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Chapitre 20

Gadie

Le claquement de mes chaussures sur le sol résonnait bruyamment contre les murs. Il faisait sombre. Seule l'ampoule qui surplombait la porte grésillait encore dans l'obscurité, guidant mes pas dans leur périple nocturne. Je frottai mon avant-bras nu. Bon sang, mais pourquoi faisait-il si froid ? On était en été, mince à la fin ! J'étouffai un juron. La prochaine fois, j'y réfléchirais à deux fois avant de céder mon pull à la première girouette qui passe...

J'avais raccompagné Mélina jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche, le moral en miettes. Après plusieurs minutes d'attente qui me parurent durer une éternité, elle avait finalement grimpé dans l'espèce de conserve ambulante qui lui servait de destrier, tout en m'adressant un timide salut de la main. Je me souviens encore de son petit sourire gêné tandis qu'elle agitait stupidement son bras de l'autre côté de la fenêtre. Quelques instants plus tard, elle disparaissait dans le labyrinthe sombre des ruelles de la ville. Je l'avais regardée s'éloigner, les mains dans les poches, ne savant que faire ou que penser. Mon esprit flottait dans le vague. J'étais ailleurs. Perdue.

Je gravi les dernières marches de béton, appuyant ma main contre la paroi froide. Mon regard s'était égaré dans l'obscurité. Cette soirée avait été particulière, bizarre. Pourtant tout avait bien commencé, si l'on excluait mes flagrantes et honteuses défaites à la salle d'arcade. Mélina s'était révélée surprenante, une fois encore. Sa vivacité et son sourire m'avaient surprise. Ses grands yeux verts posés sur moi m'avaient envoutée. Je m'étais même étonnée à la contemplée. Imbécile que je suis.

Je me frappai la joue, poussant du coude la lourde porte qui menait à l'étage. Mais qu'est-ce qu'il m'avait pris ? Je m'étais pourtant interdit de faire quoique ce soit. À quoi avais-je joué ? Aux imbéciles ? L'emmener dans ce parc, lui offrir mon sweat, lui baiser la main... On aurait-dit le remake d'un feuilleton à la noix pour pauvre ménagère esseulée ! D'un ridicule... pathétique. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé. C'était arrivé d'un coup, sans crier gare. Elle m'avait soudainement fascinée. Son visage tout proche du mien, ses grands yeux verts posés sur moi, me regardant, avec attention. J'avais eu envie de lui sauter dessus. De me jeter sur ces lèvres roses qui m'appelaient. D'empoigner ces longs cheveux qui l'encerclaient. Cela n'avait tenu à rien. Rien. D'un seul geste, je m'étais vue briser irréversiblement cette barrière que je m'étais fixée. Défoncer ce bouclier invisible, à coup de bélier. Mais au dernier moment, au tout dernier instant, je m'étais retenue. Un coup de vent. Un brusque retour à la réalité. Je ne pouvais pas me permettre de lui faire cela, de lui mentir, de la trahir à mon tour. Elle ne méritait pas de souffrir une fois de plus. Pas de ma main. De personne d'ailleurs. Elle méritait d'être heureuse, tout simplement.

Mon regard balaya sans le voir le crépi blanc du couloir. Je plissai les lèvres, humidifiant légèrement leurs gerçures. Mes semelles de caoutchouc frappaient le carrelage sale. J'avais failli le lui dire. Je n'avais été à rien de tout lui avouer. De Libérer enfin ce poids qui pesait sur ma poitrine. De déverser sous ses yeux cette montagne de culpabilité qui me hantait. Quelques secondes peut-être. Un rien. Mais cette sonnerie m'en avait empêchée. Ce dernier rappel. Comme un ultime cri d'alarme avant la descente aux enfers. Mes lèvres s'étaient immédiatement closes. Elle n'était pas prête. Je n'étais pas prête. Pas prête à soutenir son regard emplit de dégout, ses paroles blessantes mais justifiées. Son rejet. Non, je n'étais pas prête à la perdre. Alors je m'étais tue. Tête baissée, je n'avais plus rien dit, ravalant mes mensonges. Combien de temps cela allait-il encore durer ? Combien de temps allais-je continuer à manipuler de la sorte cette malheureuse créature ? Je n'étais qu'un monstre. Un horrible monstre. Je ne valais finalement pas mieux que tous ces salauds que je méprisais. Une menteuse, comme les autres, abusant de charmes et d'apparences. Je me détestais.

J'arrivai devant la porte tailladée de ma noble demeure. Une inscription y avait été taguée. Bleue et rouge. « Vive les castors libres ». Je n'y prêtai pas attention, encore une des superbes œuvres d'art de Charly. Un jour, il faudra que je lui explique quelques trucs à ce crétin, comme ne pas impunément bousiller la porte de mon donjon à coup de gribouillis stupides et morbides. C'était d'une horreur... immonde. Il avait sérieusement dû le rêver son incroyable talent artistique, parce que personnellement, je ne l'avais jamais croisé. Jamais.

Appuyant sur la poignée, je poussai le battant. C'était ouvert. Le cas contraire m'aurait inquiétée, je n'avais pas la clé et je me voyais mal hurler au désespoir dans ce couloir poisseux. Tout ce que je risquais de recevoir c'était, au mieux, quelques flopées d'insultes ringardes. Alors bon... Je fis quelques pas sur le parquet grinçant puis referma la porte. Il faisait sombre. Seul le misérable luminaire qui trônait près du lavabo éclairait encore le lieu de sa sinistre lumière jaunâtre. L'horloge indiquait minuit dix-sept.

J'avançai dans la pièce. Allongée sur le canapé, sa couverture à moitié déversée sur le sol, ma mère dormait à poings fermés. Quelques mèches blondes s'échappaient de son chignon pour venir joncher son front poisseux. Le sifflement de ses narines emplissait doucement l'espace. Je m'agenouillai à ses côtés, ramenant délicatement la couverture de laine rouge sur ses épaules. Ainsi endormie, elle me paraissait calme, sereine, presque normale. Son gilet déboutonné révélait la maigreur de sa clavicule ainsi que les innombrable tâches et plaques qui recouvraient son torse caillé. Tendant le bras, je dégageai une mèche de cheveux qui lui chatouillait le nez pour la glisser derrière son oreille. Ses lèvres étaient gercées et de fines ridules ornaient le coin de sa bouche et de ses yeux. Des cernes bleutées creusaient ses paupières, surplombant ses joues rougies. Sereine certes, mais éreintée.

Je soupirai en me redressant. Il était rare que je la voie comme cela, que je m'attarde à ce point devant elle. Jamais encore je n'avais contemplé son visage de cette manière, observé ses traits. Le visage de ma mère... Non pas qu'elle ne soit jamais là, au contraire, ce canapé était une extension d'elle-même, mais la plupart du temps je préférais l'ignorer. Rien ne m'attachait à cette femme, rien. Elle et moi partagions peut-être le même sang et le même toit, mais notre collaboration s'arrêtait là. Elle ne représentait rien d'autre à mes yeux. C'était un mirage, une ombre. Pourtant... Pourtant à cet instant précis, là, debout au milieu de cette pièce vide et sombre, je ressentais le besoin cruel d'une épaule, d'une caresse, de quelques paroles douces dans lesquelles me réfugier. J'avais envie de sentir la chaleur tranquille et apaisante d'une mère. Je me trouvais brusquement lasse et fatiguée. Je croyais m'effondrer sur le sol, comme vidée de mon énergie. J'étais épuisée. Tout simplement épuisée. Mais elle dormait. Comme toujours. Et j'étais désespérément seule.

Je détournai le regard. Un reste de nouilles froides me faisait de l'œil près du robinet. Saisissant une fourchette qui trainait à ses côtés, je me jetai dessus, engloutissant en deux bouchées le peu de nourriture qui y subsistait. Le goût du bouillon froid dans ma bouche m'arracha une grimace. Bon sang, c'était immonde ! Pire que les porridges sans goût et pâteux que me préparait Laura ! Et je pesais mes mots. Mais j'avais terriblement faim. La misérable moitié de tacos avalée plus tôt était bien loin de satisfaire l'appétit affolant de mon estomac. Je crevai littéralement la dalle. Et c'était dire... Un gargouillis navrant s'échappa de mon ventre. Je soupirai. Cela m'apprendra à jouer au prince généreux... Dépitée, je balançai l'emballage de carton dans la poubelle et me dirigeai vers le frigo. Il devait bien rester une ou deux crèmes sur-chocolatées de mon stupide frère dans cette glacière sur pattes... Ou j'allais devenir cannibale !

Mais alors que je penchais mon buste affamé en direction de mister freeze, un violent coup retenti contre la porte. Je me redressai aussitôt, les sens aux aguets. Que se passait-il encore ? Charly venait soudainement de prendre conscience du gouffre de son existence ? Il n'avait décidément que cela à faire de ses journées celui-là ! Tsss... Pas moyen d'être tranquille cinq minutes dans ce fichu immeuble ! J'allais, bien gentiment, beugler à l'énergumène décérébré qui osait troubler ma faim tout le bien que pensais de sa personne, quand un gémissement sourd parvint à mes oreilles. Une plainte douloureuse. Ce fut une décharge. Je me ruai aussitôt vers la porte. Cette voix, ces râles... Je les reconnaitrais entre tous. C'était Marco.

Le cœur tambourinant contre ma poitrine, j'ouvris d'un coup le battant de bois, scrutant des yeux affolés la pénombre du couloir. Mon regard se posa sur une forme sombre recroquevillée à mes pieds. Un hoquet horrifié s'échappa de ma gorge. Je ne m'étais pas trompée, c'était bien lui. Avachi sur le sol, le dos appuyé contre le mur, mon frère gisait à terre, une main pressée contre son abdomen. Des grognements plaintifs s'échappaient de sa gorge. Son visage était tordu par la douleur. Je m'agenouillai immédiatement à ses côtés.

- Marco ! Haletai-je inquiète en posant mes mains sur ses épaules, Mon Dieu Marco.. ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il tourna la tête, posant sur moi ses pupilles sombres. Une grimace déchira sa bouche. Il haussa un sourcil.

- Gadie ? articula-t-il d'une voix rauque. Qu'est-ce que tu fais là ? Les gamines ça dort à cette heure-là...

S'il croyait que c'était le moment de plaisanter. Je secouai la tête, faisant courir mes doigts sur sa mâchoire. Il était couvert d'hématomes. Mais qu'est-ce qu'il avait encore fichu ? Je glissai une main sur son torse pour le soulever. Il lâcha un gémissement.

- Arrh.. ! Putain Gadie ! grogna-t-il en se dégageant. Tu m'fais mal !

- Marco je... Bon sang mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Un soupire las s'échappa de ses lèvres. Appuyant son crâne contre le mur, il tourna son regard vers moi. Son bras était lourdement retombé sur le sol. Je le considérai en silence. Ses pupilles étaient humides. Je me mordis rageusement la joue. Imbécile, pourquoi devais-tu toujours t'appliquer à poser des questions aussi stupides ? Tu savais parfaitement ce qui lui était arrivé.

- J'ai merdé Gadie, lâcha-t-il douloureusement après quelques secondes de silence. J'ai merdé putain...

Il baissa piteusement la tête, dissimulant ses traits sous l'ombre de ses cheveux. Je plissai les yeux, peinée. Voir mon frère dans cet état-là, si pitoyable et malheureux... Cela me brisait le cœur. Je me penchai vers lui, caressant maladroitement son épaule du bout des doigts.

- Je sais... chuchotai-je. Je sais...

Il eut un sourire triste et releva la tête. Je lui rendis son sourire. Ses boucles brunes venaient balayer son front. Dans un hochement de tête entendu, je glissai mon bras sous son épaule et l'aida à se relever. Il eut un grognement de protestation mais se laissa faire. Une fois debout, j'encerclai sa taille et poussai du pied la porte de l'appartement pour nous laisser passer. Le parquet grinça sous notre point. A l'intérieur, réveillée par le bruit des voix, ma mère s'était redressée sur le canapé. Elle écarquilla grand les yeux en nous voyant entrer.

- Marcolito ! s'exclama-t-elle de sa voix faible tout en se levant. Marcolito trésor, mon Dieu, mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Tendant le bras, elle fit quelques pas vers lui de sa démarche tremblante. Marco esquiva son geste et détourna la tête. Tristement, elle baissa le bras, le regard toujours posé sur son fils.

- Marcolito... murmura-t-elle faiblement.

Je levai les yeux vers mon frère. Celui-ci fixait le mur droit devant lui, sans adresser un regard à la femme qui l'implorait. D'un mouvement d'épaule, il m'engagea à continuer.

- Marcolito... répéta ma mère en tentant de nous suivre.

- Marco, grinça mon frère en boitillant maladroitement, c'est Marco.

A ces mots, ma génitrice s'arrêta aussitôt. Elle observa quelques instants son fils de ses grands yeux gris avant de s'affaisser sur elle-même, épaules voutées. Elle avait l'air pathétique. Comme toujours d'ailleurs. Lui jetant un dernier regard, je m'engageai dans le couloir, le poids de Marco sur mes épaules. Marcolito. Cela me semblait des années que je n'avais pas entendu ce nom. Cette voix triste et fragile. Ce regard insupportable. Un grognement sourd vint mourir dans ma gorge. Je serrai fermement les dents, continuant à avancer. Des années, cela n'était décidément pas suffisant. Je la méprisai.

Ouvrant la porte d'un coup de pied, je fis entrer mon frère dans sa chambre et l'allongeai sur le lit. Saisissant un coussin qui trainait au sol, je le tassai derrière sa nuque. Marco eut un grognement agacé.

- C'est bon, je peux faire ça tout seul... râla-t-il.

- Si c'était vraiment le cas je n'aurais pas eu besoin de porter ta carcasse pourrie jusqu'ici, répliquai-je d'un ton sec. Alors tu la ferme et tu me laisse faire.

Marco leva les yeux vers moi, me défiant du regard. Haussant un sourcil, je laissai échapper un soupire exaspéré avant de lui enfoncer le coussin dans la figure. Il eut un cri de douleur. Ben tiens, cela veut jouer les durs mais dès qu'on appuie un peu là où ça fait mal, il n'y a plus personne.

- Putain Gadie... Mais dégage..!

Je secouai la tête, affligée. Il y avait à peine cinq minutes il se roulait par terre de désespoir, et maintenant il voulait jouer les fiers ? Petit problème de cohérence cher frangin...

Me relevant, je lui balançai le coussin dans le nez avant de m'éloigner.

- Je reviens... grommelai-je.

Un bougonnement me répondit suivit d'une insulte charmante. Super, au moins il était encore capable de se servir de sa tête. Excellente nouvelle.

J'allais sortir de la chambre quand une ombre m'arrêta sur le pas de la porte. Ma mère. La manches de son gilet glissait sur son épaule, révélant la maigreur de ses bras tremblants. Plantée dans le couloir, elle serrait une mallette brillante contre sa poitrine. Me voyant apparaitre, ma génitrice releva aussitôt la tête, posant sur moi son regard triste. Je la considérai quelques instants, concentrant sur elle tout le mépris que je pouvais lui porter. Je fronçai les sourcils. Qu'est-ce qu'elle cherchait à faire exactement ? Jouer les mamans ? Les bonnes mères ? J'avais envie de rire. De la frapper. Voir sa mine pitoyable me répugnait. Entendre sa voix me révulsait. Sentir son odeur me dégoutait. Sa personne toute entière qui me dégouttait. Sa lâcheté, sa faiblesse. Tout. Je la détestais. Tendant un bras vers elle, je lui arrachai violement la mallette des mains et me détournai, prenant bien soin de claquer la porte derrière moi. Je ne voulais pas la voir près de lui. Je ne voulais pas voir son regard de chien battu à ses côtés. Plus jamais.

Allongé sur le lit, Marco pressait une main sur son ventre en grimaçant de douleur. Je m'approchai de lui, peinée. Stud, enfoiré. Un jour, je te tuerai de mes propres mains ; tu payeras pour toutes les merdes que tu m'aurais fait vivre... Je déposai la mallette sur le lit et en sortis une compresse ainsi qu'un flacon d'antiseptique. Je vins tout d'abord tamponner les blessures de son visage. Il eut un léger sursaut mais se laissa faire, la bouche close, mâchoire serrée. Je sentais son regard sombre suivre mes gestes. Suspicieux. C'était si rare qu'il me laisse ainsi l'aider. Je n'en revenais pas moi-même. Tentant vainement d'en faire abstraction, je reconcentrai mon attention sur ses meurtrissures. Des griffures couvraient le côté de sa mâchoire. Son coude et ses mains étaient elles aussi couvertes d'égratignures. Et je ne parlais même pas de l'état de ses vêtements... Il avait dû tomber. Pourquoi ? Comment ? Je n'en avais aucune idée.

Il eut un nouveau tressautement. Serrant les dents, il crispa un peu plus les muscles de sa mâchoire. Je suspendis mon geste. Quoi encore ? Il se plaignait du produit à présent ? D'accord il piquait peut-être un peu beaucoup, mais bon... Je ne le savais pas si chochotte. Mon regard glissa vers la main qui pressait toujours son abdomen. Une tache sombre envahissait la toile noire de son T-shirt. Fronçant les sourcils, je soulevai délicatement le vêtement. Un hoquet de stupeur s'échappa de ma gorge. Une plaie de plusieurs centimètres de profondeur barrait son flanc, partant du bassin pour remonter au niveau des côtes. J'écarquillai les yeux, horrifiée. Bon sang... Mais qu'est-ce qui lui était arrivé ?

- Marco... soufflai-je abasourdie. Mais... Mais qu'est-ce que t'as foutu ?!

Les yeux tournés vers le plafond, mon frère se pinçait les lèvres sans rien dire. Une grimace de douleur marquait ses traits. De toute évidence, il ne manifestait pas une envie affolante de m'expliquer la raison de ses problèmes, pour changer... Secouant la tête, je tournai de nouveau mon regard vers la blessure. Elle était profonde et droite. Une taillade. Saisissant un nouveau linge, je vins presser le coin de l'entaille, épongeant un peu de sang. C'était une blessure à l'arme blanche. Je ne pouvais pas vraiment dire la profondeur de la coupure, ni la gravité de cette dernière, mais lésion nette et parfaite qui marquait sa peau ne trompait pas. Je serrai les dents. Qui avait osé lui faire cela ?

- Je t'emmène à l'hôpital, déclarai-je finalement en reposant le produit dans la mallette.

A ces mots, mon frère se redressa aussitôt, non sans camoufler une grimace de douleur.

- Non ! s'écria-t-il péniblement en s'appuyant difficilement sur ses coudes. Surtout pas ! Pas l'hôpital.

Je lui lançai un regard abasourdi. Non mais il se fichait de moi ?

- Tu es en train de te vider de ton sang là crétin ! Tu veux quoi ? Que je te laisse crever dans ton lit ?!

Il eut un mouvement de tête agacé et planta son regard dans le mien. J'haussai un sourcil. Qu'allait-il encore me sortir comme idiotie ? Qu'il avait peur des piqures ?

- Me vider de mon sang... répéta-t-il d'une voix affligée. Non mais t'as pas l'impression d'exagérer un tout petit peu là.. ?

- Alors c'est quoi ça ? Du coulis de framboise ?

Il eut un soupir et reposa sa tête sur le lit. Je détestais quand il faisait cela. Quand il jouait le fier, le crétin. Je ne savais même plus à quoi il jouait au final. Un coup il me hurlait dessus, et l'autre il me tombait dans les bras. J'étais perdue. Mais contente d'être à ses côtés. Contente de voir qu'il comptait encore un peu sur moi.

- C'est juste une entaille putain, souffla-t-il d'un air épuisé, il suffit de recoudre.

- Recoudre ? répétai-je d'une voix étranglée. Mais... Et si ça a touché des organes vitaux ? Et si ça s'infecte ? Tu comptes faire comment, hein ?!

Il leva les yeux au ciel. C'est cela, prends donc ton air exaspéré imbécile, mais celui qui risque de pourrir de l'intérieur ici, c'est toi, pas moi.

- Ça n'a pas touché d'organes vitaux, et ça ne s'infectera pas. Articula-t-il les yeux rixés sur le plafond.

Bien sûr. Et les licornes bouffent des arcs-en-ciel. Non mais il voulait ma main dans sa figure celui là ?! Il n'était pas suffisamment amoché peut-être ? J'inspirai profondément puis plantai mon regard dans le sien.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Un soupire s'échappa de ses lèvres.

- J'ai merdé. Grinça-t-il en détournant les yeux.

Ouah... Merci pour ce scoop Marco, cette info en béton et ces détails... affolants ! Ce n'était pas du tout comme si tu m'avais sorti la même idiotie quelques minutes plus tôt, non. J'eu un soupir agacé. L'Alzheimer frappait de plus en plus jeune apparemment.

- Dis-moi ce qu'il s'est passé ou je t'emmène de force à l'hôpital pour qu'ils te piquent ta sale face de babouin périmé.

Un rire rauque s'échappa de sa gorge. Il toussa légèrement.

- J'aimerai bien voir ça tiens...

Bon, il n'avait pas tout à fait tort. L'emmener contre son grès jusqu'à l'hôpital le plus proche n'était clairement pas dans mes cordes. Mais s'il croyait que cela allait m'arrêter... C'était mal me connaitre.

- Tu veux que je retourne le couteau dans la plaie ?

Calmant sa toux, il m'adressa un regard intrigué.

- Au sens littéral, précisai-je avec un sourire.

Il eut un rire nerveux.

- Tu n'oserais pas.

- Je ne parierai pas là-dessus à ta place...

Il m'interrogea du regard, inquiet. Ses yeux scrutèrent mon visage. Il doutait de ma parole. Imbécile. Sans décrocher mes pupilles des siennes, j'approchai dangereusement mes mains de son abdomen, un sourire mauvais suspendu à mes lèvres.

- Ok ok ! lâcha-t-il finalement dans un souffle. Je vais te le dire, c'est bon... Mais vire tes putains de mains de là et va me chercher une aiguille.

J'haussai un sourcil, amusée. Décidément, un rien l'effrayait ce pauvre garçon.

- On part sur de l'acuponcture du coup ? interrogeai-je d'un air innocent.

- On part surtout sur un « tu vas fermer ta gueule quand t'as que ça à dire », grinça-t-il.

J'eus un sourire narquois. Marco me foudroyait du regard. Bon ok, c'était naze. Mais il me stressait. Le voir comme cela me stressait. Sa blessure me stressait. J'étais devenue une boule de stress. Farfouillant quelques secondes dans la boite, j'en sortis un fil et une aiguille.

- C'est bon, j'ai déjà tout ici.

Il posa brièvement son regard sur la tige de métal puis détourna les yeux, les lèvres pincées. Ce n'était pas un garçon douillet, mais je pouvais comprendre que l'idée de se faire piquer par une cinglée à une heure pareille n'avait rien de vraiment réjouissant. Et d'expérience, je devais bien avouer que ses craintes étaient justifiées. Je n'avais jamais été très douée pour cela... Ne t'inquiète pas Marco, je suis sûre qu'une cicatrice à la Harry Potter sur le bide t'ira comme un gant !

- Mais tu parles d'abord, ajoutais-je en glissant le fil dans le chas de l'aiguille.

Il me considéra quelques instants puis détourna le regard, concentrant son attention sur les interstices sinueuses du mur. Humidifiant copieusement la compresse d'antiseptique, je ne le lâchais pas des yeux, scrutant chacune des expressions de son visage. Délicatement, je vins éponger la plaie. Ses abdominaux se contractèrent légèrement au passage du tissu humide. Il frissonna. Après quelques allé-retours, je relevai la main, contemplant mon œuvre. Ainsi nettoyée, on pouvait à présent clairement distinguer la chair déchiquetée qui imprégnait la blessure. Je ne m'étais pas trompées, la profondeur était notoire. Deux à trois centimètres, au moins. C'était rose et odorant. Je plissai le nez. Non que cela me dégoutait, j'avais déjà connu bien pire, mais j'avais mal pour mon frère. Je me détestais de ne pas avoir pu être là, de ne pas avoir pu l'aider. Et par-dessus tout, je haïssais le sale fils de chien qui lui avait fait cela.

- J'ai fait le con Gadie...

Je relevai les yeux vers lui, haussant un sourcil. Une grimace de tristesse envahissait ses traits. Je me pinçais les lèvres. Mais qu'avait-il encore fait bon sang ?! Mon cerveau allait finir par me faire avoir une attaque à force d'imaginer les pires scénarios possibles ! Baissant la tête, je fis doucement mouvoir le linge sur la coupure, silencieuse. Je voulais le laisser parler. Je n'avais pas d'autre choix. Le brusquer ne ferait que le murer davantage dans son silence. Et cela, je ne pouvais plus le supporter.

- Stud venait de me filer une raclée, commença-t-il de sa voix faible. Soi-disant qu'il avait déjà été hyper tolérant, qu'il m'avait laissé plusieurs jours, mais que sa patience avait atteint ses limites et qu'il voulait son fric sur le champ.

Il passa une main affligée sur son visage, retenant un lourd soupir. J'interrompis mon geste. Alors c'était bel et bien cette enflure de Stud qui lui avait fait cela. Encore. Je serrai la mâchoire. Un frisson de rage parcourut mon dos. J'allais le pulvériser, l'atomiser. J'allais tellement le déglinguer qu'il se chierait dessus rien qu'en voyant son image dans un miroir. Espèce d'enfoiré de fils de...

- Putain.. ! s'emporta soudainement Marco en crispant sa main. À chaque fois, à chaque putain de fois que je lui empruntais du fric ou de la cam, je le remboursais dans la semaine ! A chaque fois ! Et là, je me fais avoir une fois, une seule putain de fois, et il est pas fichu d'attendre un peu ! Non ! Merde à la fin ! Il veut que je le sorte d'où son foutu fric ?! De mon cul ?!!

Silencieuse, je l'écoutais parler, la bouche close et les yeux grands ouverts, surprise par son brusque changement d'humeur. Le bras qu'il avait plaqué sur son visage dissimulait ses yeux. Il se mordit rageusement la lèvre. J'eu une moue attristée. Que Stud soit un connard de première, cela n'était pas franchement une nouvelle incroyable, mais voir mon frère si vulnérable... ce n'était pas habituel.

- Il m'a jeté dehors en m'expliquant que si je ne lui rendais pas son fric avant la fin de la semaine, il me massacrerait, puis il s'occuperait de toi... et de... de Yéromine.

J'écarquillai les yeux et redressai la tête. Quoi ? Comment cela ? Comment osait-il ?! M'utiliser comme moyen de pression, moi ?! Moi et... mon assistée de mère ?! Quelle espèce de salaud était-il ? Enflure. Pourri jusqu'à la moelle.

- J'étais désespéré, se défendit Marco en serrant les poings. Je ne savais plus quoi faire. Anthony voulait à peine de me prêter cent balles et Steven m'ignorait complétement. Je ne te parle pas des autres... Même Nicky s'est ouvertement foutue de moi. Elle m'a carrément claqué la porte au nez cette salope, pourtant c'est pas la dernière à venir chialer quand y'a un problème !

Il se pinça les lèvres, comme pour trouver ses mots.

- Je n'avais rien, lâcha-t-il piteusement. Rien... Et puis quoi ? s'emporta-t-il de nouveau. Hein ? Même si, par le plus grand des bonheurs, quelqu'un acceptait de me prêter cinq mille boules, comment je ferais pour le rembourser ?! Hein ?! Comment ?! J'étais coincé... Paumé...

Il serra les dents, relevant légèrement ses bras. Ses yeux étaient emplis d'une souffrance terrible, à peine dissimulée. J'en eu le souffle coupé.

- J'ai même pensé à vous abandonner putain ! explosa-t-il avec douleur, la voix chargée de tristesse. Comme un lâche ! Comme un putain de lâche ! Vous abandonner... Me barrer. Comme si, parce que j'avais disparu, il n'oserait rien vous faire... Quel crétin... Et puis, me tirer pour aller où ? Et faire quoi ?

Je le fixais sans rien dire, sidérée. Il avait soudainement explosé, craqué, pour sombrer de nouveau, plus misérable encore. La souffrance se lisait dans l'éclat de sa voix, le tremblement de sa main, la moiteur de sa peau.

- J'étais perdu Gadie, perdu. Répéta-t-il de sa voix triste. Je savais plus quoi faire. J'ai commencé à divaguer dans le quartier... Et puis, elle est apparue. Au mauvais moment. La daronne à Greg...

Je fronçais les sourcils. La daronne à Greg ? Qui c'était encore celle-là ? Une autre de ses allumées pseudo psychopathes qui vendent leurs culs pour des pâquerettes ? Je baissai les yeux vers Marco. Ce dernier avait soulevé le bras qui masquait son visage et me fixait de son regard clair. Ses pupilles émeraudes, humides, m'observaient. Silencieuses. Il passa un coup de langue sur ses lèvres.

- Tu sais, celle qui vend des fleurs pas loin de la cité, vers le garage de Freddy. C'est dans sa boutique que Greg planque ses doses. Une putain de caverne d'Ali Baba...

Attends deux minutes... Greg ? Greg le taré ? Le chien-chien de Stud ? Bon sang... Mais il ne faut jamais l'approcher ce cinglé ! Qu'est-ce que t'as foutu Marco ?

- Il était tard tu vois, et elle rangeait ses panières de fleurs à la con. Tu l'aurais vu, elle galérait trop la vieille, alors quand elle m'a vu, elle m'a demandé de l'aider. Sur le coup, je l'ai envoyé se faire foutre, j'avais carrément autre chose à faire que d'aider mamie gâteau à ranger ses foutues marguerites dans son frigo. Mais elle a insisté cette idiote, elle me disait qu'il y en avait pour des milliers de balles de fleurs à l'extérieur et qu'il fallait impérativement les rentrer. Genre, elle vendait ses pâquerettes des milliards la daronne ! Alors, je sais pas trop comment, j'ai commencé à disjoncter...

Purée... Marco... Ne me dis pas que...

- Des milliers ! martela-t-il, Rien qu'à l'extérieur ! Alors imagine combien elle devait avoir à l'intérieur cette vieille peau !

Non... Marco. Pas toi. Pas cela.

- Je... j'ai commencé à me dire que je pourrais lui demander gentiment puis... puis mon cerveau est parti en couilles. C'était pas moi putain, je suis pas comme ça.. ! Mais je savais plus quoi faire, et elle se ramenait là avec ses fleurs qui puaient le pognon ! Alors j'ai accepté de l'aider. Je lui ai rentré ses foutus pots, puis j'ai commencé à lui poser des questions. Des questions à la con, mais elle était contente la vieille. Ça lui faisait plaisir de parler de ses pissenlits. Et puis, ça la mettait en confiance...

Il me regarda, de ses grands yeux. Une ride désespérée barrait son front. Je retins mon souffle. Qu'est-ce qu'on est devenu Marco ? Qu'est qu'on avait fait de toi ? Qu'est-ce que j'avais fait de toi ?

- Alors j'ai commencé à l'interroger sur son commerce, sur l'argent qu'elle amassait, ses finances... Et elle répondait la vieille, elle m'expliquait tout ! Elle m'a même montré où elle planquait son fric l'imbécile, sa caisse, son coffre. Putain ! Mais elle cherchait quoi au juste ?! A me tenter ?! C'était un foutu appel au meurtre ça ! Au vol !

Je savais exactement ce qu'il allait dire. Je savais parfaitement ce qu'il avait fait. Je n'avais pas besoin de plus de mots pour comprendre où il voulait en venir. Mais je n'osais pas y croire. Je ne voulais pas y croire. Mon frère, à moi. Ce frère qui m'avait si longtemps soutenue, si souvent consolée. Ce frère auquel je tenais plus que tout au monde. Cet homme si sûr de lui. Ce garçon si gentil et attentionné. Qu'avais-je osé faire pour le détruire à ce point ? Pourquoi avait-il dû devenir la victime de mes erreurs ? Pourquoi toi ?

- Au début, je lui ai gentiment demandé d'ouvrir son coffre, poursuivit-il la voix chargée de tristesse. Elle a commencé à rire cette conne. Alors j'ai répété, en lui expliquant que j'avais besoin d'argent et que je la rembourserais plus tard. Là, ça ne l'a plus fait rire du tout. Elle a commencé à s'énerver et me demandait de partir. Alors, je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé. J'ai pété les plombs. Je l'ai plaquée contre le mur et je l'ai menacée avec mon couteau... Tel un vulgaire voleur...

Mordant sa lèvre, il plaqua une nouvelle fois son bras contre son visage, comme pour se protéger de mon regard. Cela me fendit le cœur. Mais je n'osais pas bouger. Nerveusement, mes doits trituraient la compresse sale.

- Là, elle a commencé à flipper. Elle a ouvert le coffre où elle rangeait sa caisse. J'ai pris la boite, puis je l'ai libérée. Je lui ai dit que si elle l'ouvrait je la planterais. Je ne déconnais pas. J'étais devenue taré. Je savais plus quoi faire. Les caméras, les gens autours... j'étais foutu. Mais elle s'est mise à hurler. Elle criait la vieille. J'aurais dû me barrer fissa, me tirer d'ici ! Mais tout ce que j'ai pensé à faire c'est me ruer sur elle pour l'assommer contre le mur. Quel con putain !

Merde. Merde de merdre. Marco.

- Deux secondes après, deux gorilles décérébrés se sont pointés. Greg est arrivé juste derrière eux, il devait venir récupérer sa cam'... Ils ont pété un plomb. Je me suis aussitôt barré avec la caisse. De toute manière j'étais foutu, ils m'auraient pété la gueule. J'courrais comme un malade, j'ai même cru que j'allais pouvoir leur échapper mais... mais je me suis croûté. J'ai dérapé et je me suis pris les pieds dans une foutu bouche dégoût. Putain de  barreaux à la con... Le temps que je me relève, ils étaient déjà là. Les deux gorilles se sont jetés sur moi et Greg m'a arraché la caisse des mains. J'étais coincé. Ils allaient me défoncer. Alors, j'ai agi par réflexe, comme un con. J'en ai crocheté un et planté l'autre, dans le bide. Il s'est effondré sur moi ce gros lard. J'pouvais plus bouger. L'autre m'a direct plaqué contre le mur et m'a arraché le couteau. J'ai cru qu'il allait me buter mais j'ai réussi à me barrer. J'me suis planqué dans un foutu local à balais le temps qu'ils se barrent puis... me voilà. Comme un con. Sans fric, sans couteau, une blessure au bide et sûrement un mort sur la conscience... voir deux, si la daronne avait le crâne fragile.

Il se tut. Son bras toujours plaqué sur sa figure, il ne bougeait plus. Un silence lourd et pesant avait envahi l'espace. Je n'osais plus respirer, silencieuse. Son récit m'avait pétrifiée. Je ne savais ni que dire, ni que faire. Comme sidérée, les yeux grands ouverts, je le fixais sans rien dire. Je ne pouvais pas discerner les traits de son visage. Je ne pouvais pas lire la tristesse de son regard ni discerner les rides inquiètes qui parcouraient son front. Non. Je ne pouvais pas. Je n'avais que la noirceur et l'angoisse de ce récit trop dur qui se répétait douloureusement dans mon esprit. Je plissai les yeux, mordant ma lèvre. Je ne lâchais pas mon frère du regard. Je ne savais pas si je pouvais le prendre dans mes bras, ni si je pouvais le réconforter. Je ne savais pas s'il accepterait mes paroles, ma pitié. Je ne savais pas s'il accepterait de m'écouter. Et pourtant, je n'avais qu'une envie, l'enlacer, le serrer contre moi et lui murmurer qu'il n'avait pas à s'inquiéter, que j'étais là et que tout allait bien se passer. Je voulais lui dire à quel point je l'aimais. Je voulais lui jurer que ce n'était pas si grave. Je voulais lui montrer qu'il était une personne formidable. Mais je ne disais rien. Je restais silencieuse, agenouillée par terre, serrant dans mes mains une compresse sale. Même si je lui disais tout cela, allait-il l'entendre, allait-il seulement m'écouter ?

- Marco, je... hésitais-je d'une petite voix, triturant un peu plus le tissu souillé.

J'inspirai difficilement et reconcentrai mon regard sur lui. Mon cœur rata un battement. Je me figeai. Une larme avait roulée sur sa joue. Une perle salée, fragile, lourde. Une infime boule de chagrin qui dévala sa peau pour venir s'écraser sur l'oreiller. J'écarquillai les yeux. C'était la première fois que je voyais cela. La première fois que je le voyais pleurer. La première fois... Un frisson d'angoisse me parcouru le corps. Je me penchai aussitôt vers lui, la voix tremblante. Non... Non je ne voulais pas le voir comme cela. Il ne devait pas... Il ne pouvait pas.

- Marco.. ! Non, Marco... Tu...

Un hoquet secoua ses épaules puis il fondit en larme. Une douleur silencieuse. Terrible. Son corps tressautait violement sous les coups de la souffrance. Le bras toujours plaqué sur son visage, il tremblait. Une grimace terrible déchirait ses lèvres.

- Je suis pas un assassin putain, gémit-il en se mordant lèvres.

Cette phrase me brisa le cœur. J'ouvris la bouche sans parvenir à sortir un son. Non, il n'était assurément pas un assassin. Celle qui avait du sang sur les mains ici, ce n'étais pas lui... Jamais.

- Je suis pas un assassin, répétât-il une nouvelle en tentant de taire un sanglot.

Je me mordis violement la lèvre. Je croyais voir le monde s'écrouler autour de moi. Tout s'effondrait. Mon frère, ma vie. Tout. Et je m'effondrais avec eux. Tous mes fantômes, les démons... ils étaient revenus. Mon frère pleurait. Il pleurait. Là, devant moi. Juste sous mes yeux. Il explosait. Lui. Et c'était toute ma vie qu'il emmenait avec lui.

- Non... murmurai-je d'une petite voix, bien sûr que non tu n'es pas un assassin.

- Je suis pas un voleur, continua-t-il, la voix brisée.

Ma bouche était pâteuse. Je me voyais sombrer.

- Non, Marco... tentai-je faiblement

- Je suis pas comme ça putain, craqua-t-il dans un sanglot. Je suis pas comme ça.. !

Il avait plaqué ses deux mains sur son visage, comme pour retenir ses larmes. Je voyais ses ongles s'enfoncer dans sa peau. Une grimace terrible déchirait ses traits. Comme un râle silencieux qui s'échappait de sa bouche pour monter vers les cieux. Une douleur funeste. Trop longtemps tue. Je cru que mon âme se déchirait de l'intérieur. Un embrasement, une souffrance violente et soudaine. Je me précipitai sur lui et saisis ses mains. Je ne pouvais pas d'avantage le laisser se faire mal. Je ne pouvais pas rester statique, immobile. Paralysée. Non, je ne pouvais pas encore me défiler. C'était lui qui souffrait, pas moi. Comment pouvais-je être aussi égoïste ?

- Marco, Marco, implorai-je d'une petite voix. Oh... Calme toi, je suis là.

Il se pinça les lèvres et releva une main, dévoilant ses yeux rougis et chargés de souffrance. Il me regarda quelques instants puis baissa le regard, mordant sa lèvre inférieure. Je pressai un peu plus sa main dans la mienne.

- J'en peux plus Gadie, gémit-il la voix lourde, j'en peux plus...

Les yeux humides, il fixait un point invisible devant lui. Ailleurs. Perdu, seul avec sa tristesse.

- Je sais plus à quoi ça rime tout ça, je sais plus où je vais... Je sais plus qui j'suis... Je suis perdu putain, je suis perdu.

Il retint un sanglot puis leva les yeux vers moi. Ses joues étaient souillées de larmes. J'eu un pincement au cœur. Bon sang, Marco...

- Aide moi Gadie, implora-t-il. Je t'en supplie, aide moi... Ou je vais définitivement craquer... Je vais exploser...

J'ouvris de grands yeux. Définitivement craquer. Qu'entendait-il par là ? Je ne permettrais jamais cela, jamais. Il n'avait pas le droit. Mais je n'en revenais pas. Mon frère me demandait de l'aider. Il me suppliait de lui venir en aide. Moi. La fille qui l'avait envoyé dans ce cauchemar. Cette même personne qu'il avait si longtemps rejetée et ignorée... Voilà qu'il pleurait dans mes bras pour que je le sorte de là. Une boule de chagrin et de honte gonfla dans mon ventre. Marco... Mais à quel point avais-tu donc pu souffrir pour en arriver là ? Comment se faisait-il que je n'aie pas remarqué cela plus tôt ? Je raffermis la pression de mes mains sur les siennes.

- Marco je... Bien sûr que je vais t'aider, jamais je ne t'abandonnerais tu le sais bien. Jamais. Je braquerai Wall Street, je te donnerai tout l'amour du monde et je défoncerais Stud autant de fois qu'il le faudrait... Pour toi je ferais tout, tu le sais parfaitement. Même si ça n'a pas toujours été une réussite, même si j'ai été une parfaite égoïste, jamais je ne te laisserai seul, jamais. Je... Tu es mon frère Marco, et tu pourras toujours compter sur moi. Toujours.

Je me tus, le cœur battant à tout allure dans ma poitrine. Face à moi, mon frère me fixait de ses grands yeux verts, sans rien dire. Les larmes avaient cessé de couler sur ses joues et les tressautements de son corps s'étaient tus. Une mine surprise se peignait sur son visage. Je me sentie rougir. J'avais été maladroite, mais je le lui avais dit. Cela n'avait pas été spécialement poétique, ni tragique, mais j'avais osé lui avouer ce que je ressentais. Oser lui confier à quel point je l'aimais et à quel point cela me faisait souffrir de le voir malheureux. Il était mon frère, mon grand frère, mon univers et mon complice, il était tout pour moi et pour lui, je serai capable de déplacer des montagnes, de franchir des sommets, d'éteindre des volcans... dans le simple but de le savoir heureux.

- Gadie, je...

- Mais avant toute chose, continuai-je sans lui laisser le temps de finir sa phrase, je vais recoudre cette horrible coupure. Sinon tu vas vraiment finir par pourrir comme un camembert trop vieux... Ça serai une fin beaucoup trop moisie.

Je lâchai ses mains pour me pencher de nouveau sur la mallette. Je farfouillai quelques instants à l'intérieur pour y retrouver l'aiguille et le fil, avant de me rendre compte que je les avais déjà préparées et déposées dans le couvercle de métal. Mon esprit était ailleurs. Mes mains étaient tremblantes. Ce n'étaient pas franchement les conditions les plus optimales pour réparer un ventre troué... Je saisis gauchement la tige de métal et me tournai vers Marco. Du sang s'était à nouveau échappé de la plaie. Bon sang... Retenant un juron, je saisi une nouvelle compresse.

- Merci, murmura mon frère.

Je me paralysai aussitôt, suspendant mon geste. Merci... Merci à moi ? Je ne méritais pas de merci. Pas venant de toi. Pas de quiconque d'ailleurs... Mais cela me réchauffa le cœur. Une sensation de chaleur, douce et agréable, qui se répandit dans mon corps. Je me maudis de l'intérieur. Comment faisais-je pour être aussi égoïste et me réjouir dans le malheur des autres ? Monstre.

Secouant la tête, gênée, je reconcentrai mon attention sur la blessure, tamponnant les bords. Espérons au moins que l'égoïste que je suis sera capable de faire preuve de quelques talents de couturières pas trop dégueux... l'imposture aura été totale sinon...

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Hey ! Désolé pour ce retard, mais j'ai eu pas mal de mal avec ce chapitre et le résultat me laissait perplexe... Je ne suis pas hyper satisfaite mais bon, si je continuais à m'attarder dessus j'allais finir par péter un câble alors voilà... je vous le confie, donnez moi votre avis !

Bon, il est un peu plus sombre que les précédents, mais c'était le but. Je voulais que l'on découvre un peu plus la vie de Gadie, avec quelques indices sur ce qu'elle a pu vivre, mais surtout sur ses relations avec son frère et sa mère... Qu'en avez-vous pensé ?

Je vous laisse là dessus, et je vais m'attaquer à la suite, en espérant cette fois-ci que je serrais moins lente ;)

Merci beaucoup de continuer à me suivre, n'hésitez surtout pas à me donner votre avis ça me fait toujours hyper plaisir !!

A bientôt !!

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