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28- D'une dispute et d'un pacte avec le diable




Paris,

Appartement de Soledad Del Pozzo.

Mercredi 10 février 2019


— Tu as fait quoi ?

— Je lui ai accordé un délai.

— Mais...

Debout au milieu du salon, les bras ballants, Soledad ouvre et referme la bouche avec une grimace effarée. Le « Tu plaisantes ? » incrédule qu'elle s'apprêtait à prononcer lui reste coincé dans le fond de la gorge. À considérer Jannek Miljanic, vautré sur son canapé dans une attitude pleine d'assurance, il lui semble évident qu'il ne plaisante pas.

En lieu et place de la question triviale, un sifflement exaspéré franchit ses lèvres. Déjà que son départ furtif après leur nuit torride, sans la réveiller ni même lui laisser un petit mot, l'a passablement agacée... À présent, elle se demande ce qui l'irrite le plus : qu'il ait interrogé Nagamate sans elle ou qu'il ait le culot de se re pointer ensuite comme une fleur pour l'informer, de ce ton autoritaire qu'elle déteste, qu'il a décidé de la laisser en liberté.

À moins que ce soit sa manière désinvolte de prendre possession de son divan comme s'il était chez lui.

C'est ce que tu voulais, non ? Assume !

— Aurais-tu l'obligeance de m'expliquer ? grince-t-elle en se posant dans son fauteuil préféré.

Au moins, il n'a pas eu le mauvais goût de se l'approprier.

— Expliquer quoi ?

— Pourquoi tu t'es abstenu d'arrêter cette bonne femme !

— Je n'ai pas jugé opportun de le faire. Objectivement, il n'y a pas grand chose à lui reprocher.

— Ah non ? Elle dissimule des installations chelous dans son sous-sol...

— Un aquarium tropical et des fauteuils de relaxation.

— Elle avoue littéralement mener des expériences secrètes sur ses patients...

— Des protocoles de soin basés sur la méditation et le contrôle sensoriel. Des méthodes thérapeutiques reconnues et largement utilisées en psychiatrie depuis des lustres.

— Elle t'agresse, te drogue et je parie qu'elle t'aurait éliminé si tu n'avais pas réussi à te libérer !

— Elle n'aurait pas couru le risque de faire disparaître un flic, elle n'est pas stupide ! Et je ne crois pas qu'elle ait eu l'intention d'aller jusque là, elle voulait simplement m'obliger à l'écouter.

À chaque aller-retour de ce ping pong verbal, Soledad se crispe un peu plus. Évidemment, il a réponse à tout ! Elle s'en était pourtant doutée, ce type veut toujours avoir le dernier mot, le genre à s'accrocher à ses certitudes comme une moule à son rocher. C'est peut-être un bon amant, mais ça ne l'empêche pas d'être psychorigide. Elle pourrait discuter des heures, jamais il ne reconnaîtra qu'il s'est trompé !

— Elle... elle s'apprête à changer le futur ! lâche-t-elle à court d'arguments.

— Et alors ? Est-ce que ça serait une si mauvaise chose ?

— T'es pas sérieux, là ?

Elle le dévisage, outrée. Les mains croisées sous la nuque, il fixe le plafond, les traits floutés d'une expression étrange et le regard vide, comme embrouillé par un quelconque hypnotique. Au fond d'elle, la stupeur se teinte d'une pointe d'inquiétude, une petite sonnette d'alarme qu'elle s'empresse pourtant d'étouffer sous une répartie narquoise.

— Cette folle t'as jeté un sort, ou quoi ? T'as déjà oublié ce que nous a expliqué Idrissa ?

Il tourne la tête vers elle, se redresse, cale ses reins au fond du canapé et la scrute à son tour, les poings serrés sur ses genoux. En une fraction de seconde, ses iris bleu glacier retrouvent leur acuité et son visage la rigidité presque militaire de l'enquêteur déterminé.

— Non, justement ! réplique-t-il. Le vieux pense que la moindre déviation du cours de l'Histoire risque de provoquer la fin du monde et il n'est peut-être pas le seul.

— Qu'est-ce que...

— Le docteur Nagamate croit que l'assassin de Gruber partage cette conviction. Selon elle, il a commis ses meurtres en s'inspirant des textes pour attirer mon attention sur les enfants, et par conséquent sur ses activités. Il espérait que j'y mette un terme.

— Bah, pour le coup, c'est sûrement ce que tu devrais faire ! ronchonne Soledad, morose.

— Je ne crois pas, non. Si j'arrête Nagamate maintenant, le tueur estimera sans doute qu'il a atteint son but. Il disparaîtra dans la nature et ne sera jamais démasqué. Pire, des innocents risquent de payer pour ses crimes !

— Mais de quoi tu parles ? Quels innocents ?

— Mon adjointe a établi que Gruber perturbait les trafics aux Tilleuls, elle est convaincue que c'est à cause de ça qu'il a été tué...

— C'est une idée qui en vaut bien une autre, et alors ?

— Alors, qu'est-ce que tu crois ? Ni l'opinion publique, ni ma hiérarchie n'accepteront que l'affaire Gruber finisse au rayon des cold cases ! Les petits délinquants de la cité feront des coupables idéaux. Si je ne réussis pas à mettre la main sur le véritable assassin, ce sont eux qui porteront le chapeau !

— Euh... ce sont quand même des dealers, relève Soledad, aussi perplexe que surprise de ses réticences.

— Non, ce sont des gosses !

Elle sursaute. Le ton est dur, presque agressif. Les poings se serrent un peu plus sur les cuisses raidies. Le torrent de ses yeux se trouble brusquement d'une ombre crépusculaire. Perché sur une commode à l'autre bout du salon, le siamois se redresse et crache sa réprobation, le poil hérissé.

Elle calme l'animal d'un geste impatient ; décidément, Miljanic n'a pas la cote avec ce chat. Khephren a déjà failli lui sauter à la gorge, hier, quand il l'a ramenée chez elle après leur visite à Idrissa et qu'il a commencé à l'embrasser au milieu du salon. Elle a même dû exiler le félin sur le balcon pour avoir la paix. Il s'est enfui par les toits et n'a pas reparu de la nuit, sans doute occupé à partager avec les matous du Père-Lachaise sa piètre opinion de l'intrus.

— C'est... ma famille, gronde Jannek, les mâchoires contractées.

Soledad fronce les sourcils, le timbre est redevenu sourd, la voix emplie de lassitude, de fragilité. Elle repense à leur nuit, à ce tatouage au bas de son dos. Deux mots en serbe, séparés par une vilaine cicatrice, qu'elle n'a eu aucune peine à traduire. Mrtav, Život. La mort, la vie... Elle lui a demandé ce qu'ils signifiaient pour lui, bien sûr. Il s'est livré. Un peu. Le massacre des siens, la milice, la vengeance, une vieille blessure récoltée au combat...

Sa famille - celle des Tilleuls - d'adoption. L'exil, un nouveau départ... Elle peut comprendre, oui. Sans doute que n'importe qui, ayant vécu ce qu'il a vécu, aurait envie de transformer la réalité.

— Je dois les protéger, murmure-t-il, comme j'aurais dû protéger Nikola. Je ne peux pas les laisser payer le prix de mon...

— Qui est Nikola ? demande-t-elle. Un des gamins de la cité ?

Il exhale un soupir, les yeux de nouveau dans le vague.

— Non, c'est mon frère... répond-il, perdu, en apparence, à des années-lumière de là. Il est... Il ne s'est jamais remis, il est interné à l'hôpital de Ville Evrard depuis plus de dix ans.

Les prunelles de Soledad se dilatent de surprise, quelque chose gonfle au fond de sa poitrine, un flot de compassion, une vague d'empathie. Intuitivement, elle devine. La faille, la blessure originelle. Elle se lève, le rejoint sur le canapé, pose sa main sur la sienne.

— Je... je suis désolée. Tu veux en parler ?

Trop vite, trop direct. Il se cabre, s'écarte d'un mouvement brusque.

— Il n'y a rien à en dire, lâche-t-il sèchement.

Elle se mord la lèvre inférieure, encaisse la rebuffade avec dignité et ravale sa frustration. D'accord, qu'il garde ses traumas pour lui, bien cachés sous une épaisse couche de déni ! Sans doute qu'entre eux, il est encore trop tôt. Hors de question, toutefois, qu'il la laisse en dehors du reste.

— Bon, alors, reprend-elle, on fait quoi pour Nagamate ?

Au son de sa voix, Jannek émerge de son obscurité et semble redécouvrir sa présence. Ses paupières se plissent, ses lèvres s'adoucissent d'un sourire vaguement confus.

— Rien, énonce-t-il, on la laisse tranquille.

— Mais...

— Quand le tueur constatera que rien ne bouge du côté de Nagamate, il comprendra que sa tentative pour me pousser à l'arrêter a échoué. Il se manifestera de nouveau et j'aurais une chance de l'identifier.

— Tu... tu n'espères quand même pas qu'il commette un nouveau meurtre pour te convaincre ! s'offusque-t-elle.

— Non ! Bien sûr que non ! J'espère qu'il décidera de régler lui-même le problème et qu'il s'en prendra directement à elle.

— Quoi ! Tu comptes utiliser Nagamate comme appât ?

— C'est le plan, en effet. Nous en avons discuté et elle est d'accord.

— D'accord ? hoquette Soledad, incrédule. Elle a accepté de risquer sa vie ? C'est bien ce que je pensais, cette femme est folle !

— Disons qu'elle n'a pas trop le choix si elle veut que je la laisse poursuivre ses travaux. Mais ne t'inquiète pas, j'ai aussi promis de la protéger.

La protéger... Elle ne peut se retenir de frissonner. Elle ne doute pas de ses compétences et sait bien que certains flics usent parfois de méthodes borderline pour coincer les suspects, mais tout de même... Mettre délibérément quelqu'un en danger ! Une désagréable sensation l'envahit, le sentiment impalpable qu'il lui cache quelque chose, que ses ombres pourraient le déborder, qu'il serait prêt à conclure un pacte avec le diable lui-même pour arriver à ses fins.

Elle secoue la tête, tente de chasser le malaise. Sans doute a-t-elle besoin de s'éloigner un moment, de réfléchir. Tout a été si vite, finalement... Elle se lève, s'empare de son manteau, de sa besace et du grand sac en papier au logo de Mariage Frères posé sur la table du salon.

— Tu vas où ? s'enquiert Jannek.

— Voir Idrissa ! J'ai promis de passer prendre de ses nouvelles et de lui apporter du thé. Et puis... l'instituteur m'a rappelée ce matin, une de ses élèves a rédigé un nouveau texte et il souhaite me le montrer. On s'est donné rendez-vous à l'hôpital.

Il fronce les sourcils - un soupçon de déception, peut-être, altère brièvement ses traits - avant d'afficher de nouveau son masque impassible.

— Ah. Tu veux que je te dépose ?

Elle hésite, jette un regard à Khephren posté en sentinelle, une lueur mauvaise dans ses prunelles turquoise, acquiesce d'un signe de tête. Aucune envie d'affronter les transports en commun, encore moins de le laisser seul dans son appartement en tête à tête avec un chat au bout de sa vie.

En s'installant quelques minutes plus tard sur le siège passager de son véhicule de fonction, elle émet une exclamation réprobatrice et retire d'un geste agacé la boulette de papier plantée sur son talon aiguille.

— Franchement, tu devrais nettoyer ta voiture, grogne-t-elle, c'est une vraie poubelle !

— Je croyais que tu aimais les vieux papiers, glousse-t-il.

— Roule ! intime-t-elle les yeux au ciel, en glissant machinalement le feuillet dans son sac.

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