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19- D'une virée au parc et de boules de neige




Seine-Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois,

Parc départemental du Sausset.

Lundi 8 février 2019


De l'air ! Il lui faut de l'air !

Incapable d'attendre patiemment l'arrivée de l'ascenseur, Jannek Miljanic dévale quatre à quatre l'escalier de secours. Les propos du vieil homme tourbillonnent dans son esprit, se bousculent, heurtent son sens commun. Foutaises, absurdités !

« Merci de votre témoignage, Monsieur Doucoure. »

Congé froid, laconique. Franchement, comment pourrait-il accorder foi à cette histoire rocambolesque, l'intégrer dans un scénario crédible ? Des mômes capables de communiquer avec des versions d'eux-mêmes dans le passé... et de transmettre à ces alter-egos des visions du futur afin qu'ils influencent l'Histoire pour que le monde devienne ce qu'il doit être. Une sorte de boucle évolutive digne du roman SF le plus délirant. Inexploitable ! Il n'y a rien à tirer de cette piste, sinon la quasi certitude que le griot est incapable d'identifier son agresseur.

Derrière lui, il capte un claquement précipité de talons sur le vieux carrelage beigeasse des marches. Il ne se retourne pas, émerge de l'escalier, plonge dans la pénombre sépulcrale d'un espace aux contours indéfinis où des silhouettes fantomatiques en noir et blanc glissent dans un bruissement de murmures. Il fend la grisaille ouatée, court à l'aveuglette.

De l'air...

Un souffle sur son visage. Le froid du dehors lui pique les joues, la lumière naturelle dissipe le clair-obscur. Le ciel au-dessus de lui est d'un bleu très pâle, presque blanc. Il inspire. Une fois, deux fois. Le vent glacé porte une odeur de neige et la rumeur de la ville, le deux-tons d'un SAMU. Du coin de l'œil, il suit les palpitations du gyrophare qui remonte l'allée principale en direction des urgences.

Un chuintement dans son dos. Il fait volte-face, les portes automatiques du bâtiment libèrent un bref instant le brouhaha du hall d'accueil. Conversations, piétinements des visiteurs devant les guichets, choc sourd d'une canette qui chute dans le bac du distributeur de boissons.

Il cligne des yeux. Réalité. Familière, reconnaissable. Peuplée d'êtres de chair et de sang, pas de fantômes évanescents aux pouvoirs incongrus. Réalité. La sienne. Centrée pour l'heure sur la figure perplexe d'une jolie femme aux cheveux roux.

Pourquoi le suit-elle ? Compte-t-elle le sermonner à propos de son départ précipité et tout juste poli ? Lui reprocher de ne pas perdre davantage son temps à écouter les fariboles d'un vieux bonhomme complètement barré ?

— Est-ce que vous allez bien ?

Il se crispe, c'est la deuxième fois en moins d'une heure qu'on lui pose cette question. Est-ce qu'il va bien ? Non. Comment pourrait-il en être autrement quand il doit trouver un coupable et qu'il n'y arrive pas ! Quand chacune de ses hypothèses se voit bousculée par des données parasites qu'il ne parvient à intégrer dans aucun schéma cohérent.

Ou peut-être que si. S'il en croit le vieux, la réalité est fluctuante et ce ne serait pas la première fois qu'il est contraint de la tordre pour la plier à sa volonté. Il doit utiliser ce qu'il a à sa disposition. Réfléchir, analyser. Au calme, ailleurs. Il fixe la jeune femme d'un regard absent, il a besoin d'elle.

— Venez ! lâche-t-il en tournant les talons.

Elle obtempère, curieusement. Tout juste une brève hésitation lorsqu'il monte dans sa voiture et lui désigne le siège passager d'un coup de menton. Un timide « On va où ? » quand il démarre sans même attendre qu'elle ait bouclé sa ceinture.

Le parc départemental du Sausset. Le seul îlot végétal qu'il connaisse au cœur de la banlieue bétonnée. Il y venait souvent les premiers temps, quand il éprouvait le besoin trop impérieux de s'extraire d'un urbanisme étouffant, de retrouver une vague illusion de nature. Il y emmenait Nikola.

Dix minutes à peine en voiture depuis l'hôpital.

— Dans un endroit plus calme ! réplique-t-il.

Il se gare au plus près de la zone forestière. Cerné par son taillis brun rouille, le parking est désert. Le froid et le début de semaine ont sans doute dissuadé les amateurs de promenades. Tant mieux, Jannek n'est pas venu là pour rencontrer ses semblables. Il tourne résolument le dos à la route de l'étang autour duquel se concentre habituellement l'affluence des visiteurs.

Face à lui, la forêt. Une forêt modeste, certes, au regard des vastes étendues boisées de sa terre natale. Tout juste une succession de bosquets et qui manque cruellement de conifères. Mais c'est toujours mieux que rien.

Quelques pas entre les troncs noueux et il se sent déjà mieux. Instinctivement, ses bottes trouvent les sentiers comblés par l'épaisse couche de neige. La blancheur immaculée striée par le gris des écorces l'apaise. Il aime cette pureté encore inviolée et cette atmosphère feutrée qui ensevelissent ses démons.

Soledad Del Pozzo le suit docilement, les mains enfoncées dans les poches de son manteau, respectueuse de son silence. Pour autant, il perçoit l'attention qu'elle lui porte, sa curiosité, ses questionnements. Son intérêt. Depuis le sommet dépouillé d'un vieux hêtre, le cri discordant d'un corbeau vrille la quiétude du bois. Signal.

— Je suis désolée.

En écho, la voix de la linguiste tinte dans l'air limpide comme un carillon cristallin, Jannek se retourne et la considère, interloqué.

— Je vous demande pardon ? Désolée de quoi ?

— Pour votre enquête... Vous espériez sans doute qu'Idrissa aurait reconnu son agresseur ou qu'il puisse au moins le décrire. Vous devez être déçu.

— Les aléas du métier... grommelle-t-il, laconique.

— Malgré tout, il nous a fourni des indices précieux...

— Précieux ? Vous rigolez ! Des réalités parallèles, des gamins avec des pouvoirs... Les divagations d'un vieil illuminé qui abuse des champignons qui font marrer, oui !

— Idrissa n'est pas un illuminé, réplique Soledad, encore moins un toxicomane. C'est un griot, il interprète les choses à sa manière, en fonction de ses croyances. Ses propos peuvent vous paraître fantaisistes, mais ils ont le mérite d'expliquer certains faits troublants.

— C'est n'importe quoi ! Vous ne croyez quand même pas que ces gosses...

— Peuvent communiquer avec leur alter ego d'une autre réalité ? Je ne crois rien, je constate ! Noah, Vinojan, Alaïs... Ils sont capables de relater des événements dont ils ne devraient pas avoir connaissance.

— Mais bien sûr ! Et au passage, ils ont aussi le pouvoir de transformer notre monde en refilant à leurs doubles des réalités passées des infos qu'eux non plus ne devraient pas connaître ! Comment pouvez-vous gober des trucs pareils ? Je vous prenais pour une scientifique sérieuse !

— Je suis sérieuse. Et justement, je connais l'Histoire ! Elle est pleine de prophètes, de devins et autres visionnaires et d'un point de vue historique, l'influence de certains d'entre eux sur l'évolution de l'Humanité n'est pas à négliger !

— C'est une blague ?

— Absolument pas ! Prenez Nourethep, par exemple, le jeune augure égyptien du texte de Noah. J'ai fait quelques recherches sur lui et il semblerait qu'il ait été un proche d'Imhotep.

— Ouais, et alors ? Il a inspiré « Le retour de la Momie » ?

— Ne dites pas n'importe quoi ! s'agace-t-elle. Imhotep était le conseiller personnel du pharaon Djezer ! On lui attribue des réformes agraires ambitieuses et la généralisation de méthodes hygiénistes novatrices. Des évolutions radicales qui ont permis à son pays d'éviter l'une des pires famines de son histoire et d'enrayer de nombreux fléaux sanitaires de l'époque. Une figure politique de premier plan, dont l'influence sur le développement de l'Égypte de la Troisième Dynastie n'est pas discutée.

— Vous... vous prétendez que cet Imhotep se serait inspiré des révélations du devin ? Qui les tiendrait lui même des connaissances de... Noah ? Vous déraillez complètement, ma chère !

— Je ne prétends rien ! J'essaye de comprendre comment un homme de l'antiquité égyptienne a pu imaginer des pratiques totalement révolutionnaires pour son temps. Et pour votre gouverne, Monsieur Anagbi dit que Noah est un petit garçon étonnant, qui s'intéresse à des tas de choses. La médecine et l'agriculture, entre autres...

— Que... Quoi ?

— Sa mère ne vous en a pas parlé ? Vous avez pourtant passé beaucoup de temps avec elle !

Indécis autant qu'embarrassé, Jannek scrute la mine renfrognée de la linguiste. A-t-il vraiment saisi une pointe de jalousie dans sa dernière remarque ? Une impression qui, inexplicablement, éveille en lui une vague satisfaction. Le sentiment qu'il plaît à cette femme et que ce pourrait être réciproque. Ses lèvres esquissent un sourire qu'il s'empresse de réprimer. Surtout pas ! Il ne peut se permettre d'introduire dans l'équation une nouvelle variable qu'il lui sera impossible de contrôler.

— Bon, claque-t-il, ces mômes possèdent des capacités bizarres ! Et ensuite ? Vous allez me dire qu'ils ont aussi des doubles maléfiques qui assassinent les gens en s'inspirant de leurs prédictions ? Vous m'imaginez écrire ça dans un rapport ? Vous voulez qu'on m'envoie à l'asile ?

Il se mord la lèvre, il n'a pas pu s'en empêcher. Laisser filtrer sa colère, son dépit de s'être embarqué sur des chemins tortueux. Sa peur. Une ombre imperceptible rembrunit le visage de la jeune femme. Elle secoue doucement la tête.

— Présenté comme ça, il y a un risque, c'est sûr ! Mais vous n'avez rien à craindre, vous êtes un homme tellement... rationnel.

Sans crier gare, elle se baisse et ramasse une grosse poignée de neige qu'elle lui balance en pleine figure.

— Détendez-vous, Commandant ! lui enjoint-elle. De rationnel à ennuyeux, il n'y a qu'un pas !

À la fois stupéfait et incrédule, Jannek reste immobile tandis que les cristaux blancs et froids ruissellent sur son visage, s'accrochent à ses sourcils et aux poils naissants de sa barbe. Incapable de réagir, la bouche arrondie de surprise, les bras ballants, il bat des cils. Qu'est-ce qui le sidère le plus ? Qu'elle lui reproche implicitement d'être coincé ou qu'il éprouve soudain la furieuse envie de lui démontrer le contraire ?

Une nouvelle salve poudreuse s'écrase sur sa poitrine, ponctuée d'un rire effronté.

— Vous verriez votre tête !

Celle de la jeune femme est penchée de côté, empreinte d'une expression moqueuse. Une provocation, un défi. Une invitation à lâcher prise. Il serre les dents. Ne pas craquer. Il se détourne, s'appuie sur une branche à demi morte coincée entre deux troncs. Ses mains plongent dans la ouate glaciale qui la recouvre. Le froid contre ses paumes lève une armée de souvenirs. Nez rougis, doigts gourds, chevelures malmenées par la bise. Il rassemble machinalement la matière molle qu'il façonne en une boule compacte. 

Volte-face, son projectile fuse. Soledad s'ébroue sous un déluge de flocons avec un grand éclat de rire. Elle riposte, il esquive, elle s'embusque à l'abri d'un taillis. Depuis son rempart, elle ajuste ses tirs, il encaisse sans broncher et la bombarde en retour d'un feu nourri. Pas à pas, il gagne du terrain. Coûte que coûte, il prendra ce bastion ! Leurs rires se mêlent, il est si facile, finalement, de redevenir un enfant.

Deux bras se lèvent en signe de reddition. L'adversaire rend les armes. Il s'avance pour recevoir son prix, elle tend les mains, leurs doigts s'effleurent. À la dernière seconde, elle lui échappe. 

— Il faut d'abord m'attraper ! glousse-t-elle avec un clin d'œil narquois. 

Jannek relève un sourcil ironique. Croit-elle vraiment réussir à le battre à la course ? Il note cependant qu'elle a troqué ses improbables cuissardes à talons aiguilles pour de robustes bottes cosaques. Sans prévenir, elle détale dans une envolée de mèches rousses avec l'agilité d'un chevreuil. 

La fuyarde disparaît au détour du sentier ; il s'élance à sa poursuite, persuadé de la rejoindre en quelques foulées. Un sourire étire ses lèvres, prolonger le jeu lui plaît. Il en a traqué des dizaines, des chevreuils. Il revoit ses ambitions à la baisse en constatant l'avance qu'elle a déjà prise. C'est à peine s'il la distingue encore à l'extrémité de l'allée qui semble se dissoudre dans une grisaille laiteuse. 

Une brusque rafale lui souffle au visage une brume de poudreuse qui brouille un peu plus sa vision. Derrière ce rideau givré, la silhouette de la jeune femme s'efface, avalée par l'entrelacs des troncs. Il plisse les paupières avec un grognement, cherche entre les fûts dressés l'éclat d'une chevelure rouge. Aucune incandescence n'illumine le sous-bois. Où cette diablesse a-t-elle pu se cacher ?

Il presse le pas, vaguement troublé. Son instinct de chasseur s'éveille, ses yeux cherchent des empreintes dans l'épaisse couche neigeuse. Il n'y en a pas. Son rythme cardiaque s'accélère. Il jugule son inquiétude d'une grande inspiration. Elle ne doit pas être bien loin, le parc n'est pas si vaste que l'on puisse s'y perdre. 

— Docteur Del Pozzo ! appelle-t-il. Soledad ! Où êtes vous ? 

Aucune réponse, sauf celle du vent qui forcit, s'affaire en sifflant entre les ramures décharnées et déverse sur lui leur charge de neige molle. Des tourbillons de poudreuse s'arrachent du sol en bourrasques compactes, une rafale crible son visage d'un essaim d'aiguillons glacés. Le demi-jour grisâtre se mue en crépuscule. Jannek frissonne, envahi d'un soudain sentiment de vide. La crainte brutale d'une perte irrémédiable. 

Son esprit s'égare vers une nuit bien trop noire où la lune timide bataille avec les nuages. Les bois derrière la ferme sont dangereux. Il est facile de s'y perdre... 

Sa main tremblante glisse à l'intérieur de son blouson à la recherche de son couteau de chasse. Le contact du manche en bois dur, rassurant. Un mascaret d'adrénaline inonde son sang, gonfle ses muscles, affute ses sens. Il se met à courir. Droit devant. 

Il émerge à l'orée d'une clairière sous le soleil poussif d'un midi hivernal. Au centre de la pelouse enneigée, une adolescente au teint mat et longs cheveux noirs dessine des cercles concentriques de la pointe de ses pieds agiles. Deux femmes l'observent en bordure de la trouée. L'auréole cuivrée et la fourrure vert sapin de l'une contrastent avec la silhouette rigide en manteau blanc et le chignon tiré de l'autre. 

Jannek s'ébroue, retrouver la linguiste l'emplit d'un inexplicable soulagement. Suivi dans la seconde d'une inquiétude toute aussi inédite. Qu'est-ce que le Docteur Nagamate peut bien faire avec elle au beau milieu de ce parc ? 

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