, on la contempla en souriant avec amusement...avec compassion...

Le soir, Poirot rejoignit tout le monde. Il fut accueilli par un Cyril, très bien dans son rôle de Russe excentrique et familier.

« Ha vous voilà Poirot ! Vous nous avez manqué, cher ami !

- Vraiment ? Ce matin, il m'a semblé que vous étiez plutôt content de ne plus me voir.

- Ce matin était ce matin. Maintenant, vous voilà parmi nous. »

Un rire, un peu forcé. Poirot était dangereux.

« Alors M. Poirot ?, demanda Wassili en examinant le petit Belge avec suspicion. Et ce tueur ?

- Des pistes, cher Wassili. Je vous dirai tout demain.

- Comment cela demain ?, répéta Mme Renaud, stupéfiée.

- Demain. Ce soir, j'ai besoin de me reposer et de reposer mes petites cellules grises. »

Poirot sourit. On se détendit mais on restait ébahi...un peu sceptique aussi... Le petit Belge devait faire preuve d'arrogance et de vantardise. Les Belges devaient être un peu comme les Français en fait.

On dîna, une délicieuse soupe de champignons et une poularde sauce Grand Veneur. On joua, Poirot s'essaya au backgammon contre Mlle Grey. Il n'avait qu'une envie, se plonger dans les yeux noisette de la jeune femme. Elle lui avait manqué tout ce jour. On discuta, même si ce fut difficile de ne pas évoquer la mort du baron de La Tour-Mirepoix.

Et ce fut la nuit. Poirot voulut se coucher le premier. Il était fatigué. Dés qu'il se leva, il aperçut les yeux de Mlle Grey posés sur lui avec insistance.

Peut-être ce soir ?

Mais ce fut sans compter sur M. Raymond.

Il vint chercher M. Poirot avec un regard affolé. Le détective le suivit. Ne voulant pas se retourner pour regarder encore une fois sa nièce.

Dieu ! La journée avait été longue ! La nuit le serait aussi !

Mme la baronne de La Tour-Mirepoix était revenue de son évanouissement. Elle était maintenant dans le compartiment de M. Walle. A ses côtés se tenait d'ailleurs ce dernier, farouche et protecteur. Il jouait sa place de mari dans cette affaire.

« M. Poirot ! Je voulais vous voir !, s'écria la pauvre femme en lui tendant les mains.

- Madame !, » répondit gentiment le petit Belge, lui saisissant les doigts avec douceur.

Elle semblait vraiment soulagée, elle désirait tellement lui parler. Elle le fit s'asseoir sur la couchette avant de lancer l'ordre à son amant de quitter le compartiment. Le vétéran hésitait puis lui obéit.

Sa place de mari !

« Que se passe-t-il madame la baronne ?

- Je sais maintenant que mon fils est mort empoisonné. Je voudrais savoir si vous avez trouvé le tueur ?

- Madame. Ces choses demandent du temps. Il...

- Ce sont pourtant mes médicaments qui ont servi, n'est-ce-pas ?

- Je ne sais pas, madame.

- A-t-il pris de l'arsenic ? »

Elle s'énervait de voir ce petit homme si maniéré refuser de lui répondre clairement.

« Peut-être madame. Aucune autopsie n'a été faite.

- J'ai de l'arsenic ! »

Elle prit sa mallette de médicaments que Raymond lui avait ramenée plus tôt dans la journée et l'ouvrit fébrilement. Elle sortit une petite boîte de carton remplie de pilules blanches.

« Ceci c'est de l'arsenic !

- Vous avez de l'arsenic sur vous, madame ?

- Pour mon cœur. C'est mon médecin qui me l'a prescrite. Je suis cardiaque, M. Poirot, lorsque mon cœur a des palpitations, je prends une pilule.

- Ces doses sont mortelles ?

- Pour une personne comme moi, non. Je suis mithridatisée, comme dit mon médecin. Le docteur Sheppard. Mais pour une personne normale... Je ne sais pas...

- Vous me faites penser à l'affaire James Maybrick, madame. C'était l'excuse donnée par Florence Maybrick pour obtenir l'indulgence du jury. »

La vieille femme baissa la tête, intimidée.

« Il est vrai que je prends ce traitement depuis des années. Je ne sais pas si un jour je mourrais d'une surdose. Je suis vieille. Cela a le mérite d'apaiser mon cœur. Que demander de plus à mon âge ? »

Poirot regardait la baronne de La Tour-Mirepoix et cherchait ses intentions. Que voulait-elle exactement ? Faire pencher la balance du côté d'un accident ? D'un suicide ? D'un meurtre déguisé de telle façon que la faute en retombe sur elle ?

Le détective décida qu'il voulait en entendre plus et se mit à sourire, comme un chat jouant avec une souris.

« Votre fils connaissait-il l'existence de ce médicament ?

- Non ! Il aurait été horrifié d'apprendre que je me drogue !

- Vous pensez qu'il a voulu se servir lui-même dans votre mallette ? Il disait qu'il avait mal à la tête !

- Les analgésiques sont dans cette boîte. »

Elle lui tendit une autre boîte en carton. Même couleur, même taille. Les pilules se ressemblaient, seule la forme était différente mais c'était un détail tellement anodin. Invisible pour un néophyte. Poirot contempla tout cela et ne perdit pas son sourire.

Cela ne faisait que confirmer ce qu'il pensait. Même si ce n'était pas ainsi qu'il avait prévu que les choses devaient se dérouler. On pouvait encore le surprendre !

« Hé bien, merci madame. Je vais vous laisser... »

Puis sur une dernière idée, le détective lança, tout à coup très sérieux :

« Prenez garde à vous madame, avec ces médicaments en votre possession. Voulez-vous me confier la mallette ?

- Non, M. Poirot. Ce n'est pas la peine. Robert va veiller sur moi. »

Poirot se retrouva dans le couloir du train. M. Walle était là, seul et le regard sombre.

« Maintenant vous savez ! Le plus lourd secret d'Héloïse.

- Cela fait longtemps qu'elle prend de l'arsenic ?

- Il n'y a pas d'arsenic dans ses pilules, M. Poirot, soupira l'homme avec lassitude.

- Comment cela ?

- Il n'y en a jamais eu mais Héloïse était tellement persuadée que son cœur était en train de mourir que le docteur Sheppard lui a prescrit un placebo. Ce n'est qu'un peu de valériane. Bien sûr à très fortes doses, cela peut se révéler mortel mais ce sont des doses infinitésimales. Même si Louis avait pris toute la boîte, il ne serait pas mort empoisonné.

- Comment le savez-vous ?

- Le docteur Sheppard est mon médecin aussi et mon ami. Il a beaucoup joué pour notre rapprochement, Héloïse et moi. Il l'a toujours défendue. Et soignée.

- Bien. Merci M. Walle. Retournez près de votre fiancée. Elle est bien malheureuse.

- Elle aimait son fils. Même si elle ne le montrait pas toujours. »

M. Walle disparut. La porte du compartiment claqua. Poirot se retrouva seul dans le couloir à son tour.

Il sortit une fine cigarette russe. Réfléchissant.

Il resta là quelques minutes avant de se décider à retrouver M. Raymond. Il fallait assurer la suite de l'affaire. Le chef du train fut surpris de la demande du détective mais acquiesça et promit de s'en charger au prochain arrêt du train. L'Orient-Express s'arrêtait régulièrement le long de son parcours, des étapes d'une demie heure pour remplir la chaudière, charger du combustible. On allait simplement prévenir la police de Warna d'être présente sur les lieux lors de l'arrêt à Warna.

Ceci fait, Poirot se permit enfin d'aller dans son compartiment. Il était fatigué.

Il voulait dormir.

Mlle Grey n'était pas là. Elle ne devait pas vouloir déranger le célèbre détective Hercule Poirot.

Poirot n'avait jamais autant haï ce qu'il était que cette nuit-là.

Il prit la résolution d'attendre la jeune femme.

Il s'endormit assez rapidement.

Lorsque Mlle Grey s'étendit à ses côtés. Poirot dormait depuis longtemps et ne sentit pas le petit baiser que la jeune femme déposa sur son front.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro