Chapitre 28 : Chaudron et potions
Dans le dortoir de la tour de Gryffondor, Harry se réveilla plusieurs fois, le cœur battant avec la sensation d'oublier quelque chose de capital. Chaque fois qu'il se rappelait Draco, il replongeait dans ses oreillers, irrité. Il avait passé un nombre de soirées voire de nuits incalculables avec lui entre la Salle sur Demande et le manoir Malfoy, pourquoi est-ce que d'un coup son cerveau décidait de stresser ?
Pire que tout, chaque fois qu'il écartait les rideaux de son lit, le ciel lui renvoyait une voûte étoilée. Cette foutue nuit n'en terminait pas et le visage aux traits aristocrates, aux yeux gris et aux cheveux pâles revenait sans cesse.
– Harry... ? Harry ? Tu ne te lèves pas ?
Il s'arracha à ses couvertures si vite que le dortoir vacilla autour de lui. Un soleil encore doux caressait sur le plancher.
– Il est quelle heure ?
– Sept heures, max, répondit Ron en frottant une main dans ses cheveux roux, réprimant un bâillement. Tu devais voir ton Malfoy non ?
– Ron !
Harry vérifia que les lits de Neville, Seamus et Dean ne remuaient pas puis attrapa de quoi se changer. S'il était sept heures, il avait encore du temps à tuer. Il décida de prendre une douche avant de déjeuner. Lorsqu'il descendit dans la salle commune, propre et habillé, Ron négociait avec les pièces de son échiquier pour qu'elles se rangent.
– Tu ne préfères pas dormir ? demanda Harry.
– Je mangerai bien un morceau.
La Grande Salle était presque vide, ils s'installèrent pour déjeuner et Ron se mit vite à piquer du nez dans son bol de chocolat chaud. Harry le soupçonnait d'être resté exprès. Sa présence était la seule chose qui parvenait à le distraire de la séance de potions à venir.
– Bon, t'es prêt ? fit soudain Ron en se massant les joues pour se réveiller.
– Prêt à quoi ?
– Ça va, y a personne. Prêt à affronter Malfoy ? Je veux dire, tu l'aimes vraiment, non ? Je savais pas trop quoi en penser, mais tu t'es quand même pris un Avada Kedavra pour lui. Je trouve toujours ça bizarre, enfin, c'est de Malfoy qu'on parle, mais bon, si je ne peux rien y faire... J'essayais d'y réfléchir et je m'imagine ça un peu comme quand il y avait Fleur. (Il grimaça à ce souvenir, ce qui réussit à faire rire Harry.) Tu dois te sentir un peu pareil non ?
Harry baissa les yeux vers ses mains. La boule était revenue se loger dans son estomac.
– Peut-être pas à ce point, mais oui. Ça me terrifie. Je ne contrôle rien quand il est là et le pire c'est que je ne sais jamais comment il va réagir. C'est le Serpentard le plus lunatique que j'ai jamais vu. Je n'aurais jamais dû faire ce que Ginny m'a proposé. Peut-être qu'il a déjà compris et qu'il fait exprès.
– Au pire tu n'auras qu'à faire comme si ça t'insultait qu'il pense que tu l'aimes et l'attaquer.
Harry attrapa un des toasts qui reposaient devant lui. Ron avait le don de tout dédramatiser. Le simple fait d'en parler comme si c'était le plus normal des sujets de discussion lui rappela que même dans le pire cas possible, son meilleur ami serait là. C'était quelque chose qu'il avait perdu de vue ces derniers mois. Il n'aurait jamais à tout affronter seul. Une bouffée de gratitude l'envahit.
– Merci, lança-t-il soudain, coupant Ron dans son plan machiavélique (qui consistait à transformer Malfoy en asticot pour l'empêcher de parler).
– Mais de rien. Et pour quoi ?
– Pour rien, répondit Harry en faisant mine de réfléchir : tu en étais à « on subtilise un verre aux elfes de maison ».
Il attrapa un nouveau toast en l'écoutant réfléchir à ses plans anti-Malfoy jusqu'à ce que son imagination s'essouffle, sachant qu'ensuite il allait devoir descendre aux cachots.
Quand il se leva, Ron lui souhaita bonne chance et attrapa une gazette du sorcier qui traînait pour passer le temps ; Hermione n'allait pas tarder à descendre.
– Bonne chance à toi aussi, lança Harry avec un sourire complice qui rendit Ron écarlate.
La température chuta alors qu'il descendait les marches de pierre menant aux cachots. À la lumière des torches, Harry s'efforça de penser à Ron et Hermione. Ces deux-là se tournaient autour, et au fond, ils avaient plus à perdre que lui avec Draco, après tout ce qu'il y avait entre eux était beaucoup plus fort. Peut-être qu'il ne prenait pas tant de risques que ça.
L'image de la Grande Salle emplie de nouvelles rumeurs sur Harry Potter amoureux de Draco Malfoy lui fit l'effet d'une douche froide. OK, si, il jouait avec le feu. La solide amitié qui liait Ron et Hermione, c'était aussi ça qui les protégeait. Aucun d'eux ne ferait volontairement du tort à l'autre. En ce qui concernait Draco Malfoy rien n'était moins sûr. Et même si ce n'était pas lui, Pansy, Théodore, Blaise, Crabbe et Goyle, la liste d'ennemis potentiels était longue.
Harry se figea devant la salle du cours de potions. Qu'est-ce qu'il fichait là ?
Trop de monde se posait déjà des questions. Les regards des autres Gryffondors la veille, juste parce que Draco était venu lui parler... Si certains se mettaient à fouiner et découvraient tout... ?
Ni Ron ni Hermione ni Ginny le trahiraient, mais et si on avait surpris leur conversation ? Il était presque sûr que ce Poufsouffle dans la Grande Salle avait entendu pour le rendez-vous la veille. Qu'est-ce qu'il gagnerait à rejoindre Draco ? Une amitié bancale, des rumeurs, de la frustration et de la peine quand Draco se trouverait quelqu'un et commencerait à l'effacer de sa vie. La seule chose qu'il pouvait faire à ce stade c'était de tourner les talons.
– Fascinante, cette porte, Potter.
Maudissant le monde, Harry poussa la poignée et entra. La salle était vide. Il entendit la porte se refermer derrière lui et se dirigea vers la table la plus proche. Son sac atterrit sur le bois sans délicatesse alors qu'il tentait de réfréner les battements de son cœur.
– Donc... qu'est-ce que tu veux réviser, Potter ?
– N'importe quoi, la potion que Slughorn nous a fait préparer au dernier cours, répondit-il sans avoir la moindre idée de ce qu'était la potion en question.
Draco déposa ses affaires à côté des siennes et se dirigea vers le placard contenant les ingrédients des potions. Il ramena plusieurs racines, des herbes, des scarabées en poudre et du sang de dragon pendant que Harry tentait de se rappeler la potion qu'il était censé avoir demandée.
En voyant la branche d'aconit, il eut un bref souvenir. La potion était une sorte d'antidote dont il ne se rappelait pas le nom mais au moins il voyait à peu près quoi faire. Après avoir classé les ingrédients selon l'ordre de préparation, il éminça les racines et alluma le feu sous l'œil critique de Draco.
Et critique était le mot. Il trouvait à redire sur tout. Au début, Harry se contentait de lever les yeux au ciel en prenant sur lui, au début, à présent il se demandait qui, entre sa potion et lui, bouillonnait le plus.
– Il faut couper...
– Légèrement en biais, j'avais compris ! répliqua-t-il.
– Alors, je ne sais pas, à tout hasard : fais-le ? Ce n'est pourtant pas si compliqué d'incliner la lame.
– Je l'incline. Tu veux peut-être que je te prête mes lunettes ?
Draco ramassa une rondelle d'aconit.
– Ça c'est une coupure en biais pour toi ?
– Oui, s'exclama-t-il, excédé, en dégageant la plante de sous son nez.
Faisant de son mieux pour paraître calme, serein et pas du tout hors de lui, il recommença à couper ses tiges, en s'appliquant pour que les incisions soient légèrement penchées. Mais la tige se morcelait lorsqu'il inclinait trop la lame et trouver le bon équilibre était difficile.
– Potter... fit Draco avec une pointe d'agacement.
– Quoi ?
– Tu tiens tête au Seigneur des Ténèbres et tu n'es pas capable de couper une tige ? Je ne te demande pas d'en faire des confettis, je te demande de la couper en biais. Comment fais-tu pour te planter, quelle que soit l'étape ?
– C'est toi que je vais planter si tu fais encore un commentaire, répliqua Harry en récupérant les morceaux abîmés pour les jeter dans le chaudron.
La mixture prit une teinte jaunâtre bouillonnante, loin du doré calme qu'il avait obtenu en suivant les indications du Prince de sang-mêlé. Il espéra un instant qu'en remuant, il parviendrait à récupérer une teinte plus proche de celle attendue mais ses espoirs se désagrégèrent en même temps que ses rondelles mal coupées.
– Tiens donc, c'est étonnant, ce n'est pas la bonne couleur, commenta Draco. Je me demande ce qui a pu rater ? Le découpage peut-être ?
Harry fit tourner son couteau dans sa main, envisageant très fort la possibilité de l'émincer lui au lieu des tiges nécessaires à la deuxième fournée. Avec les notes du Prince de sang-mêlé, il avait parfaitement réussi sa potion. Mettant sa fierté de côté, il recommença son découpage. Draco souffla, irrité.
– QUOI ?!
– Ce n'est pourtant pas compliqué, Potter !
– Figure-toi que si ! Le moindre millimètre d'écart et tout se casse !
– Dans ce cas pourquoi moi j'y parviens sans problème ?
– Oh, mais je ne sais pas, sans doute parce que tu es le Grand Malfoy !
Harry donna un coup un peu trop sec et un morceau de tige vola dans le feu magique qui brûlait sous le chaudron. Draco frappa la chaise entre eux pour la dégager du passage, se plaça derrière lui et attrapa sa main pour l'obliger à l'incliner.
– Qu'est-ce que tu crois que tu fais ? dit Harry, raide comme un piquet.
– Je t'oblige à réussir au moins une des étapes de cette satanée potion, répliqua Draco.
Il lui fit faire un coup sec et un morceau parfaitement tranché roula sur le côté.
Sauf qu'à ce moment, Harry n'était pas d'humeur à s'extasier sur un bout de plante.
Quand Draco recula et lui demanda d'un ton satisfait de reproduire son geste, il se rendit compte qu'il n'avait aucune idée de quoi faire. À tout hasard, il donna un coup de lame et la tige tomba en morceaux.
– Potter !
– J'ai fait exactement le même geste, répliqua-t-il avec une mauvaise foi absolue.
– Le même...
Draco reprit sa main et trancha trois fois, produisant trois pièces parfaites.
– Ça, c'est le même geste pour toi ? demanda-t-il sans le relâcher.
Le résultat de sa deuxième tentative lui parut satisfaisant. Draco s'écarta et s'adossa à la table.
– Je suppose qu'on n'aura pas mieux.
Se retenant de lever les yeux au ciel, Harry reprit ses découpages, mais la potion lui paraissait soudain beaucoup moins passionnante. De nouveau, il se demandait si l'attitude de Draco était normale.
– Ta potion va rater, plus que c'est déjà le cas, si tu continues à rêvasser, fit Draco.
Se reprenant, Harry fit tourner sa baguette au-dessus du chaudron puis reprit son découpage en ignorant les marmonnements quand il abîmait un peu trop la tige. Il avait trop en tête pour se concentrer sur une potion.
– À quoi tu penses ? demanda soudain Draco.
L'intensité avec lesquels ses yeux gris l'observaient le déstabilisa.
– Rien... rien en particulier, répondit-il en jetant les rondelles un peu mieux coupées à la surface frémissante.
Étonnement, Draco ne fit pas de commentaire. Il ne le quittait plus des yeux. Malgré les doux remous du chaudron, le silence de la salle devint vite gênant.
– Toi, à quoi tu penses ? lança Harry en relevant les yeux, le cœur battant.
Draco se désintéressa de lui.
– Rien.
Mouais. Il avait une idée derrière la tête ? La potion qui arrivait à son terme commençait à l'inquiéter. Ils allaient se dire quoi quand ils ne pourraient plus se crier dessus sur sa préparation ? Lorsqu'il en récupéra une fiole et la leva devant son visage, il vit Draco se rapprocher pour examiner la mixture. Son regard quitta vite le verre pour se planter dans le sien.
– C'est pas trop mal, dit Harry en reposant la fiole, sentant les coups répétés de son cœur contre sa poitrine.
Maintenant quoi ? Il ne voulait pas repartir.
– Peut-être que tu peux obtenir une mention Acceptable avec ce genre de bouillasse, mais si tu comptes viser l'Effort Exceptionnel ou l'Optimal, tu as encore du travail.
– Autant continuer.
– Quelle potion tu veux travailler ?
Un silence s'installa. Harry en profita pour vider le chaudron. Une potion ? Il n'avait pas vraiment envie d'en réviser une autre, il voulait juste rester plus longtemps.
– Ta cuisine à la moldue n'est pas si éloignée des potions, dit Draco, explique-moi comment tu fais pour être si mauvais ?
– Tu sous-entends que ma cuisine est bonne ? répondit Harry en haussant les sourcils.
– Comparé à tes potions, ça vaut un Effort Exceptionnel.
– J'ai plus d'expérience en cuisine qu'en potions et puis il y a rarement Rogue à côté de moi, prêt à faire des remarques désagréables quand je prépare quelque chose. Quoique... les Dursley n'étaient pas mal dans ce domaine.
– Tiens, parlons-en. J'aimerai comprendre pourquoi tu me confies des choses aussi personnelles si c'est pour devenir une tombe sur des sujets insignifiants après coup.
–Comme... ?
–Oh, à tout hasard, quand tu as failli nous faire repérer par Bellatrix juste pour ne pas que j'entende le nom de ta petite copine. Tu as peur que je te la pique ?
– Non, je n'ai pas peur que tu me la piques, Malfoy. De toute façon...
Il hésita, la question lui brûlait les lèvres mais il n'était pas sûr de vouloir entendre la réponse.
– De toute façon, il n'y a pas déjà quelqu'un qui te plaît ?
– Ça t'intéresse ?
– Je préfère ça à parler de moi, répondit-il en fixant le bord de son chaudron.
– Dans ce cas, oui j'aime quelqu'un.
C'était comme si une main invisible venait broyer son cœur, mais de peur qu'il guette sa réaction, Harry se força à sourire et à l'affronter.
– Vraiment ? Je ne vois pas... oh, si d'accord. Je vois qui c'est, en fait c'est évident.
– Qui ? répondit Draco en plissant ses yeux gris.
– Toi. Évidemment.
– Hilarant, Potter. Tu veux savoir ?
Harry fronça les sourcils. Ça sentait le piège à plein nez.
– Si tu y tiens... ?
Draco remonta la manche de sa chemise sur son avant-bras, dévoilant la marque des Ténèbres, et se pencha vers lui comme pour lui dire quelque chose. Les sourcils froncés, Harry fit de même. Est-ce qu'il savait quelque chose en rapport avec Voldemort et avait peur qu'on l'entende ? C'était pour ça qu'il lui avait demandé de descendre dans cette salle ?
– Tu voulais me dire quelque chose sur Voldemort ?
– Pas vraiment, non.
Draco se rapprocha encore et cette fois, il ne souriait plus. En une fraction de seconde, Harry comprit ce qu'il comptait faire. Un souffle brûlant se mêla au sien et il se cramponna au bureau. Draco l'embrassait.
Il ferma les yeux et eut l'impression que le sol se dérobait sous lui. Rien de ce qu'il avait imaginé n'était comparable à ce qu'il ressentait. Son cœur battait si vite qu'il semblait prêt à exploser, comme lorsqu'il piquait sur son balai sans savoir s'il parviendrait à redresser avant de heurter le sol. Sauf que cette fois, il ne tentait pas de redresser, il ne faisait que foncer à l'aveugle, redoutant un obstacle qu'il ne pouvait pas voir.
Il ignorait les intentions du Serpentard. Draco passa un bras autour de ses épaules et le poussa doucement contre le bureau. Un des Mangemorts en fuite, ses parents, quelqu'un lui avait peut-être dit... Dans quel monde Draco Malfoy serait intéressé par lui ? Quelques mois plus tôt, il le haïssait. Il avait promis de se venger. Le doute s'insinua dans ses veines comme un poison et sa raison lui hurla de se dégager.
S'il l'avait écoutée, Harry aurait été loin de Draco quand la porte de la salle s'ouvrit sur un groupe d'élèves, mais il ne l'avait pas écoutée.
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Hey hey hey, il reste officiellement 10 chapitres avant la fin ||O_O|||||| (bon il peut (et va) se passer beaucoup de choses en 10 chapitres, mais snif, déjà...)
J'espère que le chapitre vous a plu, ça me fait trop rire d'écrire leur dispute XD j'avoue, le petit "To be continued..." à la fin aussi.. la suite vendredi :p
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