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Halloween, ma fête préférée ! Les décorations, les costumes, les films d'horreur, les bonbons, les histoires qui font peur : c'est juste tout ce que j'aime. Sauf que, c'est la première année que je la fête vraiment. Enfin, on ne fait pas le tour des maisons pour avoir des bonbons, parce qu'on est trop vieilles. On n'a pas organisé de fête, parce que personne de notre classe n'était intéressé par Halloween. On s'est pas déguisées, parce qu'on avait la flemme. On s'est contentées de manger des popcorns devant des films, allongées dans le canapé. Un bon Halloween quand même, bien flippant et marrant !
Sur le canapé, Lou et moi sommes serrées l'une contre l'autre, les popcorns sur les genoux, le générique de The Conjuring 2 défilant sur l'écran de la télévision. On n'ose pas bouger. La première partie du générique nous a achevées, alors qu'on était déjà en PLS à cause des quatre films d'horreur que l'on avait regardé. On ne va pas réussir à dormir, je le sais. On ne va pas réussir à aller se coucher non plus, d'ailleurs.
– Faut rallumer la lumière.
Lou me regarde. On dirait qu'elle me l'ordonne. Je secoue la tête.
– Vas-y toi !
À son tour, elle fait « non » et remonte le plaid sur ses épaules.
– Il faut qu'on aille se coucher. On ne va pas y aller dans le noir ?
– On a qu'à dormir là.
Je fais les gros yeux, mais Lou continue :
– Mes parents diront rien si on dort sur le canapé. Avec mon frère, on le fait tout le temps.
– Lou...
En levant les yeux au ciel, je soupire. Il est hors de question que je dorme sur le canapé. Je veux un vrai lit moi.
En prenant mon courage à deux mains, je repousse la couverture et pose le bol sur la table basse. Je prends une grande inspiration, allume la torche de mon portable et prend mon élan pour courir en direction de l'interrupteur. Il est à environ trois mètres de moi, en direction du couloir. Je ne sais pas ce qu'il y a dans le couloir. Il y fait trop noir. Peut-être qu'un tueur s'y cache. Peut-être qu'un fantôme est là. Peut-être qu'un corps possédé va sortir de la pénombre. Peut-être que Valak se tient au fond du couloir.
Lou et moi échangeons un regard. D'un signe de tête, elle m'encourage. Elle a l'air aussi apeuré que moi. On a été super intelligente de faire ce genre de soirée. Surtout sachant qu'on a la maison pour nous toutes seules. Nous, les deux filles les plus trouillardes de cette planète, on a décidé de regarder les deux Annabelle et les deux The Conjuring à la suite, dans le noir, sans personne pour nous réconforter. Quelle idée brillante !
J'inspire. Je serre les dents. Je brandie mon téléphone. D'un bond, je contourne le canapé. D'un second, je me rapproche du couloir. Du troisième, je saute sur l'interrupteur. La lumière inonde le salon, me faisant mal aux yeux. Elle éclaire légèrement le couloir. Juste assez pour que je discerne une masse.
J'hurle, pétrifiée.
Elle est là. Ce visage blanc. Cette tenue noire. C'est la Nonne du film. Le démon Valak. Elle va nous tuer.
Le hurlement de Lou se mêle au mien.
Je vais me faire pipi dessus. Mon cœur va sortir de ma poitrine.
Pourquoi elle n'avance pas vers moi ? Pourquoi elle ne glisse pas rapidement jusqu'à moi pour aspirer mon âme ? Pourquoi elle reste au fond du couloir sans bouger ?
La main tremblante, je lève mon téléphone en direction de Valak. J'arrête immédiatement de crier et soupir de soulagement. Je me retourne vers Lou.
– Arrête de crier, je me suis faite peur toute seule. Il n'y a rien !
Elle s'empresse tout de même de me demander :
– C'était quoi ?
– Le porte-manteau.
Lou fronce les sourcils. En éteignant la lumière de mon téléphone, Je lui explique :
– Mon bonnet blanc posé sur mon manteau noir, j'ai cru que c'était la Nonne du film.
Elle grimace, avant d'être prise d'un fou rire. Les yeux fermés, elle se roule sur le canapé et fouette l'air avec ses pieds. J'essaye de garder mon sérieux en lui lançant un regard noir. Seulement, la voir se secouer comme ça et ma réaction stupide me font exploser de rire à mon tour. Pendant plusieurs secondes, on se marre. On ne s'arrête que lorsque nos abdominaux commencent à devenir douloureux.
Les bras croisés sur le ventre, je regarde Lou qui va éteindre la télé, entortillée dans son plaid. Avec un ton toujours amusé, elle me dit :
– On ramassera tout demain matin. Je suis crevée.
– Et pourtant, tu étais prête à dormir sur le canapé.
– Parce que j'étais justement crevée !
Elle ponctue sa phrase en grimaçant. Je lui réponds en tirant la langue. En grognant, elle me fait me tourner et me pousse vers le couloir. Il est toujours dans le noir. Maintenant que je sais que ce n'est qu'un porte-manteau au fond du couloir, je ne vois plus Valak. Pourtant, je n'ai toujours pas envie d'y aller sans lumière. Pour empêcher Lou de me faire avancer, je pèse de tout mon poids contre ses mains.
– Allez, au lit, Marie-Ange !
– Pas sans lumière.
– L'interrupteur est à côté de toi...
Me sentant idiote, je lui ris bêtement et appuie sur le bouton. Le couloir s'éclaire et sens me faire prier, je m'y faufile. À la moitié du chemin, Lou arrive en courant à côté de moi et m'attrape le bras.
– J'ai éteint la lumière du salon. J'ai eu peur que quelque chose en surgisse.
Avec un air compatissant, j'acquiesce. Collées l'une contre l'autre, nous allons droit vers la chambre, sans passer par la case salle de bain. On n'a pas besoin de se concerter pour savoir que se laver les dents, même si elles sont pleines de popcorns, est une option en vue de la trouille qu'on a. La sécurité de notre couette est bien plus importe !
En même temps, nous éteignons la lumière du couloir et claquons la porte de la chambre. Nous nous appuyons contre celle-ci, comme si nous venions de réussir à échapper à un tueur en série.
– On n'aurait jamais dû regarder ces films.
– Je confirme. On aurait du re-regarder un Tim Burton, au moins, c'est dans le thème Halloween, mais ça fait pas peur.
J'acquiesce. Lou me lance un regard entendu. Elle avance vers le milieu de la chambre et se met à chantonner :
– Boys and girls of every age
Wouldn't you like to see something strange?
Je souris et continue la chanson :
– Come with us and you will see
This, our town of Halloween
L'une en face de l'autre, penchées en avant, secouant les épaules en rythme, nous disons en cœur :
– This is Halloween, this is Halloween
D'une voix grave, Lou fait :
– Pumpkins scream in the dead of night
De nouveau en cœur, on danse sur :
– This is Halloween, everybody make a scene
Trick or treat till the neighbors gonna die of fright
Je finis avec la voix la plus aigüe que j'ai en stock :
– It's our town, everybody scream
In this town of Halloween
Les yeux dans les yeux, on explose de rire.
– Ça aurait définitivement été un meilleur choix. Au moins, on aurait été capable d'être dans le noir sans se faire pipi dessus.
Je pouffe de rire, tout en me laissant tomber sur le petit matelas installé sous le lit en mezzanine de Lou.
– Surtout que je suis sûre qu'on va avoir super peur, sachant qu'on ne dort même pas dans le même lit.
Un pied sur le premier barreau de son échelle, Lou me répond :
– Ah non mais moi, une fois là-haut, je mets ma tête sous les couvertures et j'en sors plus jusqu'à ce que mes parents nous réveillent demain matin.
– Je vais faire pareil alors...
– Tu ferais mieux, oui.
Vivement, elle hoche la tête et grimpe jusque dans son lit. Je la suis du regard, tout en me glissant sous les couvertures, que je remonte jusqu'à mes yeux.
– J'éteins la lumière ?
D'un bruit de bouche peu convaincu, j'acquiesce. J'entends un clic. On est plongées dans le noir. Je ferme les yeux et recouvre ma tête avec la couverture. Au-dessus de moi, Lou s'agite et je devine qu'elle a fait pareil. Combien de temps ça va nous prendre pour nous endormir ? On est fatiguées, mais la peur va nous forcer à rester éveiller. Sauf que, qui dit insomnie, dit esprit qui se fait des films et ça, ce n'est vraiment pas bon. Je vais avoir encore plus peur.
Je vais me concentrer sur autre chose, pour ne pas penser aux horreurs que j'ai vues ce soir. Je vais penser au dernier clip de Shawn Mendes par exemple. C'est bien de penser à Shawn Mendes. Shawn Mendes qui regarde par la fenêtre d'une voiture. Shawn Mendes en chemise blanche bien moulante. Shawn Mendes qui sourit de cette façon craquante qui fait sortir sa fossette. Shawn Mendes en peignoir vert olive. Shawn Mendes sous la douche. Shawn Mendes qui rase une barbe inexistante. Shawn Mendes qui...
Shawn Mendes et moi.
Mes yeux papillonnent. Il y a quelqu'un à l'entrée de la chambre. Enfin, je crois, je ne suis pas sûre. Mes yeux sont encore plein de sommeil et Shawn me rappelle à lui.
Shawn Mendes tient la poupée Annabelle et la Nonne me tue.
Je suffoque.
J'ouvre grand les yeux. Il fait encore sombre. Je suis où déjà ?
Mes yeux s'habituent à la pénombre. Je discerne les lattes du lit de Lou. Du coup de l'œil, je vois autre chose. Je me retourne. Je me fige. Des jambes. À quelques centimètres de mon visage, il y a des jambes. Elles sont immenses, immobiles. On dirait que la personne regarde Lou. Est-ce que c'est son père ? Il est déjà le matin ?
Je ne bouge pas. Je respire à peine. Je me contente de fixer ses jambes. Elles semblent nues. Des mains, longues et minces, très minces, pendent le long. Ces bras et ces mains ne sont pas proportionnels par rapport aux jambes. Un corps humain ne peut pas être fait comme ça. Est-ce que je rêve encore ? Ça doit sûrement être ça.
À moins que...
Lou m'a parlé d'une histoire de vision. D'une apparition qu'elle aurait vue deux fois. Elle m'a dit qu'en se réveillant dans la nuit, elle avait vu quelqu'un de grand qui la regardait à travers les barreaux de son lit. Elle a insisté pour dire que ça ne pouvait pas être un fantôme, mais que ce devait être une sorte de paralysie du sommeil ou d'hallucination. Est-ce que ce genre de chose se transmette ? Je ne pense pas. Ça ne me parait pas possible.
Mais, ce que semble être cette chose inerte ne me peut pas être possible non plus. Ce doit être mon esprit qui divague. Le trop plein de sucrerie et de films d'horreur.
J'ai beau me répéter ça. Je ne peux quitter l'ombre des yeux et empêcher mon corps de trembler. Qu'est-ce que c'est en train de faire ? Pourquoi est-ce que ça regarde Lou ? Pourquoi c'est si grand ? Est-ce que ça lui fait du mal ? Est-ce que je devrais réagir ? Est-ce qu'on est en danger ?
J'ai peur. Une peur pire que celle que m'a filé les films. Une peur qui me prend dans le ventre et qui me fait mal. Ça me tord les boyaux. Ça me donne envie de vomir. Ça me donne envie de pleurer. Ça me tétanise. Ça me brouille l'esprit. Ça m'énerve. Ça me donne envie d'hurler.
L'ombre, la chose, le démon bouche sa main. J'arrête de respirer.
Ses doigts disparaissent dans le lit de Lou. J'écarquille les yeux.
Un sifflement perce le silence. Mon sang se glace.
Sa main retombe le long de son corps. Je tremble.
Ça se penche. Je retiens un cri.
Ses yeux rouges me fixent. Ses cornes me menacent. Son contour est flou, comme s'il bougeait rapidement. Ça me fixe, pourtant c'est comme si ça ne me voyait pas.
D'un mouvement mécanique, ça se redresse. Je ne le lâche pas du regard.
Ça marque un temps d'arrêt. Je me suis fait pipi dessus.
Ça se met en marche en direction de la porte. Je pleure.
Ça disparait. Je n'ose pas bouger.
– Lou ?
Ma voix est faible, presque inaudible. J'ai peur que la chose revienne. J'ai peur que Lou soit morte. Je sens qu'elle est morte. Je sens qu'il lui est arrivé quelque chose.
Les larmes dévalent mes joues, je prends mon courage à deux mains et repousse la couverture. Je pose un pied au sol, silencieusement. Je retiens ma respiration. J'ai peur de ce que je vais voir. Je monte sur l'échelle. Les cheveux roux de Lou sont étalés sur son oreiller. Je ne vois pas son visage.
D'une main, je la secoue.
– Lou ?
Sa tête roule vers moi. Je tombe à la renverse, un cri silencieux quittant mes lèvres et les yeux écarquillés. Le visage de ma meilleure amie a la même expression, à une exception près le sien n'a plus de vie.
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