Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

7- D'une conteuse celtique et de neuro-divergence



Seine-Saint-Denis, Le Blanc Mesnil,

Institut Andromède.

Mercredi 3 février 2019


Veillant à préserver ses bottes et son équilibre, Soledad slalome avec prudence entre les tas de neige et les plaques de verglas qui jalonnent l'allée. Gelé dans son décor hivernal, le jardin de l'Institut Andromède évoque une Narnia frissonnante, pétrifiée par le souffle de la Sorcière Blanche. De temps à autre, un paquet de neige molle, ébranlé par les rafales d'un vent glacial, tombe des frondaisons et s'écrase au pied des arbres avec un bruit feutré.

— Vous venez pour l'atelier « Imaginaire », c'est ça ? a supposé la réceptionniste quelques minutes plus tôt. C'est vous, la conteuse celtique ?

Soledad a préféré profiter de la confusion au lieu d'inventer une raison valable à sa visite et s'est abstenue de la détromper.

— Monsieur Anagbi est dans le parc avec les enfants, lui a indiqué la jeune femme. Suivez l'allée derrière le bâtiment principal jusqu'à la ferme pédagogique. Vous ne pouvez pas vous tromper.

La fille n'a pas proposé de l'accompagner – la faute, sans doute, à son tailleur léger et à la flemme d'aller chercher un manteau – mais, à vrai dire, ça l'arrange. Elle ne tient pas à l'avoir sur le dos pour interroger l'enseignant.

L'idée de fouiner à l'Institut Andromède lui est venue à peine sortie du commissariat. Au premier abord, la corrélation entre les circonstances de la mort de Gruber et le rituel égyptien lui a paru bien mince. Elle aurait probablement qualifié ces vagues similitudes de simples coïncidences... si le texte n'avait pas été écrit par un enfant handicapé de douze ans.

Les étranges capacités de ces gosses avaient déjà piqué sa curiosité, mais dans le contexte de l'assassinat du psychiatre, elles l'intriguent de plus en plus. Il règne autour de cette affaire une atmosphère particulière, comme une aura de mystère, qui a réactivé son radar à bizarreries. Son intuition lui souffle la possibilité d'un lien et elle a appris depuis longtemps à faire confiance à son instinct. Elle ne peut plus se contenter de suppositions, elle doit vérifier par elle-même.

En apprendre davantage sur ces enfants, peut-être les observer... Et de toute façon, la convocation de la police l'a contrainte à annuler ses cours, elle a déjà perdu sa journée et n'a rien de mieux à faire. Autant profiter qu'elle est au Blanc Mesnil pour essayer de rencontrer les gamins. Hors de question de se retaper deux heures de transport en commun pour revenir un autre jour.

Évidemment, elle n'est pas certaine que le commandant Miljanic approuvera son initiative, mais elle a bien senti qu'il n'avait pour le moment pas grand-chose à se mettre sous la dent. Si elle découvre une piste intéressante, elle pourra toujours lui refiler le tuyau. Ce serait un bon prétexte pour reprendre contact... Elle remonte contre ses joues le col de son manteau et presse le pas, aiguillonnée par le froid et cette perspective. Elle doit l'avouer, celle-ci ne lui déplait pas.

Au-delà d'un bouquet de sapins aux airs de cornets de glaces renversés nappés de chantilly, elle perçoit des éclats de voix enfantines. De l'autre côté des conifères, c'est la « Petite Maison dans la Prairie » en mode hiver. Une cabane de rondins aux volets d'un rouge pimpant, flanquée d'une étable et d'un poulailler. Un potager minuscule dont les sillons moutonnent sous la courtepointe ouatée. Un enclos où quelques chèvres à longs poils fouillent la neige du bout du museau.

Plusieurs enfants s'accrochent à la clôture et observent les animaux avec des petits cris. D'autres contemplent avec fascination leurs empreintes imprimées dans la poudreuse. Parmi eux, un jeune homme, accroupi auprès d'une petite fille, tente de lui remettre sa doudoune.

— Tu ne dois pas enlever ton manteau, Alaïs, explique-t-il d'un ton patient, il fait trop froid.

Soledad s'approche, aucun des gamins ne lui prête la moindre attention, pas un ne la suit du regard. Ils n'ont même pas l'air de l'avoir remarquée. D'un léger toussotement, elle signale sa présence.

— Monsieur Anagbi ?

L'instituteur relève vers elle une tête coiffée d'un bonnet d'où émergent les pointes de ses dreadlocks. Il esquisse un sourire bien vite remplacé par une expression de surprise.

— Euh oui... Vous êtes qui ?

— Pas votre conteuse celtique, sourit-elle, même si je connais la plupart des langues celtes et des légendes qui s'y rattachent. Docteur Del Pozzo, je travaillais avec le docteur Gruber.

Le regard interloqué du jeune homme erre de la pointe de ses bottes à sa chevelure flamboyante, ses lèvres charnues s'entrouvrent avec perplexité. Un soupçon de tristesse voile ses iris bruns à la mention du psychiatre.

— Ah oui, le docteur Gruber... C'est horrible, ce qui lui est arrivé ! Vous êtes une de ses consœurs, alors ? C'est vous qui allez reprendre le suivi des enfants ?

— Non, non, absolument pas ! Je suis linguiste. Le docteur m'avait sollicitée pour traduire des textes en langues anciennes. Ceux que, selon lui, certains de vos élèves auraient écrits.

Léger sursaut, infime crispation des épaules. Le visage avenant d'Anagbi s'assombrit brièvement. De l'étonnement teinté d'une pointe d'embarras.

— Oh ! J'ignorais qu'il avait fait appel à une spécialiste. Euh... en quoi puis-je vous être utile ?

L'instant décisif. Soit il lui répond, soit il la vire.

— Pour commencer, vous pourriez me dire d'où sortent ces textes ! se lance-t-elle. Franchement, je les ai expertisés et je peine à croire que des enfants atteints de troubles mentaux soient capables d'une telle précision calligraphique... et historique ! Je comptais demander des explications au docteur Gruber, mais il est mort et...

— Mes élèves ne souffrent pas de troubles mentaux, coupe-t-il sèchement, ils sont neuro-divergents ! Et pour ce qui est de ces textes, je peux vous assurer qu'ils en sont bien les auteurs, je les vois en écrire tous les jours !

Soledad retient un petit sourire satisfait, son approche directe et son indignation feinte ont payé. L'instituteur doit penser qu'elle croit s'être fait arnaquer et ne s'est pas interrogé davantage sur la légitimité de sa visite ni de ses questions. Et la spontanéité de sa réponse plaide pour lui. A priori, il n'a rien à cacher.

— Vous confirmez donc qu'ils sont bien à l'origine de ces textes ? insiste-t-elle.

— Absolument ! Noah, Vinojan, Clémence, Arwin... Ils n'arrêtent pas ! Même Alaïs s'y est mise aussi. Mais elle, elle fait plutôt dans la peinture préhistorique.

Sans doute alertée par la mention de son prénom, la petite blonde dont il s'occupait à son arrivée abandonne soudain ses tentatives pour rouvrir la fermeture éclair de son manteau. D'un geste vif, elle s'empare de la main du jeune homme et rive sur Soledad ses yeux bleu lavande. Bizarre.

Elle ne peut se défendre d'une pointe d'étonnement qu'elle renvoie bien vite à la niche d'une bonne claque mentale. Au diable les idées reçues sur les autistes, leur refus du contact physique et leur soi-disant regard fuyant ! D'ailleurs, rien ne dit que la gamine présente ce type de troubles.

— Depuis combien de temps font-ils ça ? reprend-elle.

— Environ quatre mois, je dirais. Ils ont commencé peu après la rentrée de septembre.

— Et comment vos élèves ont-ils pu apprendre à reproduire si parfaitement ces écritures anciennes ? Avec leurs parents ?

Anagbi se gratte la tête d'un air perplexe. Une ride de concentration barre son front brun.

— Tout est possible avec Internet, admet-il, mais ça m'étonnerait. N'y voyez aucun mépris de ma part, mais enfin... La plupart de ces familles ont des préoccupations plus triviales que l'étude de l'antiquité.

— À l'école, alors ?

— Ah ça, sûrement pas ! J'ai déjà assez de mal à leur apprendre à lire et à écrire le français !

Il laisse échapper un soupir, promène un instant sur son petit troupeau un regard empli de lassitude et poursuit d'un ton désabusé :

— Franchement, ça devient ingérable. Ils passent la moitié de leurs journées à dessiner et le reste du temps à baragouiner des trucs incompréhensibles, on ne peut plus rien tirer d'eux. Ce n'est pas comme ça qu'ils vont progresser ! Et ça risque d'être pire maintenant que le docteur Gruber n'est plus là. Sans soins adaptés...

— Bah, j'imagine qu'ils en reçoivent ici. Vous avez bien des thérapeutes à l'Institut ?

— Oui, bien sûr. Une équipe pluridisciplinaire, composée surtout de psychologues et d'éducateurs. Mais notre seul médecin, le docteur Nagamate... On ne peut pas dire qu'elle se préoccupe beaucoup de trouver un remède à leur comportement.

— Ah ? Comment ça se fait ?

— C'est une spécialiste des neuro-sciences. Elle mène des recherches sur le fonctionnement cognitif des personnes neuro-divergentes. Alors, évidemment, les capacités bizarres de ces enfants l'intéressent au plus haut point. Elle dit qu'il faut les laisser s'exprimer sans interférer afin de pouvoir les étudier. Sauf qu'en attendant, ils n'arrivent plus à se concentrer sur autre chose ! Déjà que leur niveau d'attention n'était pas terrible...

Dans ses paroles, Soledad perçoit toute la frustration du professeur.

— Je comprends, assure-t-elle, il doit être difficile d'enseigner à de tels enfants.

— Oh difficile... je ne dirais pas ça. À la base, on sait bien qu'ils n'apprennent pas comme tout le monde, il faut juste de la patience et adapter les méthodes. Mais le but, c'est quand même de leur transmettre un minimum de savoirs fondamentaux pour qu'ils puissent s'intégrer plus tard. Et avec ces cinq-là...

Il hausse les épaules et écarte les mains d'un geste découragé, lâchant celle de la petite Alaïs qui émet aussitôt un couinement réprobateur. L'un de ses camarades, un jeune garçon à la peau mate, occupé à tracer des arabesques dans la neige du bout des doigts, relève la tête et les regarde fixement.

— Enfin... reprend Anagbi avec un nouveau soupir. Grâce au ciel, tous mes élèves ne se comportent pas comme eux.

— Vous voulez dire qu'ils sont les seuls à avoir développé ce genre de talents ? Aucun autre enfant à l'Institut n'est capable de reproduire des écritures anciennes ?

— Non, encore heureux ! Il ne manquerait plus qu'ils se mettent tous à faire la même chose !

— C'est curieux. Qu'est-ce qui peut les différencier des autres pensionnaires ?

— Honnêtement, je n'en sais rien. Peut-être la nature de leur trouble, mais je ne suis pas médecin.

— À propos de médecin... il en pensait quoi, le docteur Gruber ? Avait-il trouvé une explication ?

— Pas à ma connaissance, mais ça l'intriguait beaucoup. Il m'avait contacté pour me poser des questions sur mes méthodes pédagogiques. Et aussi sur les prises en charge qu'ils avaient ici. À quels ateliers ils participaient, de quels types de thérapies complémentaires ils bénéficiaient, ce genre de choses... Heureusement qu'il les suivait tous. Au moins, lui, il essayait de trouver un moyen de contrôler un peu tout ça !

Soledad opine sobrement du chef, les propos de l'instituteur corroborent les quelques informations que lui avaient fournies Gruber.

Elle tourne la tête vers les enfants et réprime un sursaut. Pendant qu'ils discutaient, tous ont abandonné leurs activités et se sont sensiblement rapprochés. Ils ont perdu cette attitude vaguement déconnectée, comme plongés dans un autre monde, qu'ils affichaient à son arrivée et paraissent à présent figés dans une attention vigilante. Le plus âgé d'entre eux, en particulier, l'observe avec une acuité dérangeante. Elle croise son regard.

Vide et intense. Acéré et sans expression. Étrange.

Malaise. La température autour d'elle lui semble chuter brusquement, elle se surprend à frissonner. En hâte, elle rompt le contact visuel et cherche des yeux un autre point d'accroche. Émergeant du bosquet d'épinettes, une jeune femme emmitouflée descend l'allée dans leur direction. Sans doute la conteuse dont elle a « emprunté » l'identité à la réception. Mieux vaut ne pas s'attarder. Elle déglutit, frotte énergiquement ses mains l'une contre l'autre.

— Je crois que j'ai assez abusé de votre temps, Monsieur Anagbi, s'excuse-t-elle, merci d'avoir répondu à mes questions. C'était fort... instructif.

— Avec plaisir ! affirme l'enseignant d'un ton chaleureux. Si jamais vous en aviez d'autres, n'hésitez pas.

Soledad acquiesce d'un signe de tête ponctué de son plus charmant sourire. L'invitation est toujours bonne à prendre. Elle amorce un demi-tour, se ravise.

— Juste une dernière, alors ! En dehors de vos cinq... calligraphes, est-ce que le docteur Gruber s'occupait d'autres enfants de l'Institut ?

— Non, ils sont... ils étaient les seuls. Les autres sont suivis ailleurs, ou ils n'ont pas de thérapeute.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro