Stand by me
Le 1er jour de Septembre 1971 :
Le dortoir dégage une atmosphère à la fois majestueuse et intimidante. Les murs, ornés de papier peint floral vert et prune vieux de cinquante ans, entourent un plancher en bois massif marqué par les pas et les années.
À intervalles réguliers, des lits à baldaquin aux montants patinés portent des rideaux épais de velours vert foncé, dont la couleur a pâli avec le temps. Au pied de ces lits, des coffres sombres attendent patiemment les affaires des nouvelles résidentes.
Dominant la pièce, une cheminée en marbre noir se dresse majestueusement. Les flammes qui s'y agitent contrastent avec les veines du marbre blanchies par le temps, apportant une chaleur bienvenue. De larges fenêtres, dépourvues de rideaux, offrent une vue sereine sur les profondeurs du lac noir.
Dans un coin, une jeune fille est absorbée par sa lecture, un livre solidement tenu dans une main tandis que l'autre flotte, paume vers le ciel. Elle marmonne quelque chose pour elle-même. Sa valise, éparpillée dans la hâte, dévoile un capharnaüm au centre de la pièce. À quelques pas, une autre élève a déjà tout méticuleusement rangé, créant un contraste frappant avec le chaos environnant.
Isobel, touchée par la solennité de l'endroit, inspire profondément avant de se présenter avec une certaine révérence : « Bonsoir, je m'appelle Isobel Murphy. » Remarquant qu'Esther est captivée par sa valise, elle la sort doucement de sa contemplation d'un coup de coude. Esther, surprise, murmure en retour : « Esther Walsh ».
La première marque une pause dans son rangement et lève lentement les yeux, l'expression neutre. « Isabelle Fournier », répond-elle d'une voix égale, sans chaleur, comme si elle récitait une leçon apprise par cœur. Elle reprend son activité, chaque mouvement précis et délibéré.
La seconde, l'air espiègle, brandit son livre comme un trophée. « Moi, c'est Adé ! »
Sans même lever les yeux, Isabelle réplique : « Adélaïde Swartzenberger, en fait. » Bien que sa voix soit dépourvue d'émotion, on peut détecter une pointe d'ironie.
L'opposition entre les deux est indéniable. Isabelle, de petite stature, avec des cheveux bouclés d'un brun sombre et des yeux bleus si pâles qu'ils semblent presque transparents, émane une froideur presque sculpturale. Sa robe noire, sobre et élégante, est simplement ornée d'une discrète broche argentée.
Adélaïde, à l'opposé, est tout en éclat et en lumière. Ses cheveux, d'un blond éclatant qui rappelle le soleil d'été, encadrent un visage taquin : des joues toujours roses, un nez espiègle et des yeux qui semblent toujours chercher un sourire. Sa chemise de nuit, blanche et ornée de dentelle, donne l'impression qu'elle est encore dans l'insouciance de la petite enfance.
« Vous savez », lance Adélaïde, une lueur espiègle illuminant ses yeux, « j'ai vraiment envie de jouer. Pour démarrer l'année, ça vous tente ? »
Isabelle, qui finit de mettre de l'ordre dans ses effets personnels, s'arrête un instant pour évaluer Adélaïde. Levant un sourcil interrogateur, elle répond, avec une pointe d'ironie : « Ça dépend. Tu prévois de faire de ta malle un obstacle permanent ? » Adélaïde, piquée au vif par la remarque, commence, non sans une certaine réticence, à ranger ses affaires.
Isobel, profitant du moment, range calmement son linge dans son coffre, affichant un sourire en coin, amusée par l'échange. Ses yeux se posent alors sur Esther qui, dans son monde à elle, se glisse rapidement dans sa chemise de nuit, manifestement prête à s'endormir sans autre forme de procès.
« Dis-moi, Esther », interroge Isobel, un brin taquin, en jetant un regard vers le lavabo, « tes dents ? »
Esther, feignant une offense profonde, place une main sur son cœur et roule des yeux théâtralement. « Ah, tu n'es pas au courant ? C'est une tradition familiale de ne pas se brosser les dents lors de la première nuit de la rentrée. »
Isobel éclate d'un rire léger, ses yeux plissés par l'amusement. « Vraiment ? Et depuis quand cette "tradition" est-elle célébrée dans la noble famille Walsh ? »
Sans se démonter, Esther arbore un sourire malicieux et dit : « Eh bien, depuis exactement... cinq minutes. Le temps que j'ai réalisé que j'avais une flemme royale. »
Isabelle lève un sourcil. « C'est sale. »
Esther hausse les épaules, imperturbable. « Oui, mais c'est la tradition. »
« Ce n'est pas une tradition. Tu viens tout juste de l'inventer. »
Esther, avec un clin d'œil complice, rétorque : « Toutes les traditions commencent un jour, non ? Qui sait, dans cent ans, toutes les étudiantes de ce dortoir pourraient suivre mon exemple. » Et sur ces mots, elle se glisse sous ses couvertures, le sourire fier et les dents sales.
Le 2e jour de Septembre 1971 :
Dans la grande salle de Poudlard, les fenêtres hautes laissent filtrer les premières lueurs dorées du matin, jouant sur les tables richement garnies. Les élèves, les cheveux encore en bataille et les paupières lourdes de sommeil, prennent place avec enthousiasme, anticipant le petit-déjeuner. Entre les rires étouffés, les discussions sur la journée à venir et le son apaisant des couverts qui s'entrechoquent, la salle prend vie.
Parmi les nombreuses conversations à la table des Gryffondors, Sirius et James gloussent. De l'autre côté de la salle, séparée par une marée de têtes brunes, blondes et rousses, Esther est assise à la table des Serpentard. Elle a une expression détachée, mais ses yeux trahissent son intérêt. Ils sont fixés sur Sirius, suivant le moindre de ses gestes avec une intensité presque palpable. Elle observe la manière dont il rit, comment il ébouriffe ses cheveux noirs et la façon dont il interagit avec James.
Après un moment qui semble durer une éternité, Esther prend sa décision. Elle se lève brusquement, repoussant son assiette à peine touchée; sa chaise grince légèrement sur le sol de pierre. Certains de ses camarades Serpentard lèvent les yeux, intrigués par son départ précipité, mais Esther est déjà en mouvement, déterminée dans sa démarche.
Isobel, dont la curiosité est piquée, observe Esther avec un froncement de sourcils. « Qu'est-ce que tu fais ? » murmure-t-elle, les yeux fixés sur le dos de son amie.
Esther, sans tourner la tête, réplique d'une voix tranchante : « T'occupe. » Sa réponse est sèche, mais son ton trahit une pointe d'appréhension. Elle continue de marcher, ses pas déterminés résonnant sur le sol en pierre. Son regard suit la silhouette svelte d'Esther qui, en quelques secondes, atteint la table rieuse des rouges et or.
À la table des Gryffondors, James, un sourire moqueur aux lèvres, lance à Esther, qui s'approche : « Tu sais, il est un peu tard pour changer de table. Si tu es perdue, les Serpentards, c'est ceux en vert là-bas, avec leurs têtes d'assassins. »
Elle ne lui adresse pas un regard, mais James insiste en ricanant : « Oh, un moment intime avec Sirius ? Pardon, je vais te laisser draguer en paix. »
Sirius, le ton sec, riposte : « Tais-toi, James. » Puis, fixant Esther : « Alors, tu veux quoi ? »
Elle plante son regard dans celui de Sirius, un sourire en coin. « Juste un peu plus de bruit », murmure-t-elle. Il semble que dans ce tumulte, Esther souhaite que leur conversation soit engloutie, ne devenant qu'un écho lointain pour les oreilles indiscrètes.
La perplexité se dessine sur le visage de Sirius. Il incline la tête, essayant de comprendre le sous-texte, tout en mangeant son toast.
Esther se mordille la lèvre, nerveuse. « Sirius, j'ai... une petite demande à te faire. »
Il lève un sourcil, un sourire joueur aux lèvres. « J'aime quand on me dit ça. »
Elle triture l'ourlet de sa robe, cherchant ses mots. « Tu... Tu pourrais promettre de ne rien dire à propos de... nos fiançailles ? Juste pour le moment. »
Il cligne des yeux, surpris par cette révélation inattendue. « Hein ? Pourquoi cacherait-on un truc pareil ? »
Esther, ses longs cheveux sombres encadrant son visage, se tient devant Sirius avec une résolution dans le regard. Son cœur bat la chamade, mais elle ne le montre pas. « Écoute, Sirius », dit-elle en choisissant ses mots avec soin, « je tiens vraiment à ce que notre... situation reste entre nous deux. Poudlard n'a pas besoin de savoir ça. »
Sirius lève les yeux vers elle, ses prunelles d'un gris acier traduisant à la fois amusement et défi. « Qu'est-ce qui te chagrine ? », demande-t-il d'une voix rauque. « Tu as honte de moi ? D'ailleurs, ce n'est pas non plus mon rêve de me retrouver fiancé à une gamine bigleuse. »
Esther se crispe, sa mâchoire se serre, et les mots jaillissent avant qu'elle ne puisse les arrêter : « Je te ferai remarquer que je ne suis PAS bigleuse ! »
Il ne peut s'empêcher de rire devant son indignation. « Allons, bon. Pourquoi par merlin veux-tu que personne ne sache ? »
Luttant pour garder le contrôle, Esther prend une grande respiration, essayant de calmer le tourbillon d'émotions qui la submerge. « C'est... compliqué. Je n'ai juste pas envie que chaque regard, chaque murmure me rappelle sans cesse nos fiançailles. J'ai besoin d'air, de liberté, même si elle est illusoire. »
Sirius, ses yeux gris fixés sur Esther avec une intensité presque palpable, laisse une expression moqueuse traverser son visage alors qu'il déclare : « Pas compris. »
Esther prend une profonde inspiration, hésitant sur ses mots. « En gros, je préférerais que personne ne sache pour... notre situation. Ça te dérange ? »
Sirius hausse les épaules, indifférent, mais une lueur de curiosité traverse son regard. « Je m'en fiche, vraiment. Mais toi, pourquoi ça te tient tant à cœur de cacher ça ? Qu'est-ce que tu ne dis pas ? »
Face à la pénétration de son regard, Esther se sent comme si elle était transparente. Elle serre les dents et rétorque : « Tout le monde a ses raisons, Black. Alors, tu es d'accord ou non ? »
Un silence tendu s'installe entre eux, que Sirius rompt finalement par un soupir. « T'es compliquée, tu sais ? Mais ok, je vais jouer le jeu. Si ça venait à se savoir, par contre, c'est sur toi que ça retombe. »
Elle sourit, un sourire qui ne touche pas vraiment ses yeux. « Il en va de soi, je n'en attendais pas moins de toi. »
Le 9e jour de Septembre 1971 :
Dans la vaste salle commune de Gryffondor, chaque recoin semble animé par une vie propre. Les ombres se meuvent et dansent au gré des flammes des torches qui ornent la pièce.
Chaque pierre, chaque brique semble murmurer les histoires des générations d'élèves qui y ont ri, pleuré, aimé et rêvé, laissant leur empreinte et contribuant à l'aura de la pièce.
Ce soir, la magie est palpable. Elle flotte dans l'air, électrisant chaque recoin, chaque silhouette. C'est un de ces soirs spéciaux où le château semble vibrer d'une énergie nouvelle, presque comme s'il accueillait pour la première fois ses élèves, même si cela se répète année après année.
Autour, le brouhaha est constant. Les rires, vifs et joyeux, jaillissent de partout. Ils traversent l'espace, portant avec eux la joie, l'excitation et parfois l'appréhension des premiers jours.
De petits groupes d'élèves, certains nouveaux et d'autres déjà familiers des lieux, se rassemblent un peu partout. Ils forment des cercles d'amitié, certains timides, d'autres exubérants. On parle des professeurs, des dernières rumeurs, des sortilèges et des défis à relever.
Au cœur même de la salle, là où le brouhaha atteint son apogée, deux figures se démarquent clairement des autres. James et Sirius ont imaginé une nouvelle forme de divertissement qui attire déjà plusieurs regards curieux.
Le coussin vole d'un côté à l'autre, presque comme s'il avait sa propre volonté.
« Attrape ça, Black ! » Les paroles de James, prononcées avec malice, tranchent l'air ambiant. Son visage est illuminé par la lueur des torches. Sirius, en revanche, semble être son parfait opposé ; son allure, élégante même dans le désordre, lui donne une présence noble. « Tu crois vraiment pouvoir me surpasser, Potter ? » répond-il, un sourire en coin trahissant à la fois son amusement.
Remus, retiré dans l'ombre discrète d'un recoin paisible de la salle, forme un contraste frappant avec l'énergie débordante qui l'entoure. Ses épaules sont légèrement voûtées, ses mains posées sur ses genoux et son regard plongé dans une contemplation silencieuse.
Bien sûr, il ne méprise pas Sirius et James. Au contraire, il est fasciné par leur insouciance, par cette audace qu'ils affichent sans retenue. Cependant, leur comportement expansif et bruyant est à des années-lumière de ce qu'il a connu. Élevé dans le calme et la sérénité d'un foyer aimant, où la prudence était une seconde nature, Remus n'a jamais vraiment connu l'effervescence et l'agitation que peuvent générer des enfants livrés à eux-mêmes. Dans ses précédentes classes, l'ordre et la discipline étaient de mise, et les professeurs veillaient à ce que le calme prédomine.
« Remus ! Viens jouer avec nous, tu ne sais pas ce que tu rates ! » crie James en lançant le coussin vers Sirius.
La proposition traverse l'air et atteint Remus, qui est assis près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux mais largement ignoré. À côté de lui, Frank Longbottom, un garçon aux cheveux bruns soignés et au visage sympathique, est assis dans un grand fauteuil près de la fenêtre. Il observe un instant James et Sirius en train de jouer, tout en grignotant un morceau de chocogrenouille. Il se tourne ensuite vers Remus, assis à côté de lui.
« Tu ne veux pas les rejoindre ? » demande Frank, levant un sourcil curieux.
« Je ne suis pas sûr de pouvoir suivre leur rythme. Ils sont... intenses, » répond Remus.
Frank éclate de rire, un rire léger et amical. « Oui, 'intenses' est le mot juste. Mais tu sais, je pense qu'ils t'apprécient vraiment. Et ce serait bien que tu te laisses aller un peu. »
Remus considère les mots de Frank, puis son regard dérive vers James et Sirius, actuellement en train de se disputer sur la manière correcte d'exécuter un sortilège de lévitation. Une partie de lui voudrait les rejoindre, s'intégrer dans cette camaraderie exubérante, mais quelque chose le retient — peut-être la fatigue, peut-être l'incertitude, peut-être le secret lourd qu'il porte.
« Peut-être un jour, » dit Remus finalement, un sourire timide éclairant son visage. « Mais pour le moment, je préfère les regarder de loin. »
Frank hoche la tête. « Comme tu voudras, » dit-il doucement, puis retourne à sa friandise.
Remus referme son livre avec un bruit sourd, marque la page avec un ruban usé et se lève. « Je pense que je vais monter lire au dortoir, » dit-il, plus pour lui-même que pour Frank.
En passant devant James et Sirius, qui sont maintenant trop occupés à réparer le coussin qu'ils ont accidentellement éventré, Remus leur lance un dernier regard.
Le 10e jour de Septembre 1971 :
La lueur vacillante des torches teinte les murs de pierre d'un éclat spectral, conférant à la salle de Potions une atmosphère étrange. Les étagères sont remplies de fioles et de bocaux contenant divers ingrédients, dont l'odeur âcre se mêle à celle des mélanges magiques en cours de préparation.
Le professeur Slughorn, toujours digne, déambule entre les paillasses. « Murphy et Digby. Beurk et Perrot. Black et Fournier. Delaway et Valenti. Evans et McDonald. Everhart et Donovan. Finnbarr et Urquhart. Hawthorne et Macmillan. J. Goldstein et Novak. Lee et Parkin. Lupin et P. Goldstein. Pettigrew et Carmichael. Potter et Carrow. Roscoe et Greengrass. Snape et Rowle. Thistlewood et Fawley. Thorne et Selwyn. Tremaine et Hargreaves. Walsh et Swartzenberger. Whitaker et Blythe. »
Les élèves se dirigent vers leurs paillasses attribuées. Adélaïde sautille légèrement d'excitation, tandis qu'un autre élève, visiblement nerveux, tente maladroitement d'éviter de renverser son flacon d'ingrédients.
Les yeux d'Adélaïde pétillant d'excitation, elle s'adresse à Esther : « Je suis tellement contente d'être avec toi et pas avec cette autre débile de Kenneth Ellington. »
Esther esquisse un sourire énigmatique. « J'aurais bien aimé être en binôme avec Severus. »
Riant, Adélaïde s'exclame : « Je suis outrée ! Tu préfères vraiment travailler avec cette loque de Severus ? »
Le sourire d'Esther demeure. « Oui, mais cette 'loque' m'intrigue. »
Adélaïde incline la tête, intriguée malgré elle. « Est-ce la saleté qui te fascine ? Ça doit être une nouveauté pour toi. »
Ignorant la pique, Esther réplique, son regard légèrement narquois : « Ça doit être ça. » Dans l'esprit d'Esther, une toile de curiosité et d'intrigue se tisse autour de Severus. Elle n'est pas encore tout à fait sûre de ce qui l'attire chez lui, mais elle sent qu'il y a davantage à découvrir sous sa surface renfermée. Pour l'instant, elle préfère garder ses véritables intentions cachées, même vis-à-vis d'Adélaïde. Après tout, Poudlard est un lieu d'apprentissage, pas seulement de magie, mais aussi de la complexité humaine. Avoir Severus comme binôme aurait été l'opportunité parfaite pour peut-être entrevoir ce qui se cache en dessous.
À ce moment, Thorfinn Rowle, imposant et aux traits durs, sort une petite boîte en bois de son sac. Il trie les ingrédients avec une attention particulière, lançant un regard dédaigneux vers Severus, comme si être associé à quelqu'un comme Severus était une sorte de punition.
Severus, notant le regard de Thorfinn, serre sa baguette plus étroitement dans sa main. Son expression reste indéchiffrable. Esther se tourne discrètement pour observer la scène. À côté du massif Rowle, Severus paraît presque minuscule, comme un elfe à côté d'un géant.
« Regarde-les, » murmure Esther, ses mots plus pour elle-même que pour Adélaïde. « Les contrastes dans cette salle sont fascinants, ne trouves-tu pas ? »
Déjà perdue dans les mesures de leur potion, Adélaïde répond d'un rire distrait : « Oui, oui, fascinant. Allez, aide-moi à mesurer ces champignons, veux-tu ? »
Esther s'applique à la tâche, mais son esprit continue de vagabonder. Les intrigues et les mystères de Poudlard, elle le sent, sont bien plus complexes que ce simple cours de Potions.
Le 19e jour de Septembre 1971 :
Le dortoir est plongé dans la pénombre, la seule lumière provenant de la lueur argentée de la lune qui filtre à travers les rideaux tirés. Les murs en pierre ancienne réverbèrent les ronflements occasionnels des élèves, enveloppés profondément dans leurs draps.
Sirius et James, penchés sur leur lit, échangent des chuchotements étouffés et des rires contenus. Vêtus de vêtements sombres, ils ressemblent à des silhouettes dans l'obscurité. James est en train de nouer ses chaussures, tandis que Sirius, avec un sourire facétieux, brandit une carte faite maison esquissée au crayon. Le tracé est rudimentaire, mais semble efficace.
C'est ce vacarme discret, composé de rires contenus et de murmures, qui éveille Remus. Il ouvre les yeux, observe d'abord le plafond, puis tourne son regard vers la source du bruit. L'horloge de la chambre indique que minuit est passé, un moment où tous devraient être endormis selon les règles. Il perçoit les silhouettes de Sirius et James, clairement prêtes pour une escapade. Une petite voix à l'arrière de son esprit lui dit qu'il devrait les avertir, leur rappeler qu'il est interdit de sortir après le couvre-feu.
Mais avant qu'il ne rassemble assez de courage pour parler, James le repère. « Hey, Remus, tu es réveillé ? Tu veux venir ? On va explorer le château, » chuchote James, le visage illuminé d'enthousiasme et d'une pointe de défiance.
Remus, se sentant pris au dépourvu, ouvre la bouche mais ne trouve pas les mots. Son regard croise celui de James, si plein d'excitation, et celui de Sirius, imprégné d'un défi silencieux.
« Non, merci, » parvient finalement à dire Remus, la voix légèrement tremblante. « Je préfère rester ici. »
James hausse les épaules, visiblement un peu déçu, mais respectueux de la décision de Remus. « D'accord, à toi de voir. Bonne nuit, Remus. »
Sirius lui lance un dernier regard, insaisissable, avant de suivre James hors du dortoir. La porte se ferme en douceur derrière eux, laissant Remus seul avec ses pensées.
Il se rallonge, fixant le plafond. L'air dans la pièce semble plus lourd maintenant, comme chargé du poids de sa propre indécision. La culpabilité et l'anxiété se mélangent en lui, créant un cocktail émotionnel difficile à avaler. Il voudrait qu'ils ne se fassent pas attraper, mais sait aussi qu'il aurait pu — et peut-être même dû — les empêcher de partir. Avec un soupir presque inaudible, Remus se tourne dans son lit.
Le 24e jour de Septembre 1971 :
Le parfum du vieux parchemin, mêlé à celui de la cire d'abeille utilisée pour les bougies, imprègne l'air de la bibliothèque de Poudlard. Esther, l'une de ses tresses s'étant décrochée, se recoiffe rapidement en se disant qu'elle devrait apprendre à le faire aussi bien que Jolly. Elle est manifestement moins efficace.
Installée à une table près d'une fenêtre, elle balaie la salle du regard et s'arrête sur une silhouette solitaire. Severus est assis à une autre table, ses cheveux noirs couvrant presque entièrement son visage alors qu'il est absorbé par un livre épais.
Prenant une grande inspiration, elle ramasse ses affaires et s'approche de la table de Severus. « Puis-je m'asseoir ? » demande-t-elle, sa voix mêlant espoir et nervosité.
Il lève la tête et ses yeux noirs scrutent son visage. « Tu as déjà une place, près de la fenêtre.
— Oui, mais il y a un courant d'air. La fenêtre est mal isolée.
— Je vais faire comme si je te croyais.
— Merci de m'avoir gardé une place, c'est sympa. Je n'aime pas être seule.
— Je ne t'ai pas gardé de place. »
Elle s'installe néanmoins en face de lui et ouvre son propre livre. Mais sa concentration est ailleurs. Elle remarque que le livre de Severus est placé face contre table, la couverture cachée. Une carapace de méfiance semble entourer le garçon, probablement érigée pour de bonnes raisons.
« Tu étudies quoi ? » tente-t-elle.
« Ton cul, » réplique brusquement Severus.
Choquée par le langage inattendu d'un garçon de 11 ans, elle rétorque : « Je ne t'ai pas agressé. Pas besoin d'être aussi rustre.
— Je ne t'ai jamais demandé de venir me voir.
— Si tu accueilles ainsi les personnes qui tentent de t'approcher, ne t'étonne pas d'être seul.
— Je ne m'étonne pas. Alors maintenant, soit tu te tais et tu te mêles de tes affaires, soit tu quittes cette table. »
Esther se renfrogne, mais elle est déterminée à ne pas quitter la table. Ce serait comme admettre son échec, et elle n'est pas prête à le faire. Elle retourne à son livre, mais ses pensées bouillonnent. Elle a tenté de percer le mur de Severus, mais il semble plus solide que jamais. Néanmoins, elle sait que les murs ont aussi des failles, aussi infimes soient-elles. Le mur de Berlin finirait bien par tomber un jour. Et celui de Severus également.
Le 2e jour d'octobre 1971 :
Le 2 octobre 1971 résonne dans les couloirs de Poudlard, emplis d'effervescence estudiantine. Esther, les bras chargés de livres, franchit le seuil de la bibliothèque. Elle échange un signe de tête avec Remus Lupin, et les deux jeunes sorciers se dirigent côte à côte vers la Grande Salle.
Sentant une tension latente, Esther observe Remus du coin de l'œil. « Ça va avec les gars dans le dortoir ? Ce n'est pas trop bruyant ? » brise-t-elle le silence.
Remus semble peser chaque mot, puis lâche : « Disons que James et Sirius ont beaucoup d'énergie. C'est un peu difficile de suivre leur rythme. »
« Ils sont épuisants, » rétorque-t-elle.
Remus se détend légèrement. « Tu les connais depuis longtemps ?
— Je connais James depuis que j'ai 5 ans et Sirius depuis mes 9 ans, » répond-elle.
Remus penche la tête, intrigué. « Et toi, comment tu les gères ?
— Je ne le fais pas vraiment. Quand ils m'ennuient, je le leur dis. Ils continuent, mais plus loin. »
Les yeux de Remus s'abaissent, réfléchissant. « Moi, je ne pourrais pas faire ça.
— Si, mais ce n'est ni dans ton intérêt ni dans ton caractère. Tu peux dans un premier temps rester avec des gens plus calmes, comme moi, et petit à petit tu fais une désensibilisation, comme pour les allergies. Tu t'habitues peu à peu. Et si ça perdure... Tape-les. »
La réaction de Remus est viscérale. « Jamais je ne me battrai, c'est— »
Esther le coupe. « Je crois que c'est comme ça que communiquent James et Sirius. Quand ils ont un trop-plein, ils se battent. Si c'est nécessaire, je ne vois pas le problème. »
Remus fronce les sourcils. « C'est immoral et stupide ; rien n'est jamais réglé par la violence. »
« C'est faux, » rétorque Esther. « Vois James et Sirius comme des loups. Ils jouent, ils se reniflent le derrière et, parfois, ils se battent. Si tu te bats avec eux, tu entreras un peu dans leur meute de mecs débiles. »
Remus grimace. « Je ne suis pas très à l'aise avec cette description...
— Rassure-toi, ils n'iront jamais jusqu'à te pisser dessus. »
« Pardon ?! Mais— »
Esther conclut : « Tu peux demander à Isobel. Elle les connaît depuis aussi longtemps que moi. »
Remus sourit enfin. « Je verrai, merci. »
Ils entrent dans la Grande Salle, un sentiment de légèreté entre eux.
Le 10e jour d'octobre 1971 :
C'est une soirée particulièrement animée dans la salle commune de Gryffondor. James Potter, Sirius Black, Peter Pettigrew et Remus Lupin ont trouvé un coin douillet près du feu, qui jette des ombres cabalistiques sur leurs visages. Un tas hétéroclite de livres et parchemins traîne à leurs pieds, comme les vestiges d'une ambition académique fugace.
Remus, prend la parole. « Vous saviez que les Veelas se transforment en oiseaux de proie quand elles se fâchent ? » Son ton est si doux, si mesuré, qu'il stoppe net les deux moulins à paroles que sont Sirius et James.
« C'est dingue, ça ! » Sirius écarquille des yeux qui semblent vouloir dévorer chaque syllabe sortie de la bouche de Remus.
James intervient, avec ce mélange d'admiration et de condescendance qui le caractérise. « Tu devrais penser à écrire une thèse, Remus. Tu ferais un tabac dans le milieu des Veelas colériques. »
La paix, bien sûr, n'est qu'un interlude entre deux farces dans le royaume de Gryffondor. Sirius lance une boule de papier qui heurte le crâne de James comme un défi lancé à un duelliste.
« Ah ! Tu veux jouer, Black? » La malice danse dans les yeux de James, comme un diable dans une valse infernale.
Les deux commencent alors à se chamailler avec un entrain de gladiateur, si les gladiateurs se battaient avec des boules de papier.
La tension devient presque palpable, comme un voile épais de poudre à canon dans l'air. « Est-ce que ces deux-là savent même comment jouer sans se lancer des objets et s'appeler par leur nom de famille ? » Remus murmure, plus pour lui-même qu'autre chose.
Lily Evans, bibliothécaire en herbe, est tirée de sa sainte concentration. « Mais à la fin, allez-vous vous taire ! » hurle-t-elle, l'irritation suintant de chaque pore.
James, visiblement amusé, se lève et ébouriffe les cheveux de Lily comme on ébourifferait un chaton irrité. « Tout pour toi, ma douce Lily. » Sirius éclate de rire mais reprend le jeu là où il s'était arrêté.
Remus pousse un soupir, tiraillé entre l'exaspération et l'acceptation. Lily et lui échangent un regard, mi-accusateur, mi-complice. « Ces deux-là seront des cas désespérés jusqu'à ce qu'ils trouvent une place dans l'équipe de Quidditch, et encore... »
Sans un mot de plus, Remus et Lily quittent la salle commune, laissant derrière eux l'écho de leur désarroi, en quête d'un peu de tranquillité au cœur de cette folle soirée à Poudlard.
Le 15e jour d'octobre 1971 :
Dans le dortoir des filles de Serpentard, Isobel et Isabelle se positionnent en figures d'autorité. Elles dégagent une impression de gravité, soulignée par la tension palpable dans la pièce.
Isobel s'exprime sans ambages. « Je ne sais pas comment vous faites chez vous, mais ici, on ne vit pas dans une porcherie. »
Isabelle renforce ses propos. Ses yeux parcourent la chambre, s'arrêtant sur les vêtements et les objets dispersés. « Exactement. Il s'agit d'une question de respect mutuel et de respect de soi. »
Esther continue à lire son livre, imperturbable, même lorsque le regard d'Adélaïde la transperce silencieusement. Une lourdeur s'installe, comme si une action décisive était attendue.
Adélaïde prend les devants, se levant pour ranger ses affaires. Son geste est soigné et délibéré. « Compris. Je m'en occupe tout de suite. »
Isobel et Isabelle affichent un regard approbateur en voyant Adélaïde trier ses affaires avec une exactitude remarquable.
Isabelle s'adresse ensuite à Esther, son irritation est claire. « Et toi Esther, tu attends quoi ? »
Sans détourner les yeux de son livre, Esther répond : « Que ça se range tout seul. »
Un soupir collectif emplit la chambre. Ignorant la tension, Esther ramasse une pile de vêtements et la cache rapidement sous son lit, un sourire fugitif traversant son visage.
Isabelle, ayant noté l'acte, réagit immédiatement. « Esther, ce n'est pas ce que nous entendons par 'ranger'. »
« Votre principal argument, c'est que c'est irrespectueux de vous imposer mon bordel, non ? »
— Oui, tu as bien écouté. Et alors ?
— Quand je le cache sous mon lit, je ne vous l'impose plus.
— Cacher n'est pas ranger. Tu sais que ça va ressortir à un moment ou à un autre, n'est-ce pas ? » Isobel intervient, visiblement agacée.
« Ce sera mon problème, pas le vôtre, » rétorque Esther, fermant la discussion comme elle le ferait avec un livre.
— Ça ne change rien au fait que ce n'est pas ce que nous te demandons. On te demande de ranger.
— Ça ne change rien au fait que je ne le ferai pas. Et vous n'avez aucun moyen de m'y forcer.
— Nous pourrions très bien choisir de t'ignorer, » menace Isabelle.
« Faites donc, » rétorque Esther, manifestement indifférente à la menace.
Isabelle et Isobel échangent un regard chargé de frustration, impuissantes devant l'indifférence d'Esther qui, elle, retourne à sa lecture comme si rien ne s'était passé.
« Tu es égoïste, tu t'en rends compte ? » lance Isobel, semblant chercher une prise dans l'armure d'Esther.
Esther lève enfin les yeux de son livre. « Je suis occupée. Vous exigez que je range immédiatement. Je trouve une solution qui vous soulage du fardeau visuel de mon immonde bordel nauséabond, et ça ne vous va toujours pas. Et vous me taxez d'égoïsme ?
— C'est bien, tu sais résumer la situation. Et maintenant, tu en fais quoi ? » demande Isabelle.
« Rien, c'est vous que ça dérange, pas moi, » rétorque Esther.
« Donc tu es égoïste, » insiste Isabelle.
« Très bien, vous pouvez me faire un badge 'Égoïste'. Je le placerai à côté de mes autres badges 'Rien à foutre' et 'Bonne nuit', » riposte Esther avec un sourire sardonique.
Le silence revient, plus pesant que jamais. Chacune retourne à ses affaires, acceptant ce cessez-le-feu non résolu comme un épisode de plus dans la guerre quotidienne pour la propreté et le respect mutuel au sein du dortoir.
Le 15e jour d'octobre 1971 :
Dans les couloirs labyrinthiques de Poudlard, une énergie électrique semble palpable. Dans un coin éloigné, éclairé seulement par le faible scintillement des torches murales, se tient Severus. Son visage est fermé, un masque impassible qui cache difficilement une tension intérieure. Face à lui, Evan Rosier, un élève de deuxième année de Serpentard, l'accule comme un prédateur jouant avec sa proie, le tenant par le col.
L'expression de Rosier est celle de l'arrogance pure ; un mélange de supériorité et de mépris suinte de chacun de ses pores. Il semble se délecter du malaise qu'il impose à Severus, savourant chaque instant où il peut exercer une forme de pouvoir, aussi futile soit-elle.
Le contraste entre les deux est saisissant. Là où Rosier irradie une confiance en lui presque suintante, Severus se tient réservé, son visage fermé comme une forteresse.
Esther, témoin de cette tension, se retrouve face à un choix. Intervenir serait risquer de se mêler d'affaires qui ne la concernent pas, mais ignorer la situation serait donner carte blanche à des comportements qui, d'une manière ou d'une autre, finiraient très mal pour Severus.
« Franchement, Snape, même les cachots semblent plus propres que toi, » lance Rosier, son sourire narquois étirant ses lèvres comme un serpent prêt à frapper.
« Évite de me toucher alors, tu risquerais de te salir, » rétorque Severus, sa voix aussi froide que l'acier.
Rosier lève un sourcil, son amusement éphémère cédant la place à une irritation palpable. « Les rats savent parler maintenant ? Première nouvelle ? »
Severus plante son regard dans les yeux de Rosier. « Et ils mordent aussi. Tu veux la peste ou la leptospirose ? »
Rosier grimace, le venin dans les mots de Severus trouvant sa cible. « Tu as l'air de t'y connaître en rats et en maladies, dis-moi ? »
« Je te côtoie, et j'apprends vite, » tranche Severus.
Rosier prend une profonde inspiration, comme pour contenir sa fureur. « Tu parles, tu parles ; profite pendant que tu peux. Les choses vont changer ici, et un petit bâtard de sang-mêlé ne fera pas long feu. »
Esther, ayant observé la confrontation depuis l'ombre d'un recoin, ressent un mélange d'admiration et de réflexion. Le courage de Severus, son refus de se laisser écraser.
Lorsqu'il tourne son regard vers Esther, leurs yeux se croisent brièvement. Il lui fait un signe discret de ne pas intervenir, presque comme un avertissement. Esther hésite un moment, mais son esprit est déjà en train de trancher.
« Excusez-moi, vous êtes bien Evan Rosier, n'est-ce pas ? » Elle prononce son nom avec une certaine admiration, presque comme si elle était impressionnée. « Je suis un peu perdue avec ce devoir de potions. J'ai entendu dire que vous étiez le maître en la matière dans votre année. Pourriez-vous m'aider, s'il vous plaît ? »
Rosier semble déstabilisé par l'intervention soudaine d'Esther, son attention détournée de Severus. La flatterie et l'apparente naïveté d'Esther le font hésiter, peut-être même flattent son ego. Il jette un regard méfiant à Severus, comme pour signifier que leur affrontement n'est pas terminé, puis se tourne vers Esther.
« Eh bien, il se trouve que je suis plutôt doué en potions, » dit-il, incapable de résister à l'éclat de vanité dans ses yeux. « Quel est ton problème exactement ? »
Esther sourit, satisfaite que son stratagème fonctionne. « Oh, c'est cette fichue potion d'Amnésie. Je ne parviens pas à obtenir la bonne consistance. Vous seriez un vrai héros si vous pouviez m'aider. Si vous êtes aussi doué que tout le monde le dit, vous pourrez sûrement résoudre mon problème de potion en un clin d'œil, » insiste-t-elle, engageant pleinement l'attention de Rosier.
Rosier jette un dernier regard en direction de Severus, comme s'il pesait ses options. Finalement, son ego l'emporte. « D'accord, je suppose que je pourrais te montrer un truc ou deux, » dit-il, essayant de contenir sa propre satisfaction. « Mais ça te coûtera un service.
— Je paye toujours mes dettes, » répond Esther, feignant l'enthousiasme.
Se sentant suffisamment important, Rosier se détache du mur, abandonnant Severus. « Très bien, retrouve-moi dans la salle commune à vingt et une heures. On pourra travailler là-bas. »
Alors que Rosier s'éloigne, Esther lance un regard significatif à Severus, comme pour dire 'C'est bon, tu es libre d'y aller.'
Severus se tourne brusquement vers Esther, ses yeux sombres fixant les siens. « Je t'avais explicitement fait signe de ne pas intervenir, » déclare-t-il, le ton de sa voix aiguisé comme un couteau.
« Oh, je vois, » répond Esther, enlevant une mèche de cheveux de son visage. « J'aurais dû te laisser finir ta brillante démonstration de masochisme social ?
— Si tu m'avais accordé une minute de plus, j'aurais--
— Accompli quoi exactement ? » l'interrompt-elle, ses yeux lançant des éclairs. « Une démonstration magistrale de la façon de se faire marcher dessus ? »
Severus ferme les yeux un instant, comme s'il essayait de contenir une énergie sauvage. Quand il les ouvre, il marmonne quelque chose qui sonne comme une malédiction.
« C'est bien beau d'avoir de la répartie, mais à un moment donné, on doit aussi avoir un minimum de sens pratique, » réplique-t-elle, son regard toujours fixé sur lui, sans vaciller.
Severus relève la tête, une lueur d'irritation dans ses yeux. « Oh, la pratique, tu veux dire comme draguer Rosier avec une potion bidon qu'on n'a pas encore étudiée ?
— Si tu lui avais envoyé un coup de genou dans les parties, je n'aurais pas eu à intervenir, » rétorque-t-elle, croisant les bras.
« Tout le monde n'est pas aussi intéressé par les burnes de Rosier, » dit-il, une pointe d'agacement dans la voix.
« Bah, t'as de la chance que ce soit Rosier, et qu'il soit bête comme une baguette vermoulue. Tu feras quoi la prochaine fois ? » Elle incline la tête légèrement, le défiant.
« Je t'appellerai pour que tu lui tailles une pipe. Visiblement, ça te réussit, » lance Severus, l'ironie perçant dans chaque mot. Mais Esther ne comprend pas l'allusion sexuelle derrière l'expression « pipe ». Pour une jeune fille de onze ans élevée dans la tradition, une pipe n'est rien d'autre qu'un objet pour fumer. Elle se rend compte que ça ne doit pas être ça, mais préfère ne rien dire et passer pour une andouille.
« Plus tu m'insultes, plus je prends ça pour de la gratitude. Fais attention, je vais finir par croire que tu es jaloux de Rosier, » répond-elle, un sourire narquois se formant sur ses lèvres.
« Pauvre fille, » crache Severus, se détournant pour masquer un sourire réticent.
Alors qu'elle l'observe s'éloigner, Esther se fait une réflexion. Ce n'est pas la première fois qu'elle note la dureté, presque la crudité, du langage de son camarade. Il y a quelque chose d'étrangement adulte, presque usé, dans la manière dont il s'exprime. Ses mots ne semblent pas appartenir à un garçon de seulement onze ans. Cette idée la déroute, mais lui fait aussi un peu de peine. Elle se demande quels environnements, quels quartiers, quels foyers pourraient marquer un enfant à ce point. Les quartiers difficiles et les pères rustres n'étaient pas évoqués à Poudlard, mais ces échos étaient souvent entendus et surtout prononcés par Severus.
Le 30e jour d'octobre 1971 :
Argus Rusard, ce concierge d'éternité dont les traits semblaient sculptés dans le marbre du sérieux, leur avait distribué, dans une sorte de cérémonie funèbre, des chiffons usés et des polissoirs éraflés. Sans un mot, ce gardien des lieux s'était retranché derrière une chaise d'où il pouvait exercer son regard de vautour sur eux tout en s'immergeant dans les pages jaunies d'un périodique que le temps ne semblait pas avoir épargné. Sa satisfaction personnelle, presque voluptueuse, était palpable, comme si chaque seconde de leur punition le nourrissait d'une jouissance intime.
James Potter fixe Sirius Black, le chiffon dans sa main devient une arme, son visage, un champ de bataille où chaque trait sert de tranchée à son insubordination. À le voir, on pourrait croire qu'il défie l'univers entier, exigeant des instruments de leur supplice qu'ils se justifient.
Dans le tableau d'une journée banale à Poudlard, le premier sortilège avait été comme une épine sur le chemin de la destinée, une provocation par Evan Rosier et Amycus Carrow, ces inquisiteurs du mal, selon les deux Gryffondor.
De l'autre côté de cette table, un bois qui a vu plus d'années et d'agonies que la plupart des élèves, Rosier et Carrow se croisent du regard. Leurs yeux semblent trouver un plaisir morbide dans cette retenue. Comme si leur échec n'était qu'un léger bémol dans leur grande symphonie de terreur à l'égard de James et Sirius. L'air est si lourd qu'il pourrait être tranché par une baguette, et tous savent que cette scène n'est que le prologue d'une guéguerre bien plus longue.
Dans cette chambre de l'ennui et du mécontentement, la voix de James éclate comme un coup de tonnerre. « Vous pourriez au moins faire semblant. Rusard pourrait nous garder plus longtemps à cause de vous. »
Un sourire cynique se dessine sur les lèvres de Evan. « Peur de rater le dîner, Potter ? »
Sirius réplique : « Pas autant que vous semblez avoir peur d'une salle propre, apparemment. »
Amycus, indifférent, déclare : « Rusard ne rate jamais le dîner. Dans une heure, nous serons libres et les elfes nettoieront la salle à notre place. À quoi bon se battre contre l'ordre des choses ? »
« Si cela allège la charge des elfes, alors tant mieux, » rétorque Sirius, son sourcil arqué devenant un point d'exclamation.
Mais avant que d'autres mots ne s'échappent pour alimenter ce brasier de tension, Rusard, cet archange de la discipline, lève les yeux de son journal sacré. « Silence, ou je double votre peine ! »
Carrow marmonne à peine audible : « Oui, c'est cela, continue à rêver. »
Le 1er jour de Novembre 1971 :
Esther est installée dans le confort feutré d'un fauteuil de la salle commune des Serpentard, ce sanctuaire vert émeraude qui n'offre pas toujours l'asile espéré. Un parchemin déroulé devant elle semble demander plus d'attention qu'elle ne peut en fournir. Isobel, sa voisine, s'agite dans une danse verbale à propos des devoirs de la semaine qui les attendent.
« Tu as vu les questions sur le parchemin de Métamorphose ? C'est une blague ! Comme si on avait besoin de transformer une plume en chandelier en ce moment. »
Acquiesçant, Esther répond, « Ouais, mais tu sais comment est McGonagall. Elle aime bien nous pousser à bout. Je la crois sadique. Enfin, tant que ça ne tourne pas en catastrophe comme avec Pettigrow l'autre jour, ça devrait aller. »
Isobel éclate de rire. « Ce boulet et la Métamorphose, une histoire sans fin. Tu te souviens de la fois où il a essayé de transformer sa plume en branche ? »
Son sourire esquisse une ombre sur son visage, mais l'âme d'Esther a traversé la pièce. Elle aperçoit Severus, recevoir un coup derrière la tête de la main d'Eward Gibson, un élève de cinquième année. Stoïque, Severus absorbe l'humiliation, son visage devenant une surface sur laquelle ni joie ni souffrance ne semblent pouvoir se refléter. Eward s'éloigne en riant, entouré de ses acolytes.
Isobel remarque que l'attention d'Esther est ailleurs et lui pince la main. « Eh, je suis là, tu sais. »
« Désolée, Isobel, » répond Esther, son regard toujours fixé sur Severus. Il semble perdu dans la foule, et cela la préoccupe.
Isobel suit le regard de son amie et soupire. « Si tu as l'intention de jouer les chevaliers en armure, fais attention. Certains dragons ne veulent pas être sauvés. »
« Peut-être, » dit Esther, « mais certains dragons n'ont pas encore réalisé qu'ils peuvent cracher du feu. »
Isobel hoche la tête, puis se lève et quitte la salle, laissant Esther avec ses pensées. Severus, sentant qu'on l'observe, lève les yeux et croise le regard d'Esther. Il fronce les sourcils.
Esther s'approche, notant la méfiance dans son regard. « Peut-on parler? » demande-t-elle.
« Qu'est-ce que tu veux encore ? » répond Severus, sur la défensive.
Ça ne la décourage pas. « Ça devient de plus en plus difficile pour toi ici, non ? » demande-t-elle, prudemment.
Il est irrité. « À quel moment as-tu cru que ça pouvait te concerner ? »
— J'ai des yeux.
— Je n'ai pas besoin de ta pitié »
Elle le regarde intensément. « Je ne suis pas là pour te plaindre, Severus. Je suis une Serpentard, pas une Poufsouffle. »
Il est sarcastique. « Superbe constatation. Ça t'a pris combien de temps pour le réaliser ?
— Au moins une éternité. » répond-elle, souriante.
« C'est bien ce qu'il faut pour qu'une fille comprenne quelque chose... »dit-il, provocant.
Elle est surprise. « La misogynie ? Sérieusement ? »
—Si c'est ce qu'il faut... »
Esther s'exprime avec une détermination douce ; « Je suis plus têtue que tu ne le crois. De 16 à 17, j'apprends le stoïcisme aux pierres, et de 18 à 19, la ténacité aux menhirs.
— Tu es donc bien trop occupée pour te soucier de moi, » réplique Severus, sa voix imprégnée d'une forme de dérision masquant son intérêt involontaire.
— Il n'est que 15h10, j'ai tout mon temps.
— Tu devrais l'employer à quelque chose de plus constructif, » rétorque-t-il, presque comme s'il regrettait de lui avoir offert cette ouverture.
Esther lève légèrement les sourcils, une lueur de malice dans les yeux. « Tu es mon dernier hobby, » dit-elle, son sourire prenant un ton de défi.
Leur regard se croise, instaurant un silence lourd mais électrisant. Dans cet instant, Severus semble évaluer la situation. Ses yeux noirs étudient Esther, balayant son visage comme pour y lire un message codé. Il y a un scintillement là, un changement subtil dans son regard. Peut-être de l'appréciation ou même de la curiosité.
Sans crier gare, Esther s'assoit à même le sol à côté de Severus. « Qu'est-ce que tu fous ?! » s'exclame-t-il, comme si le monde avait perdu tout sens. Sa confusion est manifeste ; il se demande clairement si elle a perdu la raison.
« Je m'installe. » répond Esther, comme si c'était la chose la plus normale du monde.
Alors, elle fait quelque chose d'inattendu. Elle saisit le livre que Severus tient entre ses mains et l'ouvre. Ses yeux parcourent les lignes avec intérêt. Severus, encore en état de choc devant son audace, la dévisage quelques instants, pesant ses options. Finalement, il semble accepter cette intrusion silencieuse, et se réinstalle dans son fauteuil.
L'action d'Esther peut paraître simple, mais dans l'environnement compliqué de la salle commune de Serpentard, elle ressemble à un acte subversif. Severus avait toujours maintenu un périmètre de solitude autour de lui, une ligne invisible mais indéniable. Elle l'a franchie, et étrangement, pour la première fois il ne l'a pas repoussée.
Le 3e jour de Novembre 1971 :
Le 3 novembre 1971 marque un tournant décisif dans la vie de Sirius Black. C'est son douzième anniversaire et, pour la première fois, il ne le fête pas dans le grand manoir des Black, entouré du faste et du protocole qui caractérisent sa famille. À la place, il est à Poudlard, entouré de ses amis. Le gâteau peut être plus simple, les décorations moins somptueuses, mais la chaleur qui l'entoure compense amplement.
Cependant, la journée prend une tournure inattendue avec l'arrivée d'une lettre ornée du sceau familial des Black. Sirius n'avait plus de nouvelles de ses parents depuis qu'il avait informé sa famille de sa répartition à Gryffondor. Cela dit, cette lettre n'est pas le genre de cadeau d'anniversaire qu'il aurait souhaité.
Avec une certaine hésitation, il décachète la lettre. L'écriture est fine mais froide, et les mots qui y sont couchés le glacent jusqu'à l'os. La déception de ses parents est palpable ; leurs attentes trahies forment la toile de fond d'une réprimande cinglante qui parle de "honte", "d'honneur familial" et de "devoirs".
Il reste un instant pétrifié, les mots s'imprimant dans son esprit. Les émotions forment un tourbillon en lui : il est triste, mais aussi furieux et, étrangement, soulagé. La tristesse est presque physique, une preuve de l'abîme qui s'est creusé entre lui et les siens. La colère est un feu qui brûle en lui, né de son refus d'être le bon petit Black attendu. Le soulagement est plus surprenant. Maintenant, au moins, il sait où il en est avec eux et, même si cela fait mal, c'est aussi une forme de libération. Les choses sont claires.
Ses doigts froissent le papier de la lettre avant qu'il ne la lance dans la cheminée. Les flammes engloutissent le papier en quelques secondes, transformant les mots cruels en cendres. Sirius regarde le feu, les yeux brillants mais déterminés. Peu importe ce que sa famille pense de lui, il a trouvé une nouvelle famille à Poudlard, et il compte bien prouver que leur déception est injustifiée.
Il se relève finalement et fait face aux visages amicaux qui l'entourent. Ils le comprennent sans qu'il ait besoin de dire un mot, sans questions, sans jugement. En rejoignant ses amis, il trouve une confirmation. Il est exactement là où il doit être, et c'est tout ce qui compte. Tant pis pour le "joyeux anniversaire" qu'il n'a pas reçu de ses parents. Il n'en a pas besoin.
Le 7e jour de Novembre 1971 :
La Grande Salle est animée par le bourdonnement habituel du matin. Les élèves, engagés dans leurs discussions et rires, savourent leur petit-déjeuner, anticipant la journée à Poudlard. Cependant, Esther semble distante de cette ambiance. Elle parcourt des yeux la vaste salle, cherchant l'absence notable de Remus. Il ne lui a jamais donné l'impression d'être le genre de garçon à sécher facilement les cours.
Elle quitte discrètement sa table et ses amies, résolue à trouver Remus. Parcourant le château, elle explore d'abord les lieux habituels où il pourrait se trouver. C'est près de l'horloge de la grande tour qu'elle le découvre. Adossé au mur, Remus contemple le paysage à travers le cadran vitré de l'horloge, son visage trahissant sa fatigue.
« Remus ? » interroge-t-elle avec douceur, évitant de le surprendre.
Il tourne vers elle un regard légèrement étonné. « Esther, bonjour. »
« Tu n'étais pas en classe, » remarque-t-elle, le ton soucieux. « Est-ce que tout va bien ? »
La réponse de Remus est précédée d'un soupir. « Ma tante est souffrante. J'ai dû aller la voir. Je dois y aller de temps en temps. » Les nuances de tristesse dans sa voix ne passent pas inaperçues pour Esther.
Touchée, Esther répond : « J'espère que ta tante se rétablira vite. Prends soin d'elle, et de toi. »
Il lui adresse un sourire, bien que faible, en réponse. « Merci. »
Ils restent quelques instants en silence, le silence ayant un poids certain.
Le 10e jour de Novembre 1971 :
Poudlard est prise dans l'étreinte d'un automne à la fois arrogant et insoumis. La brume, semblant sortir des anciennes cheminées, drape chaque tour et chaque recoin. La terre, jonchée de feuilles abandonnées, ressemble à une mosaïque colorée de moments oubliés, rendant le parc presque trop pittoresque pour être vrai.
Le stade de quidditch, dont les gradins s'élancent vers le ciel, semble prétentieux, fier. L'humidité matinale fait briller les bancs, comme pour prétendre à une importance qu'ils n'ont pas. Et au cœur de ce cirque, le terrain, ridiculement bien entretenu, semble presque narguer l'automne ambiant, comme un dernier bastion de verdure.
Les drapeaux des maisons, gonflés d'orgueil, se pavanent dans l'air. Les chants, les cris, la ferveur : toute cette énergie dépensée pour un sport ! Au milieu de ce chaos orchestré, Esther avec ses cache-oreilles, pionce. De toute façon, elle ne prétend pas être intéressée par le match. Isobel, elle, semble si blasée qu'on dirait qu'elle a déjà vécu mille vies.
Un peu plus loin, le duo dynamique, James et Sirius, se prennent pour les maîtres du jeu. Si seulement ils mettaient autant d'énergie dans leurs études que dans leurs explications effrénées sur le quidditch ! Sirius, avec ses cheveux qui semblent avoir combattu un ouragan, incarne parfaitement l'hyperactivité. Il bouge sans cesse, se lève, se rassoit, comme s'il était sur des ressorts. James, en revanche, semble croire qu'il possède un sixième sens, fixant chaque mouvement sur le terrain avec une intensité démesurée, comme s'il pouvait changer le cours du jeu par la seule force de sa volonté.
Entre ces deux énergumènes se trouve Remus, l'antithèse parfaite de ses compagnons. Avec une patience qu'on lui connaît, il tente de suivre leurs divagations. Ses cheveux châtains, contrairement à ceux de Sirius, sont soignés, presque méthodiques. Son regard, bien qu'amusé par les frasques de ses camarades, trahit une lassitude. On dirait qu'il est là par obligation, qu'il assiste plus à une comédie qu'à un match de quidditch. Sa posture éloquente crie : "Pourquoi suis-je ici ?"
Le match est une extravagance de mouvements et de couleurs. Les poursuiveurs, avec leurs virages brusques et leur agilité risquée, ressemblent à des enfants dans une cour de récréation. Les batteurs, avec leur passion pour les Cognards, sont soit très courageux, soit complètement inconscients. Et le Vif d'or, cette petite balle dorée insaisissable, est l'objet de toutes les attentions, tout en semblant se moquer ouvertement de tous ceux qui tentent désespérément de l'attraper.
Le 15e jour de Novembre 1971 :
Dans un monde où le ciel, d'un bleu aussi profond que les pensées d'un philosophe un samedi soir, refuse obstinément de se réchauffer, un petit coin semble échapper à la mélancolie de l'hiver. Sous l'œil critique d'un chêne, qui se rappelle sans doute des jours plus chauds, des parchemins et des bouquins gisent paresseusement, souvenirs d'une leçon abandonnée un peu trop tôt.
Esther bavarde avec Remus. Le pauvre bougre, dont le teint rivalise avec le blanc d'une cuvette, est drapé non seulement dans son uniforme, mais aussi dans deux sous-pulls - il tente vainement de se réchauffer. Esther, moins dérangée par ces températures, se contente d'une chemise. Ayant jugé bon d'utiliser sa cape comme couverture, assis dessus pour se protéger de l'humidité.
Alors que le vent tente de dérober quelques feuilles, Adélaïde, Peter et Sirius s'adonnent à la guerre des marrons. Le rire d'Adélaïde, doux et entêtant, s'élève pendant que Peter, agile est sur le point de renverser Sirius, zigzague pour éviter les projectiles.
Un peu plus loin, James et Isobel, plongés dans une conversation sans doute importante (absolument pas), sont interrompus par un marron vagabond, signé Sirius. James, lui offre — à Sirius, pas au marron— un sourire mi-amusé, mi-narquois, avant de riposter.
Isobel se dirige vers le chêne, « j'espère que la phase 'je lance tout ce qui me tombe sous la main' est bientôt terminée », murmure-t-elle, un soupçon de lassitude dans la voix. Esther lui lance un regard complice, tandis que Remus marmonne, « je vais en lancer un sur l'autre. »
Le 18e jour de Novembre 1971 :
Novembre 1971. Dans la salle de métamorphose, où le temps semble avoir été suspendu pour une brève seconde (ou deux), des élèves s'affairent avec une concentration redoublée. Le rythme des baguettes, tels des métronomes détraqués, s'accorde aux murmures enfiévrés de l'incantation, tout cela baignant dans un air empreint de mystère... et de poussière.
Isobel, qui occupe une table comme on occuperait une forteresse, essaie désespérément de trouver sa zone. Ses yeux noirs, qui habituellement ont l'air d'avoir bu une bonne dose de café, laissent entrevoir une lueur d'agacement. Adélaide, à sa droite, tambourine sur la table, non pas avec le rythme d'un musicien passionné, mais plutôt avec celui d'un enfant qui a découvert qu'il peut faire du bruit. Et, entre deux battements, elle se permet de donner son avis sur tout, sauf sur le sujet du jour.
Légèrement à l'écart, Esther, avec ce sourire qui dit "J'ai déjà lu ce livre et je connais la fin", observe la scène. Isabelle, l'incarnation parfaite de la sérieuse avec un grand S, se tient à ses côtés, tel un rempart contre la frivolité d'Adélaide. De temps à autre, ses yeux bleus lancent des éclairs dans sa direction.
Isobel réfléchit. Les groupes, pense-t-elle, auraient dû être mieux organisés. Isabelle et elle, ça fonctionne. Comme le thé et les biscuits. Esther et Adélaide, ça fonctionne aussi. Comme la musique et la danse. Mais elle et Adélaide ? C'est comme mélanger du feu et de la glace. Isobel peut dire à Esther de se taire. Esther peut dire à Adélaide de se taire. Mais Isobel et Adélaide ? C'est comme essayer de mélanger de l'eau et de l'huile. Ça marche pas.
Après quelques instants infinis, Isobel arrive enfin à se concenter. Comme un maître peintre, elle guide sa baguette avec assurance. L'objet sous ses doigts commence à obéir. Pendant ce temps, Adélaide, ne trouvant pas d'écho chez Isobel, se tourne vers Esther, espérant qu'elle soit plus réceptive à ses anecdotes.
"C'est bon, Adé' ! Silence, s'il te plaît !" siffle Isabelle, clairement à bout.
Le 23e jour de Novembre 1971 :
James, avec ses cheveux défiant chaque loi de la gravité connue, s'avance dans la cours de poudlard. Chacun de ses pas semble marquer une déclaration, comme s'il était sur le point de changer le monde ou, au moins, la matinée de quelqu'un. Severus, lui, est une statue, absorbé dans un livre dont le titre, si on le connaissait, évoquerait probablement le truc le plus chiant du monde. Le banc sur lequel il est assis a connu des centaines d'occupants, mais jamais un d'aussi mauvaise humeur.
Pendant ce temps, un peu en retrait mais toujours bien visible, Sirius affiche ce sourire malicieux, celui qu'on porte quand on sait quelque chose que les autres ignorent. Il suit James, tel un ombre insouciante, prêt à transformer n'importe quel moment banal en aventure épique.
« Snape ! » commence James, essayant de cacher son agitation. « J'ai vu que tu trainais souvent avec Lily. Dis-moi, tu la connais bien ? »
Severus, dont chaque mouvement semble lui couter affreusement cher, lève lentement ses yeux de la page qu'il lit. Ses iris, sombres et énigmatiques, scrutent James avec une intensité qui frôle l'inconfort. Tout en lui hurle la méfiance. « Pourquoi ça t'intéresserait ? » rétorque-t-il avec une froideur qui rivaliserait avec les pires hivers d'écosse.
Là, en retrait mais jamais vraiment silencieux, Sirius, l'incarnation même de la malice, ajoute avec un mordant qui n'appartient qu'à lui : « Oh, tu sais, peut-être parce qu'elle mérite mieux que de traîner avec des gens comme toi.»
L'atmosphère se charge, comme avant un orage, chaque mot lançant des étincelles. Severus, armé de son intelligence tranchante souvent confondue avec de l'arrogance, réplique : « Elle est mon amie, Potter. Et tu n'as pas à t'immiscer dans nos affaires. »
James, avec cette fougue juvénile qui le pousse souvent à la limite, fait un pas de plus vers Severus, ses yeux reflétant un océan de défi. « Je demande juste des informations, c'est tout. Lily est une personne intéressante. »
À l'écart du tumulte, Esther et Isabelle observent en silence, à l'ombre d'une colonne. Esther, submergée par un étrange mélange de curiosité et de sentiment maternel envers Severus, se sent poussée à s'interposer. Son pas est presque mécanique, chaque mouvement la rapprochant du centre de la tempête. Mais Isabelle, intervient rapidement, attrapant fermement le poignet d'Esther.
« Ne t'en mêle pas, » chuchote-t-elle, sa voix oscillant entre l'inquiétude et la fermeté. « Snape est capable de gérer ça seul. »
Esther, surprise par la réaction d'Isabelle, croise son regard, y cherchant une quelconque compréhension. « Il en est tout sauf capable ! Tu le vois bien ! »
Isabelle reste imperturbable, ses yeux ne quittant pas ceux d'Esther. « Il pense l'être. Si tu t'en mêles, tu ne feras qu'empirer les choses. »
« Ce n'est pas vrai, je peux aider, je— »
Isabelle coupe net, la gravité dans ses mots. « Et si tu devais choisir entre James et Severus ? Pourrais-tu prendre une décision ? »
Esther se sent perdue, chamboulée par cette question inattendue. L'idée de choisir entre James et Severus lui semble absurde. James est son ami depuis toujours. Severus, en revanche, est une présence plus récente, un mystère qu'elle peine à déchiffrer. Pourtant, quelque chose en elle ressent une urgence, un besoin profond de se tenir à ses côtés.
À chaque fois qu'elle croise le regard de Severus, elle y décèle une certaine mélancolie, une profondeur qu'il dissimule derrière une façade d'indifférence. Il prétend que tout va bien, mais Esther sait que ce n'est pas le cas. Elle a développé cette intuition, ce sixième sens qui lui dit que Severus est en train de lutter avec quelque chose en lui, quelque chose qu'il ne veut pas - ou ne peut pas - partager.
Qu'est-ce qui la pousse vers lui ? Pourquoi, en tant que Serpentard, ressent-elle cette envie irrésistible de le protéger, de l'aider ? Elle ne le connaît que depuis peu— elle ne le connait pas à vrai dire—, et pourtant, elle est prête à se battre pour lui. C'est déroutant. Cela remet en question tout ce qu'elle pensait savoir sur elle-même. Serait-elle prête à défendre Severus au détriment de James ? L'idée même la terrifie.
Severus est comme un casse-tête, une énigme dont elle n'a aucunes pièces. Elle veut comprendre, percer à jour ce mystère. Mais à quel prix ? La loyauté envers James pèse lourdement dans la balance. Elle est tiraillée, déchirée entre son amitié de toujours et cette connexion inexplicable —à sens unique—avec Severus.
Le ton d'Isabelle se fait plus doux, mais tout aussi résolu. « Soit tu crains la réponse, soit tu ne la connais pas encore, alors pour l'instant, reste à ta place. »
Esther se retient de répliquer, mordillant sa lèvre inférieure. Les paroles d'Isabelle résonnent en elle, lourdes de sens. Même si elle souhaite ardemment intervenir, elle sait que pour l'instant, elle doit résister à cet élan.
Dans la cour pavée de Poudlard, une foule d'élèves se rassemble, attirée par la montée de la tension entre ces figures familières.
Le visage de Sirius est rouge de colère, et son sourire narquois est désormais remplacé par une moue méprisante. « Qu'est-ce que Lily peut bien te trouver, Snape ? » lance-t-il avec dédain, ses yeux étincelant d'un plaisir cruel à provoquer.
Severus, habituellement maître de lui, peine à masquer sa colère. Les mots, acérés comme des lames, fusent : « Lily n'est pas un objet que vous pouvez échanger comme des cartes de Chocogrenouille, Black. et t'as pas intérêt à parler d'elle. »
James, les bras croisés et le regard ferme, tente une approche plus mesurée, même si son ton autoritaire est perceptible. « Calme-toi, Snape. On voulait juste discuter. »
La réponse de Severus est cinglante, son sarcasme à peine voilé : « Discuter ? En m'abordant avec vos insultes ? Vous prenez vraiment les gens pour des billes, hein ? »
La voix de Sirius monte d'un ton, sa patience ayant atteint ses limites. « Tu devrais faire attention à ce que tu dis ! »
Severus le défie du regard. « Sinon quoi ? Tu crois que parce que tu me rabaisse constamment, je vais faire ce que tu veux ? Tu n'es rien, Black. Serpentard ne veut pas de toi, ta famille ne veux pas de toi. Pourquoi tu crois que venir m'emmerder changera ça ? »
La provocation est trop pour Sirius. Sans crier gare, il lance un coup de poing vers Severus. Les élèves autour d'eux poussent des exclamations surprises et alarmées.
Théodore Nott, ce Serpentard de quatrième année, est en train d'expliquer avec enthousiasme à Isobel une manœuvre complexe du Quidditch. Et normalement, Isobel devrait être captivée. Elle adore le Quidditch, Théodore a une façon captivante de présenter les choses, et son humour décalé est un bonus non négligeable.
Mais Isobel, pour une fois, a l'esprit ailleurs. Pas à cause de Théodore, non. C'est plutôt Esther, son amie tenace, qui, encore une fois, fixe Snape avec une intensité digne d'un prédateur observant sa proie. Isobel commence sérieusement à se demander si Snape n'a pas glissé un petit quelque chose dans la boisson d'Esther pour attirer ainsi son attention. C'est presque... obsessionnel. Et, franchement, ça tourne au ridicule.
Snape fait clairement la sourde oreille, et Esther est à deux doigts de se retrouver avec une plainte pour harcèlement sur les bras. Isobel pense qu'il est temps de remettre les pendules à l'heure avec Mlle Walsh, car cette situation commence vraiment à lui taper sur les nerfs.
Juste à ce moment-là, par un heureux hasard, Esther – ou plutôt Esther-la-terriblement-obstinée-Walsh – reçoit un "accidentel" coup de pied de la très-attentive-Isobel-Murphy. Esther grince des dents, bien consciente de la raison de cette attaque subtile.
Avant qu'elle puisse répliquer, Snape se lève, et Esther, comme si elle était tirée par une corde invisible, se précipite pour le suivre. Isobel souffle. Esther est partie quand même.
Avec une énergie inépuisable, elle se met à courir derrière Severus à travers les couloirs tortueux du château. Il avance à grands pas, si bien qu'elle a l'impression qu'il est sur le point de se mettre à courir. Elle parvient finalement à le rattraper dans les froids cachots, non loin de l'entrée de leur salle commune.
« Severus ! » Elle s'écrie, le son rebondissant légèrement contre les murs humides et froids.
Il s'arrête, presque à contrecœur, sans toutefois se retourner. Essoufflée, Esther se rapproche en cherchant ses mots. « Tu sais... Tu devrais voir l'infirmière. »
Il pivote enfin, ses yeux noirs comme l'obsidienne la fixant. « Pourquoi tu me colles ? » Ses mots sont teintés d'un mélange de curiosité et d'agacement.
Elle laisse échapper un soupir, cherchant à capter son attention. « Regarde-toi ! Ton œil ! C'est pas rien, tu sais. »
Avec une certaine froideur, il réplique, « Pas besoin de toi pour me le dire, Walsh. »
Tout en prononçant le mot de passe, il entre dans la salle commune. Esther, sans hésitation, le suit de près.
« C'est pas de la charité ou quoi que ce soit ! » proteste-t-elle.
Il lance, agacé, « Tu comptes vraiment me suivre partout, comme un petit canard ? »
« Jusqu'à ce que tu ailles voir l'infirmière, ouais ! »
« Génial... » marmonne-t-il, visiblement exaspéré.
Alors qu'il se dirige d'un pas déterminé vers son dortoir, elle persiste à le talonner. Devant sa porte, il s'arrête net et lui lance un regard teinté d'ironie. « Après vous, milady ! » Le ton de sa voix laisse entendre que, si elle s'aventure plus loin, il la tue.
Ignorant l'avertissement non verbal, elle répond avec un sourire espiègle, « Avec grand plaisir ! » et s'engouffre sans hésiter à l'intérieur.
Severus, sidéré par tant de culot, la suit des yeux, sa bouche entrouverte dans une expression de stupeur. Il est juste soulagé que ses camarades ne soient pas là pour assister à cette scène, probablement encore attablés pour le dîner.
La pièce, baignée dans une pénombre mystérieuse, n'est éclairée que par quelques bougies vacillantes. Leurs flammes jettent des ombres mouvantes qui dansent sur les murs, faisant ressortir le contraste entre les deux élèves en confrontation.
Severus plisse les yeux, sa voix est un mélange d'impatience et de froideur. « Bon, c'est fini cette plaisanterie ? Je t'ai tolérée jusqu'ici, mais là, c'est le comble ! »
Esther lève un sourcil provocateur, « C'est toi qui m'a ouvert la porte, si je me souviens bien. »
Il ricane, une pointe d'agacement dans la voix, « C'était du sarcasme, tu sais, cette subtilité typique des Serpentards ? Je peux pardonner ton ignorance étant donné que tu te comportes comme une Poufsouffle ! »
Elle croise les bras, un sourire taquin aux lèvres. « Tu es bien moins conciliant que ce que je m'imaginais. »
« Je n'ai aucune raison de l'être, c'est chez moi ici. Donc, tu décampes. »
« Non. »
Il serre les dents. « Si. »
Elle imite sa pose, l'air moqueur. « Non. »
Il se rapproche, son regard aussi tranchant qu'une lame. « Si. »
Elle lève un doigt en l'air, l'air faussement songeur, « On peut continuer ce petit jeu ad nauseam. Les professeurs et les élèves sont encore à dîner. Et si jamais quelqu'un nous trouve, rappelle-toi que je suis une fille dans un dortoir de garçons. Et que, contrairement à toi, Slughorn m'apprécie. Qui croira-t-on, à ton avis ? »
Severus écarquille les yeux, décontenancé. « Tu crois vraiment que quelqu'un pensera que je t'ai traînée ici contre ton gré ? »
Elle hausse les épaules. « Qui sait ? On test ? »
Il fulmine, visiblement pris au dépourvu. « Tu... Pars. Maintenant. »
Esther sourit, victorieuse. « Nous savons tous les deux que je n'en ferai rien. Alors, soit tu acceptes de discuter et tu vas à l'infirmerie de toi-même, soit je balance tout sur James et Sirius. Et crois-moi, tu seras traîné à l'infirmerie devant tout Poudlard, passant pour une pauvre victime. Alors, quelle option choisis-tu ? »
Les deux adolescents se font face, une tension palpable entre eux. Les bougies continuent de projeter des ombres éthérées, ajoutant une profondeur à leur confrontation.
Severus se redresse légèrement, dégageant une aura de défi. Sa voix, bien qu'agacée, trahit une pointe de curiosité. « Soit. De quoi veux-tu parler ? »
Esther s'avance, ses yeux brillants de détermination. « Je veux que tu me dises pourquoi tu ne les dénonces pas. »
Il lève un sourcil, feignant l'ignorance. « Qui ? »
« Oh, ne joue pas à ça, » réplique-t-elle avec une moue exaspérée. « Rosier, Rowle, Sirius... tous ceux qui osent lever la main sur toi. »
Il rit jaune, « Chaque Serpentard sait déjà qu'il y a un prolo de sang-mêlé parmi eux. Si je les dénonce, quelle réputation penses-tu que j'aurais ? »
Esther, d'une voix douce, tente de le raisonner, « Tu n'aurais plus à subir leurs coups. »
Severus ricane, sa voix teintée d'amertume, « Absolument pas. Et puis, je suis loin d'être assez remarquable pour que Slughorn s'intéresse à moi. »
« Et Malfoy alors ? » insiste-t-elle, cherchant une faille.
Il roule des yeux, sarcastique. « Malfoy tient plus de la princesse que du préfet. »
La réponse arrache un rire à Esther, une détente momentanée dans leur échange tendu.
« Alors, tu choisis de rester inactif ? »
Severus sourit en coin, fier, « Qui, selon toi, a enlevé toutes les cravates de Rowle ? »
La jeune fille éclate de rire, une lueur amusée dans le regard, « Quelle vengeance ! Il t'a mis la tête dans la cuvette, mais il n'a plus de cravate ! As-tu envisagé une carrière au Département des Mystères ? »
« Il était furieux, » se défend-il, le visage fermé.
« Ce ne sont que des cravates, Severus. »
Il récite d'une voix posée, « Chi va piano, va sano e va lontano ».
Esther soupire, « Je suppose que tu n'apprécierais pas mon intervention dans ces situations. »
« C'est évident. »
Elle penche la tête, ses yeux brillant de malice, « Et si je t'aidais à te venger ? »
Il est méfiant, « Quelles sont tes motivations ? »
Esther, avec une sincérité désarmante, rétorque : « Je t'aime bien. »
« Tu as pitié de moi. Hors de question. »
« Faux, tu m'amuses et je t'apprécie vraiment. Considère cela comme une dette. »
Il se renfrogne, « Je n'accepte pas les dettes à l'aveuglette. »
« Alors, fais-moi un marché. Tu m'aides en potion, et en échange, je t'aide à te venger. »
Il la scrute, calculateur, « Tu te débrouilles déjà en potion. »
« Juste correctement. J'ai des lacunes, et pas seulement en potions. J'ai aussi des difficultés en métamorphose et en défense. »
Il la coupe, taquin, « Mais t'es bonne en quoi alors ? »
Esther, feignant l'outrance, s'exclame : « Je suis la première en histoire et plutôt douée en sortilèges, runes et arithmancie. J'ai même tenté la divination. »
Il ricane, « Une matière principale et des options de troisième année. Très pertinent. »
« Va te faire foutre. Alors, marché conclu ? »
« Deal. »
Elle sourit, triomphante. « Bien. Maintenant, direction l'infirmerie. »
Il la repousse doucement mais fermement vers la porte, la voix pleine d'autorité, « Non. Maintenant, tu pars. »
Sans lui laisser le temps de réagir, il la pousse hors de la pièce et ferme la porte derrière elle.
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