Et la lumière fut.

La gueule béante qui m'avait dévorée toute crue s'ouvrit, et de puissantes griffes déchirèrent le rideau obscur qui me plongeait peu à peu dans le gouffre sans fin qu'était la mort.

Mais alors que tout semblait si calme, la douleur survint brutalement et m'incendia les poumons. Mes membres se rattachèrent brusquement à mon esprit, et celui-ci les sentit secoués de spasmes, tremblants. Mon corps entier convulsait sous le désir ardent d'expirer ne serait-ce que la moindre bouffée d'air. La moindre petite bulle.

Mes yeux suivirent et s'ouvrirent subitement. Si la lumière m'aveugla et que le froid me brûla les iris, tout comme le reste de mon être, je n'y prêtai pas attention. Une main me souleva et me retourna ; ma gorge s'incendia et un liquide brûlant s'y déversa. Je vomis, douloureusement, et lâchai d'affreux râles de souffrance intérieure.

Puis, lorsqu'enfin mon estomac cessa de s'essorer, j'inspirai une grande bouffée d'air et mon corps tout entier se décontracta. Si j'avais toujours des nausées, j'étais vivante. J'étais vivante et c'était tout ce qui importait à mes yeux.

-Elle est revenue ! hurla une vieille voix féminine, aussi émue que tremblante.

Une masse se tassa à mes côtés et une ombre grandit : si je ne voyais absolument rien, je savais qu'il y avait là plusieurs personnes.

-Elle est vivante ? souffla une autre voix, inquiète, et mon coeur manqua un battement : était-ce Severus ?!

-Oui, lui répondit la première voix, dans laquelle un immense soulagement transparaissait.

Je clignai des yeux à plusieurs reprises, pour en chasser le flou et l'eau qui demeuraient. Je vis là McGonagall, Dumbledore, Remus, Lily et Severus ; perplexe tout comme hébétée, je me demandai ce que ces deux derniers venaient faire là.

McGonagall m'aida à m'assoir, et à nouveau l'envie de dégobiller me prit. Les vertiges se joignirent à la fête, mais je tins bon. Mes yeux s'écarquillèrent lorsque je vis la foule de personne qui nous entouraient : professeurs tout comme élèves, ils me regardaient tous avec un drôle d'air. Auraient-ils eut peur que je meure ?!

-Par Merlin, lâcha Slughorn d'une voix tremblante tout en s'approchant. Tu nous as fait une de ces peurs...

Je gardai le silence ; étais-je émue de les voir dans cet état, ou bien étais-je toujours dans les vapes et mon esprit inventait le soulagement sur les visages de tous ceux qui m'entouraient ?

-Mais enfin, que vous a-t-il prit ?! s'emporta McGonagall, le regard à nouveau sévère. Personne n'était là pour vous surveiller ! Heureusement que Lupin court vite !

L'intéressé se frotta l'arrière du crâne, embarrassé du compliment.

-Vous étiez morte, Miss Goeth, m'expliqua Dumbledore en m'accordant un regard tout aussi compatissant qu'infiniment soulagé.

Et je crus bien l'être une seconde fois ; le choc me fit lâcher un frisson, et un vent glacial me traversa. 

Morte.

Quelques minutes durant, j'avais été morte. Mon esprit s'était envolé, mon corps était devenu blafard et immobile. Mon sang se glaça à seule pensée de ma dépouille étendue au fond de l'eau, comme une épave depuis longtemps oubliée de tous.

Je relevai alors les yeux vers Severus. Il n'avait pas bougé. Était-il venu parce qu'il tenait toujours à moi ? Voulait-il me pardonner et reforger notre amitié ? Mais à l'instant où nos regards se croisèrent, il tourna les talons, les mains dans les poches et les épaules relevées jusqu'aux oreilles pour se protéger du froid. Mon coeur se serra ; j'étais à nouveau seule.

-Madame Pomfresh va s'occuper de vous, lâcha McGonagall en se relevant.

 Une femme vêtue d'une blouse blanche s'approcha et m'attrapa doucement sous les aisselles, pour m'aider à me redresser. Mes jambes étaient secouées de spasmes, comme si elles étaient incapable de me soutenir plus de quelques secondes. Agacée de leur incapacité, je lâchai une grimace et tâchai de faire cesser les tremblements. Puis, épaulée de Pomfresh, Dumbledore et McGonagall, je m'engageai sur la colline enneigée pour rejoindre le château.