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25- De self-control et d'une cave bien gardée




Seine-Saint-Denis, Le Blanc Mesnil,

Institut Andromède.

Mercredi 10 février 2019


— J'avoue ne pas comprendre pourquoi vous souhaitez visiter à nouveau la chaufferie, Commandant, vous l'avez déjà examinée de fond en comble.

— Je dois encore vérifier certaines choses, réplique Jannek d'un ton sec, veuillez désactiver l'alarme, je vous prie.

Dans son tailleur de soie sauvage gris perle, Shiora Nagamate arbore l'aisance raffinée d'un top modèle. Élégante, sophistiquée, sûre d'elle. Empreinte malgré tout d'une certaine raideur, témoin de son embarras. En dépit du contrôle presque parfait qu'elle affiche, son timbre glacial, sa mine fermée et la tension de ses épaules expriment clairement l'agacement que suscite son intrusion.

Jannek réprime un sourire satisfait. C'est bien dans l'espoir de la déstabiliser qu'il l'a cueillie au petit matin, dès son arrivée à l'institut, sans même lui laisser le temps de revêtir sa blouse de médecin.

— S'il s'agit de contrôler la sécurité de l'établissement, l'équipe technique s'est déjà assurée que tout était en ordre et...

— L'alarme, Docteur !

L'Asiatique laisse échapper un infime soupir et glisse son badge dans le lecteur magnétique dissimulé dans l'ombre du chambranle.

— Si vous y tenez... lâche-t-elle avec un profond ennui.

Elle tend la main vers la poignée, il l'arrête d'un geste, ouvre lui-même la porte et la devance dans l'escalier étroit. L'éclairage à détecteur de mouvement s'active automatiquement, lui offrant depuis le sommet des marches une vision panoramique du local qu'il a déjà inspecté, en effet, la nuit de l'intrusion. Et qu'il a bien l'intention de repasser au peigne fin, maintenant qu'il sait ce qu'il doit chercher. 

Ce qu'il a décidé de chercher.

Soledad n'a pas voulu en démordre, Isha Chandhury est descendue ici. Mais ce n'est pas elle qui a déclenché l'alarme, preuve, a priori, qu'elle disposait d'un badge d'accès. Il est bien forcé d'envisager la question : qui, sinon Nagamate, aurait pu le lui remettre ? Et surtout, dans quel but ? Pourquoi cette gamine aurait-elle besoin de se rendre au sous-sol ? Pour s'y cacher ? Pour s'enfuir pas une issue dérobée au cas où elle serait repérée ?

Soledad en est persuadée. Elle pense que la neuropsychiatre mène des recherches secrètes sur les capacités des Alternautes et qu'elle veut dissimuler la présence de la jeune fille à l'institut. Elle ne s'est pas privée de le lui répéter lors des rares moments où ils n'étaient pas occupés à autre chose.

Son souffle se bloque, les échos de la veille s'invitent. Deux corps emmêlés, une chaleur, telle qu'il n'en avait plus connue depuis longtemps, torride, réconfortante. Des doigts fuselés sur sa peau. Un après-midi, une nuit... Apaisement. Issue.

Il bat des paupières, écarte - provisoirement - les images, occulte les souvenirs, en exhume d'autres. Un petit détail, enregistré machinalement lors de sa première visite, enfoui dans sa conscience sous les conclusions peut-être hâtives d'une inspection de routine. Son regard erre sur les silhouettes rutilantes des chaudières dressées, imposantes, au centre d'un vaste espace aussi ordonné et aseptisé qu'un bloc opératoire. Accroche l'échafaudage de caisses empilées derrière les cuves métalliques contre le mur du fond. L'amoncellement hétéroclite détonne clairement dans cet endroit méticuleusement rangé, il n'a rien à faire là.

Il dévale l'escalier et trace droit au but, empoigne le bric à brac d'une poigne vigoureuse, s'étonne un peu de la légèreté inattendue des contenants. Des cartons, vides pour la plupart, ou emplis de matériel de balnéothérapie. Ballons, planches de liège, tapis de mousse, entassés presque jusqu'au plafond dans un équilibre précaire.

Autant d'objets, encombrants mais faciles à manipuler, qu'une jeune femme pressée aurait pu tirer là à la hâte, sans risquer d'abimer ses ongles parfaitement manucurés. Un rempart en trompe l'œil destiné à... masquer au regard peu attentif d'un flic, dérangé en pleine nuit et à moitié endormi, la porte qui se trouve juste derrière. Jannek esquisse un rictus de satisfaction matoise.

— Où mène cette porte ? demande-t-il avec une feinte surprise.

— À une partie inutilisée du sous-sol, des salles vides que nous avons renoncé à exploiter. Pas assez lumineux.

— Du vide que vous protégez par des serrures électroniques dernier cri ? ironise-t-il en désignant le petit boîtier high-tech fixé sous la poignée.

— Il nous arrive parfois d'y entreposer du matériel. Mais nous voulons surtout éviter que les enfants ne s'y égarent par mégarde. Nos pensionnaires ont parfois des difficultés de repérage spatial et ils ne sont pas toujours conscients du danger.

— Admettons. Ouvrez !

— Je n'en vois pas la nécessité, Commandant. Il n'y a rien ici qui soit susceptible d'intéresser la police. J'avais cru comprendre que vous aviez des priorités plus... évidentes !

Jannek se crispe. Le message est clair : il serait bien avisé de se consacrer à la résolution de l'affaire Gruber plutôt que de perdre son temps à l'importuner. Incarnation parfaite de la maîtrise, Shiora Nagamate soutient son regard avec l'impassibilité et le détachement d'une statue de marbre et semble à mille lieues de se laisser impressionner.

Une hésitation fugace le saisit, et si Soledad se trompait, si cette femme n'avait strictement rien à se reprocher ? Si lui même faisait fausse route et était en train d'outrepasser ses droits ?

Sauf que... Sa surprise ennuyée en le voyant débarquer, tout à l'heure. Cette pointe de fébrilité - de panique ? - quand il a exigé de redescendre dans la chaufferie. Et là, cette discrète pâleur qui a brièvement altéré son teint lorsqu'il a mis à jour la porte cachée, cet infime tressaillement des paupières, la manière compulsive dont elle frotte l'ongle de son pouce contre la pulpe de son index... Il doit en convenir, elle possède un remarquable self-contrôle, mais ces petits signes, à peine perceptibles pour un œil moins exercé que le sien, n'en trahissent pas moins sa nervosité. Elle est loin d'être aussi à l'aise qu'elle voudrait le paraître.

— Ouvrez cette porte, Docteur ! Ou préférez-vous que je revienne avec un mandat de perquisition et un serrurier ?

— Faites comme bon vous semble ! grince le médecin d'un ton polaire. Monsieur Chandhury ne manquera pas d'apprécier votre... zèle. Je ne doute pas qu'il saura en féliciter votre hiérarchie.

La menace est à peine voilée, Jannek l'accueille pourtant avec un sourire. S'il y a une chose dont il n'a jamais rien eu à faire, c'est bien de mécontenter les puissants.

— Et moi, je ne doute pas qu'il sera ravi d'apprendre que vous gardez sa fille enfermée dans une cave ! claque-t-il. Et que vous utilisez son argent pour mener des recherches, disons... peu conventionnelles, sur les patients dont vous avez la charge.

Coup de bluff. Il n'a pas la moindre preuve, rien que les élucubrations d'un vieil homme et les supputations d'une jolie rousse. À cet instant précis, il prie pour qu'Idrissa Doucoure ne relève pas de l'asile et que Soledad ait vu juste.

— Monsieur Chandhury a peut-être le bras long, ajoute-t-il sèchement, mais nous sommes en France. Et ici, il existe des lois qui condamnent la maltraitance envers les enfants.

Contre toute attente, le teint de porcelaine de Shiora Nagamate vire au livide. L'espace d'un instant, Jannek s'imagine avoir fait mouche, être parvenu à fissurer son armure, à briser son flegme hautain. La seconde suivante, le furtif courant d'air sur sa nuque et les pupilles dilatées du médecin rivées par-dessus son épaule lui suggèrent son erreur. Ce ne sont pas ses réparties acerbes qui ont pulvérisé la belle assurance de la directrice.

Il fait volte-face, les doigts instinctivement crispés sur la crosse de son arme. Sur le seuil de la porte désormais ouverte, une adolescente aux longs cheveux noirs soyeux le fixe avec un regard transperçant.

En son for intérieur, Jannek exhale un soupir de soulagement. Soledad n'a pas halluciné, reste à savoir si le reste de ses déductions tient la route. Pour autant, la présence incongrue d'Isha Chandhury dans cette cave justifie ses investigations et l'autorise à mettre Nagamate sur le grill, c'est déjà ça.

— C'est qui, le Monsieur, chikitsak* Shiora ? demande la jeune fille en le lorgnant d'un œil craintif.

— Juste une connaissance, ma chérie ! s'empresse de la rassurer la neuropsychiatre d'un ton détaché. Il ne fait que passer, ne t'inquiète pas.

Même si elle s'évertue à conserver son sang froid, la lueur sombre de ses iris obliques en dit long sur son état d'esprit. Elle se retient visiblement de rabrouer la petite pour s'être manifestée au plus mauvais moment. À l'évidence, elle a mal mesuré l'imprévisibilité de sa patiente.

La gosse hoche vaguement la tête, la présence d'un inconnu ne l'a préoccupée qu'une demi-seconde et son esprit volatil s'est déjà tourné vers autre chose. Se désintéressant totalement de lui, elle tend au médecin une page manuscrite en expliquant qu'elle a perdu l'autre, mais que ce n'est pas grave parce qu'elle se souvient de tout. L'Asiatique y jette un bref regard avant de lui prendre le papier et d'approuver avec un sourire crispé :

— Oui, oui, c'est très bien. Je le garde, je le lirai tout à l'heure.

— Itzel dit que c'est important !

— Je n'en doute pas ! grince-t-elle. Mais là, je suis... occupée. Tu me raconteras plus tard.

Jannek fronce les sourcils, Itzel... C'est le nom de la prêtresse maya qui, selon Soledad, communique avec la gamine. Il n'a pas eu le temps d'apercevoir ce qu'il y avait sur la feuille avant que Nagamate ne l'enfouisse dans sa poche, mais il est prêt à parier qu'il s'agit d'un nouveau témoignage, écrit dans dieu sait quelle langue oubliée. Apparemment, il est sur la bonne voie, autant pousser son avantage.

— Oui, intervient-il, sautant sur l'occasion de reprendre la main, le docteur doit d'abord me faire visiter vos installations.

Isha lève le nez vers lui et le scrute à nouveau de ses prunelles d'obsidienne. Insondables. Il en éprouve un léger malaise.

— Tu veux voir ma chambre ? propose-t-elle soudain.

— Euh... oui, pourquoi pas, acquiesce-t-il, montre-moi.

Il perçoit le hoquet étouffé de Nagamate, mais ne lui laisse pas le loisir de protester et emboîte le pas à l'adolescente qui, d'une course légère, file déjà de l'autre côté de la porte. Derrière lui, un claquement de talons rageur traduit tout le déplaisir de leur propriétaire. Par-dessus son épaule, il ne peut se retenir de lui glisser une œillade narquoise à laquelle la neuropsychiatre répond d'un sifflement excédé. Elle les suit, tête basse ; sa contrariété est palpable, mais elle a bien compris qu'elle n'a d'autre choix que de coopérer.

Au bout de quelques mètres à peine, Jannek se fige, écarquille les yeux avec stupeur face au mur liquide qui semble envahir le fond du vaste sous-sol. Il bat des cils, cherche à localiser Isha. La jeune fille s'est arrêtée, elle aussi, et contemple l'aquarium monumental, la bouche entrouverte avec une expression d'extase béate. Des taches de néons flashy palpitent dans les profondeurs de cette obscurité vivante. Voiles, traînées de lumière dont les reflets éclairent par intermittence plusieurs fauteuils aux appuis-têtes bardés d'électrodes disposés en arc de cercle.

— Bon sang, Docteur ! s'exclame-t-il. C'est quoi, ce truc ? Qu'est-ce que vous trafiquez ici ?

— Les fonds marins sont propices à la méditation, répond Nagamate d'un ton suave.

Il esquisse un demi-tour, mais la lueur bleutée capture ses rétines, s'infiltre dans son cerveau, berce son esprit d'une étrange langueur. La sensation lénifiante de se mouvoir soudain en apesanteur dans les eaux tièdes et enveloppantes d'une grotte sous-marine amollit ses membres. Du coin de l'œil, il perçoit un vague mouvement, une ombre qui se glisse derrière lui. Un cliquetis métallique, étrangement familier. Un contact froid sur sa nuque.

Il serre les dents, il s'est fait avoir comme un bleu.





*chikitsak : docteur (hindi)

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