« Pendant mon inconscience, je crois que j'ai eu une vision, reprend lenoup.

— Une vision ? De notre vénéré Dieu, le Monstre Spaghetti Volant ? »

Otton ne cache pas son enthousiasme, cette anecdote me rappelle d'ailleurs que ledit Monstre m'avait chargé de dénicher un Snark, il y a déjà un certain temps, et que cette action est toujours en cours de traitement sur ma to-do list. Hum, je préfère finalement revenir sur le récit de lenoup.

« Il m'a dit quelque chose comme : "c'est trop tôt pour mourir, retourne donc au boulot. Et profite-en pour dire à ce fainéant d'auteur de trouver son Snark et d'avancer son récit. Ouste."

— Louée soit Sa Sainte parole, s'enthousiasme Otton. Râmen. »

Je toussote, tandis que lenoup poursuit :

« Toute ma vie venait de défiler devant mes yeux et j'étais en plein questionnement sur le sens de l'existence, du coup, je lui ai demandé s'il avait des réponses à ce sujet. Je crois qu'il a grommelé quelque chose comme quoi la philo, c'était cool, à moins qu'il n'ait râlé sur le fait d'avoir encore perdu une théière. »

Je plussoie.

« Effectivement, la philosophie, c'est cool. Voilà.

— Quoi, c'est tout ? »

Les regards se tournent vers la nouvelle arrivante, Otton se met en garde.

« Ouais, euh, j'aurais peut-être dû commencer par me présenter. FleurDeRaviolle, donc, j'apparais dès que l'on parle philosophie.

— Oh, c'est presque comme ChristopheNolim, alors. »

Mes interlocuteurs me jettent des regards interdits. Encore que, pour lenoup, horrifié constituerait sans doute un terme plus approprié.

« Bah oui, c'est la même règle, excepté qu'il s'agit plutôt de mathématiques, dans son cas...

— Mathématiques ? On parle de moi ? »

Je me rends compte qu'il s'agit de sa première apparition dans ce livre. Jusqu'ici, cet apanage n'avait été réservé qu'à Gudule, son assistant qui... où est-il d'ailleurs ?

« C'est terrible, me répond ChristopheNolim. Depuis la fin et le succès de ses Chroniques, Gudule est devenu un véritable chef d'entreprise, il se sert lui-même grassement dans les caisses et m'emploie pour des clopinettes. N'y a-t-il donc pas de héros pour sauver le monde ? Pour la peine, je prends un cookie, là, tiens.

— Il n'y a pas de café, par ici ? remarque FleurDeRaviolle. Tant pis, j'ai mon thermos de toute façon. »

Elle se sert une tasse, tandis que ChristopheNolim mange son cookie, enfin, mon cookie que je lui offre le plus gracieusement du monde.

« Où en étions-nous ? reprend FleurDeRaviolle. Ah, oui, la philosophie est un sujet d'importance.

— Euh, certes. Mais qu'est-ce que tu voudrais que je raconte de plus ?

— Euh, je ne sais pas ; mais il faut que la réponse fasse honneur à la question. »

Elle se ressert une tasse de café.

« Bah, moi, je reprends un deuxième cookie, commente ChristopheNolim. Parce que les temps sont durs, quand même. »

Je m'éclaircis la gorge.

« Hum, par où commencer ? Étymologiquement, philosophie veut dire "amour de la sagesse" et devrait donc être l'apanage de tout un chacun. Se poser des questions, se remettre en question, comparer les avis, s'interroger sur le monde, me paraît effectivement essentiel et constitue l'indispensable prérequis de cette matière.

« Et, puis, en tant que scientifique, que dire, sinon, des liens entretenus avec entre science et philosophie ?

— Des liens ? Quels liens ? s'interroge lenoup.

— L'ensemble des règles de logique mathématiques, déjà, qui s'appliquent à toutes formes de démonstration, et évitent de foncer tête baissée dans le premier sophisme venu. De même, certains résultats mathématiques, qui se retrouvent parfois eux-mêmes avec une portée philosophique. Le théorème de Gödel, à titre d'exemple, qui, en l'essence, démontre qu'on ne peut pas tout démontrer.

— Disons qu'avec des mathématiques assez "expressives" pour parler de nombres entiers, avec addition et multiplication, il existe des énoncés que l'on ne peut ni démontrer (prouver que c'est vrai), ni réfuter (prouver que c'est faux), confirme ChristopheNolim. C'est de la métamathématique, même, que je détaille dans Pourquoi j'adore les maths, en plus de quelques autres théorèmes particulièrement intéressants. #pub, tout ça tout ça... »

Il reprend un cookie ; je poursuis :

« Et encore, je n'ai pas parlé de toutes les avancées et découvertes scientifiques, qui finissent de même par poser autant de questions d'ordre philosophiques ou, parfois, apporter des éléments de réponse. Tout cela pour dire, donc, que cette matière est non seulement intéressante, mais aussi d'une importante toute particulière. »

Je tourne la tête vers FleurDeRaviolle.

« Satisfaite, maintenant ?

— Hein ? Quoi ? Euh, oui. Et, en plus, j'ai du café. »

Elle avale une nouvelle tasse.

« Heu, sans doute, reprend lenoup. Je vais plutôt faire vite, pour la fin du tag, avant qu'une nouvelle catastrophe ne me tombe dessus. Ahem, donc, qu'as-tu en tête à cet instant précis ?

— Heu, la démonstration comme quoi la philosophie, c'est important.

— J'approuve, s'enthousiasme FleurDeRaviolle.

— Et moi, je reprends un cookie, informe ChristopheNolim.

— Hum, reprend lenoup. Es-tu en accord avec les préjugés L, ES, S, STD2A et STMG ?

— Par définition, je ne peux pas être en accord avec des préjugés. Ce qui ne m'empêche cependant pas d'apprécier d'éventuelles blagues à ce sujet.

— Heu soit, comment vas-tu ?

— Heu, bien. Ce n'est pas plutôt le genre de question à poser en premier ?

— Dit une phrase qui te passe par la tête. En impro !

— Il y a un yaourt près de la carpette carnivore.

— Très bien, je note.

— Non, non, il y a vraiment un yaourt près de la carpette carnivore.

— Hein ? »

Le produit laitier trône avec fierté, ravi d'être le premier de son espèce gratifié d'une apparition dans ce bouquin. À moins qu'il ne soit juste content de ne pas avoir été dévoré par la carpette. Une carpette bien peu efficace, d'ailleurs, contrairement à ce que m'affirmait le vendeur. Une carpette gelée, en fait, comme je ne tarde pas à me rendre compte. Qui donc eu cru que les -15°C ambiants auraient une incidence sur son bon fonctionnement ?

Le yaourt, au contraire, se porte à merveille.

« Bon, bah, j'ai fini mon tag, moi, salut, disparaît lenoup.

— Moi, je n'aime pas les yaourts, commente FleurDeRaviolle. De plus, je viens encore d'avoir l'idée d'un bouquin à écrire et il faut que je retourne m'approvisionner en café.

— Tiens, presque pareil, commente ChristopheNolim, j'ai encore la nouvelle version d'un nouveau tome de Nolim à publier. Au fait, je crois que j'ai fini les cookies. »

Reste le yaourt. Ainsi, bien sûr, qu'Otton et Gruk. Circonspect, je m'approche du nouveau venu.

« Heu, pourriez-vous me dire ce que vous venez faire chez moi ?

— Je suis un yaourt. »

Au moins, nous venons déjà de trouver un terrain d'entente, mais ne sommes pas plus avancés.

« Et, euh, mis à part ça ?

— Vous avez rendez-vous, ici. »

Il me tend une carte. Je connais ce lieu...

« Rendez-vous ? Avec qui ?

— Un yaourt.

— Pourquoi ?

— Je suis un yaourt.

— Tout ceci ressemble fort à un piège, fait remarquer Otton. Je propose donc de le manger. »

Le yaourt ouvre de grands yeux interloqués avant de répondre :

« Je suis un yaourt. »

Je hausse les épaules.

« Autant aller voir, de toute façon, nos réserves de gâteaux viennent d'atteindre un seuil critique. Et, sinon, le Monstre Spaghetti va encore râler comme quoi cette histoire n'avance jamais.

— Il serait de bon ton de respecter Ses volontés, effectivement, approuve Otton.

— Allez, c'est parti. Gruk, arrête de te cogner contre ce mur et rejoins-nous.

— Gruk.

— Je suis un yaourt. »

Qu'est-ce qui pourrait mal se passer, de toute façon ?