30. Le Seigneur des cookies
Il est l'heure. Mon autre moi doit être retourné dans le passé, maintenant. La boucle temporelle est bouclée.
« JBSchrottenloher ! »
Un nouveau mur – l'un des derniers – explose pour laisser apparaître le dieu carotte, au faîte de sa puissance.
Une multitude de paquets de pâtes, un souffle brûlant de Zogothar, des flammes vertes de Médusa, quelques sphères plasmatiques, une demi-douzaine de coquilles d'huîtres acérées, une pantoufle, ainsi qu'une dizaine de patates mettent aussitôt fin à sa véhémence.
Le combat est presque terminé. Les derniers légumes tombent les uns après les autres.
Je mange un cookie.
Seul reste Rodolphe-Albert.
Gudule s'approche finalement de la betterave maléfique, un sabre à la main.
« Yo, je suis enfin arrivé, c'est moi, le grand Gigamèche ! Accompagné par son fidèle destrier et ami, Zenkidu ! »
Quelques regards se tournent vers le nouvel arrivant tout de rouge vêtu, une cape balayée par le vent, ainsi que le tigre ailé, fièrement dressé à ses côtés. Je fais apparaître un nouveau cookie.
« Mais, euh, c'est déjà presque terminé, remarque Gudule.
— Quel talent, quelle efficacité, à peine arrivé que la situation se règle déjà. C'était l'intervention du grand, de l'incommensurable, de l'invincible Gigamèche, réalisée presque sans effort.
— Sans effort, c'est sûr, maugrée Gorzül.
— Ce n'est pas terminé. »
Rosolphe-Bébert ramasse un sabre et se traîne jusqu'à Rodolphe-Albert.
« Fuyez, maître, je vous protège.
— Fuir ? Ce serait plutôt à toi de fuir...
— Maître ? »
Un rayon atteint le navet de plein fouet pour le transformer en muffin.
« Que ? »
La betterave s'agrandit, change de forme, des étincelles la parcourent. Dans le doute, Gudule s'élance, sabre à la main.
Juste avant d'être à son tour métamorphosé en baba au rhum.
« Je ne suis pas Rodolphe-Albert, et encore moins une betterave, en réalité, je suis...
— Monstre ! Mon seul assistant ! Qui pourrai-je exploiter en toute impunité, maintenant ? »
Une lueur blanche émane de ChristopheNolim, s'intensifie jusqu'à l'extrême, nous oblige même à fermer les yeux.
« Aaaah, je suis aveuglé, panique notre interlocuteur.
— Râmen... Râmen... Râmen... Râmen... Râmen... Râmen... »
La lumière s'estompe. Face au dénommé Tartandelus, plus la moindre trace de ChristopheNolim ni de Gudule, si ce n'est une peluche parlante à la gloire du Monstre Spaghetti Volant.
« Que ? »
Profitant de la confusion, Gorzül, Otton et même Robert, l'huître-ninja se jettent sur l'adversaire, armes en main. Les mains jointes, Médusa accompagne l'assaut d'un trait de flammes vertes.
Un champ de force repousse en arrière les intervenants.
« Il suffit. Comme je m'apprêtais à le révéler, je suis Tartandelus ! »
Je mange un nouveau cookie ; le dénommé Tartandelus se déforme, s'agrandit, jusqu'à prendre la forme d'un gigantesque gâteau volant.
Très appétissant, d'ailleurs, je me dois au moins de lui reconnaître ce point. À tel point que le regarder me donne faim, d'ailleurs. Afin de faire avancer l'intrigue, je fais donc apparaître de nouveaux cookies à l'aide du bambou magique.
« Mouhahaha, tous mes potentiels ennemis réunis en un seul lieu. Il ne me reste désormais plus qu'à vous anéantir et plus rien ne se mettra en travers de mon grand projet. »
Un projet appétissant, surtout. Je continue de manger des cookies.
« Erreur, messire Tartandelus, objecte Otton. Il me semble que Gudule et ChristopheNolim ont justement quitté les lieux.
— Certes, mais, maintenant, j'ai des lunettes de soleil. Même la lumière de ChristopheNolim ne pourra plus rien contre moi. Et, en plus, c'est classe. »
Face à l'assemblée horrifiée, il joint le geste à la parole et pose les verres opaques sur ses yeux.
Je mange un cookie.
« Enfin, pour finir, Gudule est un baba au rhum, maintenant.
— Ses fans ne vous le pardonneront jamais, objecte Gorzül.
— Peu m'importent ses fans, je vais tous vous transformer en pâtisseries, j'anéantirai l'humanité ! »
Gorzül se transforme en chauve-souris pour éviter un rayon, Robert disparaît dans de la fumée, Otton se dissimule derrière son bouclier d'argent et, enfin, Médusa se dissipe en nuage vert.
Je mange un cookie.
« Où est passé JB, déjà ? »
La chauve-souris m'interrompt dans ma pause goûter, pourtant plus que méritée. Je termine mon cookie.
« JB ? Bah, c'est moi.
— Je veux dire : l'autre JB, avec qui je suis arrivé.
— Ah, l'autre moi, parti un an et demi dans le passé ; je reste le seul moi présent, maintenant.
— Oh. »
Gorzül reprend sa forme de vampire-garou.
« Qu'est-ce qui va lui arriver, maintenant ?
— Eh bien, ce que j'ai vécu, je vais devenir – je suis devenu – moi, tout simplement. Je vais rencontrer – j'ai rencontré – le dieu des cadratins africains, qui, au vu de mes incroyables capacités, me gratifiera – m'a gratifié – du bambou magique... »
« Eh, mais qu'est-ce que vous faites chez moi ? Sortez d'ici !
— Euh, bonjour, c'était ouvert, vous êtes le dieu des cadratins africains ?
— Qui vous a donné mon adresse ?
— Heu, moi, enfin, mon moi du futur, disons le moi de mon présent dans le futur, présent qui est désormais dans le futur, mais passé pour moi. Il parait que vous êtes censé me donner le bambou magique, celui qui fait apparaître des cookies.
— C'est hors de question. Cet artefact est bien trop puissant pour un simple mortel.
— S'il vous plait ?
— Non.
— En plus, je ne suis pas qu'un "simple" mortel, je suis surtout l'Auteur.
— M'en fiche. Sortez de chez moi.
— Et, en plus, je peux me transformer en chameau. Regardez.
— Bah, moi aussi, je peux me transformer en chameau.
— Ce qui prouve donc que je serai à la hauteur.
— Hein ?
— De toute façon, vous me l'avez déjà donné, dans le futur. Vous n'avez pas le choix, cet élément fait désormais partie du scénario. En plus, c'est pour sauver le monde. Remarquez aussi que j'ai toujours traité les cookies avec le plus grand respect, de même que je fais scrupuleusement usage de tirets cadratins dans tous mes écrits. Vous ne trouverez donc pas plus qualifié que moi pour une telle responsabilité. Allez, s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît...
— Oh et puis zut, prenez-le, ce bambou légendaire, je me fiche de ce que vous ferez avec, de toute façon, mais ne venez pas m'adresser de réclamation, après.
— Ouaiiiis !
— Et puis, fermez la porte en sortant. »
« Ensuite, j'ai fondé l'Organisation des Couvertures Moches, en hommage à la page blanche hideuse, surmontée d'un titre à l'esthétisme discutable, qui introduisait alors mon seul livre sur Wattpad, La Prophétie du Voyageur. Ah, et j'ai recruté Médusa, aussi... »
Ding, dong.
« Vous êtes qui ?
— Salut, Médusa, c'est moi, JBSchrottenloher.
— Partez d'ici ou j'appelle la police.
— Mais c'est moi, JBSchrottenloher, le futur chef d'une organisation secrète, l'Organisation des Couvertures Moches, qui sauvera le monde d'une prochaine invasion de légumes. Enfin, je crois. Parce que je viens du futur, d'ailleurs. Et je peux même faire apparaître des cookies grâce au bambou de légende que m'a donné le dieu des cadratins africains. J'aime les cookies, vous aimez les cookies ? Ah, et j'écris des bouquins, aussi.
— ... »
« Dites, vous avez fini, avec vos flashbacks ? Nous avons un problème plus urgent, pour le moment. »
La gorgone en question apparaît près de nous. Dans les ruines du studio, Tartandelus continue ses tirs. Les intervenants tombent les uns après les autres, métamorphosés en pâtisseries de toutes sortes.
« Ouais, euh, comment fait-on pour le vaincre, déjà ? demande Gorzül.
— Aucun de nous ne peut le vaincre. C'est marqué dans le script.
— Heiiin ? »
Des fans de Gudule se jettent sur le gâteau géant. Des déflagrations retentissent, les derniers murs s'effondrent au sol.
« Et puis, pourquoi l'arrêter, aussi ? Ne va-t-il pas créer un monde meilleur, gustativement parlant ? Bientôt, toute cette planète deviendra une immense pâtisserie. Que pourrions-nous espérer de mieux ?
— Il va mettre fin à l'humanité.
— L'humanité, c'est surfait, de toute façon. Et ça ne se mange pas, d'abord. À moins d'être anthropophage, à la limite, mais c'est très mal vu dans nos sociétés actuelles. »
Je mange un nouveau cookie.
« Tu es avec lui, depuis le début, comprend Médusa.
— Eh oui, car, en réalité, je suis... »
Je termine mon cookie.
« Moi, JBSchrottenloher. Et j'aime les gâteaux. Mettons fin à cette humanité absurde, mouhahaha !
— Je ne peux pas te laisser faire ça, assène Gorzül.
— Tu es viré.
— Je m'en fiche, je n'étais pas payé.
— Je m'en fiche que tu t'en fiches, j'ai tous les cookies que je veux. D'abord. »
Parlant de cookie, je décide d'en manger un nouveau.
« Tu n'es pas dans ton état normal.
— Je suis parfaitement normal, miom, j'aime les cookies, toujours plus de cookies. Mouhahaha ! »
J'agite le bambou magique, une pluie de cookies se déverse sur la pièce.
« Je suis le seigneur des cookiiiiies ! »
— Le bambou magique..., comprennent Gorzül et Médusa.
— Non, il est à moi, rien qu'à moi, vous ne l'aurez jamais, pas même contre tous les gâteaux du monde. Mon... précieux... »
Gorzül dégaine une épée, une aura verte enveloppe les mains de Médusa.
« À moi, Robert ! »
Sous mon ordre, l'huître-ninja s'interpose entre nous, des coquilles à la main. Je mange un cookie, non, deux cookies. Cookies. Cookies. Cookies. J'aime les cookies.
« Robert, nous avons été alliés, autrefois, ne m'oblige pas à utiliser la force, tempère Médusa.
— Je suis un mercenaire, je ne fais tout cela que pour l'argent.
— Et, moi, je fais tout cela pour les cookies.
— JBSchrottenloher m'a embauché et je ne romps pas les contrats. Et puis, surtout, c'est lui qui paie.
— Voici un cookie en guise d'avancement, d'ailleurs. »
Robert attrape le versement et le fait aussitôt disparaitre dans une sacoche. Il se met en garde.
« Messieurs, je me dois aussi d'intervenir. »
Otton nous balaie du regard, indécis.
« La meilleure chose à faire, je pense, est sans doute de quérir l'infinie sagesse du Monstre Spaghetti Volant par voie spirituelle. »
Le paladin s'assied en tailleur. Je continue de manger des cookies, des cookies, des cookies, des cookies, des cookies...
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