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32- D'onirisme et de réalités




Quelque part.

Jeudi 11 février 2019


Soledad court. Au milieu d'une sorte de bois, planté d'arbres pétrifiés qui tendent en travers du chemin leurs branches tortueuses hérissées d'épines. Devant, il lui semble apercevoir les grilles du jardin du Père-Lachaise. Mais ce n'est pas le parc qu'elle connait, celui où elle a l'habitude de faire son jogging. Il n'y a pas de neige, le sol semble recouvert d'une fine couche de cendres. Il devrait y avoir de la neige...

Elle franchit les grilles. Paris également a changé. Ce n'est plus Paris, elle reconnaît cette commune de Seine Saint Denis où vivent les Alternautes. Il fait nuit. Vers le nord, à l'emplacement du Forum, le ciel est d'un gris rouge malsain, comme si une fournaise infernale consumait le cœur de la ville. Intuitivement, elle y décèle la source de cette force malveillante qui a commencé à se répandre et à s'infiltrer partout. Elle doit s'en éloigner, fuir le plus loin possible. Pourtant ses pas la conduisent droit vers elle, incapable de résister à son attraction morbide.

Le Forum brûle d'un feu surnaturel. Un enfant égyptien vêtu d'un chendjit*, crâne rasé et yeux cernés de khôl, émerge de l'incendie. Il s'avance vers elle, les bras tendus.

— Noah ?

Ses traits ondulent et se déforment, son ombre s'allonge, s'étire. À sa place, au milieu du parvis, se tient la bête. Un loup noir monstrueux aux prunelles rouges, entouré de dizaines de silhouettes figées comme des statues de lave, le visage déformé, la bouche ouverte dans un rictus d'effroi. Soledad les entend hurler dans sa tête. Des cris d'épouvante, qui expriment toute l'horreur que contemplent leurs yeux vides

Le fauve tourne lentement son mufle dans sa direction, comme s'il flairait sa présence. Il bondit vers elle, molosse hybride au corps humain puissant et musculeux, surmonté d'une tête canine aux oreilles pointues et à la gueule effilée. Anubis le dieu chacal, le dispensateur d'oubli, qui génère les ténèbres et la destruction. Elle brandit, dérisoire, sa bombe d'autodéfense. Le monstre ricane sous les volutes de poussière noire.

Puis s'efface. Au-dessus d'elle, un jeune homme lève à présent une lame ensanglantée. Il ressemble au gardien de l'hôpital psychiatrique. Il ressemble à Jannek.

Soledad hurle. Sa poitrine se brise, son cœur explose.

Une boule de neige s'écrase sur son visage. D'un revers de main, elle essuie la fine pellicule cristalline. Jannek est là, à quelques mètres d'elle, appuyé à un tronc d'arbre mort. Avec des gestes méticuleux, il aiguise un couteau de chasse, un sourire serein au coin des lèvres.

— Jannek !

Il ne répond pas, se lève et lui tourne le dos. À travers les carreaux givrés d'une salle de classe, il observe Jocelyn Anagbi qui donne un cours de jardinage à ses élèves et lui jette une boulette de papier. Un chat hérissé déambule sur l'appui de la fenêtre, lui lance un coup de griffe au passage.

Avec un gémissement, Soledad entrouvre les yeux. Une sueur glacée lui trempe la nuque et coule entre ses seins. Son cœur bat à tout rompre. Lentement, le mirage tourmenté se dissipe. Pourtant, l'atmosphère visqueuse et oppressante qui faisait la substance de son rêve n'a pas disparu. L'air est lourd et humide, à la fois étouffant et glacial.

Elle est toujours engluée dans cette obscurité épaisse que perce à peine le mince rai de lumière tombant du soupirail plusieurs mètres au dessus d'elle. Inaccessible.

Depuis combien de temps est-elle là ? Des heures, des jours ? Il y a une éternité qu'elle a perdu le compte, prisonnière de cette boucle de Moebius dans laquelle elle oscille inexorablement entre le rêve et une réalité cauchemardesque. Elle a depuis longtemps renoncé à crier, elle n'en a plus la force. Sa gorge ne produit plus que des râles d'épuisement et aucun son audible ne parvient à franchir ses lèvres desséchées.

Dans un ultime effort, Soledad rampe vers le minuscule regard creusé au milieu de la pièce. Il est bien trop étroit pour quelle puisse s'y glisser, mais elle peut y passer le bras. En dessous, il y a de l'eau. Une eau froide et piquante qui apaise un temps la brûlure de la soif. Astringente comme celle des sources qui descendent du Burkhan Khaldun...

Une nouvelle vision la submerge, une steppe infinie et déserte, balayée par le blizzard. Une adolescente, montée sur un grand cheval, galope les cheveux au vent.

— Kè Léi !

Inutile. Personne ne peut l'entendre, pas plus les morts que les vivants.

La traduction du texte de Clémence a disparu. Son carnet de notes n'est plus dans son sac, elle l'a constaté quand elle l'a fouillé à son premier réveil pour y chercher son portable. Un détail... Maintenant, elle sait ce qu'il signifie.

Elle devrait renoncer à boire, cela ne fait que prolonger son agonie. Car il est évident qu'elle va mourir. Comme les Qyats, emmurés dans la tombe de Gengis. Lentement, dans le silence obscur de cette parodie historique mise en scène par un fou.

Jannek s'est trompé, son piège n'a pas fonctionné. Le docteur Nagamate ne sera pas la prochaine victime, le tueur s'est choisi une autre cible.

Elle l'a compris depuis longtemps, jamais elle ne pourra sortir sans aide de ce puits. Son agresseur le savait parfaitement, comme il ne pouvait ignorer les tourments qu'elle devrait endurer. Elle n'a plus qu'à prier que le froid l'engourdisse. Que son organisme, terrassé par la privation de nourriture et la déshydratation, s'assoupisse dans une bienfaisante inconscience.

Que le défilé de spectres qui bruissent et s'agitent dans son esprit se dilue finalement dans les ténèbres du sommeil. Que cessent ces visions nées de sa propre angoisse, nourries par le désespoir, l'épuisement et la terreur. Qu'elle s'endorme, enfin, bercée par de doux rêves.

Se laisser aller... Un sourire, un baiser...

Un tintement, comme un bruit de chaînes, loin au dessus. Un grincement, le raclement du métal sur la pierre, un pas lent qui marche sur les graviers.

Une silhouette évanescente, nimbée d'une brume laiteuse. Carcasse voûtée d'un vieil homme en tenue africaine. Il s'assoit près d'elle, sur un banc surgi de nulle part ; penché en avant, ses mains squelettiques jointes sur le pommeau d'une canne torsadée, il la contemple d'un regard bienveillant et triste. Soledad se redresse avec peine, cligne des paupières, secoue la tête.

— Ce n'est pas vrai, souffle-t-elle, vous n'êtes pas là, vous n'êtes pas réel.

— Tu as raison, Docteur, tel que je suis, je n'existe pas. Pas plus que toi.

— Que...

— Toi et moi ne sommes que des échos, des reflets, des fantasmes... De simples traces dans une mémoire qui nous a invoqués pour écrire une version de l'histoire. Destinées à disparaître quand la route à suivre est choisie. Rien n'est figé, tout est écrit, les Alternautes décident de la juste place des choses.

La planète se fissure. Au firmament, des étoiles meurent et d'autres naissent. Des nébuleuses fusionnent, des supernovas illuminent la nuit de leur éclat fugace. Des mondes se percutent, des êtres naissent et d'autres meurent. 

Soledad se rallonge, apaisée. Le vieux a raison, elle le comprend à présent. Elle n'est qu'un fantôme dans l'esprit de celui qui l'a convoquée, juste pour jouer un rôle dans une histoire qui n'est pas la sienne. Un nuage, un assemblage de brume. Un reflet, un possible... 

Elle n'a rien à craindre. Elle ne peut mourir puisqu'elle n'existe pas. 

Un visage se penche vers le sien.

— C'est toi...

— Tout va bien, murmure Jannek, c'est presque terminé.

Elle ferme les yeux.

Il fait toujours beau au-dessus des nuages... 

Une main chaude se pose sur sa gorge. Son souffle ralentit ; comme les flocons de neige dissous par un vent trop tiède, elle s'efface.



*chendjit : sorte de pagne égyptien 


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