En France, Joshua patientait sur un banc en attendant la fin de la réunion de son père. Il connaissait la raison de l'entrevue, l'ouragan ayant frappé la Principauté avait causé de nombreux dommages sur les villages des employés de la société. Des messes basses entre son père et son bras droit, auxquelles il avait assisté, confirmaient l'inquiétude de ne pas avoir souscrit d'assurance pour les habitations. Celle-ci était prélevée sur le salaire de chacun, mais sans souscrire à une assurance.

Détournant le regard, il regarda l'immense sigle de sa famille surplombant un bâtiment. Il était représenté par la planète Saturne, avec le symbole de l'infini sur le devant, les initiales de son père sur les couronnes. La porte s'ouvrit tout à coup, Rembrandt sortit en premier et s'entretint avec son second à l'écart.

— Tu te rendras sur place pour vérifier les préjudices, l'estimation, les erreurs compromettantes. Si survivants il y a, tu proposeras un chèque de mille euros en compensation du désagrément! Pour les victimes, tu inventeras un vice de forme dans leur contrat d'assurance causant leur responsabilité dans le non-remboursement.

Découvrant que son fils écoutait, il repoussa son allié vers le couloir. Prenant un sourire forcé, il obliqua le visage dans sa direction pour s'adresser à lui d'une voix autoritaire.

— Dans mon bureau, fils !

Il suivit son père sans rien dire. Ignorant la raison de sa présence dans le bâtiment, il préféra se faire petit.

Une fois dans le bureau, Rembrandt partit se servir un remontant, décapsula un coca pour son fils et posa le tout sur la table basse du canapé. S'affalant brutalement sur le revêtement en cuir, il fit signe à Joshua de le rejoindre. Il but d'un trait son whisky, reposa son verre, puis observa son fils qui semblait sur la défensive.

— Je sais que tu as dû entendre ma discussion avec Charles [...] Mes propos t'ont peut-être troublé, mais n'oublie jamais que le monde punit toujours les faibles. Nous ne sommes pas une petite entreprise, plus les affaires sont rentables plus le mensonge et les malversations financières sont obligatoires. Notre société est reconnue mondialement pour son énergie propre. Dans quelques années lorsque le pétrole finira par manquer, nous deviendrons le premier fournisseur et la concurrence deviendra rude. Grâce à nous la pollution de l'air a baissé de 7 pour cent, rapidement elle finira par doubler voir tripler si nous pouvons endosser la demande. Un homme d'affaires aimable n'a aucune chance de persévérer, seuls les bénéfices sont importants. Je fixe le salaire de mes employés sur un pourcentage légèrement plus élevé que la moyenne que la concurrence. Pour cette raison, ils sont fiers de travailler pour nous et se donnent à fond dans leurs besognes. Malheureusement, ce coût nous oblige à récupérer des bénéfices ailleurs pour ne pas être perdants.

Son père se tut un instant pour se servir un nouveau verre, puis recommença son monologue.

— Quand tu deviendras PDG, tu feras comme bon te semble, mais ne trahis jamais la confiance que je place à toi. Désormais, tu apprendras ici, auprès de mes meilleurs employés, afin de devenir le meilleur chef d'entreprise de la planète. Des Vignes sera une référence, notre famille gouvernera le monde !

La bouteille trembla entre les doigts de l'adolescent, le ciel venait de lui tomber dessus, il était terrorisé. Il restait tant à apprendre, en si peu de temps. Il regrettait déjà la mort de son père le 8 juillet 2025 ! Comment pouvait-il connaître avec certitude cette date, les chiffres, encore des chiffres. Songea-t-il. Une présence floue dans son avenir l'inquiétait, une personne encore inconnue à ce jour ferait surface et consacrerait son existence à le détruire. Il ne désirait pas s'embrouiller l'esprit pour le moment, de lourdes tâches l'attendaient. Son père lui saisit soudain le poignet pour le secouer puissamment.

— Joshua, tu m'écoutes.

— Euh, oui papa, je pensais aux victimes de l'ouragan. Mentit-il en buvant à sa bouteille de coca.

Rembrandt quitta subitement le canapé pour se diriger vers son bureau ou il attrapa un dossier. L'ouvrant précipitamment, il sortit le premier feuillet qu'il tendit à son fils.

— C'est arrivé hier matin, ce projet révolutionnaire provient du fils d'un de mes responsables de la Principauté. C'est le plan détaillé d'une nouvelle tour énergétique qui devrait nous coûter dans les 1 698 000 000 milliards euros. Crois-tu que nous pouvons nous permettre de gâcher notre argent inutilement ?

Joshua détailla minutieusement le plan qui semblait d'une perfection désarmante, puis s'attarda sur l'estimation de l'énergie électrique sur les 600 000 logements.

— C'est faux, là. Dit-il en le pointant de l'index.

Son père observa le chiffre.

— Que veux-tu dire ?

— Le rendue énergétique n'approvisionnera que 598 675 logements. Annonça-t-il fièrement sa découverte.

Rembrandt éclata de rire en posant une main affectueuse sur l'épaule de son fils.

— Tu sais que ce garçon a le même âge que toi, lui aussi doit être un surdoué !

Blessé dans son orgueil, l'adolescent serra les poings en affirmant.

— Moi au moins, je ne ferai jamais des surestimations faussées de 0,8 pour cent !

Des Vignes étaient heureux de ce moment paisible avec son fils, il ne s'en rappelait pas d'autres. Ils discutèrent ensuite longuement des futurs employés qui l'éduqueraient au sein de l'entreprise. Le soir, son père lui ferait la surprise de l'avant-première privée de l'épisode pilote de la toute nouvelle série Star Wars, financée par Des Vignes Cinérama.