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34- D'une vérité et de masques qui tombent


Seine-Saint-Denis, Le Blanc Mesnil,

Institut Andromède.

Vendredi 12 février 2019


— Encore vous ! s'insurge Shiora Nagamate. Commandant Miljanic, je vous ai dit hier qu'il était inutile de...

— Silence ! intime Jannek.

Injonction superflue. La présence de Nadjet et d'une demi-douzaine de policiers en tenue dans le hall de l'institut a déjà suffi à lui faire fermer son clapet.

— Où est Jocelyn Anagbi ? interroge-t-il d'un ton impérieux.

— Dans sa classe, mais... Que se passe-t-il, encore ?

Il ignore sa question, lève deux doigts pour signifier à une partie de ses hommes de surveiller les issues et à l'autre de le suivre à l'étage. Ses jambes avalent avec avidité les marches et la longueur du couloir, le martèlement des semelles policières derrière lui répond aux pulsations accélérées de son cœur. Il touche au but. Sa main se pose sur la poignée.

Nadjet l'arrête d'un raclement de gorge.

— Heu, Patron... les enfants sont avec lui, on devrait peut-être...

Il hésite un instant, l'impatience le brûle et il ne croit pas une seconde que l'instituteur puisse s'en prendre aux gamins. Pour autant, un reste de rigueur professionnelle le contraint à dominer sa fébrilité. On n'est jamais trop prudent. Il avise la petite amie réceptionniste de son adjointe qui les a suivis et se tient derrière Nagamate avec un air effaré.

— Vous ! aboie-t-il. Venez avec nous et faites sortir les mômes !

— Allez-vous m'expliquez... s'interpose la directrice.

— Plus tard ! Lieutenant, ouvrez cette porte.

Nadjet lui renvoie un regard noir. Sans doute n'apprécie-t-elle guère qu'il implique ainsi sa nouvelle chérie. Mais il sait pouvoir compter sur son efficacité et surtout sur la confiance inébranlable qu'elle place en lui. Malgré sa réticence, elle s'empare du bras de sa copine, pousse la porte et pénètre dans la classe. Au milieu de la pièce, l'instituteur se penche au-dessus de ses élèves, occupé à les guider dans la réalisation d'un exercice. Il se redresse brusquement et recule, à l'évidence surpris par l'intrusion.

— Mais qu'est-ce que...

Sans lui laisser le temps de s'étonner davantage, Nadjet s'avance d'un pas résolu et frappe dans ses mains.

— C'est l'heure de la récréation, les enfants ! annonce-t-elle d'un ton enjoué. Shaïnez va vous conduire dans la cour. Allez hop, tout le monde dehors !

Les gamins lui prêtent à peine attention. Jannek se fige, conscient que c'est lui qu'ils regardent. Un regard insondable, silencieux, attentif. Malaisant. La petite Alaïs le fixe avec une intensité particulière. Il frissonne, le doute s'invite. Il inspire profondément, convoque le souvenir de leur échange de la veille. Les portes sont ouvertes, le choix lui appartient. Il n'a qu'un pas à faire. Il l'a déjà fait. Cette réalité est la sienne, celle qu'il a décidé de forger.

La fillette secoue doucement la tête, hausse les épaules et, finalement, se lève d'un bond.

— Ouaaaaiiis, la récré ! s'écrie-t-elle en se précipitant vers la réceptionniste.

Comme en réponse à un signal, les autres l'imitent aussitôt. Ils défilent devant lui, impassibles. Noah le frôle, s'arrête. Il lui tend une feuille pliée où se devinent les contours d'un coloriage - sans doute celui qu'il était en train de faire - puis rejoint ses camarades. Au moment de franchir la porte, il se retourne. Jannek éprouve le sentiment de contempler l'une de ces idoles millénaires dont les yeux noirs semblent deux puits sans fond ouverts sur les abysses du temps. Le visage du garçon arbore un rictus qui le glace.

Il s'ébroue, s'efforce de juguler l'anxiété qui le mine, glisse hâtivement le dessin dans sa poche. Se concentrer sur l'instant présent. Il fait volte-face vers l'enseignant et demande sans préambule :

— Monsieur Anagbi, vous connaissez Léni Belladj ?

— Léni ? Euh... Oui, c'est un des jeunes qui habitent aux Tilleuls, mais pourquoi...

— En effet, coupe Jannek, un de ces ados que leurs parents ne surveillent pas assez et qui passent leur temps à traîner dans la cité. C'était le cas samedi soir, après la fête de quartier. Il est resté dehors très tard avec ses copains et quand il s'est décidé à rentrer chez lui vers deux heures du matin, il est passé devant l'appartement d'Idrissa.

Il marque une pause, observe l'instituteur en quête d'un signe de tension, mais son visage n'exprime pour le moment que l'incompréhension. Apparemment, il ne voit pas du tout où il veut en venir.

— Il y avait encore de la lumière chez le vieux monsieur, poursuit-il, ça l'a intrigué. Il est curieux, Léni. Le rideau du salon était mal tiré, il a jeté un œil et savez-vous ce qu'il a vu ?

— Je... Mon oncle en transe, je suppose. Il avait pris les Herbes...

— Vous n'y êtes pas ! Votre oncle s'apprêtait à accomplir son rituel, en effet, mais à ce moment-là, il était parfaitement conscient. Et il n'était pas seul. Vous étiez avec lui et vous vous disputiez violemment !

— Que... quoi ? Mais... Non !

— Inutile de nier, Léni vous a vu ! Il affirme que vous étiez furieux et menaçant. Méga vénère, comme il dit. C'est vous qui avez agressé votre oncle, Monsieur Anagbi ? Et qui avez mis le feu à son appartement ?

Cette fois, Jocelyn n'a pu réprimer un sursaut, ses yeux s'écarquillent de stupeur incrédule.

— Mais, mais... Jamais de la vie ! C'est... c'est Léni qui vous a raconté ça ?

— Non, réplique Jannek sèchement, Léni est un enfant des Tilleuls, on lui a appris à ne pas se mêler des embrouilles des voisins. Il a filé avant que vous ne passiez à l'acte et s'est dépêché de rentrer chez lui. Mais quand il a appris pour Idrissa, il a fait le lien. Il est retourné fouiner dans l'appartement et il a mis la main sur l'arme du crime. Lieutenant, la pièce à conviction, je vous prie !

Sans enthousiasme, Nadjet s'exécute néanmoins et lui tend la griffe de jardin, fraîchement revenue du labo et soigneusement emballée dans son sachet transparent. Il l'exhibe sous le nez de l'enseignant d'un geste un peu théâtral.

— Un outil de jardinage, déclame-t-il, tout à fait ordinaire. Mais, au passage, parfaitement semblable à ceux que vous utilisez pour vos ateliers à la ferme pédagogique de l'institut. Nous l'avons fait analyser, bien sûr...

Il s'interrompt de nouveau, ménager ses effets.

— Le laboratoire y a trouvé le sang de votre oncle, reprend-il, mais aussi les traces d'un second ADN très voisin du sien. Celui d'un proche parent, forcément. Probablement le vôtre, Monsieur Anagbi. Vous vous êtes servi de cette griffe !

Le jeune homme émet un hoquet et se laisse choir sur l'une des chaises d'écolier, en apparence anéanti. Un bon comédien...

— Peu... peut-être, balbutie-t-il, si c'est une de celles de la ferme... Mais pas pour agresser oncle Idrissa, ce n'est pas moi ! Et puis, n'importe qui a pu la prendre !

— Sauf que vous, vous avez un mobile !

L'instituteur secoue vigoureusement la tête dans un geste de dénégation atterrée.

— C'est... c'est insensé ! Quel mobile ? Pourquoi est-ce que j'aurais tenté de tuer mon oncle ? Enfin, demandez-lui, il vous dira que...

Les paupières plissées, Jannek le fixe et laisse échapper un soupir.

— Évidemment que je lui ai demandé ! Réinterroger votre oncle est la première chose que j'ai faite. Bien sûr, il continue à dire qu'il ne souvient de rien, qu'il n'a pas vu son agresseur. Et sur ce point, il est peut-être sincère. Je suppose que vous avez attendu qu'il ait fumé ses herbes et soit inconscient pour agir...

— Mais...

— Et, bien sûr, il a commencé par nier votre altercation. Mais, confronté au témoignage de Léni, il a bien été forcé de reconnaître que vous étiez venu le voir. Ainsi que le motif de votre dispute : les Alternautes. Et votre conviction qu'ils sont dangereux !

— Les Alternautes ! s'exclame derrière eux une voix incrédule. C'est impossible, voyons ! Jocelyn ignore tout de...

Jannek se retourne et toise placidement le docteur Nagamate, campée sur le seuil de la classe. Visiblement, elle n'a pu s'empêcher d'épier la conversation. Tant mieux ! Jouer la grande scène de la révélation devant les suspects rassemblés, comme dans les meilleurs whodunits, ça reste un vieux fantasme pour n'importe quel flic.

— De l'existence des Alternautes ? s'enquiert-il. Et de leurs pouvoirs particuliers ? Détrompez-vous, docteur, il est parfaitement au courant. Et pas uniquement depuis la prestation d'Alaïs, samedi soir.

Il s'interrompt un instant pour jeter un coup d'œil à Nadjet qui le fixe d'un air ahuri. Est-ce son allusion aux Alternautes qui la surprend à ce point ? Ou la manière fort peu réglementaire dont il confronte l'enseignant en présence de la directrice sans plus aucun respect des procédures ? Sans doute aurait-il dû contenir son impatience et attendre d'être revenu au commissariat, mais il n'a pas le choix. Il n'a pas le temps... Il doit aller au bout de sa démonstration.

— À vos yeux, poursuit-il à l'intention de Nagamate, Monsieur Anagbi est un charmant garçon, instruit, bien intégré. Un enseignant compétent, dévoué à ses élèves. Il ne ferait pas de mal à une mouche...

— Évidemment !

— Mais c'est aussi un jeune homme élevé dans le respect de ses aînés et de leurs croyances. Et donc, en dépit de son vernis occidental, imprégné depuis l'enfance de culture traditionnelle.

— Et alors ? L'attachement envers ses proches et sa culture d'origine n'est pas un crime, que je sache ! s'insurge l'Asiatique.

— Certes, mais quand deux cultures se rencontrent, il arrive que cela provoque certains... dysfonctionnements. Une âme perdue entre deux mondes, c'est Idrissa lui-même qui l'a dit. Il parlait de vous, Anagbi !

— Mais... non, je...

— Quand les enfants ont commencé à manifester leurs étranges talents, vous en avez fait part à votre oncle. Trop heureux de transmettre son savoir de griot, Idrissa vous a parlé des Alternautes et de leur pouvoir d'influencer le destin de l'Humanité. Et cette part de vous, conditionnée à admettre le surnaturel, avait envie de le croire.

— C'est absurde ! Je ne crois pas à ces histoires de...

— Mais vous doutiez encore, alors vous avez espionné votre patronne et vous avez découvert ses travaux. Qu'une scientifique reconnue adhère elle aussi à cette théorie a achevé de convaincre votre côté rationnel que le pouvoir des Alternautes existait bel et bien.

— Que... Bien sûr que non ! Je ne savais même pas que le docteur travaillait sur...

— Bien sûr que si ! Et quand vous avez compris qu'elle et Chandhury cherchaient le moyen de contrôler ce pouvoir, vous avez estimé qu'il était beaucoup trop dangereux pour le laisser entre les mains d'un petit groupe d'initiés. Vous avez décidé de faire éclater la vérité au grand jour.

— La... vérité... souffle péniblement l'instituteur.

— Oui ! Seulement, comment y parvenir ? Personne ne vous aurait cru, le docteur Nagamate et Pradesh Chandhury se seraient empressés de nier, votre parole n'aurait pas fait le poids contre celles d'un homme puissant et d'une scientifique renommée. Et c'est là que vous avez pété les plombs...

Nouvelle pause. Jannek prend une grande inspiration. Dernier acte. Ou presque.

— Il fallait un coup d'éclat pour que le monde admette cette vérité. Alors, vous avez tué Gruber en vous inspirant du texte de Noah ! Vous saviez qu'il s'intéressait aux écrits des enfants, que nous finirions par le découvrir et par remarquer les similitudes. Vous avez récidivé avec Geneviève Leclerc, puis avec votre oncle. Une série de meurtres barbares, inspirés par les visions de ces créatures, vous espériez que cela suffirait à alerter sur leur dangerosité potentielle !

Un cri étranglé résonne, Jocelyn Anagbi le fixe, les yeux exorbités. Son visage a pris une couleur de cendre et une fine pellicule de sueur perle à son front.

— C'est faux ! proteste-t-il. Vous délirez ! Je suis innocent, je n'ai tué personne !

— Oh si ! affirme Jannek, imperturbable. Je pense que vous aviez prévu de faire accuser votre patronne. De la faire passer pour une fanatique sous l'emprise des enfants, convaincue qu'elle devait mettre en œuvre leurs « prédictions ». Mais votre oncle a commencé à se douter de quelque chose et vous avez dû improviser. Malheureusement pour vous, Léni vous a vu !

De la poche de son blouson, il tire sa paire de menottes, se dirige vers l'enseignant hagard et consulte ostensiblement son portable.

— Jocelyn Anagbi, énonce-t-il d'une voix monocorde, nous sommes le 12 février 2019, il est 08h53. À compter de cet instant, vous êtes placé en garde à vue pour homicide et tentative d'homicide sur les personnes du docteur Philippe Gruber, de Mademoiselle Geneviève Leclerc et d'Idrissa Doucoure.

Avec un claquement sec, les bracelets se referment sur les poignets du jeune homme.

— Et maintenant, ajoute-t-il avec une expression féroce, vous allez me dire ce que vous avez fait de Soledad !


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