21. Les règles des tags
« Ces mois d'ermitage furent l'occasion d'une intense réflexion, sur la direction à donner à ce livre, le sens de l'existence, ainsi que la recette des cookies maison. »
lenoup m'interrompt aussitôt pour aborder le point important.
« La recette des cookies ?
— Hum, c'est un véritable cas d'étude à part, qui nécessite encore quelques recherches. Néanmoins, j'ai mis mon meilleur cuisinier sur le coup, à savoir Otton.
— C'est moi, commente Otton.
— Et Gorzül ? demande lenoup.
— En visite chez de la famille dans les Carpates.
— Ce qui fait de moi le meilleur cuisinier disponible, s'enorgueillit Otton.
— Bref, loin de rester inactif durant ces presque six mois, et suite au déferlement précédant ma retraite momentanée, j'ai ainsi eu l'idée d'édicter quelques règles, concernant les tags de ce bouquin.
— Euh, et quelles sont-elles, alors ? »
J'attrape une pancarte, lenoup affiche un air dubitatif.
« Mais elle est vide, cette pancarte.
— J'ai dit que j'avais eu l'idée d'énoncer des règles, pas que je les avais encore énoncées. »
J'attrape un feutre, commence à écrire, me rends compte qu'il ne fonctionne plus depuis longtemps, le jette, cherche un marqueur quelconque.
« Heu, et c'est tout ? » reprend lenoup.
Je finis par enfin trouver un marqueur qui décide de fonctionner plus ou moins, non sans avoir été quelque peu secoué au préalable.
« Hum, ce fut une réflexion très intense. »
Je commence à écrire lesdites règles.
« Alors, hop, prescription pour les tags de plus de deux mois, pas plus de deux tags par mois, les tags de mes lecteurs sont prioritaires, sauf si j'en préfère d'autres. Bon, basiquement, je fais ce que je veux, en fait...
— C'est bien la peine de vouloir faire des règles pour en arriver là...
— C'est une règle parfaitement claire et précise.
— Et je décline toute responsabilité concernant toutes les mésaventures qui pourraient arriver à mes tagueurs, une fois qu'ils apparaîtront dans mon récit.
— Hum.
— Il va sans dire qu'il s'agit d'événements parfaitement indépendants de ma volonté, enfin, un peu, la plupart des cas, quelques fois, éventuellement. »
lenoup se met à tousser. Le pauvre, il a sans aucun doute attrapé froid. Néanmoins, il se remet très vite pour me poser ses questions.
« Je voulais te demander, que penses-tu de toi ?
— La réponse n'est-elle pas évidente ? Je suis non seulement l'auteur, mais aussi le héros de ce livre, un être remarquable, promu à une destinée d'exception. »
lenoup tousse de nouveau à s'en étouffer, même Gruk semble contaminé. Les contrées nordiques ne leur réussissent décidément pas.
« Une destinée d'exception, comme, euh, manger des cookies dans une grotte ? reprend le loup.
— Exactement ! Qui pourrait donc rêver mieux ? »
lenoup interroge du regard Gruk, de nouveau occupé à se cogner contre un mur, puis se reporte sur Otton.
« Je valide, répond le paladin. Ce sont là de sages paroles.
— Hum.
— J'ai l'impression que vous n'êtes pas convaincu, messire loup, pourtant, messire auteur est quelqu'un de très profond. »
Il se tourne de nouveau vers moi - ai-je précisé à quel point j'appréciais ce nouveau personnage ?
« Dites-nous donc encore quelque chose de profond, messire auteur.
— "Pour comprendre la profondeur, il faut savoir chuter." »
lenoup décide d'imiter Gruk et se cogne la tête contre une paroi, tandis qu'Otton applaudit à rompre cette citation cinématographique. Un personnage remarquable décidément, comme je n'en fais pas assez.
« Euh, un mot préféré, sinon ? reprend lenoup.
— Syzygie.
— Qwé ? »
Je me rends compte que je n'en ai d'ailleurs toujours pas fait mention dans ce bouquin, d'ailleurs, j'ajoute donc la tâche à ma to-do list. Encore mieux, je publierai ce segment le jour d'une syzygie, ce qui justifiera la mention de ce mot insolite. Deux fois que j'utilise le mot "syzygie", d'ailleurs, non, trois fois ; je raye en conséquence la ligne correspondante de ma to-do list.
Un point de moins à traiter, donc ; je fus décidément très efficace, aujourd'hui.
« Euh, des tics de langage, sinon ?
— Sans doute, mais ce serait plutôt à mes interlocuteurs de me le dire, en ce cas. »
Je remarque au passage que la tempête s'est arrêtée ; l'étendue argentée miroite sous les feux d'un soleil aussi splendide que glacial. Un charme vif, mordant, une indicible poésie qui...
« L'homme n'est pas un coupe-papier !
— Euh, quoi ?
— Peut-on respirer la bouche ouverte avec la langue sortie ?
— Hein ? »
Le regard hagard et passablement surexcité du loup ne témoigne sans doute pas de son état normal. Encore moins le fait de vouloir apparemment joindre l'expérience à sa question, même si cette question à l'importance sans doute capitale mériterait plus ample considération scientifique. Cependant, je m'explique mieux son absence de réaction face à mes tirades pourtant mémorables, maintenant.
« Je vois tout et je sais que tu viens d'essayer la question 6. Dis-moi si j'ai tort, poursuit-il.
— Heu, on est dans la même pièce, là.
— Ahahaha ! »
Puis il tombe et s'endort.
« Euh, soit. Encore que je suppose que, dans ce bouquin, c'est sans doute un comportement plutôt normal.
— Mouhahaha ! »
Je sursaute pour faire face à Z... Visage masqué, l'éternel antagoniste se pare en supplément d'une épaisse cape sombre.
« Depuis le neuvième segment de ce ridicule bouquin, j'attends toujours mon vrai nom. Mais, j'ai beau avoir sauté dans le temps, plusieurs mois plus tard, et que vois-je ? Rien ! Toujours rien !
— Heu, disons qu'il s'agit d'un travail en progrès, je n'ai pour l'heure reçu que treize propositions sur quinze et...
— C'est honteux ! Alors que je suis pourtant l'antagoniste phare de ce livre, que dis-je, le plus grand méchant de tous les temps, celui qu'adule, que craint le public ! »
Le plus modeste, aussi, apparemment. À se demander comment j'ai pu créer un personnage qui soit à ce point en opposition avec mon caractère. Je tempère :
« Bof, question méchant, je préfère de loin le Commandant de la garde noire, dans...
— Silence ! Silence ! Ton quota de pubs pour tes propres bouquins est dépassé !
— J'ai un quota de pub, moi ?
— Non, mais ça ne fait rien ! Bientôt, tu vas finir par dire que ton auteur préféré est toi-même !
— Heu, hé bien...
— Trêve de billevesées ! J'ai donc décidé de passer à l'acte, de revenir sur le devant de la scène ! Ton assistant est neutralisé ; tu ne peux plus rien contre moi, désormais, mouhahaha !
— Et moi, je compte pour des tortellinis ? »
L'épée d'Otton s'abat sur son adversaire ; Z... esquive le coup de justesse, effectue une retraite stratégique de plusieurs mètres en arrière.
« Euh, mais t'es qui, toi ? Il n'était pas censé n'y avoir qu'un seul assistant ? Comment il s'appelait, déjà ?
— Gruk.
— Sans compter un éventuel zombie. »
Le paladin se met en garde, une faible aura émane de son armure.
« Messire loup était un visiteur, je suis ton véritable adversaire.
— Heu, je suis peut-être allé un peu vite, néanmoins, tu ne peux me vaincre. Car j'ai un pistolaser, mouahaha ! »
Piou piou piou.
(Le lecteur attentif remarquera l'extrême qualité des bruitages, qui ne sauraient avoir été réalisés nonobstant d'éventuelles contraintes budgétaire)
Le paladin tombe à genoux.
« Otton, nooon !
— Mouahaha, je suis machiavélique !
— Est-ce donc tout ce dont tu es capable, Z... ?
— Que, quoi ? Tu n'es donc pas mort ? »
L'armure du paladin redouble d'éclat, comme en écho à ses yeux étincelants.
« Je suis sieur Otton Goldenberg, paladin de l'Église des Tortellinis ; mon armure est investie par le pouvoir divin, Celui dont je ne suis que le modeste messager. Tes jouets ridicules ne sauraient pas même l'égratigner.
— Mais euh, pourquoi tu es tombé, alors ?
— Je ne suis pas tombé, je me suis agenouillé pour prier. »
Il joint ses épaisses mains.
« Spirales 3 couleurs blé & quinoa
Naturellement parfumées avec du basilic et de la betterave rouge.
FR Ingrédients : semoule de blé dur* (85%), quinoa* (10%), basilic*, betterave rouge*. *issus de l'agriculture biologique. Peut contenir des traces de soja.
Râmen. »
Une intense lueur irradie toute la pièce. Derrière Otton Goldenberg apparaît une silhouette tentaculaire, à l'aura de puissance absolue.
« Arrête ça, panique Z...
Un paquet de pâtes apparaît, fuse vers Z... et lui arrache son pistolaser. Un second le percute à la tête.
« Ailleuh ! »
Puis un troisième suit, un quatrième, un cinquième...
« Aaaah !
— Vois, Z..., vois la volonté, la puissance absolue de notre Créateur à tous ! »
Le voyageur temporel disparait sous un amoncellement de pâtes de première qualité.
« Accessoirement, c'est aussi un excellent moyen de reconstituer notre garde-manger. » ne puis-je m'empêcher de commenter.
La déferlante cesse ; les yeux, l'armure d'Otton reprennent leur luminosité habituelle. Z... émerge de l'agglomérat, non sans difficultés.
« Arg, tu m'as vaincu, mais, mais... je reviendrai... et, la prochaine fois, j'aurai un nom. Enfin, je crois. »
Suite à cette (mémorable ?) réplique, Z... disparaît de nouveau. Otton, conformément à son rôle de paladin, se précipite aussitôt vers lenoup.
« Messire loup, vous allez bien ? Messire loup, répondez-moi ! Réveillez-vous ! »
Il le secoue, même, mais s'obstine dans son inconscience. Quelques baffes supplémentaires (n'étant pas moi-même médecin, je suppose qu'il s'agit d'une méthode de réanimation parfaitement légitime et valable) n'apportent pas plus d'amélioration. En désespoir de cause, un sceau d'eau glacée ramène finalement le loup à la vie.
« Aaah, c'est gelé !
— Victoire ! Messire loup, vous êtes de nouveau parmi nous, et ce, grâce à mes talents de guérisseur ainsi que la volonté du Monstre Spaghetti Volant, béni soit-il.
— Beuh, qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ai l'impression d'avoir été tabassé ; et pourquoi je suis trempé, d'ailleurs ?
— Euh, disons que c'est entièrement la faute de Z..., une vraie crapule, ce personnage... »
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