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22- De café, de dealers et d'un flic mal luné




Seine-Saint-Denis, Le Blanc Mesnil,

Commissariat.

Mardi 9 février 2019


— Sans vouloir vous vexer, Chef, vous avez une mine atroce !

Campée à l'entrée de la salle de détente, Nadjet considère d'un œil critique les traits tirés et les joues mal rasées de son patron, présentement avachi sur une chaise. Par-dessus le rebord de son mug fumant, Jannek Miljanic lui renvoie le regard enjoué de l'ours qui a passé une mauvaise nuit.

— Effraction, hier soir... grogne-t-il. Rentré tard, pas beaucoup dormi. 

— Oh, mince ! Vous auriez dû m'appeler !

— Vous n'étiez pas de garde. Et j'avais cru comprendre que vous aviez des projets pour la soirée...

Nadjet émet un gloussement, un sourire rêveur vient flotter sur ses lèvres. Des projets qui ont tenu toutes leurs promesses, en effet. Son rancard avec Shaïnez, la jolie réceptionniste de l'institut Andromède, s'est prolongé fort tard et conclu d'une façon des plus agréables. Un moment charmant.

L'espace d'un instant, elle se prend à songer que le commandant aurait bien besoin de ce genre de divertissement. Mais, à sa connaissance, il n'a ni petite amie ni amant. Pas même de famille, d'ailleurs, pour ce qu'elle en sait... On dirait qu'il ignore le sens du mot distraction. Trop accro à son boulot.

— Vous devriez quand même vous ménager, commente-t-elle en se servant en café. C'était quoi, cette effraction ?

— Oh, un truc banal, en apparence. Une alarme qui s'est déclenchée dans la chaufferie de l'institut Andromède.

Nadjet sursaute à l'évocation du lieu de travail de son nouveau béguin.

— Il y a eu des dégâts ? s'inquiète-t-elle.

— Nan... mais l'équipe technique qui est venue contrôler a constaté que le bureau de la directrice semblait avoir été fouillé. Du coup, ils nous ont appelés.

— Un cambriolage ? Les voleurs auraient déclenché l'alarme par mégarde ?

— Possible... mais c'est bizarre. Qu'est-ce que des voleurs iraient foutre dans une chaufferie ? De plus, on a vérifié toute la baraque et seul le bureau du docteur Nagamate a été visité.

— Ah ! Ce serait donc elle qui était visée ? Peut-être que l'intrus cherchait quelque chose de précis.

— Eh bien dans ce cas, il ne l'a pas trouvé ! Nagamate affirme qu'il ne manque rien.

— Mouais... Qu'est-ce qu'elle en dit, alors ? Elle a une explication ?

— Elle est convaincue qu'il s'agit d'un rôdeur.

— Je vous demande pardon ?

— Elle suppose qu'elle a mal fermé la porte de l'institut, hier, en rentrant chez elle. Elle pense qu'un SDF a pu en profiter pour se mettre à l'abri.

Nadjet plisse les lèvres d'une moue circonspecte. L'hypothèse lui semble rocambolesque. Elle se pose en face de son chef et lui glisse une œillade peu convaincue.

— Franchement, je l'imagine mal oublier de fermer à clef et de brancher l'alarme en partant. Et puis, un SDF qui passe par là et se dit « Tiens, si j'allais me mettre au chaud. » et qui, au passage, s'amuse à fouiller son bureau... Enfin, ne me dites pas que vous croyez un truc pareil !

— Je ne crois rien ! rétorque-t-il un peu sèchement. D'abord, il faut comprendre le rapport entre cette intrusion à l'institut et les meurtres. C'est là-dessus que je dois me concentrer !

La mine sombre, il passe une main nerveuse dans ses cheveux trop longs et lâche un soupir agacé. Nadjet fronce les sourcils ; l'existence d'un lien éventuel avec l'affaire Gruber, c'est donc ça qui le tracasse ? Tandis qu'il replonge dans la contemplation silencieuse de sa tasse, elle l'observe avec un petit pincement au cœur. Il a l'air tellement fatigué. Et en même temps animé d'une sorte de fièvre qui ne lui ressemble pas.

Jannek Miljanic n'est pas un homme facile. Bourru, exigeant, parfois méticuleux et tenace à l'excès. Plutôt ouvert, malgré tout, toujours prêt à envisager les hypothèses les plus improbables, à enfoncer des portes que personne d'autre que lui ne songerait à ouvrir. C'est un battant. C'est pour ça qu'elle a toujours apprécié de bosser avec lui. Et puis, il n'est jamais cassant envers ses subordonnés.

Mais là, elle a le sentiment qu'il tourne en boucle. Son penchant naturel pour l'introversion confine à la rumination. Pire, il devient irritable. Presque... obsessionnel. Cette affaire le mine. Elle le lit sur son visage fermé, son front plissé de rides soucieuses, dans la tension de ses épaules inhabituellement voûtées. Son désir de relier l'effraction à la mort du psychiatre en est une preuve supplémentaire.

Bien sûr, elle peut comprendre sa fébrilité. Deux meurtres barbares et une agression brutale en quelques jours, l'hypothèse toujours anxiogène d'avoir affaire à un psychopathe... Elle imagine sans mal la pression qu'il doit subir de la part de la hiérarchie. Sans compter ces histoires de textes anciens, ces gamins bizarres, toutes ces coïncidences étranges. Et ce parfum de surnaturel pour couronner le tout ! De quoi déstabiliser le flic le plus rationnel.

Pour autant, son patron n'est pas du genre à baisser les bras et, pour l'heure, c'est ce qui l'inquiète le plus. Le risque, c'est bien qu'il use ses dernières forces à démêler cet imbroglio, quitte à partir en vrille à force de tourner en rond. Il est de son devoir de lui éviter ça.

Et elle en a peut-être le moyen, juste un mot à dire pour le sortir de l'impasse dans laquelle il semble coincé. Elle aurait aimé disposer d'un peu plus de temps pour vérifier certaines informations, mais elle n'a plus le choix. Il devient urgent de l'extraire de son marasme. Elle avale une gorgée de café, se cale sur sa chaise et prend une grande inspiration.

— Écoutez, Chef, se lance-t-elle, cette effraction est chelou, mais elle n'a sans doute rien à voir avec la mort de Gruber. Je pense qu'on s'est gouré en pensant que les meurtres étaient liés à ses patients. Ou du moins qu'on a essayé de nous le faire croire.

Jannek Miljanic relève brusquement la tête et la toise d'un regard soupçonneux.

— D'où est-ce que vous sortez ça ? siffle-t-il.

— Je... je crois que finalement, la mort du psy n'est pas si mystérieuse que ça. Je crois qu'il a été victime d'un banal règlement de compte.

— Oh vraiment ! Et qu'est-ce qui justifie ces... croyances ?

Le ton vaguement ironique lui souffle en pleine figure une bise hivernale, les iris bleu pâle la douchent d'une onde glaciale. Nadjet se sent prise d'une furieuse envie de disparaître sous la table, mais voilà, c'est dit. Ne pas se laisser impressionner, aller au bout de son argumentaire.

— Je voulais vous en parler, mais je n'ai pas eu le temps. Il y a des éléments nouveaux à propos du docteur Gruber.

— Très bien, je vous écoute.

Sobre, pragmatique. Il semble qu'elle soit parvenue à capter son attention. Fort bien. Elle déglutit et se jette à l'eau.

— Avec Shaïnez, on est allée au hammam, hier, explique-t-elle avec un sourire entendu, et... Vous savez ce que c'est, entre femmes, ça papote. Loin des oreilles des mecs, les langues se délient...

— Au fait, Lieutenant ! Qu'avez-vous appris ?

— Ben, y avait plusieurs dames des Tilleuls et elles disaient comme ça qu'à la suite des dégradations au CMP à l'automne dernier, le docteur Gruber s'était mis en tête de ramener les gamins des cités dans le droit chemin.

— Intention louable, mais parfaitement utopiste... Et alors ?

— Alors, il avait approché les familles des gosses les plus problématiques pour leur proposer un programme d'accompagnement.

— C'est à dire ?

— Il avait sollicité des associations et des éducateurs bénévoles pour qu'ils interviennent aux Tilleuls. Et lui-même consacrait une grande partie de son temps libre pour assurer gratuitement un suivi psy aux mômes qui en avaient besoin.

— Mouais, je vois... Écoute, bienveillance et soutien à la parentalité, le genre d'initiative qui exclut totalement la sanction et a bien peu de chance d'avoir le moindre effet sur la délinquance des mineurs !

— Bah, détrompez-vous, ça avait l'air de plutôt bien fonctionner. Gruber avait réussi à obtenir la caution de quelques figures d'autorité de la cité comme le vieux Doucoure. Avec leur appui, pas mal de familles se sont laissées convaincre. Pis, globalement, les gens adorent qu'on s'occupe d'eux. Les gamins se sentaient entendus et les parents vraiment épaulés.

Un chuintement dubitatif fuse entre les lèvres serrées du commandant et son visage renfrogné exprime clairement tout le bien qu'il pense de ce type d'approche.

— Admettons... grince-t-il. Et donc ? Si elles étaient tellement appréciées, en quoi les activités éducatives de Gruber permettraient-elles d'expliquer son assassinat ?

— Ben... disons qu'elles ne plaisaient pas à tout le monde. Au début, les caïds du coin pensaient un peu comme vous, ils se moquaient du docteur et de ses méthodes Bisounours. Mais quand ils ont vu que son projet prenait et qu'il attirait de plus en plus de jeunes, ils ont vite arrêté de rigoler. Ils ont réalisé qu'à ce train-là, ils risquaient de se retrouver bientôt à court de main-d'œuvre.

Cette fois, Jannek Miljanic se dispense de réflexion acerbe, il la considère avec un intérêt étonné et l'encourage à poursuivre d'un froncement de sourcils.

— Vous le savez comme moi, les trafics de ces bandes reposent en grande partie sur les petites mains. S'il n'y en a plus, c'est toute l'organisation qui se casse la gueule. De plus, le psy avait aidé des parents à reprendre le contrôle de leur progéniture et certains commençaient à se dire qu'ils pourraient peut-être faire la même chose avec leur quotidien. Gruber menaçait le business des dealers, mais aussi leur main-mise sur la vie du quartier.

— Ce qui vous amène à penser qu'ils l'ont supprimé pour l'empêcher de saper leur influence, conclut-il avec ce qu'elle espère être une pointe d'admiration pour ses capacités déductives.

— Ben... je ne dis pas qu'ils voulaient le tuer. Peut-être simplement lui faire peur et le dissuader de se mêler de leurs affaires. Mais ça a pu mal tourner...

Jannek s'abstient de répondre, il se lève et se dirige vers l'évier, dans un coin de la salle de repos, pour y rincer sa tasse. Nadjet l'observe tandis qu'il ouvre le robinet et, les paumes appuyées sur le rebord de faïence, contemple fixement l'eau tiède qui dilue les restes de caféine. Mâchoires crispées, teint blême, regard vide, silence.

Mal à l'aise, elle tempère son impatience par la réflexion incongrue qu'il a toujours détesté le café. Depuis qu'elle le connaît, il ne jure que par son thé sacro-saint...

— Et Geneviève Leclerc ? lâche-t-il soudain. Elle les menaçait, elle aussi ? Et les mises en scène, les similitudes avec les textes des enfants ?

— Heu... Geneviève devait être au courant des activités de son patron aux Tilleuls. Ils ont peut-être eu peur qu'elle finisse par nous en parler et nous mette sur leur piste. Quant aux textes...

Nadjet se mordille la lèvre inférieure. Sur ce point, il s'agit d'une pure spéculation. Elle n'a aucune preuve concrète et elle s'attend à se faire tacler. Mais après tout, son hypothèse n'est pas plus farfelue que celle de gamins clairvoyants.

— Vous envisagiez que le coupable ait pu s'en inspirer, rappelle-t-elle, et je pense que c'est bien le cas. Mais pas parce qu'il est cinglé, juste pour nous le faire croire. Pour couvrir ses traces. Quel meilleur moyen de brouiller les pistes qu'en nous aiguillant sur celle d'un tueur psychopathe ?

— D'accord. Et comment, selon vous, les dealers des Tilleuls auraient-il eu connaissance des écrits des enfants ?

C'est au tour de Nadjet de rester silencieuse. Elle a bien une petite idée : Jocelyn Anagbi, l'instituteur des gamins, habite la cité. Il a pu parler autour de lui des étranges habitudes de ses élèves... Mais là aussi, elle n'a pas eu le temps de vérifier et, pour le coup, elle hésite à impliquer le jeune homme. Shaïnez dit que c'est un brave type.

Le commandant Miljanic dépose avec soin son mug sur l'égouttoir. Il s'essuie méticuleusement les mains, se tourne vers elle et, les bras croisés sur la poitrine, la fixe d'un regard sombre.

— Revenez m'en parler quand vous aurez la réponse, Lieutenant ! claque-t-il en tournant les talons.

Abasourdie, Nadjet le regarde quitter la pièce d'une démarche raide. Décidément, Shaïnez a raison. Il n'y a rien de pire qu'un supérieur mal luné ! Elle saisit son portable et envoie un SMS à sa belle amoureuse. « Libre pour déjeuner ? J'ai besoin d'air ! »

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