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- Prophète -


Colonie humaine Néoparis XV, amas globulaire Margyall II.

Temps Unifié : 504 apr. LE* - datation antique : février 3023


Un peu plus de bleu.

Mon doigt glisse sur l'écran, sélectionne dans la palette virtuelle un outre-mer ombré d'un beau noir brillant. On dirait du velours, tout doux, tout profond.

— Encore moins de rose, suggère Gal.

J'entends Sébeh renifler son désaccord dans mon cou. Je souris. Gal aime les teintes froides et les clartés lunaires. Les nuits sombres pailletées d'étoiles et les reflets d'argent sur les robes des licornes. Sébeh préfère les explosions de couleurs, les flammes des soleils qui réchauffent et les planètes funambules qui dansent dans la lumière.

Moi, j'aime quand elles sont là toutes les deux, penchées par-dessus mon épaule, à observer et commenter mon travail. À se chamailler parce qu'elles ne sont pas d'accord. Et à éclater de rire, ensuite, parce que je me débrouille toujours pour ne pas faire complètement comme elles veulent.

T'as raison Art, dira finalement Sébeh – ou Gal. Fais comme tu le sens, c'est ton dessin après tout !

Je lève les yeux de ma tablette pour observer le portail. Il flotte dans l'espace à plusieurs kilomètres de nous, séparé de la bulle transparente du terminal par la longue enfilade des quais d'appontage, mais la structure est si imposante que je n'ai aucune difficulté à en distinguer les détails. Malgré la distance, j'arrive même à percevoir les variations des courants quantiques qui l'animent. Des tas de friselis de couleurs changeantes qui ondulent et ruissellent autour de l'anneau central.

Mais ça, c'est à cause de ma synesthésie. Pour moi, le temps et l'espace sont des couleurs qui me montrent comment ils vibrent, se déforment, évoluent. C'est parce que je suis un neuroA sensoriel multimodal, on m'a dit quand j'ai passé les tests d'entrée à l'académie.

Pas grave, pas dangereux. Juste, je vois les choses différemment des autres. C'est pour ça que je suis un bon digital painter. Et aussi que je peux deviner certaines choses. Là, par exemple, si je me concentre sur le portail, je sais que le train va arriver. C'est le vert bordé de rose au centre de l'anneau et les petits points dorés qui crépitent en bordure qui me le disent.

Je replonge le nez vers ma peinture, faut pas que je rate ce tableau. Mon tatouage facial connecte mon cortex visuel au programme graphique de ma tablette, il augmente ma vitesse d'exécution. Je sens le frémissement des datas qui s'écoulent le long de mes doigts. Très vite, je trace les lignes directrices, préfigure les volumes et les couleurs et puis, je masque le calque pour ne le révéler qu'au bon moment.

Là-bas, le portail s'illumine d'un saumon orangé. Tout le monde peut le voir, maintenant, même si je l'ai perçu une milliseconde avant les autres. Je compte dans ma tête. Ça, les nombres, c'est aussi un truc que j'aime bien. Quatre, trois, deux, un... Mon doigt effleure l'écran, matérialisant la silhouette fuselée du train à l'instant exact où il jaillit pour de vrai à travers l'anneau.

— Wouah ! s'exclament en même temps Gal et Sébeh.

— Wouaaahhh ! clame en écho la trentaine de Néos derrière nous.

Mais eux, ce n'est pas ma toile qui provoque leurs cris enthousiastes. C'est le spectacle bien réel du Trans Spatial Express qui fuse le long des champs magnétiques de guidage comme une flèche de métal acérée avant de s'immobiliser, majestueux et imposant, entre les quais. Ils le contemplent, agglutinés sur la plate-forme d'observation, ébahis, le nez collé à la verrière avec un mélange de stupeur, de ravissement et d'appréhension.

Sébeh, Gal et moi échangeons un regard entendu. On pense à la même chose, tous les trois. On pense qu'on était pareils, il y a quatre ans, quand les Maîtraires de l'académie sont venus nous chercher sur notre colonie de Kerantis IV. On avait tous regardé des holos des trans-spatiaux, on savait à peu près à quoi ressemblait un portail, mais on l'avait jamais vu en vrai. On n'avait jamais pris le train.

On se souvient de ce sentiment d'admiration et de fierté, d'excitation pimentée de crainte. Parce qu'on partait, qu'on quittait nos familles et notre environnement familier. Parce qu'on était des grands et qu'on allait découvrir l'univers, voir des soleils bizarres se lever sur des mondes étrangers et devenir des citoyens du Grand Anneau.

Sûr qu'on devait avoir la même expression ébahie, les yeux écarquillés de stupeur et la bouche ouverte, avec un millier de questions au bord des lèvres.

— Wouah, qu'est-ce qu'il est grand !

— En quels matériaux il est fait ?

— Et la propulsion ?

— Est-ce qu'on verra le distorseur quantique ?

— Est-ce que c'est dangereux ?

— On va sentir quelque chose ?

— Quand est-ce qu'on embarque ?

— Ils sont mignons, commente Sébeh avec un sourire attendri.

Je hoche la tête. Nous autres, on connaît les réponses. Aux questions qu'ils se posent maintenant et aussi à certaines de celles qu'ils découvriront plus tard. C'est pour ça qu'on est là, tous les trois. Pour les rassurer dans ce moment si important pour eux. Pour leur expliquer et leur rappeler pourquoi, à l'âge de six ans, tous les enfants humains doivent intégrer l'académie : pour apprendre à s'interroger et à chercher des réponses.

Debout au milieu du groupe dans sa toge ivoire impeccable, Maîtraire Lyanhkin lève la main pour ramener le calme.

— Nous devons attendre que les manœuvres et les opérations de maintenance soient achevées avant de monter à bord, indique-t-iel en désignant les essaims de drones qui se pressent à présent autour du train. Ne vous inquiétez pas, nous serons prévenus quand nous pourrons embarquer. En attendant...

D'un geste à la fois bienveillant et impérieux, iel rassemble son troupeau et le guide vers nous. Iel s'arrête derrière moi, se penche légèrement par-dessus mon épaule. Sa longue natte blond-gris me chatouille la joue.

— Très belle représentation, Arthus, me félicite-t-iel, comme d'habitude.

Iel s'empare de ma tablette et la lève en direction des Néos.

— Savez-vous pourquoi le cadet Arthus a immortalisé cet instant ? s'enquiert-iel.

Trente paires d'yeux se rivent sur mon dessin. J'y lis de l'admiration, de la surprise, de la curiosité, de l'hésitation. Aucun n'ose prendre la parole le premier de peur de dire une bêtise.

— Euh... Parce qu'il aime dessiner des trains ? se risque à proposer l'un des enfants.

— Ça c'est sûr ! ne peut se retenir de pouffer Sébeh.

D'un imperceptible froncement de sourcils, Maîtraire Lyanhkin la rappelle discrètement à l'ordre.

— Réponse intéressante, accorde-t-iel, mais pourquoi ?

— Parce que... les trains, c'est important ! s'enhardit le petit, non sans rougir jusqu'aux oreilles.

— En effet ! Les trains sont importants. Mais pas seulement pour le cadet Arthus. Ils le sont pour nous tous, pour l'ensemble de l'espèce humaine. Quelqu'un peut me dire pourquoi ?

Les jeunes Néos s'entre regardent, perplexes. Je sens que la réponse leur paraît évidente dans toute sa simplicité, mais elle l'est tellement que personne n'ose la formuler.

— Mon grand-père, il dit que c'est grâce à eux qu'on peut aller partout dans l'univers, se lance une fillette à la peau brune.

Le visage impassible de notre mentor s'illumine de satisfaction.

— Tout à fait, ton grand-père a entièrement raison ! Le voyage trans-spatial a permis à notre espèce de s'affranchir des limites étroites de notre monde d'origine, de découvrir et de coloniser de nouvelles planètes. Grâce aux trains, des millions de personnes peuvent voyager, se connaître et rester connectées entre elles. Savez-vous ce qui a rendu ce miracle possible ?

Cette fois, les doigts se lèvent sans la moindre hésitation. La réponse fuse.

— Les courants quantiques !

— Oui, opine Maîtraire Lyanhkin, leur découverte fut déterminante, assurément. Mais elle ne fut pas la seule. Il a fallu de nombreuses étapes, des grands sauts et des petits pas avant que l'Humanité ne trouve le chemin des étoiles.

Iel marque une pause, scrute les visages attentifs des enfants, hausse légèrement les épaules.

— En fait, reprend-iel, il faudrait remonter très très loin dans le passé. Au tout début de l'Histoire, il y a des milliers d'années. Car le voyage trans-spatial est l'aboutissement d'une longue évolution, la nôtre et celle des connaissances humaines, mais...

Nouvelle pause.

— Ce serait beaucoup trop long à raconter ! Nous serions déjà arrivés à l'académie avant même d'avoir évoqué le dixième de l'histoire. Commençons donc plus près de nous, au début du vingt et unième siècle, quand un physicien terrien nommé Omnionis eut l'idée de réinterpréter la théorie des super-cordes...

Durant plusieurs minutes, Maîtraire Lyanhkin rappelle les événements marquants qui ponctuèrent les progrès du voyage interstellaire. Depuis l'intuition d'Omnionis, qui devait conduire un siècle plus tard à démontrer l'existence des courants quantiques, jusqu'à la fondation de la communauté du Grand Anneau. En passant par l'invention des distorseurs d'espace-temps, l'identification de la mutation Chandhury qui permit aux dériveurs d'établir la cartographie précise des routes astrales et l'expédition vers Alpha du Centaure du célèbre Horizon, le tout premier navire trans-spatial. À la fin de son exposé, une petite main se lève timidement dans l'assistance.

— Mais, Maîtraire, entre le moment où ce professeur terrien a eu l'intuition des courants quantiques et celui de la fondation du Grand Anneau, il s'est passé plus de dix siècles ! Pourquoi est-ce que ça a pris tout ce temps ?

— Parce que le monde ne se fait pas en un jour, mon petit. L'évolution procède de nombreux facteurs, d'intuitions, de hasards, de bonds en avant et parfois... de retours en arrière. Pour que les choses progressent, il faut que bien des conditions soient réunies.

Le gamin fronce les sourcils d'un air concentré. Visiblement l'explication ne le convainc pas totalement.

— Quand même, insiste-t-il, c'est dommage ! Si ça avait été plus vite, peut-être que l'Humanité n'aurait pas autant souffert...

Un silence lourd de gravité accueille les paroles du garçon. Quels que soient nos âges ou notre expérience, on le sait tous ici – on l'apprend dès notre premier souffle – nous sommes des survivants. L'espèce humaine a failli disparaître quand le vieux monde s'est retrouvé au bord du gouffre à cause du réchauffement climatique et de l'effondrement des anciennes civilisations. Une longue agonie qui précéda la renaissance et la migration vers Andromède. Et ce n'est pas pour rien qu'on appelle cette période les Siècles Sombres.

— Peut-être... concède Maîtraire Lyanhkin avec un sourire un peu triste. Mais cela, nous l'ignorons. Notre Histoire est ce qu'elle est et nous ne saurons jamais ce qu'il serait advenu si le passé s'était déroulé différemment. Réjouissons-nous plutôt que quelques prophètes visionnaires aient su nous guider à temps sur le bon chemin.

Iel se penche vers moi pour me rendre ma tablette. Du coin de l'œil, j'aperçois le halo vert pâle qui auréole brièvement son tatouage facial. Iel se redresse, écarte les bras en direction des enfants pour les rassembler.

— Le centre de contrôle vient de m'avertir que les opérations techniques sont achevées, annonce-t-iel, nous pouvons rejoindre le portique d'embarquement. Tout le monde active son implant NaviG !

Un frisson d'anticipation joyeuse parcourt aussitôt les rangs des Néos, balayant le fantôme pesant des Siècles Sombres. Tous se hâtent dans le sillage de Maîtraire Lyanhkin qui s'éloigne déjà en direction du tube de transfert. Gal et Sébeh ferment la marche, fières et rayonnantes dans leurs uniformes de cadets.

Je reste un instant en arrière, les yeux fixés sur le portail et la silhouette du train. Dans ma mémoire flotte une étrange conjonction de possibles. Omnionis n'avait pas toutes les données. Il ne lui manquait pourtant pas grand-chose pour faire gagner plusieurs siècles à l'Humanité. Quelques équations supplémentaires, juste un brouillard de nombres...

— Hé Art, qu'est-ce que tu fiches ? On y va !

La voix de Gal me parvient, lointaine et dissociée, comme surgie d'un futur étranger. Je baisse les yeux sur ma tablette, contemple la représentation du train jaillissant du portail dans la lumière mêlée de deux soleils jumeaux.

— J'arrive ! je réponds.

Sous le dessin chatoyant, je trace impulsivement la formule mathématique de la Temporalité Relative avant d'éteindre mon écran.

À toi de jouer, Arwin.



* apr. LE : après L'Expansion



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