28. Le nom de Z...
28 janvier 2018
« Chers téléspectateurs, chères téléspectatrices, bonsoir, et bienvenue dans Bhoutan News, le journal officiel du Bhoutan. Je suis Jean-Paul Pastafouille, et voici mon collègue, Chroucroute-Persil.
— Je suis une côte de bœuf. Yoho !
— Nous nous apprêtons à vivre une soirée historique car, aujourd'hui, après plus d'un an d'attente, Z... va enfin voir son véritable nom révélé. Personnage qui, par ailleurs, nous a fait l'insigne honneur de se joindre à notre émission. Un commentaire, Z... ?
— Je suis tellement ému, snif.
— Il y a de quoi, effectivement, cette édition spéciale vous sera entièrement consacrée. Enfin, nous disposons aussi d'un deuxième invité de marque, à savoir ni plus ni moins que l'incontournable Auteur, JBSchrottenloher.
— Bonjour.
— Un commentaire, de votre part ?
— J'aime les cookies.
— Hum, c'est très intéressant. Mais voyons désormais ce qu'en pensent des personnes lambda interrogées au hasard dans la rue, histoire de meubler durant plusieurs minutes.
***
Dissimulés dans un discret camping-car aux tons rose fushia et vert pomme, nous nous tenons prêts à intervenir. Les yeux rivés dans des jumelles, Médusa scrute sans interruption le bâtiment de Bhoutan News, tandis que, de son côté, Gruk mâchonne un bout de plastique. Enfin, Otton, retranché dans un coin, prie le Monstre Spaghetti Volant.
Ah, et je regarde l'émission. Pour l'heure, toujours pas d'incidence notable, mais, alors que se rapproche l'heure fatidique, la tension monte d'un cran.
Si mes suppositions sont exactes, cette soirée s'avèrera décisive pour l'avenir du monde.
***
« Je l'avais promis, du coup, j'ai amené le dessin authentique de Gudule, un yaourt à la main » annonce Z...
Je ne peux m'empêcher d'apparaître quelque peu dubitatif.
« Euh...
— C'est une authentique œuvre d'art, d'une incomparable rareté. Dans trois siècles, les gens se l'arracheront pour des millions. Ah, et j'ai aussi un paquet de gâteaux.
— Mais... il est vide, ce paquet.
— J'ai dit que j'apporterais un paquet de gâteaux, je n'ai jamais précisé qu'il serait rempli.
— Messieurs, il est 20 heures, nous interrompt Jean-Paul Pastafouille, et voici les résultats du second tour :
« Pour information, poursuit Jean-Paul Pastafouille, la participation est en baisse de 55.6% par rapport au premier tour, avec un total de seulement 4 votants.
— On s'en fiche, commente Z..., un seul votant aurait suffi, de toute façon, pour obtenir un résultat.
— Hum, certes ; nous obtenons ainsi un résultat sans appel, une victoire absolue de Zakariiiiiii, avec un total de 2 points, soit autant que l'ensemble des autres propositions.
— Hein ? Mais c'est ridicule, comme nom !
— Enchanté, Zakariiiiiii Pastafouille.
— Zakariiiiiii Pastafouille... » répète l'intéressé.
Son regard s'éclaire, il redresse la tête vers le présentateur.
« Pastafouille, comme... ?
— Hé oui, pourquoi crois-tu que Bhoutan News s'est autant intéressé à ton cas ? Zakariiiiiii, je suis ton père.
— Quoi ? Mais, du coup, ça veut dire que c'est à vous que je dois ce nom ridicule, ou bien alors aux lecteurs ? »
Je reprends la parole.
« Tu ne viens pas seulement de retrouver ton nom, Zakariiiiiii, mais aussi ton histoire.
— Je viens surtout de me rappeler pourquoi j'avais sobrement décidé de m'appeler Z..., mon prénom comme mon nom de famille sont tout aussi grotesques l'un que l'autre.
— Tu te souviens-tu de ton passé, maintenant ? l'encourage Jean-Paul Pastafouille.
— Mon passé... des bribes me reviennent. Je travaillais à Nancy, dans un hôpital, non, sous un hôpital, un laboratoire secret. L'accident... »
Il tourne la tête dans ma direction.
« Toi...
— Que personne ne bouge ! Les mains en l'air ! Yoho !
— Choucroute-Persil ? »
Sous la menace d'un lance-patate, moi-même et Zakariiiiiii préférons obtempérer.
« Silence ! En réalité, je ne suis pas une côte de bœuf, comme je vous le fais subtilement croire depuis le début, mais un légume, un brocoli, même. »
Je bâille.
« Quel rebondissement. Je suis surpris. Vraiment.
— Silence ! Silence ! J'ai infiltré ce journal sous les ordres de Rodolphe-Albert depuis le début et, même si, la dernière fois, notre assaut s'est soldé par un échec, aujourd'hui marquera notre triomphe ! La victoire finale des légumes contre tous leurs ennemis ! Yoho !
— Vous m'en voyez ébahi.
— Zakariiiiiii Pastafouille, vos connaissances temporelles constitueront un atout de choix dans notre futur Empire, aussi votre collaboration serait plus qu'appréciée. Reconnaissez qu'elle est tout en votre intérêt, d'ailleurs. »
Déflagration. Un rayon projette le légume contre un mur. J'en profite pour faire apparaître un nouveau cookie et le manger.
« Que... Je... Jean-Paul ? »
Un fusil plasmatique à la main, le présentateur retire son masque pour révéler une peau verte écailleuse.
« Je me fais passer pour humain, mais, depuis le début, je suis en réalité un reptilien.
— Diantre. J'en suis époustouflé.
— Mais euh, cela signifie que je suis aussi un reptilien ? demande Zakariiiiiii.
— Bien sûr, pourquoi crois-tu que l'Auteur n'ait jamais décrit ton visage ? Pour conserver le secret de tes écailles jusqu'au coup de théâtre d'aujourd'hui.
— Je croyais que c'était par flemme, objecte Zakariiiiiii.
— Hé, je vous rappelle que je suis là et que je vous entends parfaitement. Ma prétendue flemme n'est jamais que l'expression inconsciente de mon génie créateur et artistique. »
Le plafond explose ; des cucurbitacées descendent en rappel. Je mange un cookie.
« Nous n'avons guère plus de temps, poursuit Jean-Paul. Depuis l'accident de Nancy, notre organisation elle-même est en péril ; tu es notre dernier espoir. »
Il retire de sa poche un triangle équilatéral brillant et le lui lance aussitôt, juste avant de se retrouver encerclé.
« Nous avions trouvé ce fragment d'artefact qui... aaahhh ! »
Les éclairs d'une carotte vindicative le jettent à terre, puis un navet se jette sur lui pour achever de l'immobiliser.
« Fuis, Zakariiiiiii ! Sauve le monde, tant qu'il en est encore temps ! Ne t'occupe pas de moi ! Tu es l'Élu !
— Nous nous reverrons dans le futur, je le sais. »
Avant que les légumes ne l'atteignent, Zakariiiiiii disparaît de la pièce.
Je mange un autre cookie.
« Comme on se retrouve, JBSchrottenloher. Aujourd'hui, aucune "chocolatine" ne te sauvera, et je suis plus puissant que jamais. Tu as devant toi l'égal d'un Dieu ! Gloire à moiiii ! »
L'autoproclamé dieu carotte. Un égo surdimensionné, surtout. Encore plus que le mien, c'est dire. J'ignorais qu'une telle chose fût possible, mais, apparemment, le monde n'a de cesse de me surprendre.
Calme et détendu, je termine mon cookie.
« Vous avez vu, les gens ? J'ai réussi ma mission, hein ? Yo...ho... »
Le brocoli essaie de se relever avant de retomber au sol.
« On a ga...gné... Yoho... »
Finalement, le navet abandonne Jean-Paul, inconscient, pour se planter face à moi.
« Malgré toutes nos déconvenues, me revoici, Rosolphe-Bébert, frère jumeau maléfique de Rodolphe-Albert et, accessoirement, son porte-parole, sa doublure, ainsi que chef suprême de ses armées.
— Tu n'étais pas censé être son cousin, déjà ? Je crois aussi que ChristopheNolim t'appelait Rosophe-Béber, aussi, non ?
— Hein ? Quoi ? Quelle idée ! »
Je suppose que, de toute façon, les incohérences de ce genre sont indissociables des plus grands mythes fondateurs. Je croque un cookie et poursuis mes interrogations :
« Et puis, si Rodolphe-Albert t'a créé, ça ne ferait pas plutôt de lui ton père, plutôt ? D'ailleurs, avec cette betterave, déjà maléfique, comme père, ne deviendrais-tu pas ainsi une sorte de fils... bénéfique ?
— Inutile d'essayer de m'embrouiller ; frère jumeau maléfique, c'est bien plus vendeur que fils bénéfique. »
Blasé, je préfère encore manger un cookie. Tout se déroule en parfaite conformité avec mes souvenirs. Mon double du présent ne va pas tarder à intervenir, maintenant.
« Vous avez tous très bien travaillé ; je suis fier de vous. »
Je redresse un sourcil ; les légumes s'agenouillent, non sans continuer de me menacer avec leurs lance-patates. Dans la pénombre, se découpe la silhouette d'une betterave.
« Aujourd'hui, je deviens le maître du moooonde. »
J'avale la dernière bouchée de mon cookie.
Maintenant, les choses deviennent intéressantes.
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