27. Un plan génial et infaillible
14 janvier 2018
« Gare de Schaan-Vaduz ; nous sommes arrivés, commente Otton.
— Gruk. »
Je me redresse. Après un interminable voyage – beaucoup plus long, en tout cas, que si nous avions pu conserver l'hélicoptère, il faudrait penser à inventer un modèle qui résiste un peu mieux aux atterrissages, quand même – nous voici enfin arrivés à la capitale du Liechtenstein, Vaduz.
Plus qu'à retrouver Médusa, désormais.
Nous quittons le train et sortons de la gare pour nous engouffrer entre des maisons de pierre. Si je ne me trompe pas – je sais lire une carte, au contraire de Gruk, qui a déjà essayé de manger la nôtre – la maison de Médusa devrait être...
« Euh... ici ? »
Le terme de maison m'apparaît déjà bien fade pour qualifier ce qui, à nos yeux, s'apparente plutôt à un vaste manoir. Encore que les deux tours de vieilles pierres, de part et d'autre, l'assimilent sans doute même à un petit château.
« Euh, vous êtes sûr que nous sommes au bon endroit ? s'inquiète Otton.
— Gruk. »
Je m'approche du portail pour lire une plaque dorée.
Médusa von Feuerstrauss, Sorcière (prophéties non garanties)
Apparemment, je ne me suis donc pas trompé. De toute façon, mis à part Otton, qui donc aurait pu remettre en question mes capacités d'orientation ?
« Hum, prophéties non garanties, remarque Otton. En gros, elle peut dire n'importe quoi.
— Gruk. »
Au vu de ma première rencontre avec Médusa et, surtout, ses tentatives de visions hasardeuses couplées avec une boule de cristal défectueuse, je ne peux que comprendre l'addendum.
« Seules les prophéties du vénérable Monstre Spaghetti Volant ne sauraient être remises en question, reprend Otton. Le reste ne mérite guère d'attention. »
Alors que je m'apprête à sonner, une porte s'ouvre, puis une femme s'approche de nous, le visage dissimulé dans un capuchon vert sombre.
Médusa.
« Bienvenue, Auteur, j'avais prévu ton arrivée.
— En même temps, vous nous avez demandé de venir. » remarque Otton.
Elle se tourne vers lui.
« Euh, vous êtes ?
— Otton Goldenberg, paladin de la sainte lumière pastafariste, vos pouvoirs de sorcière n'auraient-ils donc pas prévu mon arrivée ? »
Elle m'interroge du regard.
« Il est avec moi.
— J'ai cru comprendre, c'est quelqu'un de confiance ?
— Euh, il me fait à manger...
— Je sers la Volonté du Monstre Spaghetti Volant.
— Gruk. »
Elle semble hésiter un instant, puis décide finalement de nous conduire à l'intérieur.
« Faites comme chez vous, des golems peuvent même vous distribuer des rafraîchissements, si vous voulez... »
Je m'extasie aussitôt face aux créatures humanoïdes au teint gris-vert.
« Woah, c'est comme des assistants, sauf qu'ils ne râlent pas et n'ont pas de revendications salariales. C'est génial ; comment fait-on pour en avoir ?
— Il faut être soi-même un sorcier.
— Oh... »
Déçu, je m'assois dans un fauteuil, avant d'attraper un jus de fruit et quelques petits fours. Les voyages creusent toujours l'appétit.
Seul Otton reste sur la défensive, tandis que Gruk tourne en rond dans la pièce avant de partir se cogner contre un mur. Lorsque Médusa rabat son capuchon, le paladin ne peut s'empêcher de poser la main sur le pommeau de son épée.
« Vous êtes une gorgone, remarque-t-il.
— Bah oui, vous n'étiez pas au courant ? s'étonne Médusa.
— Ils sont excellents, ces petits fours. »
Tous deux tournent la tête dans ma direction.
« Bah quoi ? C'est vrai.
— Gruk. »
Otton recule d'un pas.
« Hum, je suppose que si messire JBSchrottenloher vous fait confiance et que, par extension, nous avons l'aval du Monstre Spaghetti Volant, c'est, euh... ok ? »
Il s'assoit, bien que toujours sur ses gardes. Son regard suspicieux se pose tour à tour sur chacun des golems.
« Même si nous nageons en pleine sorcellerie, grommelle-t-il.
— Bref, pourquoi sommes-nous ici, déjà ? »
Les yeux verts de Médusa se pointent dans ma direction, de même que les serpents sur sa tête.
« Est-ce que tu te fais confiance ?
— Miom, que... quoi ?
— Je veux dire, jusqu'à quel point fais-tu confiance à l'autre toi, le chef de l'OCM ?
— Euh, vu qu'on parle de moi et, qu'à mes yeux, je suis une personne en tous points remarquable, donc parfaitement digne de confiance, je ne vois pas pourquoi je ne me ferais pas moi-même confiance, pourquoi ? »
J'attrape un nouveau petit-four, tandis que Médusa continue.
« J'ai des doutes sur le fait que l'OCM ait pu participer au retour des légumes. Néanmoins, il s'agit d'ordres sur lesquels moi-même je n'ai pas eu visibilité et, comme je reste la numéro deux... »
Je reste pensif ; le numéro un n'est autre que moi-même, mais je dois admettre ne pas m'être parlé depuis un certain temps...
« Comment osez-vous remettre en question l'intégrité même de messire JBSchrottenloher ? s'indigne Otton.
— Je cherche seulement à comprendre. Peut-être y-a-t-il véritablement un plan derrière tout ceci, que je ne comprends pas. Mais je ne peux m'empêcher de craindre une quelconque machination. »
Loi de Murphy appliquée aux livres : si un personnage évoque la possibilité d'une machination, la machination en question a forcément lieu. Autrement dit, nous sommes plutôt mal partis.
« J'ai cru comprendre que tu avais ressuscité Rodolphe-Albert, après sa défaite par Gudule et ChristopheNolim, poursuit la gorgone...
— Hum, oui. Ce jour-là, il m'a assuré avoir compris la leçon, puis évoqué pour seul souhait de devenir éleveur de moutons en Nouvelle Calédonie.
— Et... tu l'as laissé partir ?
— Il paraissait sincère. »
Comment une betterave aurait-elle pu trahir sa parole, d'autant plus avec un aussi noble projet d'avenir ?
« Il y a autre chose, poursuit Médusa. Z... »
D'un simple mouvement de main, elle allume à distance un grand écran. Otton ne peut s'empêcher de se raidir face à cette nouvelle démonstration de magie.
« Bonjour, nous sommes le 14 janvier 20 heures et voici les résultats du premier tour. Pour information, nous enregistrons une participation record avec un total de neuf votants (participation record, donc, vu qu'un tel événement n'a aucun précédent dans cette Antibiographie).
Zorglub arrive ainsi en première place avec 10 points, suivi de près par Zakariiiiiii, 9 points, puis, en ex-aequo, Zalsifis et Zeroplus, avec 6 points chacun. Pour le second tour, chaque votant ne peut désormais plus faire qu'un seul choix parmi ces quatre propositions restantes. Les résultats définitifs seront alors connus à la clôture du vote, dans deux semaines, à savoir le dimanche 28 janvier 2018 à 20h. C'était Jean-Paul Pastafouille, de Bhoutan News.
— Ce jour-là, une émission spéciale est prévue à la capitale, Thimphou, explique Médusa. Z... sera notamment présent, mais aussi et surtout toi, enfin, l'autre toi, je veux dire...
— Logique, je suppose. Après tout, je reste l'Auteur.
— Et je crains aussi l'intervention de Rodolphe-Albert et ses légumes.
— Ce serait une possibilité, effectivement. »
Elle effectue une pause, avant de reprendre.
« Mais le plus étrange, c'est que tu – enfin, l'autre, toujours – n'aies pas voulu de ma présence. La protection de l'OCM ne sera que toute relative.
— Peut-être ne vous fait-il pas entièrement confiance ? ironise Otton.
— Pas confiance non plus à personne d'autre ? Il sera presque seul.
— Presque ?
— Une poignée de paramilitaires en guise de personnages tertiaires qui auront, au mieux, un rôle figuratif.
— À moins que ce ne soit le plan, justement. »
Otton comme Médusa me dévisagent soudainement. Gruk, de son côté, insensible à nos débats, continue de se cogner contre le mur avec la régularité d'un métronome.
« Faire croire qu'il n'y aura personne pour attirer les légumes. Interdire aux membres de l'OCM d'intervenir pour donner le change, brouiller les pistes auprès d'éventuels infiltrés. Et, le moment opportun, nous... »
Je désigne mes interlocuteurs.
« Refermerons le piège sur eux. »
Comme le plan vient de moi, ce ne peut être qu'un plan génial, forcément. Et qui explique aussi pourquoi je ne me suis pas moi-même convié, pourquoi je ne me suis pas même contacté. Nul ne pourra prévoir mon intervention, quand bien même surveillerait-il tous les faits et gestes du chef de l'OCM. De plus, comme mon alter-ego a déjà vécu cette partie, il sait – enfin, je sais – forcément à l'avance comment tout se déroulera, que Médusa me contacterait et que jedevinerais à l'avance ses – enfin, mes – attentes..
Un plan parfaitement infaillible, donc.
« Médusa, Otton, Gruk, nous partons pour le Bhoutan. »
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