J'ouvre les yeux.
Quelques grains de poussière millénaire tombent de mes cils. Je ferme les paupières.
Juste une seconde, une éternité.
Je tente de ressentir ce qui m'entoure.
Écouter les ondes.
Le moment présent.

Tout est silencieux.
Les clameurs d'en bas ne peuvent atteindre mon sanctuaire.
Pourtant je les perçois, plus fortes que jamais, inaudibles et dénuées de beauté.
Et puis il y a le son de la première trompette qui domine le tumulte.
Appel si puissant qu'il ébranle ma tour.
Je reconnais ce signe. Il annonce la fin du monde.
Ma vie entière dédiée à cet instant.

Je me lève, sans bruit.
Ne pas troubler le silence. Jamais. Pas même aujourd'hui.
Mes trois frères dorment encore. Ce n'est pas mon devoir de les éveiller.
Je me laisse tomber de l'autel où je reposais. Nuage de poussière.
Je m'éloigne en creusant derrière moi un chemin de pas feutrés.

Dehors, l'herbe chatouille mes pieds nus et le soleil m'éblouit.
Mais je ne peux profiter de ces sensations inouïes.
Je poursuis mon chemin. Sans m'arrêter.
Au passage, j'attrape mon glaive fiché dans une stèle. Frottement de métal contre la pierre.
Nul besoin de vérifier, sa lame est toujours acérée.

J'arrive aux confins du monde.
Du moins celui où je vivais.
Au bord de la falaise, je prends le temps d'examiner.
Rien que des nuages sombres.
L'obscurité.
Je ferme les yeux et tombe.

Sans hésiter.

C'est la fin du monde.
Le soleil vient à peine de se lever.