Nous continuâmes de marcher dans le silence, où seuls les bruits sourds de mon cœur en détresse résonnaient. Severus était si malheureux. Pourquoi n'avait-il pas d'autres amis, à Serpentard ? C'était idiot de s'enfermer sur soi même ainsi. Et pourtant, Severus était tout sauf idiot.

Son amour pour Lily dépassait tout ce que j'avais imaginé.

-Pourquoi est-ce que tu ne lui as jamais dit ? murmurai-je, le cœur serré de douleur pour mon ami.

Il se crispa :

-Jamais elle n'aurait pu aimer quelqu'un comme moi.

Je retins une réplique compatissante ; Severus n'avait pas besoin de poursuivre cette discussion.

-Bon, qu'est-ce qu'on fait alors ? l'encourageai-je, pour lui changer les idées.

Son expression se vida de la tristesse apparente qu'il avait conservé jusqu'ici pour esquisser un sourire mesquin :

-On change le mot de passe de la Grosse Dame. Lily connaîtra l'enfer de dormir dans un couloir...

Je claquai des mains, une nouvelle énergie irriguant mes membres :

-Allez !

***

Les escaliers mouvants nous déposèrent au pas du portrait de la Grosse Dame, où celle-ci se recoiffait coquettement. Severus se dressa face à elle :

-Nous voudrions changer le mot de passe pour entrer dans la salle commune des Gryffondors.

La gardienne coulissa dans notre direction, un sourcil haussé, avant d'éclater d'un grand rire fou. Severus et moi échangeâmes un regard déconcerté ; qu'y avait-il donc de drôle ?

-M'enfin ! grogna la Grosse Dame, les plis de son cou apparaissant comme un accordéon graisseux, un sourire de carpeau étalé sur ses lèvres. Vous croyez que vous pouvez faire ça comme ça ?! Imaginez si les élèves avaient le droit de le changer comme ça, à volonté ! Ce serait le chaos !

Elle s'élança à nouveau dans un rire haché, et je poussai un soupire d'exaspération :

-On voudrait juste empêcher cinq élèves d'entrer.

-James Potter, Sirius Black, Peter Pettigrow, Remus Lupin et Lily Evans, les cita Severus comme pour nous justifier.

Le rire de la gardienne cessa, et elle nous toisa d'un regard calculateur :

-Ce sont de jeunes garnements très agaçants que vous citez là.

-Empêchez les de rentrer cette nuit alors, s'il vous plaît, la suppliai-je en joignant les mains.

Elle secoua son éventail et abaissa des yeux hautains dans notre direction :

-Bien, entendu. Potter et sa bande ne passeront pas ce soir.

Severus esquissa un sourire satisfait et tourna les talons. Je remerciai la Grosse Dame et rejoignis le jeune homme qui me devançait ; voilà une chose qui ne flatterait pas l'orgueil des Maraudeurs. Voilà une chose qu'ils ne seraient pas prêts d'oublier.