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- Devin -




Héliopolis, Basse Egypte.

2674 av. J.C.


— Es-tu prêt, Nourethep ?

La voix accroche ma conscience. Autour de moi, le monde se redessine.

Les sons. La lente mélopée des prêtresses d'Hathor achevant la prière du soir. Les meuglements des bêtes dans les enclos du temple, les cris des oiseaux aux plumages éclatants qui vrillent l'air brûlant, prémices au sacrifice.

Les odeurs. Le parfum balsamique des myrtes, exalté par la chaleur du jour, celui des encens enveloppant les autels, du pain qui cuit dans les fours, des viandes qui rôtissent en vue du banquet.

J'ouvre les yeux.

Les couleurs. Rê, majestueux, plonge vers le couchant dans un flamboiement d'or rouge. Sa lumière chatoyante inonde les toits de reflets dorés. Au loin, une fine bande de brume irisée marque la ligne du fleuve : le Nil au puissant delta, qui s'évase pour épouser la mer.

Je perçois la rumeur de la ville, vibrante, électrique, toute chargée d'impatience pour les heures à venir. En ce jour, Pharaon consacre aux dieux son fils premier né.

— C'est l'heure !

Je relève la tête, devant moi se tient le Grand Prêtre. Son visage exprime toute sa sagesse et son habituelle bienveillance, mais une légère pellicule de sueur perle sur son crâne lisse et son torse orné du collier ousekh, ses épaules se voûtent sous le poids de la fatigue. Depuis le début du jour, il a mené les processions d'un temple à l'autre, présidé à toutes les cérémonies afin d'appeler la protection des dieux sur le jeune prince. Il reste encore un rite à accomplir, le dernier de cette journée mémorable. Celui-là m'incombe.

Parce que je suis la Voix, le pont entre les mondes, l'incarnation du Heka*. Celui qui ouvre les portes de la Douât** et marche librement sur ses chemins ombreux, choisi pour lire le livre des dieux et guider les Hommes selon leur volonté. Je suis le Devin Royal, le Sacrificateur.

Ce soir, par ma bouche, Pharaon connaîtra le destin de son héritier et l'Egypte entreverra son avenir.

— Je suis prêt.

Le Grand Prêtre hoche la tête et fait signe aux servantes. L'une dépose sur mes épaules le long manteau rituel et rabat le capuchon sur mon front, l'autre en agrafe le col avec la fibule ornée de l'œil oudjat. Le vieil homme se charge lui-même de fixer à ma ceinture le couteau sacrificiel dans son fourreau d'or ciselé.

Nouveau signe. Les gardes du temple et les musiciens s'assemblent en cortège pour nous ouvrir la voie. La procession s'ébranle. Le battement des tambours et le tintement des cymbales ruissellent sur les murs lisses des couloirs, répondent aux vibrations de mes pas. Boum, boum, boum. Un-deux-trois. 

Je puise l'équilibre dans leur rythme ternaire, dans la symétrie des pierres, dans l'alignement parfait des dalles. Dans les flammes prismatiques des torches et les hexagones volatiles des molécules de parfum. L'harmonie géométrique du monde m'enveloppe, m'appelle vers la transe. 

L'arche aux montants rectilignes, gravée de glyphes. L'escorte s'écarte, le Grand Prêtre s'efface pour me céder le passage. Devant moi s'étire l'esplanade du temple et la pierre d'autel en son exact milieu. Parallélépipède de marbre noir sur rectangle de marbre blanc. Géométrie, encore. De chaque côté, les diagonales des gradins convergent vers le tétraèdre tronqué de la tribune royale où siège Pharaon, entouré de ses épouses et de ses ministres. Symétrie, toujours.

L'ordonnance et la pureté des lignes apaisent mon esprit. J'oublie l'agitation et la clameur de la foule entassée sur les degrés de pierre, les centaines d'yeux fixés sur moi. La paix arithmétique chasse l'anarchie des visages mobiles et des silhouettes chamarrées tremblantes dans la lueur des torches ; je ne vois plus que la victime promise au sacrifice, entravée de chaînes d'argent.

Je m'avance vers elle, concentré sur l'équilibre parfait de sa structure. Le front triangulaire, couronnée par l'ellipse des cornes, le cube massif du poitrail, la ligne rude de l'échine, l'octogone de la croupe. Le bœuf. Blanc, lumineux, nimbé de l'aura laiteuse de Khonsou. Distingué par Pharaon lui-même parmi les nombreuses bêtes offertes par la caste des éleveurs. 

Un bon choix.

Mon regard plonge dans l'ovale docile de ses prunelles, y accroche l'étincelle des dieux. D'entre mes lèvres s'échappe la prière rituelle, apaisante. Sous mes doigts, le flux de la vie frémit le long de l'encolure tiède. La veine palpitante, deux paumes sous l'angle de la mâchoire. Le poids du couteau alourdit ma main, mon bras se lève.

La lame frappe, précise, ajustée. Accordée à l'équilibre des choses, elle vibre des harmoniques célestes. Le sang jaillit, trace les sillons du destin sur la robe immaculée et la pierre d'autel. Rouge sur blanc, blanc sur noir, rouge sur noir. La bête s'écroule. 

La lame vole, fend la poitrine et l'abdomen, animée d'une vie propre. Elle ne m'appartient plus. Je regarde l'orbe palpitant du cœur cracher ses derniers sursauts mousseux, les méandres irisés des viscères dessiner l'avenir. Leur parfum aromatique s'élève vers le crépuscule, appelle les dieux. Lesquels répondront ? Lequel parlera ? 

Un souffle infime agite l'arène, brise de mer légère, respiration de l'au-delà. Les flammes des torches vacillent, la foule se tait. Des silhouettes éthérées s'assemblent autour de la dépouille. Bastet, Isis, Hathor, Thot le sage, Osiris l'harmonieux, Ptah l'architecte... Je suis seul à les voir, elles me parlent, me montrent le chemin.

Une terre féconde, le riche limon du fleuve, les récoltes abondantes sous la caresse de Rê. La lumière, la connaissance, la guérison. Heureux présages. Djezer a écouté, puisse son fils entendre à son tour. 

Une note discordante, des murmures acides. Un grincement, une faille, quelque part, dans l'harmonie du Tout. Des spectres de l'autre monde qui déferlent, attirés par l'odeur ferreuse du sang. Le mien se glace. Nombreux. Trop nombreux. Leur cercle se resserre, leur essence putréfiée me submerge, m'étouffe. Ils réclament et exigent. Du sang, plus de sang. 

Et puis s'écartent. Le cercle se rompt, un passage se creuse vers les tréfonds de la Douât, un seul s'avance et prend substance. Apophis, le Grand Serpent, environné de nuit, de mal et d'anarchie. Obscurité incarnée, force infâme nourrie de destruction. 

Il étend ses ailes pour prendre son envol sur la terre des Hommes, brasse l'air nauséabond chargé de pestilence, appelle à son service les âmes des trépassés, efface la frontière entre les vivants et les morts.

Hors des brumes épaisses du non-monde, une forme canine bondit à son tour. Anubis s'interpose, mufle dressé. Il découvre ses crocs, toise son adversaire, ses prunelles flamboient d'un feu dévorantLa mort ne peut plier, elle est son domaine, il revendique son dû. Tous deux se jaugent et s'affrontent. Le Chacal face au Serpent. 

— Tu n'as aucun droit de l'autre côté du fleuve, Seigneur du Chaos, énonce-t-il. Ceux qui sont morts doivent le rester, ils m'appartiennent. Nul ne doit bouleverser l'équilibre, ton règne n'est pas encore venu.

L'équilibre... 

Je ne comprends pas. Mais je sens. 

Quelque chose se prépare. Quelque chose de mauvais.

Pas maintenant, plus tard. Dans longtemps. 

Je n'y peux rien.

Pas encore.

Le Serpent hésite, s'affaisse, recule. Le Chacal croise ses bras sur sa poitrine de nuit, lèche ses babines noires de sa langue rouge. Il tourne vers moi sa tête aux oreilles effilées, son regard me transperce, son esprit me noie sous sa sagesse infinie. Sa gueule exhale un murmure. Un avertissement.

Redoute les ombres.



*Heka : divinité égyptienne qui personnifie la puissance magique

**Douât : monde souterrain dans lequel les éléments ne sont pas conditionnés par l'espace-temps. Séjour dans l'au-delà de l'âme des défunts

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