Chapitre 4
Gadie
Je ne disais plus rien. Mon regard fixait Mélina. Mince. C'est vrai que j'étais habillée comme un mec. Cela m'était complètement sorti de la tête. Je soupirai. Je devais être la fille la moins féminine du monde pour qu'elle n'ait même pas eu si ce n'était qu'un soupçon de doute, même en entendant mon prénom.
- Ça fait très fille ça par contre...
A ces mots, un sourire se dessina sur son visage.
- N'est-ce pas ? Je n'aime pas trop moi personnellement...
- De quoi ? Que ça fasse fille.
Elle éclata de rire.
- Non, mon prénom. Dit-elle en riant, je préfère que l'on m'appelle Meldy.
Je la dévisageai. Meldy ? Sérieusement ? Et bien... Je ne savais pas lequel était le pire....
Mon cerveau bouillonnait. Une véritable lutte intérieure avait débuté au creux de mes neurones. D'un côté je voulais hurler au monde que je portais un vagin, mais de l'autre, faire croire à cette petite bourgeoise, à qui cela faisait apparemment terriblement tripper de se faire appeler Meldy, que j'étais un mec me réjouissais tout autant. Quel dilemme ! Je me mordis la lèvre pour réfléchir. J'avais peur de sa réaction si je lui disais la vérité... Non que j'eusse peur d'elle, loin de moi cette idée, mais j'avais peur de son regard sur moi. J'avais peur d'être vexée... ou blessée.
Un soupire s'échappa de ma bouche. Cela pouvait être plutôt amusant de ne rien dire aussi. Après tout, je doutais fort de recroiser un jour ce fabuleux spécimen donc bon... Ce n'était pas non plus comme si je prenais des risques énormes en lui cachant la vérité.
- Ok, va pour Meldy...
Elle hocha la tête en pouffant puis jeta par terre son mégot qu'elle écrasa avec son pied. C'était d'un goût !... Je levai les yeux au ciel. Le cendrier était juste à quelques mètres, bordel ! Ce n'était décidément pas la sauvegarde de l'environnement qui la défrisait celle-là... Sans la lâcher du regard, je tirai une bouffée sur ce qu'il restait de ma clope. Elle avait ressorti son téléphone et s'était mis à pianoter ardemment dessus. Mes yeux suivaient le rythme de ses doigts. Leurs mouvements étaient rapides, précis. J'étais comme hypnotisée par cette danse frénétique et endiablée. Une gymnastique qui semblait complexe et pourtant si quotidienne.
C'est alors que le mien se mit à vibrer. Je sursautai. Ma clope tomba sur le goudron sale. Poussant un juron, je sorti mon appareil de ma poche. Quelqu'un m'appelait. Laura. Merde. J'avais complètement oublié que l'on devait jouer... Et que j'avais un des rôles principaux, ou, du moins, que j'étais un des piliers de cette fichu pièce qui me déprimait d'avance. « Le choc des cultures ! ». Rien que le nom me fichait la nausée. C'était une invention de Tommy... Lui aussi il faudra que je pense à le rajouter à ma liste de victimes pour atteinte à la dignité de noble personne, juste après l'autre espèce de blonde. Histoire que lui aussi il apprenne à ne plus jamais écrire des pièces aussi pourries !
Je décrochai. Un beuglement de sirène enrouée vint violement hurler contre mon tympan.
- Putain Gad tu fous quoi ?! Beugla une voix. Ça fait trois plombes qu'on t'attend ! Tu t'es perdu dans le trou des chiottes où ça se passe comment là ?!
Je grinçai des dents. Face à moi, Mélina, ou Meldy du coup, je ne savais plus comment l'appeler, avait quitté des yeux son écran et me fixait avec amusement. Elle avait également dû entendre le cri si charmant qu'avait poussé ma douce et délicate amie... Un soupir d'agacement s'échappa de mes lèvres.
- J'arrive c'est bon, j'étais dehors... Tu peux pas patienter deux minutes toi ?!
- Deux minutes ?! s'exclama-t-elle de nouveau, mais apprends à compter ou peut être juste à lire l'heure ! Ça fait bien plus de deux minutes là ! Ramène ton joli petit cul sur scène tout de suite !
- Ah ! Je savais bien que ce n'étais pas moi qui te manquais, perverse !
Je l'entendis pousser un soupir puis elle raccrocha.
Mélina avait fait quelques pas sur le trottoir. Elle dansait d'un pied sur l'autre, serrant son téléphone contre sa poitrine. Je rangeai le mien dans ma poche puis me décollai du mur.
- Tu vas devoir y aller s'y j'ai bien compris ? interrogea-t-elle doucement.
- Tu as bien compris...
Elle sourit puis se planta devant moi.
- Donc tu fais du théâtre ?
Ses yeux s'étaient mis à pétiller. J'eu un sourire mal à l'aise. Je n'aimais pas que l'on me pose cette question. Elle était toujours pleine de sous-entendus... Je savais parfaitement que je n'avais pas la tête de quelqu'un qui faisait du théâtre... Et ce costume immonde et totalement cliché de mec de cité n'arrangeait rien. Pourtant c'était vrai, j'adorais cela ! J'adorais le théâtre ! J'aimais lire des œuvres de grands auteurs et découvrir des personnages tous plus passionnants et complexes les uns que les autres. J'aimais pouvoir feindre d'être quelqu'un d'autre, même si ce n'était que l'espace d'un instant, sur une scène. Ce n'étais pas spécialement pour que l'on me regarde ou pour que l'on m'admire, loin de là. C'était juste pour moi, pour m'évader, pour vivre des aventures qui me seraient d'ordinaire inaccessibles.
- En effet... articulais-je finalement.
Un sourire se dessina sur ses lèvres. Je ne sus comment l'interpréter. Se moquait-elle de moi ou au contraire était-ce un sourire bienveillant empli de sympathie ?
- C'est plutôt cool... murmura-t-elle.
- Assez oui...
Ok, visiblement c'était peut-être plus de la sympathie que du foutage de gueule... Mais bon, il fallait toujours rester méfiante.
Je me penchai pour ramasser le mégot tombé par terre, puis le jetai à la poubelle. Fallait-il que je salue cette agréable personne ? Une gêne s'était installée. C'était le moment des adieux. Cela ne m'attristait pas vraiment mais je ne savais jamais comment saluer les gens... Surtout ceux que je connaissais à peine ! Finalement Mélina brisa le silence.
- Bon et bien, éclate-toi bien sur scène. Sache que ce fut pour moi un véritable plaisir de te piquer une clope et de discuter, même très brièvement, avec une personne aussi charmante !
Je la toisai du regard, amusée. Je crois que je ne comprendrais pas cette fille.
- Je te retourne le compliment.
Elle eut un léger rire puis attrapa son sac. De la poussière s'était déposée dessus. Elle l'épousseta rapidement et le glissa sur son épaule. Enfin, elle se tourna vers moi et se mit à reculer. Un clin d'œil se glissa sur son joli visage.
- Salut !
Je lui retournai un sourire sincère.
- Salut.
Elle se retourna puis s'éloigna en trottinant joyeusement pour disparaitre au coin de la rue. Je la regardai s'éloigner puis, en soupirant, je fixai ma casquette sur ma tête et tournai les talons. Bon, ben quand faut y aller, faut y aller !
*****************
Un bourdonnement de voix vrombissait dans la grande salle sombre. D'immenses draps noirs et rouges avaient été tendus le long des murs et au plafond, mais cela n'absorbait pas le moins du monde les résonnements terribles qui envahissait l'espace. Je passai une main sur mon visage. Tout allait bien se passer. J'étais épuisée d'avance. Sur la scène, vivement éclairée par de chaudes lumières, un groupe de jeunes gens discutaient, chahutaient. Nous étions une quinzaine dans notre petite troupe. J'en distinguait douze sur scène. Des éclats de rires retentissaient par moment. J'eu un hochement de tête. Eh bien, tout le monde travaillait dur à ce que je voyais...
- Ah ! s'exclama une voix, voilà notre retardataire !
Je me retournai. C'était Tommy. Il était accompagné de Laura qui avait enroulé son bras autour du sien. Elle m'adressa un regard mi- amusé, mi- agacé. Douze têtes se tournèrent aussitôt vers moi. Je senti mon visage s'empourprer. Si je voulais une entrée discrète, c'était raté.
- Salut Tom... maugréais-je
C'était un jeune homme de 23 ans, aux cheveux bruns légèrement longs qui lui retombaient devant les yeux. Son sweat-shirt, manifestement trop grand pour lui, lui glissait sur les genoux. Il me fixait avec ses yeux gris, tentant vainement de camoufler son agacement. Son expression me fit sourire. Ne cherche pas à cacher ta vraie nature mon p'tit Tom-tom, je sais parfaitement que la moindre seconde de retard t'exaspère au plus haut point... ! Et j'en suis désolé...
Il allait ouvrir la bouche quand Laura le coupa. Ses yeux s'étaient soudainement mis à pétiller. Elle m'adressa un sourire empli de malice.
- Dis-moi Gadie, qui était cette charmante demoiselle avec qui tu discutais dehors ?
J'ouvris grands les yeux, bouche ouverte. Comment savait-elle cela ?
- Je croyais que tu étais à l'intérieur. Comment nous a tu vu ?
- Au vu du temps que tu mettais pour venir je m'étais décidée à aller te chercher par la peau des fesses puis je vous ai vue à la porte... Tu avais l'air tellement absorbée dans ta « discussion » que je n'ai pas voulu te déranger, dit-elle en m'adressant un clin d'œil. Mais là n'étais pas ma question !
Je soupirai. J'aurais dû m'y attendre, cette fille adorais les petits ragots. Pire que moi. C'est dire...
- C'est la fille du propriétaire du théâtre.
- Wow, rien que ça ?! s'exclama-t-elle en riant, ça va tu les choisis bien toi !
- Oh là oh là, calme tes ardeurs tout de suite espèce de malade frustrée ! De un cette fille ne m'intéresse absolument pas ; et de deux, sache qu'elle est persuadée que je suis un gars à cause de ton costume ridicule ! Alors ne t'imagine rien !
Elle explosa de rire. A côté d'elle Tommy bouillonnait. Il finit par craquer avant que je n'eusse le temps de répliquer.
- Bon les filles, ce n'est pas que votre discussion m'emmerde mais un peu quand même ! Vu que l'on a déjà perdu assez de temps grâce à Gadie et à ses plans drague foireux, ça ne vous dirait pas que l'on se bouge un tout petit peu !!
Comment cela mes plan drague foireux ?! Il voulait mon poing dans sa sale tronche lui aussi ?!
- Mais je ne la draguais pas !
Laura se mit à rire de plus belle.
- Je plaisantais Gad, prononça Tommy tout en levant les yeux au ciel d'exaspération, par contre j'aimerais vraiment que tu montes sur scène, ça n'est pas une blague.
Ils me dépassèrent tandis que je restais figée sur place. Laura, toujours accrochée au bras de Tommy, se tordait rire. Et cela m'agaçait légèrement. Serrant les dents, je leur emboitai le pas. L'ensemble du groupe me fixait avec un sourire amusé. Ma liste de victimes pour offense à ma noble personne allait légèrement augmenter je crois. Il faudra que je songe à prendre un carnet...
Une fois sur scène, Tommy se pencha vers moi.
- Rassure moi Gadie, tu as lu tout le scénar cette fois ci ?
Ah... Je détournai le regard et triturai mes doigts. Lu, lu... c'était vite dit. Disons que je connaissais super bien le titre !
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