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Chapitre 37 : Mon trésor

Gadie

Marcher. Avancer. Ne plus réfléchir à rien. Non. Oublier ces tourments de colère. Laisser s'envoler les grondements de ma peine. Juste marcher, tête baissée contre le vent. Abandonner ma peau aux caresses moites et odorantes. Le ciel s'était assombri. D'un gris jusqu'alors terne il était brusquement devenu terriblement obscure. Reflet insignifiant et lourd de ma tristesse. Épaules voutées, mains enfoncées dans les poches de mon sweat, je me laissais engloutir un peu plus par les ténèbres qui s'ouvraient en moi.

Le rire de Stud résonnait dans mon esprit. Une litanie funeste et grinçante que je ne parvenais à effacer. Je secouais la tête, serrant les poings, contractant la mâchoire. Mais rien n'y faisait. Elle revenait, encore et toujours, plus terrible, plus envahissante encore. Il ne m'avait pas simplement pourri la vie, non, il avait également contaminé mon âme. La moindre parcelle de mon être empestait sa présence. Je ne respirais plus que dans l'attente ultime de le détruire. Réduire en miette cet être qui m'avait tout pris et se permettait encore d'en rire. Ce ricanement de hyène monstrueux venu cracher sur les cendres de ma vie. Sur le corps inerte de mon père. Sur les larmes pathétiques de ma mère. Sur moi, sur nous, sur tous ces faibles qui n'avaient pas su lui tenir tête. Sur tous ceux qui avaient flanché. Les misérables réduits à une vie de ténèbres et de regrets. Rats confinés dans leurs égouts, soumis à la loi de la haine et de la violence. Voilà sur quoi il crachait, voilà sur quelle misère se fondait son empire de poussières. Roi dans un royaume de fous. Enflure dans un univers sans cœur.

Un crissement de pneu me tira brutalement de mes pensées. Je redressai subitement la tête. Coup de klaxon. Flopée d'injures. L'automobiliste poursuivit sa route. Je le regardai s'éloigner. Je n'avais même plus la force de lever un doigt en sa direction. Même plus l'envie de le mépriser. Non. Ce n'était qu'une âme parmi tant d'autres. Un pauvre minable qui vaquait à sa tâche quotidienne, retrouver foyer et enfants. Routine, plaisirs illusoires, sourire de façade. Existence insipide et morne qui le mènerait comme tant d'autres dans le trou sombre d'une tombe glacée. Vas, vogue, pars, fuis automobiliste. Accroche toi à tes chimères tant qu'il t'en reste encore.

Le vent redoubla de violence. Il se faisait plus lourd, chargé de cette peine que je ne parvenais même plus à ressentir. Il balayait mon visage, creusait mes joues, faisait valser les quelques mèches qui s'échappaient de ma capuche. Un ultime frisson qui m'appelait à la vie. Je balayai l'artère vide du regard. Rien. Un désert. Je m'engageai sur le bitume.

Où allais-je ? Je ne savais plus. Je ne l'avais jamais su. Me battre ? J'avais essayé. Encore. Toujours, Mais cela revenait à s'accrocher à du vent. Plus je me battais et plus je sombrais. Ce vide, ce trou immense dans lequel je sombrais sans jamais parvenir à en toucher le fond. Une chute sans fin, un désespoir qui n'avait plus de limites. Pourquoi me battre si la plus misérable de mes victoire se trouvait aussitôt balayée par une tempête d'échecs ? Pourquoi continuer puisqu'il n'y avait plus rien pour moi dans ce monde-là ? Il n'y avait jamais rien eu. On nous le faisait vaguement miroiter, le temps d'une enfance insipide, mais la réalité venait très vite nous frapper en pleine figure. Elle était inscrite là, juste sous mes yeux, dans le goudron sale de la cité, cette atroce vérité. J'étais de ceux d'en bas. De ceux qui n'avaient rien à espérer. De ceux que l'on envoyer crever sous les rires cruels d'enfoirés de première. Du bétail envoyé en pâture sous les crocs acérés et cruels des oubliettes du monde. Un univers abandonné.

Un coup contre ma jambe interrompit ma marche de damnée. Rires. Bafouillement d'excuse. J'émergeai de mes ombres. La fillettes avait déjà disparu. Étincelle de fraicheur dans cette pesanteur ambiance. Je laissai mon regard fixer un instant ce coin de rue à présent vide. Ce tourbillon d'espoir bien vite envolé. Métaphore cruelle de mon existence insignifiante ? Le destin avait décidément un sens de l'humour terrible. Mes jambes reprirent leur incessant manège. Un bloc de béton. Puis un autre. Les lieux étaient désert. L'air plus lourd encore. Mes pieds avançaient sans consulter mon esprit. Moi-même j'observais ce corps qui se muait dans l'espace sans parvenir à m'y identifier. J'avais été projetée hors de ma propre existence. Spectatrice de cette déchéance irrépressible et grandissante. Pauvre poupée disloquée qui s'enfonçait toujours plus loin et plus profondément dans les ténèbres.

Une ombre gigantesque surgi brusquement sous mes pas. Ce n'était pas le spectre de mon désespoir. Non. Ni même celui d'un affreux immeuble. C'était en vérité une ombre de bonheur. Un infime fragment d'espoir que j'avais cru oublié. Un arbre. Immense créature faite de sève et de paix. Allié à d'autres. La moiteur étouffante faisait place à un fraicheur humide et douce. Je redressai la tête, comme pour mieux contempler cet havre de paix inespéré. Le parc Mon Trésor. Cocon de verdure délaissée dans cette jungle de griserie urbaine.

Sans laisser le temps aux souvenirs d'assiéger mon esprit, je m'engouffrai aussitôt dans l'arche de ma vie. Petite barque trouée qui subsistait encore face aux marées. Les rires et les cris des enfants avaient disparus. Un à un, les lampadaires s'allumèrent. Grésillement fébrile pour paver le chemin de ma peine. Il devait être tard. Je n'en savais rien. Une dernière lanterne. Puis plus rien. Seule l'obscurité de ce ciel encore curieusement clair illuminait mes pas. Une lumière sombre qui filtrait à travers les branchages épais.

J'avançais. Jusqu'à le voir. Ce petit banc. Planche de bois misérable. Seul dans ce désert de nature. Seul face à mon désespoir. Ma bouée, mon oxygène. L'empire de mon passé. Mes pieds me guidèrent jusqu'à lui. Je le considérai un instant. Immobile. Bienveillante. Mon corps se laissa tomber, heurtant brutalement sa surface solide. Ma tête dodelina un instant. Les ténèbres se faisaient plus grands. Plus terribles. Mon dos s'appuya contre le dossier. Mon cou s'abandonna. La porte de ma conscience céda. Lentement, les souvenirs assiégèrent mon esprit...


5 ans plus tôt...


Le mugissement essoufflé de la soufflerie gonflait entre les murs. Plainte lugubre et pathétique venue hanter les entrailles d'un autre monde. Il faisait sombre dans les sous-sols. L'ampoule fébrile qui trônait au-dessus de la porte était l'unique source de lumière. Son faible halo verdâtre recouvrait de son malaise les interstices et fissures qui parsemaient le mur. L'air semblait imprégné d'une épaisse odeur d'humidité. Il faisait lourd. Et terriblement chaud. Les rats avaient quittés de le navire.

Assise à même le sol, sa capuche rabattue sur sa tignasse de paille, Gadie fixait la misère de son monde. Ses pupilles bleues étaient dilatées et ses lèvres entrouvertes dessinaient une fente parfaite sur son visage trop pâle. Pas une once de vie ne perlait sur l'obscurité de sa figure. Dans une monde de chimères l'adolescente performait son rôle de poussière.

L'ampoule tressauta, faisant brusquement danser les ombres autour d'elle. La jeune fille eut une infime mouvement d'épaule. Elle n'était pas encore morte. Non. Pas encore. Juste à terre, les genoux dans la poussière. Là. Voilà. Elle était là. Elle ne savait pas depuis combien de temps, mais elle y était. Une heure, deux heures... Une journée peut-être, un mois, une année. Elle n'en savait rien. Elle était là. Ses doigts maigres agrippaient les restes calcinés d'un filtre de cigarette. Tabac froid. Drogue amère. La cendre tachait l'extrémité de son pouce. Gadie baissa les yeux. La moiteur tiède de l'espace faisait perler la sueur sur son front. Elle avait chaud. Terriblement chaud.

« Putain, mais j'en sais rien ! Rien ok ?! Tu veux quoi ?! Que je te sorte sa sale tronche de mon cul ?! »

Le frémissement d'épaule s'intensifia. L'adolescente releva complètement la tête, révélant sa figure mortifère aux lueurs morbides de l'ampoule. L'éclat de voix provenait de l'autre bout du couloir. La voix de Stud. La voix du maitre. Le maitre qui l'avait fait venir ici. Le pourquoi répugnant et repoussant de sa présence au milieu de ce monde de mort.

« Comment ça tu sais pas ? Alors c'était qui la pouffiasse aux as avec qui tu causais la dernière fois ? »

Une deuxième voix, moins grave, plus fluette. Mais une voix tout aussi sèche et terrible. Une voix que l'adolescente n'avait jamais entendue jusqu'à présent. Une voix qui venue faire trembler le maitre des ténèbres.

« Une intermédiaire imbécile. Tu crois quoi ? Qu'ils sont stupides au point de se salir et les mains et de montrer leurs belles gueules tout seuls ? »

Gadie fit lourdement retomber sa tête sur sa poitrine. Un soupir à peine audible s'échappa de ses lèvres gercées. La voix de Stud lui tapait sur le crâne. Insupportable grincement qui gonflait et s'étirait, comme pour occuper l'espace entier de son odieuse présence. Sa main gauche vint agripper la toile usée de son jean. Mais qu'était-elle venue faire ici au juste ?

« Aha, il la ramène beaucoup moins l'intello de service hein ? »

Le bruit étouffé d'un poing s'étalant sur un visage vint rapidement mettre un terme aux exaltations victorieuses de Stud. Flot d'injures. La fillette ne silla pas. La cendre finissait de se répandre sur ses ongles.

« Ah Putain ! Mon nez, merde ! Dis à ton gorille de se calmer bon sang ! »

Nouveau coup. Craquement de cartilage. Les insultes se muèrent en plainte pathétique.

« Le gorille a un nom, connard. »

Sa langue vint brièvement humidifier ses lèvres sèches. Le gout de la sciure et du tabac s'y trouvait encore. Leurs arômes vulgaires vinrent doucement lui piquer le fond de la gorge. Elle frissonna. Cette voix. Plus grave. Plus terrible. Encore une nouvelle voix.

« Enculé... Eh, mais tu fais quoi là ?!

-       Des courses, j'ai besoin de ce truc.

-       Quoi ?! Mais de quel droit est-ce que tu... »

Un poing fatal s'effondra une énième fois, précipitant sa malheureuse victime dans un silence contraint. Gadie pinça l'extrémité de son pouce souillé. La soif commençait à l'irriter. Une perle moite s'était glissée dans son cou.

« Le droit de « à qui frappera le plus fort ». À la prochaine. Et hésite pas si par miracle la mémoire te revient.. ! »

Le grincement d'une porte que l'on ouvre résonna dans les entrailles du couloir. Claquement de pas sur les dalles humides. Bourdonnement de voix, comme un infime chuchotement. La jeune fille redressa péniblement la tête, abandonnant un temps la contemplation abrutie de sa misère. Deux silhouettes s'approchaient d'elle. Deux ombres dans le halo sombre du corridor. L'adolescente plissa les yeux. La première, minuscule et squelettique, semblait réveiller les souvenirs poussiéreux de sa mémoire. Un homme à la tignasse sombre et au sweat vert pressant contre son torse un étrange paquet enroulé de scotch brun. Les pupilles de ce dernier se posèrent avec indifférence sur la fillette, avant de brusquement illuminer son visage maigre d'un énorme sourire. Il s'arrêta juste devant elle. Les os saillant de ses pommettes lui conféraient une mine affreuse.

-       Tiens, s'exclama-t-il d'une voix presque ravie. Mais c'est mon p'tit pote de la dernière fois ! Comment que ça va ? Toujours pas sauté de ton toit à ce que je vois !

Petit pote de la dernière fois. Émergeant des limbes, Gadie plissa les yeux, considérant une nouvelle fois son étrange et d'office insupportable vis-à-vis. Ce sourire. Ce regard. L'aspect fantomatique de cette figure. Le toit. Les morceaux se recollaient lentement dans son esprit. Pièces éméchés dans puzzle misérable. Elle se souvenait. Oui. Elle se souvenait. L'enfoiré aux mentalos. Le nabot pathétique qui avait osé se foutre de sa figure alors qu'elle se trouvait au plus bas. Misérable fils de chien. Elle plissa les lèvres, ravalant l'amertume irritante qui gonflait dans sa gorge.

-        Vas te faire foutre, parvint-elle à articuler.

Le sourire du squelette s'élargit de plus belle. Il posa sa mains libre sur sa hanche.

-       Toujours aussi charmant et éloquent à ce que je vois, ça fait plaisir !

La passivité morne de la jeune fille avait laissé place à un bouillonnement de colère. Un grondement imprévu et désagréable qui s'agitait dans son ventre. Pourtant la force lui manquait. L'envie de se lever pour tout casser était présente, mais la force lui faisait fatalement défaut. Dans ce sous-sol obscure et répugnant, elle n'était que ce tas de misère dont les morts se moquaient éperdument.

-       Al, tu crois pas qu'on a autre chose à foutre que d'emmerder des gosses ? Un colis à livrer par exemple, ça te parle ?

Le géant. Espèce de grand type à moitié chauve jouant les cerbères derrière le zombie insupportable. Gadie l'avait à peine remarqué. Et pourtant voilà que ce dernier venait de couper la priorité de sa colère. Elle serra les poings, toujours avachie sur le sol. Un brasier flambait dans ses pupilles éteintes.

-       Je suis pas un gosse, répliqua-t-elle de sa voix faible et misérable.

Le géant oscilla la tête en sa direction. Ses pupilles sombres la sondèrent un instant, impassibles, froides. Aucun muscle de son visage ne silla. Masque de pierre sur un corps de colosse. L'homme détourna les yeux. Déjà, le visage misérable de la pauvre adolescente était devenu un pauvre souvenir.

-       Bon tu bouges ? grogna sa lourde voix à l'attention de son minuscule acolyte. L'autre va se ramener à ça risque de mal finir.

Il l'ignorait. L'insupportable tas de muscles et de graisses l'ignorait. Une fois de plus. Sa présence n'était qu'une tâche insignifiante au milieu d'une fresque morne. Point de misère pathétique et inutile que l'on pouvait bafouer et moquer à souhait. Une fois de plus. Que l'on soit un zombie ou un colosse au regard répugnant. Tous pouvaient allègrement se passer d'elle. Rouler les morceaux de son âme dans la poussière et la misère. Encore et encore. Elle étouffa sa colère, tendant la jambe en avant pour heurter du pied le tibia imposant de l'être qui avait oser se passer d'elle.

-       Eh, je suis pas un gosse !

Les deux hommes la regardèrent d'un air surpris. L'ombre envahit d'avantage les traits du plus grand tandis que le second illumina son visage d'un énième sourire moqueur. Plissant les lèvres dans une moue théâtrale, il second la tête en direction de son compagnon.

-       Ah bah bravo, râla-t-il sur un ton faussement crédible. T'as mis mon nouveau copain en colère !

L'homme leva les yeux aux ciel d'un air exaspéré. Gadie tremblait de colère. Une colère étrange qui la rendait paradoxalement vivante. Son corps refusait toujours de bouger.

-       Je suis pas ton « copain ».

Le plus petit eut une grimace blessée. Il pencha la tête sur le côté.

-       C'est cruel ce que tu me dis là.

Cruel. Le monde était cruel. La vie était cruelle. Stud était cruel. Les regard de son frère étaient cruels. Les ravages de la drogue était cruel. Mais elle ? Elle non. Elle n'était pas cruelle. Perdue, seule, désespérée. Voilà ce qu'elle était. Elle était la victime de toute cette cruauté. Non pas la coupable. Pinçant ses lèvres, l'adolescente s'enfonça un peu plus dans l'obscurité de sa capuche. L'homme au regard de glace la considéra un instant en silence avant de s'accroupir devant elle. Gadie eut un geste de recul. Sa tête cogna le mur derrière elle.

-       Comment tu t'appelles ? demanda-t-il d'une voix qui sonnait brusquement plus douce et chaleureuse.

La jeune fille fronça les sourcils, un temps déstabilisée.

-       Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

L'homme eut une moue surprise, avant de laisser s'épanouir un étrange sourire sur ses lèvres trop fines. Derrière lui, mains croisées sur son torse gonflé, le plus grand des deux grognait d'impatience.

-       Enchanté « qu'est-ce que ça peut tu foutre », moi c'est Alex, et le charmant gorille derrière, c'est Zack.

Enchanté. Gadie eut une soudaine envie de lui cracher à la figure. Elle se mordit la joue, espérant vainement que la douleur canaliserait un temps les vagues puériles de sa colère.

-       Tu te fous de ma gueule ?

-       Moi ? s'étonna son vis-à-vis en haussant les sourcils de surprise. Oui.

La jeune fille voulait tendre les jambes pour éloigner de sa personne cette présence insupportable, mais ne parvint qu'à vainement agiter les bras dans les airs. Sa propre faiblesse l'affligeait.

-       Putain mais dégage, souffla-t-elle épuisée, au bord des larmes.

Mais l'homme ne broncha pas. Non. Il ne se leva pas. Il ne s'enfuit pas. Il ne l'abandonna pas dans son couloir empli de peine et de misère. Au lieu de cela, il saisit calmement les mains pathétiques qui se débattaient dans les airs pour les presser entre ses doigts tièdes. Quelque chose de froid et de métallique vint se glisser dans le paume de l'adolescente. Elle arrêta de remuer. Le regard clair de l'inconnu s'était plongé dans le sien. Elle n'y lisait plus des rires, de la moquerie ou de l'indifférence. Non. Elle y lisait quelque chose d'autre. Quelque chose de plus fort. De plus profond. Quelque chose qu'elle n'avait encore jamais vu jusqu'alors. Gadie se figea sur place.

-       Non, plus sérieusement, qui tu sois et quel que soit ton nom, t'as rien à foutre ici, lâcha alors l'homme de cette voix si particulière. Je t'ai vue sur ton toit, je te vois là, et je le vois dans ton regard. Tu m'as l'air un peu éméchée c'est vrai, mais loin d'être stupide. T'as rien à foutre ici. Rien. Casses-toi tant qu'il en est encore temps. Ne reste pas à moisir ici. Tu mérites mieux. Tu mérites mille fois mieux.

Elle méritait mieux, elle ? Mais qu'en savait ce type ? Qu'en savaient-ils tous ? Elle ne méritait rien du tout. Elle était misérable. Elle avait fait du mal. Que diable cet homme parvenait-il à voir dans ses yeux qu'il lui fasse prononcer des telles bêtises ? Elle, mieux ? Non. Pas du tout. Il avait faux. Tout faux.

L'homme se redressa. Son regard la considéra encore un dernier instant, avant de sourire doucement et de se tourner vers son acolyte toujours immobile derrière lui. Ils échangèrent quelques mots puis s'éloignèrent, sans un regard pour la pauvre créatures qu'ils abandonnaient derrière eux. Gadie les observa, puis baissa les yeux sur l'objet de métal que l'inconnu avait glissé dans ces mains. Une boite. Une simple boite aux parois scintillantes sous les néons. Elle redressa brusquement la tête.

-       Eh ! C'est quoi ça ?

Alex se tourna vers elle, sourcils froncés. Son regard se posa sur la boite. Il eut un sourire.

-       Ça ? répéta-t-il. C'est pour quand ça ira vraiment mal. Au lieu de te jeter d'un toit, avales-en une. Tu verras, c'est autrement plus efficace.

Puis, lui adressant un dernier clin d'œil, le deux hommes disparurent dans le cage d'escalier. Ils s'échappèrent vers la lumière. Vers l'air, le souffle, la liberté. Vers ces douceurs et ces plaisirs que l'adolescente ne parvenait plus à ressentir.

Elle baissa de nouveau les yeux sur la boite. Ce cadeau venu de mains étrangères. Étrange présent qu'elle chérissait déjà de tout son cœur. « Avales-en une ». Avaler. Avaler quoi. De ses doigts fébriles, elle ouvrit la cage de métal. À l'intérieur, une poignée de pastilles blanches rivalisaient de pureté avec les parois vierges de l'habitacle. Des pastilles. Des pastilles de quoi ?

-       Hey Gadie !

Rappement de voix. Âpre. Amer. La voix d'un homme qu'elle ne souhaitait pas entendre mais que le destin avait placé sur son chemin. Le grondement fatal des pas d'un bourreau. Gadie releva la tête, abandonnant l'amas de pastille qui occupait la curieuse boîte de métal. A l'autre extrémité du couloir, s'étalant sur le sol sombre comme une flamme funeste, la lueur d'une porte entrouverte se dessinait. L'antre de l'ogre. Cette tanière dans laquelle elle ne souhaitait se terrer mais à laquelle elle ne pouvait échapper. Ses doigts se crispèrent sur le métal du précieux écrin. Son cœur s'était remis à battre. La colère l'avait éteint mais la peur le réveillait brusquement.

-       Gadie putain, tu te ramènes où faut que j'aille te chercher ?!!

La jeune fille ne patienta pas plus longtemps. Fourrant furtivement le boitier dans la poche de son sweat, elle se redressa aussitôt pour se diriger vers le son désagréable de cette voix. Sa tête tournait dangereusement. Ses jambes étaient molles, flageolantes. Mais elle avançait. Encore. Son corps tordu chancelant de droite à gauche, jusqu'à parvenir à l'entrée de la pièce. La porte s'ouvrit dans un grincement.

Assit sur une table jonchée de bouteilles, canettes et autres papiers, Stud se frottait le visage. Des cartons emplis de sachets en plastiques verts et gris s'entassaient en peu partout dans la pièce. Gadie fit un pas à l'intérieur. L'homme releva la tête. Ses pupilles sombres et dures se posèrent aussitôt sur son visage. Sa silhouette. Elle détourna les yeux. Il avait une mine affreuse. Ses lèvres étaient gonflés et une tâche bleutée s'étalaient sur le coin de son œil. Misérable et repoussant, comme à son habitude. Elle s'avança un peu plus, prenant bien soin de laisser la porte ouvert derrière elle.

-       Gadie, Gadie, Gadie... répéta l'odieux prédateur en faisant un pas vers elle, un sourire misérable sur les lèvres. Comment vas-tu ma jolie ?

Rassemblant les ruines de son courage, elle releva le tête vers lui. Leurs pupilles se croisèrent. S'entrechoquèrent. Elle détourna les yeux. Toute proximité avec cet être de malheur lui était insupportable. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'y recourir. Comme une pauvre victime rappelant la main cruelle de son bourreau. Elle en souffrait mais ne parvenait à s'en détacher. Stud était plus terrible et asservissant qu'une drogue dure. Il était la drogue même.

-       Mieux que toi apparemment, répliqua-t-elle de sa voix sèche, vu ta tronche...

L'homme lui jeta un regard noir. Perdant son sourire, il s'approcha d'une des caisses qui envahissait la pièce. Il eut bref geste de la main.

-       Ferme là. Viens ici.

Deux phrases. Deux ordres. Cela faisait quatre mots. Quatre mots qui effaçaient l'illusion suave et doucereuse qu'avait voulu établir le démon. La fillette obtempéra, pinçant ses lèvres, tirant sur les manches trop larges de son vêtement. Son cœur n'avait cessé de s'excité dans sa poitrine. La peur et l'inconfort lui dévoraient les entrailles. Elle voulait sortir d'ici. Et pourtant, elle aurait tout aussi bien aimé s'y enterrer.

-       Regard, repris son bourreau en saisissant un sachet de couleur bleue, tu sais ce c'est ?

Gadie plissa les yeux, tentant vainement de voir dans l'objet brandit par l'homme autre chose qu'un vulgaire amas de plastique. Mais elle ne distingua rien. Rien d'autre qu'un néant insignifiant. Elle secoua la tête.

-       Non.

-       Parfait, parce que t'as pas à le savoir.

Prononçant ces dernières paroles, il posa le sachet sur la table, déplaçant du même fait le tas de détritus qui s'y trouvait jusqu'alors. Il se tourna complètement vers l'adolescente, l'air soudainement plus joyeux. Une étincelle de satisfaction étrange étirait le coin de ses yeux.

-       Tu vas me rendre un petit service, poupée.

Gadie le toisa du regard, dissimulant bien mal l'intense sentiment de mal-être qui animait présentement son corps misérable. Elle fronça les sourcils. Un service. Rendre un service à Stud n'était jamais une excellente idée. Tout le contraire d'ailleurs. Son estomac se tordit en une position douloureuse. Elle avait envie de vomir.

-       Et pourquoi est-ce que je ferais ça ?

-       Parce que tu me dois ce service ma jolie. Tu ne l'aurais pas oublier tout de même ?

Oublier ? Comment serait-il possible de l'oublier ? Ce regard, ces cris, ces pleurs. Comment serait-il possible de les oublier ? Un vertige agrippa brusquement son crâne. Elle se mordit la joue, pour ne pas sombrer. Stud la fixait avec un sourire mauvais. Un sourire misérable et dégoutant. Il n'aurait pas été là, elle se serait effondrer. Là, tout de suite. Mais le monstre était là. Avec son sourire, ses regards, son insupportable odeur et ses horribles souvenirs. Elle ne pouvait pas sombrer. Pas tout de suite. La soufflerie s'arrêta brusquement. Un silence terrible s'installa dans la pièce. Gadie baissa les yeux.

-       Bien, c'est bien ce que je pensais.

Stud fit courir un instant ses doigts épais sur le plastique brillant du sachet. Son regard de loup fixait la jeune fille avec un plaisir misérable. Il pencha la tête sur le côté, sans démordre de son sourire.

-       Dis-moi ma jolie, est-ce que t'as déjà mis les pieds dans les quartiers nord ?

Les quartiers nord ? Ceux de la ville du haut ? Un autre monde. Le monde des autres. Ces autres sans problèmes, ou alors aux problèmes dérisoires. Ces autres qui ignoraient tout d'eux mais qui pensaient tout savoir sur tout. Ce monde fait de douceur, de petits fours et de grands immeubles inondés de lumière. Ce monde duquel on pouvait apercevoir le soleil et les étoiles. Un monde qu'elle ne connaissait pas mais qui envahissait tout autant ses rêves que son imaginaires. Comment aurait-elle pu s'y rendre ? Stupide question. Elle n'avait que ses malheur pour voguer à travers les méandres de la vie. Et ses malheurs n'avait pas sa place dans les recoins confortables du bonheur factice. L'adolescente secoua piteusement la tête.

-       Parfait, ça ne m'étonne pas, ricana l'homme en saisissant de nouveau son précieux sachet. Eh bien réjouis-toi princesse, parce que je t'offre un voyage de rêve tout droit direction le paradis !

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