Le ciel bleu azuré surplombait l'immensité d'une plaine entourée d'une forêt boréale aux couleurs rayonnantes. Les plantes vasculaires à graines portées par une structure en forme de cône vibraient au vent. Leurs fleurs qui n'en étaient pas semblaient palpiter au grès des rafales. Tous les conifères dansaient en rythme. Les cèdres, cyprès, douglas, sapins, genévriers, mélèzes, pins, séquoias, épicéas, l'if se chamaillaient. Chacun était désireux de montrer avec élégance, ses formes, son relief, son harmonie naturelle. Un couple d'écureuils se disputait une noix. Une fourmi faisait rouler un morceau de pommes alors qu'un lapin grignotait une carotte. Un berger allemand camouflé dans un fourré pistait un chat européen se nettoyant une oreille. Le molosse bondit pour le faire sursauter. Il renversa amicalement le chat du bout du museau. Le félin se mit sur le dos pour repousser des pattes le museau du chien. Le berger hocha la tête pour le regarder puis s'écroula lourdement sur le côté pour enlacer le matou ronronnant comme un fou. Un contingent de guêpes les survola en direction d'un champ de marguerites. Un homme sortit d'un champ de blé pour approcher d'un petit cours d'eau. Il se pencha pour regarder son reflet de son unique œil. Il s'agenouilla pour tremper les doigts dans le courant d'eau tiède. Une pénombre subite assombrit les lieux. Les nuages recouvrirent subitement le ciel. Un vent violent le fit trébucher.

— Tu es libre ! annonça une voix.

Il se releva pour observer une silhouette camouflée par le coucher du soleil.

— Où suis-je ?

— Où crois-tu être ?

— Qui es-tu ?

— À ton avis !

— Depuis quand suis-je là ?

— Suffisamment longtemps.

Le borgne avança de quelques pas.

— Anathème ! Ils allèrent trouver les chefs des prêtres et les anciens, et leur dirent : nous nous sommes engagés par un serment solennel à ne rien manger avant d'avoir tué Paul.

— Tu as bien appris ta leçon.

— Il ne s'y trouvera plus rien qui soit frappé par la malédiction de Dieu. Le trône de Dieu et de l'Agneau sera dans la ville, et les serviteurs de Dieu l'adoreront. Annonça le borgne en le pointant du doigt.

— Apocalypse 22,3 ! C'est déjà trop tard. Ricana le visiteur en levant la main pour le balayer comme un fétu de paille.

Il glissa douloureusement sur une dizaine de mètres, puis stoppa contre un rocher.

— L'Éternel est bon et droit : c'est pourquoi il montre aux pécheurs la voie. Il conduit les humbles dans la justice, Il enseigne aux humbles sa voie.

— Ta, ta, ta, ta. Se moqua l'autre. A-t-il empêché ton emprisonnement de neuf ans !

— Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton me rassurent.

— Il t'en faut peu.

L'inconnu plongea les mains dans les poches de son pantalon en s'accoudant contre un arbre.

— L'éternel Dieu appela l'homme et lui dit : où es-tu ? Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Dieu répondit : qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ?

Le visiteur fit demi-tour sans répondre.

— Reviens ! hurla le borgne en lui courant après.

Il fut aspiré dans un jet de lumière pour se retrouver dans une pénombre totale. Son vison finit par s'accommoder, il découvrit une chambre vide. Il approcha de la porte entrouverte pour la pousser afin de tomber dans un couloir. Il se dirigea vers la lumière du jour pour sortir dans une ruelle. Il aperçut la devanture d'une bouquinerie l'éclipse fatale, puis une cathédrale au loin. Il leva la tête pour regarder un graffiti sur le mur affichant Industrie Des Vignes, la sauvegarde de l'espèce ou un imposteur!