Fortunate Son
Notes: For Nana, Mattow.
Avertissement : Je tiens à avertir les lecteurs que ce chapitre aborde des thèmes délicats qui pourraient heurter certaines sensibilités. Si vous vous sentez mal à l'aise, n'hésitez pas à faire une pause ou à sauter cette section. Je recommande aux lecteurs de prendre connaissance des avertissements pour une lecture éclairée et en toute conscience.
Votre avis compte pour moi. Je vous invite à laisser des commentaires, que ce soit pour partager des critiques positives ou négatives. Les critiques sont essentielles, pour s'améliorer. Allez-y franco, je suis intéressée.
Merci d'avance.
— Fortunate Son—
Le 11e jour de novembre 1970 :
Dans le jardin de la demeure Black, où le flamboiement trompeur des feuilles en décomposition feint une quiétude automnale, se retrouvent quatre âmes égarées : Esther, Sirius, Isobel et James. Ils ont choisi pour refuge un coin dérobé verdoyant, soigneusement préservé, qui contraste brutalement avec le reste de cette baraque sinistre.
Esther, avec une audace qui déguise son insatiable soif de maîtrise, est la seule à ne pas paraître écrasée par le poids du nom de Black. Sirius, rebel rebel, affiche une mine réjouie qui tente désespérément de camoufler une mélancolie abyssale. Son sourire autrefois fougueux se fane inexorablement à chaque instant qui s'égrène, alors que ses noces forcées s'imposent comme un fardeau de plomb sur ses épaules.
Non loin, Isobel, dont la sérénité semble imperturbable, est la seule à déceler la supercherie du jardin. Ses yeux se meuvent incessamment, déchiffrant le maquillage des apparences, révélant l'amère vérité qui se cache derrière les murs du manoir des Black.
Enfin, il y a James. Lui, l'éternel optimiste, semble avoir perdu son nord. Il est englouti dans un abîme d'incompréhension.
C'est dans ce recoin de tranquillité, ce refuge éphémère, que Sirius et Esther s'apprêtent à dévoiler la nouvelle de leurs fiançailles imposées. Un choix qui leur a été dérobé, une nouvelle étape dans la tragédie qu'est la vie de Sirius Black.
Il y règne un silence d'une densité telle qu'on pourrait presque le trancher au couteau. Un silence qui pèse, qui oppresse, et qui irrite particulièrement Isobel. Les paroles semblent être en grève, s'étioler comme les nuages d'automne, et c'est un défi pour elle. Isobel, la jeune fille à l'allure imperturbable, un portrait miniature de sa mère qu'elle pourrait devenir. Sa blondeur, d'une froideur presque glaciaire, contraste avec la profondeur de ses yeux d'encre, ajoutant un mystère certain à son jeune visage.
« On sait déjà tout, y'a pas besoin de nous faire un discours », lance Isobel avec le genre d'assurance qui fait vaciller les adultes sur leurs talons.
« Moi, je ne suis pas sûr d'avoir tout pigé », avoue James, en grattant sa tête d'un air désemparé.
« C'est quoi que tu ne comprends pas ? Ils sont fiancés, ils vont se marier quand ils seront grands, c'est tout », rétorque Isobel comme si c'était l'évidence même.
« Je sais bien ça, je ne pensais juste pas que leurs parents iraient jusqu'au bout », grimace James, comme s'il avait avalé une Bertie Crochue au vomi.
« On parle d'Orion et de Walburga Black. Évidemment qu'ils allaient le faire », secoue la tête Isobel, l'air incrédule face à l'innocence de James.
« Et Max alors ? Il est gentil. Odette aussi », tente de défendre son point de vue James.
« On peut être sympa et respecter les traditions, James. Et puis des fiançailles, ce n'est pas la fin du monde. Tous les sang-pur le font. Bon, sauf les Potter, mais vous aussi... », réplique Isobel, son ton blasé.
« Mais... vous ne pouvez pas dire que vous n'êtes pas d'accord ? », lance James cette phrase à la volée, son regard suppliant accroché à celui de Sirius.
« Quand on te fiance dans ton dos, on s'en fiche un peu de ce que tu penses », intervient Esther, son ton tranchant. Elle affiche un sourire ironique, mais ses yeux restent sérieux.
« Mais... » James veut répliquer, mais Isobel hausse les épaules, coupant net sa phrase.
« Ça ne me choque pas, moi. Ça fait un an que je suis fiancée à Sigismund », les mots d'Isobel semblent tomber comme des pierres, lourds et définitifs. « Ça ne t'a pas choqué non plus, James. »
« Oui, mais toi, tu n'as pas l'air contre », insiste James, se frottant nerveusement le bras.
« C'est normal, c'est comme ça que ça se passe », croise les bras Isobel, son regard dur et déterminé posé sur James.
Esther tourne alors son regard vers elle et, avec un sourire provocateur, elle lance : « Ouais, mais Sigismund, il est sympa et drôle et intelligent. Puis, avec sa santé, on ne sait même pas si tu vas vraiment devoir l'épouser. Si tu veux, on peut échanger. »
Isobel grince des dents à cette proposition, une grimace passagère déformant son visage d'ordinaire impassible. « Non merci, je préfère encore un Sigismund malade qu'un Sirius en pleine forme », son ton est sans appel, et un éclat féroce brille dans ses yeux noirs.
Un son s'échappe des lèvres de Sirius, un grondement sourd qui parvient à peine à franchir le mur de silence. Il semble sur le point de rétorquer, mais finalement, il se contente de serrer les mâchoires, laissant le sarcasme d'Isobel suspendu dans l'air, une mouche irritante qu'il décide d'ignorer.
« Mais pourquoi vous ne pouvez pas protester ? C'est injuste ! » James explose soudain, la frustration faisant vibrer chaque mot. Ses yeux clairs trahissent une profonde incompréhension, son monde d'enfant bousculé par une réalité trop brutale.
Esther secoue la tête, une vague de résignation passant sur son visage. « James, nous n'avons aucune preuve que nous n'étions pas consentants. C'est la tradition et personne n'ira à l'encontre. Nous sommes encore des gamins, on ne peut rien faire avant d'être majeurs. »
Son ton, un point final à une sentence qui ne laisse place à aucun espoir de changement immédiat. Les mots d'Esther sont un rappel cruel de leur impuissance, une vérité qui cloue chacun d'eux sur place.
Telle une horloge bien huilée, leur vie est réglée à la seconde près par ces traditions délicieusement archaïques. Le tic-tac inlassable de l'avenir qui se profile est aussi réjouissant que le rire d'une banshee en pleine nuit. Oh, l'excitation des fiançailles forcées, le romantisme débordant d'un mariage arrangé ! Ah, la vie est belle dans le monde des sorciers, si l'on ignore le léger détail que l'on est aussi libre qu'une Mandragore dans son pot.
Le 9e jour de Janvier 1971 :
Dans l'antre misérable de l'impasse du Tisseur, Severus Snape ne célèbre pas son anniversaire, un événement insignifiant qui n'a jamais été fêté de toute façon. La maison délabrée, témoin silencieux des combats et des larmes, s'enfonce un peu plus dans sa décrépitude chaque jour, rappelant sans cesse la triste vérité de leur existence.
Le petit-déjeuner, aussi frugal qu'une pitance de prisonnier, consiste en un thé clair et deux biscuits secs. Le thé, infusé à partir d'un sachet réutilisé, et les biscuits ont la consistance des cailloux. Mais il n'a jamais rien connu d'autre.
À côté de lui, une épaisse enveloppe prend ses aises, le sceau de Poudlard imprimé dessus comme un reproche. C'est un rappel froid de l'espoir qui l'attend, un espoir qui s'accompagne d'une pointe de peur aiguë. Car bien que l'enveloppe promette une évasion de sa triste réalité, elle menace aussi de lui révéler une vérité encore plus amère : aura-t-il le droit d'y aller ?
Son cœur bat un tambour sauvage dans sa poitrine, rythme chaotique qui résonne avec chaque palpitation d'anticipation et chaque piqûre de peur. Il regarde l'enveloppe, son avenir emballé dans du parchemin et de la cire. Et comme un condamné à mort marchant vers l'échafaud, Severus s'empare de la lettre.
Alors que les doigts frêles de Severus caressent l'enveloppe, un frisson d'anticipation lui parcourt l'échine. Il est sur le point de déchirer ce papier avec autant de soin qu'on en mettrait à arracher la peau d'une orange, quand la porte de la cuisine s'ouvre avec un grincement sinistre. Tobias Snape, cette bête grisonnante qui règne sur leur taudis, fait son entrée, son visage aussi dur et froid que le ciment d'un cercueil.
Ses yeux, deux billes de mépris solidifié, se posent sur Severus comme un prédateur sur sa proie. Avant que le garçon n'ait eu le temps d'esquisser la moindre protestation, Tobias arrache l'enveloppe de ses mains avec la délicatesse d'un troll dans une boutique de porcelaine.
Il commence à déchiffrer la lettre à voix haute, un exploit pour lui, laissant chaque mot s'étirer et résonner dans l'air une complainte funèbre. Chaque syllabe qu'il écorche de sa voix rauque est comme un coup de pioche dans le tombeau de l'avenir que Severus avait osé envisager. Le dédain palpable de son père se mélange à l'atmosphère déjà saturée de leur cuisine, transformant la pièce en un véritable musée des horreurs verbales. Les mots tournent et dansent dans l'air, griffonnant une mélodie dissonante et grinçante, peignant une fresque macabre de l'avenir que pourrait attendre Severus.
« Pas question d'rajouter un monstre de plus à c'te baraque. », siffle Tobias, un rictus cruel étirant son visage à la manière d'un cauchemar dont on ne peut se réveiller. Avec une nonchalance presque théâtrale, il rapproche l'enveloppe précieuse de la flamme bleuâtre qui danse sur le brûleur de la cuisinière. Le papier commence à brunir sous l'assaut de la chaleur, ses bords se recroquevillant et se carbonisant lentement. Les flammes caressent le parchemin, le dévorant en un ballet de destruction aussi fascinant que terrifiant.
Tout au long de cette exhibition macabre, Tobias maintient son regard cruellement accroché à celui de Severus, ses yeux semblant briller d'une lueur maléfique, comme deux éclats de lave incandescente. Ils transpercent l'âme du garçon, gravant une cicatrice.
La lettre de Poudlard, portant en elle tous les espoirs et rêves encore non réalisés de Severus, finit en un petit tas de cendres grises et sans vie sur le carrelage froid et impitoyable de la cuisine. Et avec elle, l'ultime lueur d'espoir que nourrissait Severus est réduite en fumée, laissant un goût d'amertume et de défaite qui pénètre chaque fibre de son être. La désolation qu'il ressent est aussi palpable que la crasse qui imprègne les murs de leur maison délabrée.
Severus, un mélange de colère et de chagrin éclatant dans ses yeux sombres, ne peut rester silencieux face à une telle injustice. Sa voix, souvent écrasée par la peur et le désespoir, trouve enfin la force de se révolter. « Je ne suis pas un monstre ! » clame-t-il, chaque mot chargé d'une indignation si palpable qu'elle donne l'impression de pouvoir fissurer les murs de la cuisine.
Ses paroles sont un défi, un cri de rébellion, un rejet total des accusations malveillantes de son père. Elles semblent prendre vie dans l'air lourd et stagnant de la cuisine, résonnant comme un écho lointain qui refuse de s'éteindre.
Il se lève brusquement, sa chaise grince sur le sol crasseux dans un bruit aigu qui déchire le silence qui avait suivi sa proclamation. Son cœur bat la chamade, pulsant dans sa poitrine comme un tambour de guerre, alors qu'il fait face à son père pour la première fois.
L'atmosphère devient plus lourde alors que le silence s'étire, comme si le poids de ces mots si cruellement prononcés pouvait soudainement être mesuré. Un soupçon d'amertume s'accroche à l'air, l'enveloppant d'une pellicule glaciale. La confrontation, jusque-là verbale, semble se teinter d'une nouvelle intensité.
La main de Tobias, autrefois crispée sur sa croix d'argent, se détache pour se poser lourdement sur l'épaule de Severus. Le contact est dur, presque brutal, comme un rappel physique de la réalité de cette situation, de la douleur qui accompagne ces révélations. Le regard de Severus oscille entre l'épaule sous la pression du père et les yeux brillants d'un fanatisme dur comme l'acier. La main se serre.
« L'épreuve est là, et j'céderai pas », répète Tobias, ses mots prononcés comme un serment, un vœu fait à Dieu lui-même. « Il y'a pas moyen qu'la pourriture salisse ma baraque, t'es mon sang. »
Il secoue l'épaule de Severus, comme un avertissement. Tobias n'est pas encore saoul. Le garçon tressaille, une lueur de peur transperçant sa façade de bravoure. Il fait un pas en arrière, cherchant à se dégager de la main de son père, mais l'emprise se resserre, inflexible.
« Lâche-moi, Tobias », murmure Severus, sa voix tremblante révélant l'angoisse qui serpente autour de son cœur.
La réponse de Tobias est un rire rauque, un son sombre qui semble résonner avec une joie malsaine dans la pièce désolée. « Tu es à moi, comprenne qui pourra. Je ne vais pas laisser le mal te bouffer, même si je dois t'arracher des griffes de toi-même. Tu as compris ? »
La détermination qui irradie de Tobias est presque tangible, un mur d'acier forgé par la foi et la peur. Il tire Severus plus près, le garçon luttant faiblement contre son emprise. Le tableau est aussi effrayant qu'il est tragique, un père et son fils engagés dans une lutte de volonté et de croyance, liés et séparés par un amour tordu et une foi implacable.
Tobias, pris dans son discours délirant, ne semble pas remarquer le changement progressif dans l'expression de son fils. Alors que ses mots se déversent avec la véhémence d'un torrent en crue, l'œil de Severus se durcit, une lueur sauvage naissant dans les profondeurs de son regard.
« J'ai dit... Lâche-moi. » Sa voix n'est plus qu'un grondement sourd, une menace à peine voilée qui vibre dans l'air lourd. Mais Tobias ignore cette mise en garde, son rire se muant en un ricanement moqueur. « Tu crois qu'tu peux..., » commence-t-il, mais ses mots s'étranglent dans sa gorge alors que Severus se dégage brutalement, repoussant l'emprise de son père.
Le silence qui s'installe est presque palpable, les deux figures se faisant face, les respirations saccadées et les regards de défi partagés. Tobias est le premier à rompre le silence, une injure à peine audible glissant de ses lèvres tandis qu'il fait un pas en avant, prêt à réaffirmer sa domination.
Mais Severus ne recule pas. Son corps frêle se redresse, une détermination féroce remplaçant la peur précédemment visible dans ses yeux. « Je ne suis pas un monstre. » déclare-t-il, sa voix claire malgré le tremblement perceptible.
Eileen Snape est là, se tenant dans le couloir menant au salon. Elle observe la scène qui se déroule devant elle, l'expression sur son visage difficile à décrypter. C'est un mélange de distanciation et d'une attente chargée. Sa robe se froisse légèrement sous la pression de ses doigts, un geste absent révélant une inquiétude à peine voilée.
Au centre de la cuisine, Tobias est pris dans une tourmente de rage. Son visage se tord en une grimace effrayante, les veines de son front saillantes sous la pression de sa colère. Il lève le poing, lourd de menaces non voilées, l'ombre sinistre qu'il projette engloutissant le visage pâle de son fils.
La tension dans la cuisine atteint un niveau insupportable, presque palpable. Le silence s'étend, lourd et significatif, entrecoupé de la respiration rauque et tremblante de Tobias. Eileen est là, à la périphérie, observant en silence le conflit entre le père et le fils. Ses yeux, presque vides d'émotion, suivent la main hésitante de Tobias. Il semble lutter contre lui-même, son poing vacillant entre la menace et l'incertitude.
L'odeur acide de la peur se mélange à l'arôme persistant de la cuisine, créant une atmosphère presque insoutenable. Pourtant, Eileen ne bouge pas, ne parle pas. Elle est là, un spectre silencieux, invisible et pourtant indéniablement présent.
Dans un mouvement soudain, Tobias libère sa rage contenue. Son poing s'abat brutalement, le bruit de l'impact se répercutant comme un coup de tonnerre dans la pièce trop silencieuse. Un cri étouffé s'échappe des lèvres de Severus, son corps frêle basculant sous la force du coup.
Sa tête heurte le sol carrelé, une douleur aiguë irradiant à travers son crâne. Mais, malgré la douleur et la peur, Severus ne pleure pas. Il se tord sur le sol, serrant ses dents contre la douleur, ses yeux fixés sur son père, sa détermination farouche inébranlable.
Tobias regarde son fils avec une satisfaction malsaine, son souffle se calmant lentement. Il ramène sa main, l'examine un instant avant de la frotter contre son pantalon, comme pour effacer la trace du coup.
« Mais regarde-toi, » gronde-t-il, son regard descend sur le garçon au sol. « Un minable, voilà c'que t'es. Comme ta mère. »
Mais au lieu de répondre à l'insulte, Eileen reste silencieuse, son regard vide fixé sur Severus. Elle observe son fils se redresser lentement, ses doigts tremblants se crispant sur le carrelage froid. Un frisson d'appréhension traverse son corps, mais elle ne bouge pas, elle ne dit rien.
Le combat n'est pas encore terminé. Le jeu cruel de Tobias ne fait que commencer. Et pourtant, quelque part dans le regard d'Eileen, une étincelle d'espoir persiste. Peut-être que Severus, contrairement à elle, trouvera un moyen de se libérer de ce cauchemar. Peut-être que Poudlard, malgré toutes ses incertitudes, offrira à son fils une chance de liberté.
Le calme après la tempête est presque aussi dévastateur que l'assaut lui-même. Les deux minutes qui s'écoulent sont une éternité de souffrance silencieuse pour Severus, une durée qui s'étire sans fin alors qu'il est roulé en boule sur le sol, gémissant doucement. Il sent le froid mordant du carrelage sous lui, le parfum métallique du sang qui s'écoule de son nez cassé emplissant l'air. Ses larmes, tièdes et salées, se mêlent au sang sur ses lèvres, un goût amer qui lui rappelle cruellement sa défaite.
Eileen, la silhouette silencieuse qui n'a rien fait pour arrêter ce chaos, regarde toujours depuis le salon, son visage impassible ne trahissant aucune émotion. Elle a vu ce spectacle des dizaines de fois, un fait qui en dit long sur la nature morose de leur existence. Sa passivité pourrait être interprétée comme de la cruauté, mais c'est une survie, un refus de se laisser entraîner dans la spirale infernale de la colère de Tobias.
Tobias, maintenant plus calme, jette un dernier regard à son fils qui gît sur le sol. Une ombre de regret passe brièvement sur son visage, mais elle est vite remplacée par une indifférence froide. Il atteint le paquet de cigarettes qui repose sur le rebord de la fenêtre, en extrait une avec nonchalance et l'allume. La fumée s'élève en volutes grises, se mêlant à l'odeur du sang et de la sueur dans la pièce, un tableau d'une vie qui a mal finis. Il se tourne pour regarder par la fenêtre, sa silhouette se découpant contre le paysage monotone de leur cour arrière. L'image de Tobias, une figure sombre et solitaire, est le reflet de leur vie pourrie.
Pendant ce temps, Severus, toujours sur le sol de la cuisine, serre les dents contre la douleur qui irradie de son visage. Son esprit tente de comprendre la situation, de comprendre pourquoi il mérite un tel traitement, mais aucune réponse satisfaisante ne lui vient. Tout ce qu'il sait, c'est que son rêve d'aller à Poudlard, d'échapper à cette misère, s'éloigne chaque seconde.
Il faut dire que le silence qui succède à la tempête est presque plus suffocant que la violence elle-même. Comme un sinistre petit concerto, le râle saccadé de Tobias qui reprend son souffle s'accorde parfaitement avec le faible sanglot de Severus qui tente désespérément de se faire discret.
Il n'y a rien de plus poétique, après tout, que les restes d'une explosion familiale, n'est-ce pas ? Tobias, le chef d'orchestre de ce macabre opéra, tire sur sa cigarette comme s'il cherchait à aspirer toute la quiétude de l'univers dans ses poumons.
Severus, lui, est devenu le petit rat d'opéra effrayé, recroquevillé contre le frigo, tâchant de rendre ses pleurs silencieux pour ne pas perturber la paix fragile que son père semble vouloir instaurer.
Et puis, il y a Eileen, l'éternelle spectatrice de cette tragédie familiale. Elle se glisse discrètement à travers le salon, chaque pas mesuré pour éviter les planches qui pourraient trahir sa présence. Elle n'est qu'un fantôme dans cette maison, un spectre qui récupère sa baguette - son seul lien avec un passé où elle n'était pas une simple ombre.
Ah, la cruelle ironie de la situation ! Eileen, une sang-pur, obligée de cacher sa baguette à son moldu de mari. Et pourtant, malgré cette pathétique mise en scène, son père, Claudius Prince a financé les études de Severus. Comme si l'envoyer à Poudlard pourrait effacer l'erreur de sa fille, comme si le petit Severus pouvait devenir le rachat de sa mère. Quelle jolie histoire, n'est-ce pas ? C'est du moins la seule lueur d'espoir qu'elle a pour le môme.
Sans prévenir, une lueur déterminée illumine les yeux d'Eileen, une résolution farouche décidée dans le silence de cette cuisine marquée par la violence. C'est un acte désespéré du reste de sa dignité de sorcière.
Elle tend sa baguette vers Tobias, le bout tremblant d'une minuscule seconde avant de prononcer l'incantation qui changera tout : « Impero ». Les mots filent dans l'air, un murmure presque inaudible mais lourd de conséquences. Interdit. Condamnable. Inédit.
La cigarette de Tobias tombe de ses lèvres alors qu'il se tourne lentement vers elle, ses yeux brillant d'une lueur étrange, comme s'ils étaient perdus dans un épais brouillard. Eileen s'approche de lui, chaque pas résonnant lourdement dans la pièce silencieuse. Elle enjambe son fils toujours au sol, qui ne comprend pas véritablement ce qui se passe. Une main tremblante se lève pour caresser le visage de son mari, des doigts fins et pâles qui tracent les lignes dures de son visage.
Et puis, avec une voix douce comme un murmure, elle lui donne l'ordre. « Tobias, » commence-t-elle, « Severus ira à Poudlard. Tu es d'accord avec cela. »
Il y a un moment de silence suspendu avant que Tobias ne réponde, son ton étonnamment docile après la violence précédente. « Oui, » murmure-t-il, « Severus ira à Poudlard. »
Eileen recule, un sourire amer tordant ses lèvres alors qu'elle laisse tomber sa baguette, la magie encore vibrante dans l'air. Elle a franchi une ligne, une limite qu'elle n'aurait jamais pensé franchir.
Severus, recroquevillé sur le carrelage froid, observe sa mère avec un mélange de stupeur et d'incrédulité. « C'était... c'était un sortilège impardonnable... » murmure-t-il, les mots tombant de ses lèvres tremblantes comme des pierres dans un puits sans fond. Sa voix est teintée de choc, ses yeux noirs scrutant sa mère, cherchant une réponse dans le visage impassible de celle-ci.
La réponse d'Eileen est dénuée de toute émotion, sa voix aussi froide que le vent d'hiver qui siffle à l'extérieur de leur maison décrépite. « Toute fin justifie les moyens. » réplique-t-elle « Que cela te serve de leçon. »
L'ironie acerbe de cette déclaration résonne dans l'esprit de Severus alors qu'il essaie de se relever lentement du sol, chaque mouvement amplifiant la douleur lancinante qui s'insinue dans son corps meurtri. Mais il ne dit rien, ne fait rien, se contentant de fixer sa mère avec une expression de choc pur.
Eileen, à son tour, le regarde, son regard clair se détournant de son fils pour se poser sur l'homme qui vient de quitter la pièce. « Allez, lève-toi. Va te laver, tu empestes. »
Alors que Severus quitte péniblement la cuisine, Eileen reste seule, face à l'homme qu'elle a ensorcelé. Le regard de Tobias, vide, fixe l'herbe du jardin, comme s'il cherchait à comprendre pourquoi tout cela lui semblait si étrange. Et Severus, dans les escaliers, sent son cœur se serrer.
Le 30 janvier 1971 :
C'est une journée à marquer d'une pierre blanche pour Lily Evans. Une révolution solaire de plus à son actif, mais pas n'importe laquelle. Un onzième anniversaire au goût particulier, un entre-deux, un pas de plus vers l'adolescence mais un dernier clin d'œil à l'enfance.
Le sablier de la journée s'écoule paisiblement, laissant le soleil décliner doucement dans le ciel. L'horloge sonne seize heures, Lily Evans fait ses adieux à sa maison de Tamworth. Tel un petit agent secret, elle s'échappe discrètement, mettant le cap sur Carbonne-les-Mines. Un nom qui évoque l'industrie et le labeur, mais pour Lily ce n'est qu'un parc. Un coin de nature où se mêlent l'odeur de la terre humide, le chuchotement des feuilles caressées par le vent et le parfum capiteux des fleurs sauvages. Le parc est leur petit coin de paradis, leur refuge secret.
Ils se retrouvent là, dans l'ombre protectrice des arbres tordus par le temps, l'herbe haute comme un rideau vert qui les dissimule au monde. Un sanctuaire pour deux âmes d'enfants, un endroit où Lily Evans et Severus Snape peuvent être simplement eux-mêmes, loin des contraintes et des jugements du monde adulte.
Lily parcourt le chemin familier, son cœur battant d'excitation. Les dernières lueurs du jour s'estompent alors qu'elle s'approche de l'arbre creux où Severus a l'habitude de se cacher. Un sourire se forme sur ses lèvres alors qu'elle pense à la surprise qu'elle va lui révéler.
Arrivant près de leur arbre, Lily aperçoit la silhouette familière de Severus. Recroquevillé dans l'ombre, l'attente peinte sur son visage, il ressemble à une petite créature nocturne. Mais à la vue de Lily, son visage s'anime, la morosité se dissipe comme une brume au soleil.
« Joyeux anniversaire, Lily ! » s'exclame-t-il, tendant vers elle un paquet étrangement emballé. On devine qu'il a dû se battre avec le papier et le ruban, le combat laissant des traces évidentes sur le paquetage.
Lily reçoit le cadeau avec un sourire radieux, remerciant son ami. Délicatement, elle déchire l'emballage pour révéler un vieux livre de potions. Les pages jaunies par le temps et le cuir usé de la couverture ne font qu'ajouter à son charme. Elle est sincèrement touchée par ce cadeau, son sourire s'élargit alors qu'elle murmure un "Merci, Sev" plein de gratitude.
« J'ai quelque chose à te montrer », annonce-t-elle avec une lueur anticipative dans les yeux, passant l'enveloppe à Severus. Les doigts de ce dernier se referment autour du papier épais. Ses yeux s'accrochent immédiatement au sceau de cire rouge, reconnaissant l'emblème emblématique gravé dans la cire. Son teint habituellement pâle devient encore plus livide alors qu'il rompt le sceau et extrait le parchemin.
« Poudlard », balbutie-t-il, chaque syllabe prononcée comme une prière. Son regard se lève pour rencontrer celui de Lily, ses yeux noirs sont élargis par la surprise et la stupeur. « Tu as reçu ta lettre. »
Lily hoche la tête, un sourire jubilatoire éclairant son visage. « Minerva McGonagall, elle-même, est venue me la donner ce matin. C'était incroyable, Sev », déclare-t-elle, les mots se précipitant hors de sa bouche alors qu'elle se remémore l'événement. « Elle a même fait une démonstration de magie devant mes parents. Ils étaient trop fiers ! »
La joie qui illumine le visage de Lily fait écho à l'excitation qui bouillonne en elle. Son rire joyeux se répand dans l'air, et même Severus ne peut s'empêcher de sourire à son enthousiasme contagieux. Cependant, un voile d'incertitude assombrit ses traits, alors qu'il se retient d'exprimer ses propres nouvelles.
« Ça doit être incroyable », murmure Severus, un sourire forcé aux lèvres. Ses yeux dérivent vers l'enveloppe encore tenue dans ses mains tremblantes, le poids du parchemin lui rappelant cruellement la confrontation avec son père.
Le sourire de Lily s'estompe graduellement, remplacé par un regard pensif alors qu'elle regarde Severus. Ses yeux verts l'examinent attentivement, remarquant la manière dont il évite son regard, la façon dont ses doigts jouent nerveusement avec le bord de l'enveloppe.
« Sev ? » commence-t-elle doucement, hésitant avant de continuer. « Comment ça se passe chez toi ? Tu as eu ta lettre toi aussi, n'est-ce pas ? »
À la question de Lily, une véritable avalanche de sentiments s'abat sur Severus. Il semble soudainement figé, telle une statue de marbre taillée dans la peur et le désespoir. Son regard oscille, évitant soigneusement les yeux verts et curieux de Lily. C'est comme s'il essayait d'échapper à une inquisition inopinée, comme s'il se trouvait soudainement nu sous l'éclat aveuglant d'une lumière crue.
Il y a une vérité dérangeante qu'il porte en lui, une vérité qu'il a enterrée si profondément qu'elle est devenue une partie intégrante de lui-même. C'est une vérité qui égratigne et qui mord, qui griffe son intérieur chaque fois qu'il pense à son père, chaque fois qu'il se rappelle de la façon dont Tobias le regarde.
Mais il ne peut pas, il ne veut pas laisser Lily le voir ainsi. Il ne veut pas que Lily sache à quel point, à quel point son monde est rempli de solitude et de douleurs. Il ne veut pas qu'elle voie la misère cachée derrière son sourire, la tristesse qui se cache derrière ses yeux. Il ne veut pas qu'elle le voie comme une victime, un garçon qui est toujours battu et jamais aimé.
Et pourtant, même s'il veut désespérément lui cacher cette réalité, il se rend compte qu'il ne peut pas non plus lui mentir. Il y a une honnêteté brutale dans la façon dont Lily le regarde, une pureté qui rend toute tromperie impossible. C'est comme si elle pouvait voir à travers lui, voir la vérité cachée derrière les murs qu'il a si soigneusement construits autour de son cœur.
Il se retrouve donc coincé dans ce no man's land émotionnel, tiraillé entre le désir de protéger Lily de la vérité et l'incapacité de lui mentir. C'est un endroit terrifiant, un endroit où la vérité et le mensonge se rencontrent et se confondent jusqu'à ce qu'il ne sache plus quelle est la réalité. Et c'est dans ce lieu effrayant que Severus doit trouver les mots pour répondre à la question de Lily.
Il secoue légèrement la tête, une tentative pour secouer les images douloureuses qui hantent son esprit. « C'est... différent », murmure-t-il finalement, ses mots délibérément vagues. « Mon père n'est pas aussi... enthousiaste. »
Lily le regarde, perplexe. « Mais il doit être content, non ? Tu es un sorcier, Sev. C'est incroyable ! »
Le visage de Severus se tord dans une parodie de sourire, une tentative pathétique qui ne parvient pas à éclairer ses yeux sombres. « Oui, c'est... incroyable, » admet-il, les mots ayant un goût amer sur sa langue. « Mon père n'est pas très... réceptif. »
Mais Lily, animée par l'innocence enfantine et la candeur, insiste : « Ton père t'aime. Il doit donc être forcément heureux pour toi ! »
Severus grimace légèrement, son sourire tremblant s'évanouissant presque instantanément. « Mon père... il n'aime pas grand-chose, tu sais, » marmonne-t-il, "à part l'alcool," se dit-il pour lui-même. « Il va à la mine, il rentre, il mange, il dort, » ajoute-t-il. Et entre ces mots, des pensées non exprimées l'assaillent - il boit, il hurle, il frappe, il...
Il laisse de côté les détails. Il ne raconte pas comment son père l'a repoussé avec mépris, ne décrit pas l'horreur qui a brillé dans les yeux de Tobias en brûlant la lettre de Poudlard. Il ne parle pas de la douleur qui a suivi, du sentiment de se transformer en monstre aux yeux de son propre père.
Non, tout cela, ça reste pour lui. Il offre à Lily un sourire crispé, un masque fragile qu'il espère suffisamment convaincant pour dissiper ses inquiétudes. « Ce n'est rien, Lily, » murmure-t-il, sa main se resserrant autour de la sienne. « Rien dont tu devrais te soucier. »
Il ne lui révèle pas que pour lui, ce 'rien' est en fait un 'tout', un tout qui l'engloutit et le fait suffoquer, un tout qu'il ne peut pas - et ne veut pas - partager avec elle. Il n'ose pas lui dire que pour lui, c'est tout sauf rien.
Le 10e jour de mars 1971 :
C'était un jour qui resterait gravé dans la mémoire de Remus Lupin, une date marquée d'une pierre blanche dans le dédale chaotique des jours ordinaires. Le 10 mars, un froid vif et mordant dans l'air, signant l'agonie de l'hiver et l'approche timide du printemps. C'était le jour où Remus fêtait ses onze ans.
Les rayons pâles du soleil perçaient timidement à travers les nuages épais, lançant des éclats argentés sur le paysage gelé. Remus se tenait à la fenêtre de sa chambre, son regard captivé par le spectacle naturel. Il n'y avait pas de gâteau, pas de ballons colorés ni de bruit de fête chez les Lupin. Ce n'était pas qu'ils ne voulaient pas célébrer, mais la réalité de leur situation faisait que les anniversaires de Remus étaient généralement des affaires calmes et simples. Cependant, pour Remus, ils avaient toujours un goût particulier d'espoir et de renouveau.
La morsure qui avait marqué sa peau et son âme, changeant le cours de sa vie à jamais, était une ombre persistante qui obscurcissait chacune de ses pensées. En tant que loup-garou, Remus était marqué, différent, repoussé à la lisière de la communauté magique. La normalité, cette réalité ordinaire à laquelle aspiraient tous les sorciers, lui était déniée - une cruelle farce du destin.
Poudlard, avec ses tours majestueuses et son atmosphère enchantée, représentait ce qu'il croyait inaccessible. L'enseignement des sortilèges, le jeu du Quidditch et les rêveries près du lac - des instants d'insouciance que les enfants de son âge rêvaient de vivre, mais que Remus n'osait imaginer pour lui-même.
Sa vie était rythmée par la lune, marquée par les nuits de transformation et les jours de récupération. Sa condition de loup-garou le rendait différent des autres, le plaçant en marge de la vie normale d'un sorcier, le condamnant à une solitude éternelle. Ou du moins, c'est ce qu'il pensait, jusqu'à ce jour mémorable de ses onze ans. Ce jour-là, tous ses préjugés sont mis à l'épreuve.
Vers midi, une frappe discrète trouble la tranquillité du foyer. La surprise se peint sur les visages lorsque la porte s'ouvre, dévoilant la silhouette d'Albus Dumbledore. Dans son ensemble pourpre et ses lunettes demi-lune, sa longue barbe blanche se fondant dans sa tunique, le directeur de Poudlard est une apparition presque irréelle dans le modeste salon des Lupin.
« Joyeux anniversaire, jeune homme », déclare Dumbledore, un sourire bienveillant éclairant son visage tandis qu'il s'incline légèrement. Son regard pétillant de malice et de sagesse se pose sur Remus, alors que ses mains gantées de blanc présentent une enveloppe en parchemin, scellée par un cachet de cire portant l'emblème de Poudlard.
Le temps semble se figer alors que Remus saisit l'enveloppe, la curiosité et l'incrédulité luttant pour la domination sur son visage. C'est une scène dont il n'aurait jamais rêvé, une possibilité qu'il avait repoussée dans les recoins les plus sombres de son esprit, craignant d'être déçu.
Et pourtant, là, sous les yeux bienveillants de Dumbledore, l'impossible semblait tout à coup un peu plus à portée de main.
Remus déchire le sceau de cire, son cœur battant une symphonie effrénée dans sa poitrine. Ses yeux parcourent rapidement les lignes de la lettre, chaque mot gravé dans son esprit avec une clarté stupéfiante. Les phrases simples, presque formelles, signifient tellement plus pour lui : l'invitation, l'acceptation, la promesse d'une vie qu'il a craint de ne jamais pouvoir mener.
Et pourtant, malgré le bourdonnement de joie qui résonne dans ses oreilles, une ombre se faufile dans son esprit, une peur insidieuse qui gâche ce moment de bonheur. Il voit déjà les conséquences, imagine le moment où son secret sera dévoilé, où les murmures de peur et de mépris remplaceront les sourires et les rires innocents.
Son regard se détourne de la lettre pour se poser sur Dumbledore, le désarroi clairement visible dans ses yeux dorés. 'Et mon secret ?' Les mots restent bloqués dans sa gorge, sa peur étouffant sa voix. Mais il n'a pas besoin de parler pour que Dumbledore comprenne ses craintes.
L'expression du directeur devient plus grave, mais toujours empreinte de douceur. « Remus » dit-il, sa voix douce mais ferme, « à Poudlard, tu n'es pas défini par ta malédiction. Tu es défini par ce que tu choisis d'être. »
Remus se mord la lèvre inférieure, une vague d'incertitude le submergeant. « Mais... mais qu'en est-il des autres, Monsieur ? » Il tente de garder sa voix stable, mais les mots tremblent malgré lui. « Que se passera-t-il lorsqu'ils découvriront... ce que je suis ? »
Ses mots semblent flotter dans la pièce, lourds de significations non dites. Le silence qui suit est presque suffocant, rempli d'appréhensions enfantines et de craintes innommables. C'est Dumbledore qui rompt finalement le silence, sa voix résonnant doucement dans la pièce.
« Remus, » commence-t-il, sa voix étouffant les craintes de l'enfant. « Je ne te mentirai pas en disant que tout sera facile. Ce ne sera pas le cas. Mais sache une chose, chaque élève à Poudlard a ses propres batailles à mener, ses propres peurs à surmonter. »
Il fait une pause, ses yeux bleus fixant intensément ceux de Remus. « Quant à ton secret, » continue-t-il, « il restera tel. Des précautions ont été prises pour que personne ne découvre ton... état, à moins que tu ne choisisses de le révéler toi-même. »
Il tend une main réconfortante vers l'épaule de Remus, un sourire doux éclairant son visage. « Tu n'as pas à te cacher à Poudlard, Remus. Ce sera ton refuge, et nous veillerons tous à ce que tu sois en sécurité et respecté. »
Dumbledore offre une alternative à Remus. « Je propose que tu tentes l'expérience de Poudlard pendant un an, » dit-il, son regard se fixant sur Remus. « Si tu ne trouves pas ton bonheur, tu seras libre d'arrêter, bien que je sois convaincu que ce ne sera pas le cas. »
Remus ne peut s'empêcher de sourire à cette proposition, l'espoir brillant dans ses yeux. Mais avant qu'il ne puisse répondre, Dumbledore ajoute, d'une voix plus sérieuse, « Cependant, il y a une condition. Tu dois réussir tes BUSEs. Si tu ne les obtiens pas, tu ne seras pas autorisé à pratiquer la magie en dehors de l'école. »
Remus se tient là, une guerre faisant rage à l'intérieur de lui. La perspective de Poudlard est un tourbillon d'excitation et de peur. Il comprend les enjeux. Il comprend les risques. Mais il sait aussi que c'est une opportunité qu'il ne peut se permettre de laisser passer.
Cependant, la peur de l'exposition, le risque d'être rejeté, tout cela pèse lourdement sur lui. C'est un pari énorme. Un risque qui pourrait tout changer, en bien ou en mal.
Mais après un moment qui semble durer une éternité, il trouve la résolution en lui. Il relève les yeux vers Dumbledore, et malgré la peur qu'il ressent, ses yeux reflètent une détermination inébranlable. « D'accord, je vais essayer, » dit-il, sa voix aussi ferme que possible.
Dumbledore lui offre un sourire doux, semblant prendre note de la résolution dans le regard de Remus. « Excellent, » dit-il. « Tu sais, Remus, Poudlard est une maison pour tous ceux qui la cherchent. »
Le sourire de Dumbledore, couvrant ses traits nobles, pourrait être interprété comme rassurant. Mais sous la surface de ce masque bienveillant, on distingue une manœuvre stratégique. « Tu as fait le bon choix, Remus » déclare-t-il, sa voix portant un poids qui pourrait être confondu avec de la conviction. Pourtant, pour un œil averti, cela ressemble davantage à une transaction, à un échange calculé. L'espoir est une étincelle vacillante dans le cœur de Remus, un feu faible sous la tourmente de ses incertitudes.
Dumbledore prend finalement congé, laissant Remus seul avec ses pensées tourbillonnantes. La porte se ferme avec une douceur presque déconcertante, séparant Remus de l'architecte de son destin incertain. Le silence qui s'installe n'est pas celui du soulagement, mais plutôt celui de la réalité prenant racine, un bourgeon sombre dans le sol fertile de l'inquiétude.
Ce soir-là, Remus Lupin s'endort avec des rêves mêlés d'espoir et de peur, les échos de la voix de Dumbledore résonnant dans ses pensées. Au-delà de la façade de la bienveillance, le directeur, dans sa volonté de défier les préjugés, a insidieusement placé un jeune garçon - un loup-garou - au milieu d'un troupeau d'agneaux, une école pleine d'enfants innocents. Les intentions peuvent être nobles, certes, mais la méthode est irréfutablement imprudente. Défier les conventions, certes, mais à quel prix ? S'appuyant sur ses principes nobles et idéalistes, il introduit subrepticement un loup-garou – un prédateur – parmi des étudiants non armés face à cela. L'école de sorcellerie de Poudlard, ce sanctuaire de jeunes vies bourgeonnantes, devient ainsi le terrain d'un jeu de roulette russe qui défie la morale la plus élémentaire.
Ses intentions, nobles, peut-être ? Qui sait ? Qui pourrait reprocher à un homme de vouloir briser les chaînes de la stigmatisation, d'offrir à un enfant maudit une chance de mener une vie presque normale ? Mais la noble intention justifie-t-elle le risque pris ? Dumbledore, dans sa tour d'ivoire, semble estimer que oui.
Et dans cette équation déroutante, ce n'est pas Dumbledore qui portera le poids du risque, oh non. C'est le jeune Remus Lupin, flanqué du fardeau d'un secret qu'il ne peut partager, qui devra naviguer dans le labyrinthe du danger. Et ce sont les autres enfants, inconscients du loup dans la bergerie, qui paieront le prix si l'expérience échoue.
C'est donc avec une audace effrontée que Dumbledore fait un pari sur l'avenir, jouant avec le destin d'un enfant et le bien-être de nombreux autres. Si l'on peut applaudir le courage de défier les préjugés, on ne peut que frissonner face à l'imprudence qui en découle. Une imprudence qui éclipse toute noblesse d'intention et laisse entrevoir le jeu de pouvoir cynique qui se joue dans l'ombre de cette décision.
Le 29e jour de mars 1971 :
La matinée d'Isobel se déroule avec l'ordonnancement précis et monotone propre aux familles de l'aristocratie sorcière. Elle quitte son lit d'une élégance discutable, escortée par un elfe de maison soumis, qui se démène pour lisser chaque volute rebelle de sa robe, comme si le moindre faux pli pourrait entraîner la chute de leur noble lignée.
Au rez-de-chaussée, sa mère, Alienor, l'attend, majestueuse même dans ses gestes les plus anodins. Elle sirote son thé avec une grâce qui frise l'exagération, ressemblant plus à une actrice de théâtre qu'à une simple mère de famille. L'aspiration d'Isobel à imiter cette élégance féminine est en permanence tempérée par un sentiment d'intimidation. Sa mère est une figure dominante, une force de la nature à peine masquée par la dentelle de ses gants.
Son père, Wilfried, lui, est plongé dans le dernier numéro du Daily Prophet, le monde extérieur s'évanouissant dans l'indifférence de son regard. Il pourrait y avoir un troll dans la salle à manger, tant que cela ne perturbe pas sa lecture, il ne daignerait probablement pas lever les yeux.
Le petit-déjeuner d'Isobel se déroule en silence, la conversation étant une denrée rare entre les membres de cette famille. Elle esquive le regard inquisiteur de sa mère, qui semble avoir le don de déceler le moindre écart de conduite dans le reflet de sa cuillère à café. Lorsque le repas se termine enfin, elle s'échappe avec soulagement dans son bureau.
Là, elle se prépare à écrire à Sigismund, une tâche qu'elle accomplit avec une dévotion presque automatique. Son écriture est raffinée, l'œuvre de nombreuses années passées à reproduire les missives parfaitement calligraphiées de sa mère. Les lettres qu'elle envoie à Sigismund sont des échos de sa vie quotidienne transformés en mots.
Elle lui parle du temps, de l'air qu'elle trouve soudain plus frais, des dernières notes qu'elle a apprises au piano, des livres qu'elle a lus et relus. Mais les vérités qui résident en elle, celles qui pourraient fissurer l'image de perfection qu'elle s'efforce de maintenir, restent prisonnières de son cœur.
En silence, elle cache soigneusement ses sentiments véritables, loin du jugement des autres. Car après tout, dans le monde d'Isobel, les apparences sont tout, et les vérités qui pourraient ternir ces apparences sont mieux laissées en silence.
Dans la famille Murphy, l'individualité n'est qu'une notion étrangère. Les désirs personnels, les ambitions propres à chaque individu sont relégués au second plan, noyés dans un courant puissant d'objectifs communs. La collectivité, le bien-être et la réputation de la famille passent avant tout. Isobel est la fille de la famille Murphy avant d'être Isobel.
Elle est un maillon dans la chaîne des Murphy, son identité personnelle s'efface face à l'identité collective. C'est une réalité difficile à avaler pour une jeune fille de son âge. Elle voudrait se démarquer, laisser sa propre marque, mais on lui rappelle constamment qu'elle est un "Murphy". Elle doit maintenir la tradition, préserver la réputation, renforcer le nom.
Elle est une note dans la symphonie de la famille Murphy, un vers dans le poème qu'ils écrivent ensemble. Le rêve d'individualité d'Isobel semble lointain, presque utopique, dans une famille où le 'je' est sacrifié pour le 'nous'.
Et pourtant, au fond d'elle, Isobel espère. Elle rêve d'un jour où elle pourra jouer sa propre mélodie, où elle pourra être plus qu'une simple fille Murphy. Où elle sera, tout simplement, Isobel. Mais pour l'instant, ces rêves restent enfouis, silencieux, attendant le jour où ils pourront s'épanouir.
Isobel ne peut s'empêcher de penser à ses amis. Il y a James, dont l'insouciance et le charisme sont le parfait reflet de la dynastie Potter, et pourtant, il est plus que ça. Il est James avant d'être un Potter, son sourire en coin et son amour pour le Quidditch le définissant plus que son nom de famille.
Et puis il y a Sirius, un Black en apparence seulement. Avec son attitude de rebelle et son mépris pour les traditions de sa famille, Sirius semble avoir rompu tous les liens avec son héritage. Il est presque possible d'oublier qu'il est un Black, du moins jusqu'à ce que vous le voyiez. Ses traits distinctifs, ces traits Black indéniables, sont là, mais la similitude s'arrête là.
Et bien sûr, il y a Esther. Bien qu'elle soit née dans une famille de sorciers plus similaire à la sienne, Esther n'a pas grand-chose en commun avec ses parents d'un point de vue caractère. La froide logique de son père, la loyauté de sa mère. C'est tout. Elle est Esther, une entité à part entière, indépendante de l'héritage familial.
Vers la fin de sa lettre, la plume d'Isobel reste suspendue dans les airs, son encre s'égouttant doucement sur le parchemin blanc immaculé. Elle se retrouve à réfléchir à toutes ces pensées non dites qui bouillonnent en elle, son ennui sous l'étiquette des Murphy, son désir non assouvi de liberté, son rejet du destin déjà tracé pour elle. Elle a envie de dire à Sigismund qu'elle ne veut pas être un simple reflet de sa mère, qu'elle veut plus que simplement exister à travers les ombres de ses parents.
Mais ses mots restent non exprimés. Elle ne peut pas s'empêcher de se demander si Sigismund comprendrait, ou si ses pensées seraient perdues dans le tourbillon des attentes de la société. Alors, elle finit par se limiter à un simple "Amitiés, Isobel", une fin aussi plate et insipide que le goût métallique de l'ennui qu'elle a sur la langue.
Lorsqu'elle a terminé sa lettre, elle la glisse dans une enveloppe et la scelle avant de la confier à son hibou. Son regard suit l'oiseau alors qu'il s'éloigne, disparaissant lentement dans l'horizon. Elle se demande si elle aura un jour la chance de s'envoler elle aussi, de briser les chaînes de la conformité et de s'élancer vers l'inconnu.
Pour le reste de la matinée, elle se plonge dans la lecture, se perdant dans les pages de son livre. Elle s'évade dans les aventures fictives des personnages, une évasion bienvenue de la réalité qui l'entoure.
Isobel a été modelée en une image de jeune fille tranquille, disciplinée et respectueuse des traditions. Mais sous cette façade polie et bien éduquée, il suffit que ses parents oublient qu'elle n'est pas ce qu'ils ont façonné.
Le 10e jour de Juin 1971 :
La propriété des Walsh à Plymouth semble insouciante du monde extérieur, abritant un jardin luxuriant de verdure et de fleurs éclatantes. Dans ce tableau bourgeoisement verdoyant, une joyeuse cacophonie d'enfants prend vie, loin des murmures et des regards des adultes dont l'influence s'étend bien au-delà de ces murs.
Barty, le benjamin, s'accroche avec ténacité, cherchant à emboîter le pas des aînés. Sirius, Regulus et James, emportés par la spontanéité du moment, transforment l'air en un terrain de jeu, un Quidditch sans règles, où seule la joie de voler compte. Sans règles, juste l'anarchie pure, le genre que les adultes répriment toujours. Isobel et Esther, dans une tentative de maturité précoce ou peut-être de simple indifférence, choisissent de planer ensemble en discutant. Probablement des derniers potins. Qui pourrait dire?
Le jeu en cours sert de prétexte, masquant les tensions qui planent dans l'air. Pour un observateur extérieur, cette scène pourrait ressembler à une simple journée de jeux d'enfants, mais chaque mouvement, chaque éclat de rire, cache des profondeurs insoupçonnées. Les vieux démons des familles, avec leurs querelles et leurs opinions tranchées, ont semé leurs graines au cœur de leurs enfants.
Chaque enfant, qu'il le réalise ou non, porte sur ses épaules le poids des générations passées. Les alliances, souvent façonnées par des intérêts politiques ou financiers, ou même par des querelles séculaires, ont forgé des liens invisibles, tissant une toile de loyautés et de ressentiments. Il est difficile d'être un enfant quand on est prisonnier d'une histoire que l'on n'a pas écrite.
Sirius, par exemple, se déplace avec une légère hésitation, conscient que chaque geste pourrait être interprété et répété par son frère. Isobel, quant à elle, se retrouve souvent prise entre deux feux. Appartenant à une famille qui a toujours joué les médiateurs, elle ressent le besoin d'apaiser les tensions.
Au milieu de ce ballet délicat, Barty semble presque perdu. Il est le plus jeune, encore naïf, ne comprenant pas pleinement pourquoi certains de ses amis se montrent réticents à jouer avec d'autres. Pour lui, cette journée devrait être synonyme de rires et de jeux, pas de manigances et de stratégies.
Et alors que le jeu se poursuit, un observateur attentif pourrait remarquer que, malgré les rires et les cris, il y a une retenue, une prudence dans les interactions. Chaque sourire partagé, chaque accolade, chaque regard échangé semble chargé d'une signification plus profonde, comme s'ils étaient tous sur une corde raide, essayant de naviguer entre leur désir d'enfance insouciante et les attentes qui leur ont été imposées.
C'est le fardeau de la jeunesse dorée, de ceux qui naissent dans des familles où le nom porte plus de poids que la personne. Ils sont les héritiers d'un leg, d'une histoire, qu'ils n'ont pas choisie, mais qui, qu'ils le veuillent ou non, façonne chaque instant de leur vie.
Dans le ballet de voix et de mouvements, une tension spécifique se cristallise entre James et Regulus. Leur relation est un patchwork de jalousie, de méfiance et de malentendus hérités. Chaque mot qu'ils échangent semble avoir été trempé dans un liquide inflammable. »
Alors que le jeu avance, une étincelle se produit. Regulus, avec un sourire moqueur, lance une pique acérée en direction de James. Le commentaire est si tranchant qu'il semble quasiment physique, une gifle auditive qui fait rougir les oreilles de James. Dans un monde où les mots sont des armes, celui-ci a trouvé sa cible avec une précision chirurgicale.
James, bien que souvent enjoué et moqueur, est pris au dépourvu. Sa bouche s'ouvre, mais aucun son n'en sort, son indignation le laissant sans voix. Descendant brusquement de son balai, il se dirige avec détermination vers une table proche où une carafe d'eau traîne.
Sirius, un mélange d'inquiétude et d'irritation se dessinant sur son visage, s'approche à grandes enjambées vers James.
« Ça va ? » demande Sirius, sa voix chargée d'une sincérité palpable. Ses yeux noirs jettent un regard furtif mais lourd en direction de Regulus. Il y a dans ce regard un mélange d'exaspération fraternelle et de reproche muet.
James, toujours le visage rougi par l'affront, saisit un verre et avale une gorgée de sa boisson, comme pour se donner du courage ou, peut-être, noyer son humeur. Sa mâchoire est serrée quand il répond : « Pas envie de parler de ça. » Puis, avec une colère mal contenue, il ajoute, « Ton frangin est un pauvre con. La prochaine fois, je jure qu'il goûtera la terre. »
C'est une promesse plus qu'une menace. Le ton employé par James ne laisse aucune place au doute : il est blessé, et la revanche pourrait être au coin de la rue.
Assis dans l'herbe, Sirius et James partagent un moment de répit, discutant calmement pour une fois. L'herbe, douce sous leurs doigts, semble être le seul élément non-politisé de l'après-midi. Ils rient, racontent des anecdotes et observent de temps à autre Barty et Regulus qui, comme deux oiseaux de proie, tournoient dans le ciel, faisant montre de leur non-habileté en vol.
Soudainement, une ombre vient interrompre leur rayon de soleil. Esther et Isobel, après avoir décidé que le ciel avait eu assez de leur présence pour le moment, atterrissent à côté d'eux. Elles s'assoient, reprenant leur souffle, ajustant leurs cheveux perturbés par le vent. Les garçons, eux, les accueillent avec des sourires légèrement tendus. Si l'atmosphère entre tous n'était pas déjà assez chargée, l'ajout de ces deux nouvelles venues amplifie le sentiment de méfiance.
Tandis que ces enfants se jaugent, échangent des mots parfois anodins, parfois piquants, leurs pères sont à l'intérieur, plongés dans une discussion aux enjeux bien plus graves. Les Croupton, les Murphy et les Walsh, familles notoirement neutres, tâchent de trouver un accord avec les Potter et les Black, des familles aux positions tranchées et diamétralement opposées. La politique du Ministère, complexe et toujours mouvante, se dessine et se redessine au gré de ces alliances, parfois fragiles, souvent opportunistes. Surtout opportunistes.
L'herbe chatouille légèrement leurs jambes alors que les discussions prennent une tournure plus sérieuse. Le sujet des fiançailles d'Esther et Sirius s'invite soudainement au centre de leur cercle, rendant l'air lourd d'implications et de sous-entendus.
James, les sourcils froncés, lance d'une voix pleine d'incompréhension : « Je pige toujours pas les motivations de ton père, Esther. C'est absurde. »
Isobel, légèrement agacée, soupire. « Tu radottes, » lui fait-elle remarquer d'un ton mordant.
Esther prend une grande inspiration avant de répondre, tentant de simplifier les intrications politiques et familiales en une métaphore. « On va faire plus simple. La famille de Sirius, c'est les nazis. Ta famille, c'est les alliés. Et ma famille, c'est la Suisse qui prend l'or des nazis et cache des juifs parfois. Tu comprends mieux ? »
James, avec un air perplexe, rétorque, « Non. »
« Quand tu veux rester neutre, tu ne peux pas simplement te tenir à l'écart, » explique Esther, la patience dans la voix. « Il faut jouer sur les deux tableaux pour protéger tes intérêts. »
James, toujours avec son impulsivité légendaire, s'exclame : « Ça vous dit, on s'enfuit tous dans un autre pays ? »
Isobel, dans un élan de cynisme typique, rétorque : « Tu es naïf si tu crois que les autres pays sont mieux. »
Alors que la tension grimpe, Sirius, tente d'alléger l'atmosphère. « Ça vous dit, on va venger James ? Ça, au moins, je peux le faire maintenant. » Et à ces mots, un sourire malicieux éclaire son visage, apportant un peu de légèreté à cette journée.
Le 25e jour de Juin 1971 :
Sous l'immensité d'un ciel capricieux, où les nuages jouent à cache-cache avec le soleil, les prémices d'une aventure commencent à se dessiner pour trois jeunes presque amis. Sur une vieille couverture décolorée par le temps, étalée au milieu d'une clairière, Severus, avec un enthousiasme presque palpable, partage les secrets de l'école de sorcellerie.
Ses mains s'agitent dans tous les sens pour mettre en scène ses récits. Il décrit les quatre maisons - Gryffondor, la fière ; Poufsouffle, la loyale ; Serdaigle, la perspicace et Serpentard, la rusée - avec une précision de conteur. Ses paroles dépeignent les couloirs mystérieux, les portraits animés, et les professeurs aux personnalités singulières.
Lily, avec ses taches de rousseur qui semblent danser sur ses joues à chaque nouvelle découverte, écoute avec une attention quasi religieuse. Ses mains se crispent de temps à autre sur la couverture, trahissant son impatience de rejoindre ce monde merveilleux. À côté d'elle, cependant, une ombre s'assombrit un peu plus à chaque nouveau détail. Petunia, sa sœur, a le visage marqué par une moue de dédain croissant. Ses bras sont croisés et ses lèvres se pincent un peu plus chaque fois que Severus évoque un sortilège ou une potion. Elle n'est pas dupe. Elle voit la distance qui se creuse entre elle et sa sœur, une faille causée par un monde qu'elle ne pourra jamais comprendre ni rejoindre. Un monde où elle est reléguée au rang de simple moldue, d'étrangère.
L'air de la clairière, empli des chants d'oiseaux et du doux bruissement des feuilles, se raidit soudainement quand Petunia, ses yeux clairs assombris par la frustration, interrompit le flot de paroles de Severus. « À quoi ça sert tout ça ? » lâcha-t-elle avec un mélange de dédain et de confusion, ses narines frémissantes. « De la magie, des balais volants... Tout ça semble... ridicule ! »
Les longs cils de Lily papillonnèrent, l'exaspération faisant brièvement scintiller ses iris émeraude. Sa bouche s'ouvrit, prête à riposter, mais elle n'en eut pas l'occasion. Le vent caressa les cheveux d'ébène de Severus tandis qu'il fixait Petunia, son regard sombre trahissant une pointe d'amertume. « Tu ne comprends pas, Petunia », dit-il d'une voix basse, chaque mot sculpté avec précision. « Ce n'est pas de la fantaisie. C'est réel. » Une pause. Puis, avec une pointe de malice, il ajouta, « T'es juste jalouse que Lily ait un don que tu ne posséderas jamais. Une sorcière, face à une... banale moldue. »
Le visage de Petunia s'empourpre. « Je ne suis pas jalouse ! » s'écrie-t-elle, sa voix trahissant sa fureur. Elle le dévisage, ses yeux clairs et perçants fouillant Severus comme s'ils pouvaient le transpercer. « Parle-moi de jalousie alors que tu n'es qu'un gamin tout crasseux sortant d'un taudis, » crache-t-elle, chaque mot prononcé avec une véhémence froide. « T'es sale, Severus. Aussi sale qu'un rat d'égout. »
Lily, dans un élan quasi-maternel, s'efforce de maîtriser la montée de tension. « Tunie, s'il te plaît, calme-toi... », dit-elle, adoptant ce ton que l'on emploie lorsque l'on doit désamorcer une situation explosive. Ah, l'innocence de la jeunesse ! Croire qu'une simple parole suffirait à faire fondre des mois de rivalité accumulée.
Pendant ce temps, Mère Nature - ou est-ce ce cher petit Severus ? - semble avoir des plans un peu plus... dramatiques. Car, n'est-ce pas une splendide journée pour tenter d'ensevelir sous une branche la sœur de votre unique amie ? Dans l'univers impitoyable sorcier, qui résisterait à la tentation de jeter un sort pour calmer une bouche trop bavarde ?
Un bruit strident se fait entendre, la branche chute avec la grâce d'un piano lourd. Elle avait clairement des vues sur Petunia, mais cette dernière, esquiva l'attaque.
Severus a les yeux tellement écarquillés qu'ils semblent prêts à tout englober. Ces yeux brillent d'une étincelle qui hurle : « C'est Moi ! » Aussi transparent qu'un verre d'eau, pour une fois.
« Tu as tenté de me tuer ! » Petunia l'accuse sans la moindre hésitation, en pointant un doigt accusateur vers lui.
« Je n'ai rien fait ! » se défend Severus, le mensonge imprégnant chacun de ses mots. C'est peut-être sa meilleure défense, mais il a la prudence de ne pas croiser le regard incendiaire de Lily.
Lily, sa voix vacillante, interpelle son ami : « Sev, comment as-tu osé ? »
Avec peu d'assurance il chuchote : « Je n'y suis pour rien. » Eh bien, c'était convaincant, n'est-ce pas?
Prise d'une terreur palpable, Petunia recule brusquement. Ses pieds, guidés par l'instinct de survie, la propulsent loin de la scène avec une précipitation fébrile.
Quant à Lily, ses yeux se remplirent d'un mélange de colère et de déception laissant Severus mijoter dans son propre jus d'embarras.
La journée, d'abord paisible, vire au drame. Et une petite note pour Severus : peut-être qu'un peu de pratique ne ferait pas de mal, la prochaine fois il faudra mieux viser.
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