Les Dotonniens (partie 1)
Alors que la terre se soulevait, malmenée par la colère des Dieux, que le soleil devenait rouge et que les hommes tombaient et mourraient dans d'atroces douleurs, Doton se leva, et sauva la race des hommes. Ce demi-dieu, fils illégitime du Dieu de la terre, avait décidé de sauver une jeune femme, dont il était tombé éperdument amoureux. Il l'emmena dans les profondeurs de la terre pour la protéger de la colère des Dieux, qui en voulaient depuis longtemps aux hommes -et dont la Colère venait d'exposer- de ne plus respecter la nature et de ne plus les vénérer.
Au tout début, la jeune fille hurla, tempêta contre le jeune demi-dieu, mais celui-ci réussit après de nombreux jours passés en sa compagnie à la convaincre de son amour véritable. Ainsi, bien protégés au fond des montagnes, sous terre, ils enfantèrent un bébé, puis plusieurs. De génération en génération, les enfants grandirent et firent d'autres enfants, et le petit village devint ville. C'est ainsi qu'aujourd'hui, nous, les enfants de Doton, sommes là.
La vieille referma le livre.
- Encore ! Encore ! reclamèrent les enfants avec empressement, tous agglutinés autour de la conteuse.
La conteuse sourit.
- Plus tard les enfants, c'est la 3ème fois que je vous la lis aujourd'hui.
Déçus, les enfants s'eparpillèrent, allant vaquer à d'autres jeux. Seul un petit garçon aux yeux pâles et à l'aspect fragile resta, suppliant du regard la vieille femme.
- Désolée mon Miko, c'était le dernière, dit la conteuse en lui ébouriffant gentiment les cheveux.
Le garçon lui lança un dernier regard triste, puis alla rejoindre ses camarades. La vieille soupira. Elle se faisait de plus en plus vieille, et elle allait atteindre bientôt les 60 ans. Cela la fatiguait de raconter des histoires aux enfants, mais elle aimait tellement voir leur petite bouille s'éclairer d'un grand sourire lorsqu'elle leur racontait leurs légendes ancestrales ! Surtout le petit Miko, son préféré. Celui-là avait toujours la tête dans les nuages, les yeux regardant vers le plafond de la grotte. Il était différent des autres enfants, plus mûr sûrement.
- À table !
La voix résonna dans toute la grotte. Les enfants cessèrent immédiatement leurs jeux et rejoignirent la salle commune, située en pein milieu de la caverne. Cette salle était immense, assez pour que les 600 Dotonniens puissent jouer, courir, faire du commerce et manger tous ensemble dans cet endroit. Comme d'habitude, tous les habitants prirent place autour des tables, alignés au centre. Il n'y avait pas de place fixée : les Dotonniens étant tous égaux, chacun s'asseyait avec qui il souhaitait, grand ou petit, jeune ou vieux. Une dame à l'allure bienveillante fit sonner la cloche. Le silence se fut peu à peu dans la salle. Quand tout le monde fut calme, tant et si bien qu'on aurait pu entendre une mouche voler, la Dame continua.
- Remercions Doton pour nous avoir offert ce repas, et pour nous sauvegarder de la folie extérieur en nous protégeant dans cette grotte.
Tous les habitant baissèrent la tête et joignirent leur main : ils priaient et remerciaient Doton, comme c'en était le rituel. Bien vite cependant, les rires et la convivialité revinrent, et les Dotonniens piochèrent dans les plats disposés devant eux, parlant et riant avec leurs voisins.
XXXXXXX
Après le repas, Isabel retourna dans son bureau. Elle se frottait les yeux : on lui avait appris que récemment, les galeries souterraines s'effrittaient, et certaines avaient même dues être fermées aux habitants car elles étaient jugées trop instables. Depuis qu'elle était devenue responsable fonctionnement de la cité, c'était la première fois que les galeries étaient aussi précaires. Quelqu'un toqua à la porte, la tirant de ses sombres pensées :
- Puis-je entrer ?
- Oui, viens.
Un homme entra dans la pièce. Il avait les tempes grisonnantes, mais un corps musclé et énergique. Son visage affichait un air souriant et il semblait détendu et assez sûr de soi. Il salua sa responsable, puis passa aux choses sérieuses rapidement :
- Depuis 6 jours, nous avons 5 galeries qui se sont écroulés, et 3 galeries jugées dangereuses. Cependant, et heureusement, ces galeries ne contenaient rien de bien important, des antiquités d'avant la Colère pour la plupart.
Les galeries contenant les habitants ont toutes été vérifiées ce matin, et rien à signaler.
Isabel ferma les yeux, soulagée. Puis un éclair lui traversa l'esprit, la faisant de nouveau douter.
- Et la grotte ?
Isabel attendit la réponse de Weissman, son adjoint, avec impatience et fébrilité tandis qu'il regardait droit devant lui. Il prit un grand souffle.
- Madame ! Il n'y a pour le moment aucune trace de fissures ou de cassures.
Isabel soupira de soulagement. Si la grotte s'effondrait, les Dotonniens seraient perdus, et mourraient enterrés sous les tonnes de terre les séparant du Dessus.
- Cependant, nous avons remarqué de grandes failles dans la terre entourant la grotte. Il y a peu de chances que ces failles ne finissent pas par atteindre la grotte.
Isabel laissa échapper un hoquet de stupeur. Cela n'annoncait donc qu'un sursis... La grotte finirait par s'effondrer, entraînant tous ses habitants. Mais son instant de faiblesse ne dura pas. Elle devait se montrer digne et fière, déterminée et courageuse. Elle inspira un bon coup, et appela tous ses adjoints dans son diffuseur de parole.
- Rejoignez moi dans mon bureau. Dans 10 min, ceci est un message urgent.
XXXXXXXX
Le tanneur sortit de son atelier. Il y avait bien une heure que tous les responsables de la ville était entrés dans le centre d'administration, et on ne les avait toujours pas vu sortir. C'était la première fois en 200 ans qu'une telle réunion se faisait, et le tanneur craignait le pire. Autour de lui, d'autres habitants s'étaient regroupés, dans l'attente de nouvelles. Sa femme arriva et l'embrassa.
- Tout va bien se passer, Kevin.
Le tanneur eut un sourire inquiet, et la regarda. Tout d'un coup, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi, il sentit ses yeux s'embuer. C'était quelque chose, sa petite femme. Elle était toujours la pour lui, le couvrant de sa présence discrète, jamais envahissante. Mais elle était aussi tellement forte ! Un vrai roc, imperturbable même dans la pire des tempêtes. Il prit sa femme dans ses bras et l'embrassa.
- Je t'aime
Elle lui répondit par un sourire confiant, et par un regard qui n'exprimait que l'immense amour qu'elle lui portait. Ils étaient en sécurité dans la grotte et rien ne pouvait leur arriver, ils étaient protégés par un Dieu. Après tout, ils étaient les enfants de Doton.
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- Quelle galère ! s'exclama Lei.
Alors qu'il était censé avoir son mois de congé, qu'il comptait au début passer à lezarder tranquillement en regardant les autres travailler, voilà qu'il se retrouvait à tapoter des rochers avec sa sonde. Depuis que les responsables avaient eu une réunion tous ensemble (événement exceptionnel qui n'avait encore jamais eu lieu en 200 ans), tous les mineurs avaient été mobilisés aux alentours de la grotte. Un contrôle de routine, disaient les responsables. Mais tous dans la grotte sentaient que quelque chose d'important se passait.
Pour finir d'irriter Lei, il avait été assigné à une zone étroite et exiguë avec deux jeunes, des amateurs selon lui. Chez les mineurs, Lei avait acquis une solide réputation : petit et trapu, il pouvait se faufiler dans la plus petite galerie, sans compter qu'il rechignait rarement au travail. Mais en ce moment précis, le mineur râlait, et pas qu'un peu. A cause d'effondrements beaucoup plus fréquents, il avait du sonder des centaines de galeries, travaillant non stop pendant 2 mois. Et voilà qu'alors que son travail touchait à sa fin, tout recommandait, avec des bleus comme acolytes en plus !
- Dis Calam, tu crois que la grotte va s'effondrer ? Que nous allons mourir ?
- Mais non Zenus, sinon les responsables nous aurait averti et auraient pris des mesures.
- Et si ils nous mentaient ? Pour ne pas nous fakre peur ? Ce serait affreux non ?
Et patati et patata. Leur bavardage futile ne faisait que l'importuner, surtout que le sondage n'avançait pas. Pour lui, il n'y avait pas à s'inquiéter : il n'avait pas peur de la mort, de toute façon, la poussière retourne à la poussière. Son cynisme venait peut-être du fait qu'il n'avait ni famille ni ami. Sa famille était morte depuis longtemps, et il plaçait son travail en priorité, considérant que parler est une perte de temps. Son éternel air bougon ne l'aidait pas non plus à lier connaissance...
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