" Tu pourrais faire un peu plus attention, il s'agit de ta santé ! "

Combien de fois as-tu entendu cette phrase ?

Trop à ton goût.

" Je sais que c'est dur."

Non.

Ils ne savent pas.

Cette maladie que tu as depuis ta naissance, personne ne peut la comprendre, à moins de l'avoir.

Combien de fois as-tu voulu jeter ces seringues par la fenêtres ?

Des milliers de fois, si ce n'est plus.

Mais tu continues les injections.

Par ce que tu ne veux pas mourir, même s'il t'arrive de te dire que la mort vaut mieux qu'une vie non épanouie.

Et tu le sais, le diabète ne permet pas de s'épanouir pleinement.

Bien sûr, on te dira qu'il y a pire.

Tu le sais bien, mais tu souhaites tellement être "normale", pouvoir manger sans devoir t'injecter quoi que ce soit, manger quand tu as faim et ne pas manger quand tu n'as pas faim.

Faire des soirées sans avoir à contrôler le taux de sucre dans ton sang toutes les demies heures.

Mais c'est impossible.

Et tu en souffre.

Mais tu ne veux pas le montrer à tes proches.

C'est pour ça que quand tu sens que tu vas craquer, tu vas dans ton "coin spécial".

C'est une vieille clinique désaffectée, dont l'accès est supposé être interdit, mais elle n'est jamais surveillée.

Tu montes sur le toit, et laisse exploser ta rage, ta tristesse et ton désespoir.

Sauf qu'aujourd'hui, alors que tu laisses couler les larmes que tu as trop longtemps retenues, quelqu'un s'assoit à côté de toi.

Il te demande la raison de tes larmes.

Et là, sans que tu puisses l'expliquer vraiment, tu lui dis tout, lui ouvrant ton cœur totalement.

Il en fit de même, te racontant ses problèmes.

Une fois qu'il a fini, il t'annonce qu'il doit partir, et te lance un petit "à bientôt" avant de s'effacer.

C'est alors que tu remarques que tu ne l'a pas regardé, pas une fois, et ça te plaît d'apprécier cette personne sans savoir à quoi elle ressemble.

Tu reviens donc de plus en plus à cette usine, et il est là quasiment à chaque fois.

Vous parlez de tout, comme si vous vous étiez toujours connus, et tu commence à positiver sérieusement, grâce à lui.

Tes sentiments pour lui deviennent de plus en plus fort au fil du temps, et tu as peur qu'il le remarque et décide de s'éloigner.

Tu ne t'en relèverais pas, tu le sais.

~

Un jour, en te dirigeant vers votre coin secret, tu trouve à la place de celui ci un grand tas de gravats.

Tu tombes à genoux devant la vue.

Le lieu qui a retenu tant de larmes et de cris de ta part, où tu es tombée amoureuse pour la première fois, est détruit.

Et tes espoirs de le revoir partent peu à peu en fumée.

Jusqu'à ce qu'une main se pose sur ton épaule.

Sa main. 

Vous restez silencieux un moment, jusqu'à ce qu'il décide de prendre la parole :
- Dis, qu'est ce qui t'a plu en premier chez moi ?

"Ah. Merde."

Sont tes premières pensées suite à sa phrase.

En effet, il a remarqué tes sentiments.

Tu reprends ton calme, et lui répond :
- Quand les gens apprennent ma maladie, ils disent soit " oh ma pauvre ", " je te comprends " ou " tu sais, il y a pire ". Mais pas toi. Tu ne m'as pas prise en pitié, mais tu ne m'as pas non plus rabaissée. Avec toi, je me suis sentie normale, humaine, pour la première fois.

Suite à ta tirade, tu rajoute, stressée, un petit :
- Et toi ?

Il sourit.

Tu ne sais pas comment, mais tu le sais.

Il répond :
- Ton humanité. Elle transparaît dans chacun de tes cris, de tes larmes et de tes sourires. Et avant même de m'en rendre compte, j'étais sur le toit, espérant te revoir. À tes côtés, j'oublie toute ma peine, toute ma douleur. Et j'ai fini par tomber amoureux de toi. Mais j'ai peur de tout perdre. Tu penses la même chose n'est ce pas ?

- Oui. Mais sache que je ne te laisserai jamais tomber.
Répond tu, tandis que des larmes de joie commencent à dévaler tes joues, ayant l'air d'avoir deviné la suite des événements avant toi.

- Je te promet de ne jamais te laisser sans t'en donner la raison.
Te dit-il.

Il ne te promet pas l'éternité.

Mais ça te va.

Tu préfère ça, plutôt qu'il te laisse alors qu'il t'avait promis le contraire.

Il rajoute d'une voix douce :
- Je t'aime. Même si je trouve que ces mots ne sont pas suffisants pour exprimer ce que je ressens.

Un doux sourire se forme sur tes lèvres, et tu te tournes vers lui, découvrant son visage pour la première fois.

Tu poses tes mains de chaque côté de son visage, effleurant sa cicatrice, avant de les faire glisser sur ses joues, et de l'embrasser, tentant de lui faire comprendre que tu acceptes tout de lui, et que tu l'aimes plus que tout.

Il te prend ensuite dans ses bras, et au moment où il pose sa tête sur ton épaule, tu sens qu'elle devient humide.

Tu resserre ta prise et chuchote d'une voix douce :
- Si le destin existe, c'est lui qui nous a réuni, enfin j'espère. Parce que pour l'instant, je n'imagine pas ma vie avec quelqu'un d'autre que toi.

- Moi non plus.
Répond-il, avant de prendre ta main.

Vous commencez ensuite à marcher sur le chemin de l'usine, en vous imaginant que c'est celui de votre vie ensemble.